Volcans du monde // Volcanoes of the world

Voici quelques nouvelles de l’activité volcanique dans le monde:

L’éruption du Piton de la Fournaise (Ile de la Réunion) continue. Le tremor montre des valeurs stables, avec toutefois une certaine baisse au cours des dernières 48 heures. Les très mauvaises conditions météo ne permettent pas de faire de bonnes observations sur le terrain. La mort des deux jeunes randonneurs va probablement mettre un terme, au moins pendant un certain temps, aux très belles images de l’éruption. Les données satellitaires confirment que le front de coulée est figé dans les Grandes Pentes, en amont du Cratère Bonnet. Le champ de lave s’étend latéralement. La coulée atteint une longueur de 3,5 km.

Source : OVPF.

Photo : C. Grandpey

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Un article paru le 21 avril 2021 dans le journal La Sicilia nous apprend que le Stromboli (Sicile) continue de donner un spectacle avec de fréquentes explosions projetant des matériaux incandescents. Malheureusement, les restrictions de déplacement liées à la pandémie de Covid-19 ne permettent pas aux touristes de profiter du spectacle depuis 400 m d’altitude, le point d’observation le plus haut autorisé actuellement.

Les guides de Stromboli ont toutefois pu atteindre le sommet du volcan pour accompagner des équipes de équipes de télévision. L’activité éruptive est qualifiée de moyenne à élevée par l’INGV. Elle se concentre essentiellement dans la zone cratèrique centre-sud où les guides ont repéré trois points d’émission, avec des gerbes qui montent à environ 250 m de hauteur.

Il convient de rappeler que des explosions de forte intensité sont susceptibles de se produire à tout moment, ce qui justifie les restrictions d’accès pour le public en général .

Source : La Sicilia.

Source: INGV

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Même si une explosion ponctuelle n’est pas exclue, il semble bien que l’éruption de La Soufrière de St Vincent soit en train de marquer le pas. Aucun événement significatif n’a été observé depuis l’explosion du 22 avril. La sismicité de présente que quelques événements longue période, hybrides ou volcano-tectoniques. Aucun épisode de tremor n’est enregistré. Les images  montrent la possible formation ou croissance d’un dôme ou d’une aiguille de lave (comme sur la Montagne Pelée en 1902), mais cette dernière hypothèse n’a pas été confirmée lors d’un survol du volcan le 26 avril. Le plancher du cratère émettait seulement des panaches de gaz et de vapeur. Le cratère semble rempli à ras bord de tephra, ce qui pourrait favoriser le déclenchement de coulées pyroclastiques. L’UWI prévient que de nouvelles séquences explosives peuvent se produire sans prévenir.

L’heure est maintenant au bilan. La situation est catastrophique à St Vincent, tant sur le plan économique qu’humain, avec des difficultés de disponibilité et d’accessibilité de la nourriture. Comme je l’indiquais précédemment, les pertes agricoles sont estimées à plus de 150 millions de dollars. Le Ministre de l’Agriculture a déclaré : «Nous sommes confrontés à une catastrophe dans l’agriculture, la pêche, les infrastructures routières et dans d’autres domaines.» Les autorités locales comptent sur l’aide internationale et celle des autres îles de la Caraïbe.

Source : Médias d’information locaux.

Source: UWI

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Après plusieurs semaines de calme, il semble que l’Etna (Sicile) ait envie de rappeler que c’est un volcan actif. Ces derniers jours, on a observé une hausse du tremor et la webcam L.A.V.E. montrait de l’incandescence au sommet du Cratère SE. On pouvait voir le 27 avril au soir une belle activité strombolienne sur l’une des webcams en streaming. Affaire à suivre

