Ile de la Réunion : le Préfet et l’accès aux éruptions

Le 6 octobre 2023, le préfet de la Réunion, invité du journal télévisé de Réunion La 1ère, a dressé un bilan un an après sa prise de fonction. Il a en particulier abordé la question de l’accès au Piton de la Fournaise en période d’éruption. Voici l’intégralité de sa déclaration :

« Je suis sensible aux remarques des Réunionnais qui disent qu’autrefois on pouvait aller près de l’éruption. C’est un gros travail que le sous-préfet de Saint-Benoît, Michaël Mathaux, est en train de faire en écoutant tous les interlocuteurs et en regardant ce qui se passe ailleurs comme en Islande et à Hawaï. Il peut y avoir une évolution sur la réglementation mais ça ne sera pas la grande révolution. Je pense à l’accès aux tunnels de lave en partie basse qui est aujourd’hui interdit, ou encore à la possibilité d’être accompagné dans certaines parties de l’Enclos lorsque l’éruption est ailleurs. Mais je ne ferai rien qui mette la vie d’une personne en jeu ».

Source : Réunion La 1ère.

La déclaration du Préfet appelle plusieurs remarques. Le problème de l’accès au volcan se pose essentiellement en période d’éruption. Le reste du temps, des sentiers bien balisés permettent de déambuler dans l’Enclos et même d’atteindre la lèvre du célèbre cratère Dolomieu. Par contre, dès que le volcan se manifeste, le portail de l’Enclos est systématiquement fermé. Jusqu’à présent, toutes les solutions d’accompagnement de potentiels visiteurs auprès des coulées de lave ont été refusées par la Préfecture.

Le Préfet actuel fait allusion à l’Islande et à Hawaii qui permettent aux touristes de s’approcher au maximum – lorsque la sécurité le permet – de l’événement éruptif. Il faut reconnaître que la morphologie du Piton de la Fournaise est très différente de celle de la Meradalir ou de la Geldingadalir islandaises qui, comme leur nom l’indique, sont des vallées faciles d’accès, sans difficultés techniques majeures.

A Hawaii, les touristes peuvent admirer l’éruption depuis des belvédères prévus autour du cratère sommital, mais l’autorisation d’approche des coulées de lave est très rare. Par exemple, personne n’a pu les approcher pendant la grande éruption de 2018. L’approche est possible, mais pas trop près, lorsque la lave pénètre dans l’océan mais, là aussi, les autorités assurent au maximum la sécurité des visiteurs. Il faut ajouter que le littoral hawaiien est moins tourmenté et plus facile à parcourir que certains sites éruptifs de la Réunion

A la Réunion, il faut que l’éruption soit visible depuis la lèvre de l’Enclos pour que les gens puissent profiter du spectacle. La seule solution permettant une approche du site éruptif serait l’accompagnement de petits groupes par des guides de montagne accrédités et possédant une formation adéquate, un peu comme cela se faisait avec les guides de l’Etna dans les années 1990-2000, ou même sur le Stromboli, avant que le sacro-saint principe de précaution passe par là et ferme les portes un peu partout.

Il faut comprendre la position du Préfet. S’il donne le feu vert aux visites accompagnées et que tout se passe sans accroc, il n’y aura pas de problème. Par contre si un accident se produit avec la blessure grave, voire la mort, d’un touriste, tout le monde se tournera vers le Préfet et on l’accusera d’avoir autorisé l’accès à l’éruption. C’est bien connu, en France dès que quelque chose ne va pas, on fait la chasse aux responsables !

Le cratère Dolomieu (Photo: C. Grandpey)

De belles coulées, mais interdites d’accès (Photo: C. Holveck)

Parcs nationaux et volcans : Europe / Etats Unis // National parks and volcanoes : Europe vs. United States

Lorsque le tourisme est bien géré et ne se résume pas à des interdictions d’accès aux sites volcaniques actifs, les visiteurs viennent en nombre et contribuent à l’économie locale. C’est ce qui se passe dans les parcs nationaux américains et notamment à Hawaii. Certains sites volcaniques en Europe et outre-mer feraient bien de s’inspirer de la politique hawaiienne.
Une analyse effectuée par des économistes du National Park Service a révélé que 1,6 million de visiteurs ont fréquenté le Parc national des volcans d’Hawaii en 2022, et dépensé également 149 millions de dollars dans les localités proches du parc. Ces rentrées d’argent ont permis de créer 1500 emplois dans la région et apporté 195 millions de dollars à l’économie locale
Rhonda Loh, surintendante du Parc national des volcans d’Hawaii (que je salue ici), a déclaré : « Le tourisme est un moteur essentiel de l’économie locale. Les gens visitent le parc national pour découvrir les éruptions volcaniques, la riche biodiversité insulaire et profiter des paysages culturels. »
Le rapport montre également qu’à l’échelle nationale près de 312 millions de visiteurs ont dépensé 23,9 milliards de dollars dans un rayon de 100 km autour d’un parc national. Ces dépenses ont permis de créer 378 400 emplois. Le bénéfice cumulé pour l’économie américaine s’élève à 50,3 milliards de dollars.