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Alors que l’éruption fissurale se poursuit sur la péninsule de Reykjanes (Islande), deux séismes ont été ressentis par les habitants de Reykjavik le 24 avril 2021 sur le coup de midi. D’une magnitude de M 3,0 et M 3,1, les épicentres se trouvaient à l’extrémité SO du lac Kleifarvatn. Le Met Office islandais indique qu’ils ne sont pas en mettre en relation avec l’éruption. Au vu des images fournies par les webcams, cette dernière semble moins spectaculaire qu’à ses débuts. Le double cône au nord de la fracture éruptive a cessé toute activité. En revanche, la bouche la plus au sud projette maintenant des lambeaux de lave à une cinquantaine de mètres de hauteur, au lieu d’une quinzaine de mètres auparavant. Le débit éruptif global est relativement constant à environ 6 mètres cubes par seconde. On estime qu’environ 18 millions de mètres cube de lave ont été émis depuis le 19 mars. Le 22 avril, le champ de lave présentait une superficie de plus d’un kilomètre carré avec une épaisseur moyenne de 16 mètres, mais pouvant atteindre une cinquantaine de mètres par endroit. Les dernières analyses confirment que le magma vient directement du manteau, ce qui pousse certains scientifiques à dire que l’éruption pourrait encore durer plusieurs mois, voire plusieurs années, mais on a vu ces derniers mois qu’il fallait se montrer prudent avec les prévisions sur la péninsule de Reykjanes.

A noter que les Islandais voudraient profiter de cette longue éruption pour essayer de contrôler, voire de détourner la trajectoire d’une coulée, un peu comme ils l’ont fait à Heimaey en 1973. Un tel projet pourrait s’avérer utile si un jour une coulée de lave venait à menacer une zone habitée. Une telle initiative présente toutefois un aspect juridique car détourner le cours de la lave signifie protéger une zone, mais détruire une autre qui aurait été épargnée.

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Dans un mail reçu le 22 avril, l’Alaska Volcano Observatory (AVO) indiquait que l’activité éruptive était en hausse sur le Semisopochnoi (Aléoutiennes / Alaska). Les images satellites montraient un panache de cendre qui s’étirait sur environ 80 km en direction du sud. La couleur de l’alerte aérienne a été élevée à Orange et le niveau d’alerte volcanique à Vigilance.

Source : AVO.

Source : AVO

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Ces informations ne sont pas exhaustives. Vous en trouverez d’autres (en anglais) en lisant le bulletin hebdomadaire de la Smithsonian Institution :

https://volcano.si.edu/reports_weekly.cfm

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Here is some news of volcanic activity around the world :

The eruption of Piton de la Fournaise (Reunion Island) continues. The tremor shows stable values, but has somewhat decreased during the past 48 hours. The poor weather conditions do not allow good observations on the ground. The deaths of the two young hikers are likely to put an end, at least for a while, to the nice photos of the eruption. Satellite data confirms that the lava flow front has stopped in the Grandes Pentes, upslope from Cratère Bonnet. The lava field extends laterally. The lava flow is 3.5 km long.

Source: OVPF.

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An article published on April 21st, 2021 in the newspaper La Sicilia informs us that Stromboli (Sicily) continues to give a show with frequent explosions projecting incandescent materials. Unfortunately, travel restrictions linked to the Covid-19 pandemic do not allow tourists to enjoy the show from 400m above sea level, the highest vantage point currently allowed. Stromboli guides were however able to reach the summit of the volcano to accompany teams of television crews. The eruptive activity is rated medium to high by INGV. It is mainly concentrated in the south-central crater area where guides have spotted three emission points, with projections rising up to about 250 m in height. It should be remembered that high intensity explosions may occur at any time, which justifies the access restrictions for the general public.

Source: La Sicilia.

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Even if an occasional explosion cannot be excluded, it seems that the eruption of St Vincent’s La Soufrière is slowing down. No significant event has been observed since the explosion on April 22nd. Seismicity presents only a few long-period, hybrid or volcano-tectonic events. No episode of tremor is recorded. The images show the possible formation or growth of a lava dome or spine (as on Mount Pelee in 1902), but the latter hypothesis was not confirmed during a flight over the volcano on April 26th. The crater floor emitted only plumes of gas and steam. The crater appears to be filled to the brim with tephra, which could favour the triggering of pyroclastic flows. UWI warns that new explosive sequences can occur without warning.

Now is the time to take stock. The situation is disastrous in St Vincent, both economically and humanly, with difficulties in the availability and accessibility of food. As I mentioned earlier, agricultural losses are estimated at over $ 150 million. The Minister of Agriculture said, « We are facing a disaster in agriculture, fisheries, road infrastructure and other areas. » Local authorities are counting on international aid and that of other Caribbean islands.

Source: Local news media.

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After several weeks of calm, it seems that Mt Etna (Sicily) wants to recall that it is an active volcano. In recent days, one could observe an increase in the tremor and the L.A.V.E. webcam showed glow at the SE Crater. On the evening of April 27th, one could see a nice strombolian activity on one of the streaming webcams.

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While the fissure eruption continues on the Reykjanes peninsula (Iceland), two earthquakes were felt by residents of Reykjavik on April 24th, 2021 around midday. Measuring M 3.0 and M 3.1, the epicenters were located at the SW end of Kleifarvatn. The Icelandic Met Office says they are not in connection with the eruption. In view of the images provided by the webcams, the latter looks less spectacular than in its early days. The double cone north of the eruptive fracture has ceased all activity. In contrast, the southernmost vent now throws shreds of lava about fifty metres high, instead of fifteen metres previously. The overall eruptive flow is relatively constant at around 6 cubic metres per second. It is estimated that around 18 million cubic metres of lava have been emitted since March 19th. On April 22nd, the lava field had an area of ​​more than a square kilometre with an average thickness of 16 metres, but reaching about 50 metres in places. The latest analyses confirm that magma comes directly from the mantle, which leads some scientists to say that the eruption could still last several months, even several years, but we have seen in recent months that one should be careful with the predictions on the Reykjanes peninsula.

Icelanders would like to take advantage of this long eruption to try to control, or even divert a lava flow, a bit like they did in Heimaey in 1973. Such a project could prove useful if one day a lava flow threatened a populated area. However, such an initiative has a legal aspect because diverting the course of the lava means protecting an area, but destroying another that would otherwise have been spared.

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In an email received on April 22nd, 2021, the Alaska Volcano Observatory (AVO) indicated that eruptive activity was increasing at Semisopochnoi (Aleutians / Alaska). Satellite images showed an ash plume stretching about 80 km in a southerly direction. The aviation colour code was raised to Orange and the volcanic alert level to Watch.

Source: AVO.

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This information is not exhaustive. You can find more by reading the Smithsonian Institution’s weekly report:

https://volcano.si.edu/reports_weekly.cfm

Confinement mondial et CO2 : rien n’a changé ! // Worldwide lockdown and CO2 : nothing has changed !

Trois milliards d’êtres humains ont été confinés au printemps 2021 pour freiner la pandémie de COVID-19. On aurait pu imaginer qu’une telle situation exceptionnelle aurait pu avoir un impact sur les concentrations (je parle des concentrations, pas des émissions) de CO2 dans l’atmosphère. Que nenni ; rien n’a changé !

Certes, le changement soudain dans notre mobilité a eu un effet direct dans notre impact sur la nature. La pollution mondiale a également chuté, avec des paysages dépourvus de l’habituel voile de brume dû à la pollution de l’air. En avril 2020, 17 millions de tonnes de CO2 de moins ont été rejetées dans l’atmosphère par rapport à avril 2019. Au total, les émissions de carbone ont été réduites de 7 %.

Le dernier rapport de la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) refroidit sérieusement ces nouvelles qui se veulent optimistes. Selon le rapport, la chute des émissions n’aura pas freiné la hausse globale des concentrations de dioxyde de carbone (CO2) et de méthane (CH4) dans l’atmosphère. La courbe de Keeling, qui rend compte des concentrations de CO2 au sommet du volcan Mana Loa à Hawaii, reste malheureusement à la hausse. La NOAA explique que « les niveaux des deux principaux gaz à effet de serre d’origine anthropique, le dioxyde de carbone et le méthane, ont continué à augmenter de manière ininterrompue en 2020, malgré le ralentissement économique provoqué par la réponse à la pandémie de coronavirus. » Autrement dit, sans les confinements, «  l’augmentation qui a eu lieu en 2020 aurait été la plus haute jamais enregistrée ».