En matière de parcs nationaux, la politique américaine n’a rien à voir avec celle pratiquée sur le vieux continent. En France par exemple, les parcs nationaux sont gratuits et les infrastructures touristiques sont beaucoup plus modestes. Il est vrai que nous ne nous trouvons pas à la même échelle. Les parcs nationaux outre-Atlantique sont beaucoup plus vastes que les nôtres.

S’agissant des sites volcaniques, à Hawaii les secteurs les plus dangereux sont certes interdits au public, mais tout est fait dans le Parc national des volcans pour que les visiteurs profitent des paysages. Lors de la dernière éruption du Kilauea, plusieurs belvédères ont été aménagés pour pouvoir admirer le lac de lave au fond de l’Halema’uma’u.

En Europe, que ce soit en Sicile ou dans le département français de l’île de la Réunion, les interdictions d’accès pleuvent dès qu’un volcan se manifeste et rien n’est vraiment fait pour attirer les touristes. Seule l’Islande tire son épingle du jeu et encourage les visiteurs à aller admirer les éruptions. Au final, des dizaines de milliers de personnes visitent l’île nordique et contribuent à la prospérité de l’économie du pays. Un exemple à suivre !

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When tourism is well managed and not only made of interdictions to active volcanic sites, visitors come in numbers ond contribute to the local economy. This is what is happening in American national parks and especially in Hawaii. Some volcanic sites in Europe and overseas should have a look at the Hawaiian policy and follow this example.

A new spending analysis conducted by economists at the National Park Service revealed 1.6 million visitors flooded the Hawaiian Volcanoes National Park in 2022, spending 149 million dollars in communities near the park. That spending supported 1,500 jobs in the area and 195 million dollars in economic output in local gateway economies surrounding the park.

Hawaiʻi Volcanoes National Park Superintendent Rhonda Loh.(that I greet here) said “We recognize that tourism is a critical driver to the local economy. People come to the national park to experience volcanic eruptions, the rich island biodiversity, and cherish cultural landscapes.”

The report also showed 23.9 billion dollars of direct spending nationwide by nearly 312 million park visitors in communities within 100 km of a national park. This spending supported 378,400 jobs nationally. The cumulative benefit to the U.S. economy was 50.3 billion dollars.

As far as national parks are concerned, theAmerican policy has nothing to do with the one practiced on the old continent. In France, for example, national parks are free and tourist infrastructures are much more modest. It is true that we are not on the same scale. The national parks across the Atlantic are much larger than ours.
With regard to volcanic sites, in Hawaii the most dangerous areas are closed to the public, but everything is done in the Volcanoes National Park so that visitors can enjoy the landscapes. During Kilauea’s last eruption, several lookouts were built to view the lava lake at the bottom of Halema’uma’u.
In Europe, whether in Sicily or in the French department of Reunion, access bans rain down as soon as a volcano is erupting and nothing is really done to attract tourists. Only Iceland holds its own and encourages visitors to go and admire the eruptions. In the end, tens of thousands of people visit the northern island and contribute to the prosperity of the country’s economy. An example to follow !

Photo: C. Grandpey

Islande vs.Ile de la Réunion // Iceland vs. Reunion Island

L’éruption islandaise sur la péninsule de Reykjanesa fait quelque peu oublier celle du Piton de la Fournaise sur l’Ile de la Réunion. Sans être aussi spectaculaire que celles de 2021 et 2022, l’éruption islandaise reste en ce moment plus intense que son homologue réunionnaise.

Mon ami Christian Holceck vient de m’envoyer une nouvelle série de photos prises le 12 juillet 2023 sur le site du Piton. Il m’explique que « l’éruption se poursuit sans éclat, le cône, maintenant fermé, reste bien actif mais peu de coulées sont visibles et surtout elles se trouvent au centre du champ de lave et donc inapprochables. Seules quelques résurgences ponctuelles en bordure du champ de lave se laissent observer. »

Photos: C. Holveck

Piton de la Fournaise (Ile de la Réunion) : quelques nouvelles de l’éruption // Some news of the eruption

L’éruption débutée le 2 juillet 2023 se poursuit avec une intensité qui décline progressivement. Au vu du tracé du tremor, l’événement ne devrait pas durer encore très longtemps. Son amplitude a chuté fortement le 7 juillet en milieu de journée. Le débit de la lave a été estimé entre 1,5 et 5 m3/sec.

L’activité éruptive reste concentrée au niveau du cône en cours d’édification au sud-est de l’Enclos, à 1720 m d’altitude. L’écoulement de la lave s’effectue en tunnel de lave à proximité immédiate de l’édifice en construction, Les coulées actives ne dépassent pas la partie haute des Grandes Pentes. Le front de coulée n’évolue plus et se situe à 1,8 km de la RN2.

Source : OVPF.

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The eruption which began on July 2nd, 2023 continues with gradually declining intensity. In view of the pattern of the tremor, the event is unlikely to last much longer. Its amplitude dropped sharply in the middle of the day on July 7th. The flow of lava was estimated between 1.5 and 5 m3/sec.
Eruptive activity remains concentrated at the cone currently being built to the south-east of the Enclos, 1720 m a.s.l. Lava is flowing in a tunnel in the immediate vicinity of the cone. The active flows do not extend beyond the upper part of the Grandes Pentes. The flow front is now stalled 8 km from RN2.
Source: OVPF.

Vue du tremor éruptif (Source: OVPF)