D’après le NOAA, cela fait 3,6 millions d’années (époque dite du Pliocène) que l’atmosphère terrestre n’avait pas connu une telle charge en dioxyde de carbone. Au Pliocène, la concentration de CO2 dans l’atmosphère se situait entre 380 et 450 ppm (parties par million). Cette concentration était de 280 ppm à l’ère pré-industrielle. En 2020, la courbe de Keeling a montré qu’elle était de 412 ppm, soit une hausse de 2,6 par rapport à 2019, et la cinquième hausse la plus importante en 63 ans de mesures.

Avant le confinement, en février 2020, la concentration de CO2 atteignait 414 ppm. Ensuite, le ralentissement économique l’a faite tomber à 412 ppm en fin d’année. Mais, en février 2021, on enregistrait un niveau de 416 ppm.

Le constat n’est pas meilleur pour le méthane. Ce gaz à effet de serre est moins présent que le dioxyde de carbone, mais il a un impact plus fort sur la concentration en chaleur. L’année 2020 a connu une augmentation annuelle de 14,7 ppb (parties par milliard), ce qui constitue 6 % de plus qu’en 2000 et la plus forte hausse annuelle enregistrée depuis le début des mesures en 1983.

Le rapport de la NOAA montre – confirme, devrais-je dire – que la crise climatique ne pourra être résolue avec des mesures à court terme et uniquement à une échelle globale. Ce devrait être le rôle des Conferences of Parties, les célèbres COP, qui, jusqu’à présent, n’ont pas tenu le rôle qui leur était dévolu. Si nous voulons atténuer les pires impacts du réchauffement climatique, il faut se concentrer délibérément sur la réduction des émissions de combustibles fossiles jusqu’à un niveau proche de zéro, en sachant que la concentration actuelle prendra des décennies pour se résorber

En 2017, un rapport de la Carbon Disclosure Project (CDP) montrait qu’à elles seules 100 entreprises sont responsables de 71 % des émissions de gaz à effet de serre. Le problème, c’est que profit et rentabilité ne font pas bon ménage avec protection de l’environnement !

Cette responsabilité des entreprises commence toutefois à être reconnue par certains patrons dont les activités sont à l’origine du problème comme a voulu le montrer Bill Gates à travers son livre How to Avoid a Climate Disaster (‘Comment éviter un désastre climatique) publié en février 2021.

Si les grands industriels doivent faire évoluer leur comportement, les citoyens doivent eux aussi réagir pour éviter de se retrouver (eux et les générations futures) confrontés à une situation insoluble. C’est peut-être au niveau du transport et des déplacements que les solutions sont les plus accessibles, même si elles ne sont pas dépourvues de défauts. Les véhicules électriques et hybrides feront chuter les émissions de gaz polluants, mais l’extraction du lithium nécessaire à la fabrication des batteries entraîne d’autres problèmes. .

Un étude a tout de même montré que si les citadins remplaçaient certains trajets motorisés par des trajets actifs avec la marche et le vélo, cela pourrait contribuer à réduire d’environ 8 % les émissions liées au trafic routier dans les villes européennes. Mais marcher et pédaler, cela demande un  effort physique…. !

Inspiré d’un article paru sur le site web Numerama.

https://www.numerama.com/

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Three billion people were confined in the spring of 2021 to curb the COVID-19 pandemic. One would have imagined that such an exceptional situation could have had an impact on the concentrations (I am talking about the concentrations, not the emissions) of CO2 in the atmosphere. Nothing has changed !

Sure, the sudden change in our mobility has had a direct effect in our impact on nature. Global pollution has dropped, with landscapes devoid of the usual haze of air pollution. In April 2020, 17 million tonnes of CO2 less were released into the atmosphere compared to April 2019. In total, carbon emissions were reduced by 7%.

The latest report from the National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) seriously chills this optimistic news. The report says the drop in emissions has not dampened the overall rise in carbon dioxide (CO2) and methane (CH4) concentrations in the atmosphere. The Keeling curve, which reports CO2 concentrations at the top of the Mana Loa volcano in Hawaii, unfortunately remains on the rise. NOAA explains that “the levels of the two main anthropogenic greenhouse gases, carbon dioxide and methane, continued to rise uninterruptedly in 2020, despite the economic slowdown caused by the response to the pandemic of coronavirus. In other words, without the lockdowns, « the increase that took place in 2020 would have been the highest on record. »

According to NOAA, the last time the Earth’s atmosphere experienced such a load of carbon dioxide was 3.6 million years ago (known as the Pliocene epoch). In the Pliocene, the CO2 concentration in the atmosphere was between 380 and 450 ppm (parts per million). This concentration was 280 ppm in the pre-industrial era. In 2020, the Keeling curve showed it to be 412 ppm, an increase of 2.6 from 2019, and the fifth largest increase in 63 years of measurements.

Before the lockdown, in February 2020, the CO2 concentration reached 414 ppm. Then, the economic downturn brought it down to 412 ppm by the end of the year. But, in February 2021, a level of 416 ppm was recorded.

The situation is no better for methane. This greenhouse gas is less present than carbon dioxide, but it has a stronger impact on heat concentration. The year 2020 saw an annual increase of 14.7 ppb (parts per billion), which is 6% more than in 2000 and the largest annual increase recorded since the start of measurements in 1983.

The NOAA report shows – confirms, should I say – that the climate crisis cannot be resolved with short-term measures and only on a global scale. This should be the role of the Conferences of Parties, the famous COPs, which, until now, have not fulfilled the role that was assigned to them. If we are to mitigate the worst impacts of global warming, we must deliberately focus on reducing fossil fuel emissions to near zero, knowing that the current concentration will take decades to reverse

In 2017, a report by the Carbon Disclosure Project (CDP) showed that 100 companies alone are responsible for 71% of greenhouse gas emissions. The problem is that profit and profitability don’t mix with environmental protection! However, this corporate responsibility is starting to be recognized by some bosses whose activities are at the origin of the problem as Bill Gates wanted to show through his book How to Avoid a Climate Disaster published in February. 2021.

If large industrialists need to change their behaviour, simple citizens must also react to avoid finding themselves (and future generations) confronted with an insoluble situation. It is perhaps in the area of ​​transport and travel that the solutions are most accessible, even if they are not without flaws. Electric and hybrid vehicles will reduce polluting gas emissions, but extracting the lithium needed to make batteries leads to other problems. . However, a study has shown that if city dwellers replace certain motorized journeys with active journeys involving walking and cycling, it could help reduce road traffic emissions by around 8% in European cities. But walking and pedaling requires physical effort…. !

Based on an article on the Numerama website. https://www.numerama.com/

La Courbe de Keeling reste à un niveau désespérément haut (Source : NOAA)

Pollution de l’air à Pékin (Source : Wikipedia)

Prévision éruptive : où en est-on ?

L’actualité volcanique a été particulièrement riche ces dernières semaines, avec quatre éruptions quasi simultanées sur la péninsule de Reykjanes en Islande, sur l’Etna  en Sicile, sur le Piton de la Fournaise à la Réunion et sur La Soufrière de St Vincent. Comment les scientifiques ont-ils appréhendé ces éruptions qui, pour le moment, n’ont fait aucune victime ? Il est vrai que trois d’entre elles sont effusives, avec un risque relativement faible pour la population. Il faut garder à l’esprit que la prévision éruptive ne revêt réellement de l’importance lorsque des populations sont menacées et qu’il s’agit de définir une stratégie pour les protéger.

Après beaucoup de questions et de tergiversations parmi les scientifiques islandais pour savoir si la sismicité enregistrée sur la péninsule de Reykjanes était due à la présence d’un dyke, et ensuite si le dyke allait donner naissance à une éruption, la lave a enfin percé la surface à 18h45 (heure locale) le 19 mars 2021. La zone de l’éruption, la Geldingadalur se situait loin des zones habitées et il a été relativement facile pour les autorités islandaises de gérer cet événement.

Un très grand nombre d’Islandais sont venus assister au spectacle. Plusieurs sentiers d’accès ont été mis en place au fur et à mesure de l’évolution des coulées de lave. Au bout de quelques jours, les scientifiques ont eu la surprise de voir de nouvelles bouches apparaître le long de la fracture éruptive, mais leur activité ne posait pas le moindre problème. Seuls les gaz auraient pu incommoder les personnes présentes, Il leur a été conseillé de veiller à avoir le vent dans le dos pour éviter tout désagrément. Contrairement au Piton de la Fournaise, « chaleur et toxicité des gaz »  n’ont tué personne en Islande. On a juste recensé quelques blessures (entorses, foulures, etc.) sans gravité.

Très peu de visiteurs étrangers ont pu observer l’éruption jusqu’à présent à cause des interdictions de circuler en vigueur dans de nombreux pays, mais aussi à cause des restrictions d’accès imposées par les autorités islandaises.

Au final, on peut dire que, s’agissant de l’éruption en cours,  la prévision éruptive n’a, pour le moment, qu’une importance très relative en Islande.

Crédit photo : http://www.ruv.is

Le Piton de la Fournaise (Ile de la Réunion) nous offre, lui aussi, une éruption effusive depuis le 9 avril 2021. Comme à l’accoutumée, elle se déroule dans l’Enclos Fouqué et aucune population n’est menacée. Là aussi, le prévision éruptive n’a qu’une importance relative. Il en irait différemment si la lave décidait de sortir de l’Enclos et menaçait des maisons, comme cela s’est déjà produit par le passé. Malgré tout, avec une éruption effusive comme celle-ci ou celle en Islande, le risque humain est quasiment nul. On l’a vu en 2018 avec l’éruption du Kilauea (Hawaii) qui a détruit plusieurs centaines de structures, sans faire de victimes.

L’OVPF fournit quotidiennement des informations  qui permettent de bien suivre le déroulement des événements. Deux randonneurs ont perdu la vie ces derniers jours, mais ils se trouvaient dans l’Enclos dont l’accès était interdit. La cause exacte de leur décès reste à déterminer.

Source : OVPF

Après une période calme, l’Etna (Sicile) semble vouloir reprendre du service. Une activité strombolienne anime à nouveau le Cratère SE. Allons-nous assister à une nouvelle série de « paroxysmes » ? L’INGV explique qu’il n’a pas la réponse. Tant que cette activité éruptive restera concentrée dans la zone sommitale du volcan, il s’agira juste d’un beau spectacle pour les yeux. Nous sommes particulièrement gâtés par les webcams dont certaines proposent de superbes images en streaming. La situation serait plus inquiétante si des coulées de lave menaçaient des bourgades sur les flancs du volcan, comme ce fut le cas pour Zafferana Etnea au cours de l’éruption de 1991-1994. Là encore, les dégâts seraient matériels et, sauf imprudence, aucune vie humaine ne serait en jeu.

La cendre volcanique est le seul problème pour la population qui est contrainte à manier le balai au moment des paroxysmes. C’est aussi un problème pour les agriculteurs car les plantations n’apprécient guère les dépôts de cendre. En fonction de la direction du vent, l’aéroport de Catane est parfois contraint d’arrêter ses activités mais, répétons le, des vies humaines ne sont pas menacées directement par une éruption de l’Etna, donc la prévision prend, là aussi, une importance relative.

Il en va différemment lorsqu’il s’agit d’un volcan explosif situé dans une zone de subduction, comme La Soufrière à St Vincent-et-les-Grenadines. Cela faisait plusieurs semaines que les scientifiques s’inquiétaient car on observait la croissance d’un dôme de lave dans le cratère du volcan, juste à côté de celui laissé par l’éruption de 1979. Personne ne savait comment ce dôme allait évoluer. Allait-il cesser de croître sans autre conséquence ? Allait-il continuer sa croissance et déborder du cratère en déclenchant des coulées pyroclastiques ? Allait-il exploser ? Personne n’avait la réponse. On savait que l’une de ces hypothèses était probablement la bonne, mais laquelle ? Prévision éruptive nulle !

Le 8 avril 2021, les scientifiques de l’Université des Antilles (UWI) en charge de la surveillance du volcan ont observé une très forte intensification de la sismicité. Ils ont alerté les autorités et il a été décidé – en appliquant le principe de précaution – d’évacuer la population dans la zone nord de l’île, celle qui était le plus sous la menace du volcan. La décision était la bonne car le 9 avril, un très volumineux panache de cendre s’échappait du cratère, avec des très importantes retombées de cendre.

On peut dire que les scientifiques de l’UWI ont eu beaucoup de chance car l’éruption aurait pu débuter plus rapidement et différemment, dès le 8 avril, avec des coulées pyroclastiques. La situation aurait alors pris une autre tournure au niveau humain. Par bonheur, les coulées pyroclastiques se sont produites plusieurs jours plus tard , et uniquement sue le versant ouest de La Soufrière.

Les dégâts causés par la cendre sont immenses et il faudra très longtemps pour que St Vincent retrouve une situation acceptable. Heureusement, l’aide internationale et celle des autres îles de la Caraïbe permettent d’amortir le choc.

Cela fait plusieurs jours que le volcan s’est calmé, mais l’UWI prévient que des sursauts d’activité restent possibles et demande à la population de rester très vigilante.

Quelque 13 000 personnes ont été déplacées par l’éruption. Environ  6 200 vivent dans des abris temporaires et doivent faire face aux problèmes habituels de promiscuité et de santé, en sachant que l’épidémie de Covid-19 n’arrange pas les choses.

On peut donc dire que, pour le moment – contrairement à l’éruption de 1902 et ses 1600 victimes – l’éruption de La Soufrière se passe sans perte humaine, en dépit des difficultés de la prévision éruptive sur ce type de volcan. Le principe de précaution a été mis en œuvre et c’est une sage décision.

Source : UWI

Viscosité du magma et prévision éruptive // Magma viscosity and eruptive prediction

Suite à l’éruption du Kilauea (Hawaii) en 2018, une nouvelle étude explique que la mesure précoce de la viscosité du magma pourrait aider à prévoir certaines éruptions volcaniques

L’éruption du Kilauea de 2018 a fourni aux scientifiques une occasion unique d’identifier de nouveaux facteurs permettant de prévoir le comportement du magma et les risques des futures éruptions ainsi que les dangers associés.

Une équipe de chercheurs de l’Université d’Hawaï a identifié un indicateur de viscosité du magma susceptible d’être mesuré avant une éruption. Leurs résultats ont été publiés dans la revue Nature.

Les auteurs de l’étude expliquent que les propriétés du magma à l’intérieur d’un volcan affectent le déroulement d’une éruption. En particulier, sa viscosité est un facteur majeur qui influence le degré de dangerosité d’une éruption pour les localités à proximité. Il est bien connu que les magmas très visqueux déclenchent des explosions plus puissantes car les gaz peuvent difficilement s’échapper, ce qui entraîne une accumulation de la pression à l’intérieur du système d’alimentation du volcan. De plus, l’extrusion d’un magma plus visqueux donne naissance à des coulées de lave plus lentes. A Hawaï, le magma sort à des températures très élevées, ce qui explique sa grande fluidité et que les coulées de lave parcourent parfois de très longues distances.

Les chercheurs ont remarqué que la viscosité du magma n’est généralement évaluée qu’après une éruption, pas avant. C’est pourquoi ils ont essayé d’identifier les premiers indices de viscosité du magma. L’événement de 2018 a débuté avec une première phase d’activité dans la Lower East Rift Zone du Kilauea. La première des 24 fractures éruptives s’est ouverte début mai et l’éruption s’est poursuivie pendant trois mois. Cette situation a permis aux scientifiques d’obtenir une foule d’informations. En particulier, ils ont obtenu de nombreuses données sur le comportement du magma à haute et basse viscosité, ainsi que sur les contraintes pré-éruptives qui se sont exercées dans le substrat rocheux sous le Kilauea.

On sait que l’activité tectonique et volcanique provoque la formation de failles dans la roche qui constitue la croûte terrestre. Lorsque les contraintes géologiques agissent sur ces failles, les géologues peuvent mesurer leur orientation 3D et leur mouvement en analysant la sismicité. En étudiant ce qui s’est passé dans Lower East Rift Zone du Kilauea en 2018, ils ont pu déterminer que la direction des mouvements des failles dans cette zone avant et pendant l’éruption pouvait être utilisée pour estimer la viscosité du magma pendant les périodes précédant l’activité volcanique. Les chercheurs ont ainsi pu montrer qu’avec une surveillance digne de ce nom, ils peuvent établir une relation entre la pression et les contraintes dans le système d’alimentation d’un volcan et le mouvement en profondeur d’un magma plus visqueux. Ils pensent que de telles analyses permettront de mieux anticiper le comportement éruptif de volcans comme le Kilauea et de prendre des mesures adaptées à la situation.

Source: West Hawaii Today.

[Remarque personnelle: S’agissant du Kilauea, le processus éruptif est assez bien connu et ne réserve guère de surprises. Comme le volcan se trouve sur un point chaud et est alimenté par du magma à très haute température en provenance du manteau terrestre, la lave est en général très fluide avec des coulées de lave qui parcourent de longues distances et peuvent être destructrices, comme on l’a vu lors de l’éruption de 2018. Sur d’autres volcans du monde qui ont des magmas plus différenciés, une telle étude pourrait présenter un intérêt certain pour anticiper le comportement éruptif.

Vous pourrez également lire le résumé de l’étude que j’ai effectuée sur le processus de refroidissement de la lave sur le Kilauea:

https://claudegrandpeyvolcansetglaciers.com/processus-de-refroidissement-de-la-lave-sur-le-kilauea-hawaii/]

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In the wake of Kilauea’s 2018 eruption in Hawaii, a new study explains that measuring magma viscosity early could forecast volcanic eruptions The 2018 Kilauea eruption provided scientists with a unique opportunity to identify new factors to help forecast the behaviour and associated hazards of future eruptions.

A team of researchers from the University of Hawaii identified an indicator of magma viscosity that can be measured before an eruption. Their findings were published in the journal Nature.

The authors of the study explain that the properties of the magma inside a volcano affect how an eruption will play out. In particular, its viscosity is a major factor in influencing how hazardous an eruption could be for nearby communities. It is well known that very viscous magmas are linked with more powerful explosions because they can block gas from escaping through vents, allowing pressure to build up inside the volcano’s plumbing system. Moreover, the extrusion of more viscous magma results in slower-moving lava flows. In Hawaii, magma comes out at very high temperatures, which accounts for its high fluidity and for lava flows travelling sometimes very long distances.

The researchers have noticed that magma viscosity is usually only quantified well after an eruption, not in advance. So, they have tried to identify early indications of magma viscosity that could help forecast a volcano’s eruption style.

The 2018 event included the first eruptive activity in Kilauea’s Lower East Rift Zone since 1960. The first of 24 fissures opened in early May, and the eruption continued for three months. This situation provided the scientists with unprecedented access to information. In particular, the event provided a wealth of simultaneous data about the behaviour of both high- and low-viscosity magma, as well as about the pre-eruption stresses in the solid rock underlying Kilauea.

It is known that tectonic and volcanic activity cause faults to form in the rock that makes up Earth’s crust. When geologic stresses cause these faults to move against each other, geoscientists measure the 3D orientation and movement of the faults using seismic instruments. By studying what happened in Kilauea’s Lower East Rift Zone in 2018, they determined that the direction of the fault movements in the lower East Rift Zone before and during the volcanic eruption could be used to estimate the viscosity of rising magma during periods of precursory unrest. The researchers were able to show that with robust monitoring that they can relate pressure and stress in a volcano’s plumbing system to the underground movement of more viscous magma. They think this will enable monitoring experts to better anticipate the eruption behaviour of volcanoes like Kilauea and to tailor response strategies in advance.

Source: West Hawaii Today.

[Personal note: As far as Kilauea is concerned, the eruptive process is fairly well known. As the volcano lies on a hotspot with magma coming at very high temperature from the Earth’s mantle, the lava is very fluid with long distance lava flows that can de destructive, as could be seen during the 2018 eruption. On other volcanoes in the world which have more differentiated magmas, a similar study could prove useful to predict the behaviour of the eruptions.

You can also read  the abstract of the study I made about the lava cooling process on Kilauea volcano: https://claudegrandpeyvolcansetglaciers.com/processus-de-refroidissement-de-la-lave-sur-le-kilauea-hawaii/]

Eruption 2018 du Kilauea (Fissure 8) [Crédit photo : HVO]

Photo : C. Grandpey