Les survivants de l’éruption du Vésuve (octobre 79)

L’éruption du Vésuve en l’an 79 de notre ère est l’une des plus célèbres de l’histoire. On sait depuis peu, grâce à un graffiti et des restes de récoltes découverts par les archéologues, qu’elle a eu lieu au mois d’octobre, et non au mois d’août, comme on le pensait initialement.

Photo: C. Grandpey

On s’est longuement intéressé aux victimes de la colère du volcan, dont certaines ont pu être conservées dans des moulages en plâtre grâce à une technique mise au point au 19ème siècle par l’archéologue napolitain Giuseppe Fiorelli. Il constata que la cendre solidifiée du volcan avait permis de conserver l’empreinte des corps. Il eut alors l’idée d’injecter du plâtre dans ces cavités. Le résultat est saisissant. A Pompéi, dans le Jardin des Fugitifs, les malheureuses victimes de l’éruption apparaissent dans la position dans laquelle la mort les a figées.Toutes se protégeaient les voies respiratoires pour ne pas être asphyxiés par les nuages de cendres et les gaz émanant du Vésuve.

 

Photo: C.Grandpey

Pourtant, si Pompéi est considérée comme une ville figée dans le temps, tout le monde n’a pas péri dans la catastrophe. Les chercheurs ont trouvé des preuves que des survivants étaient parvenus à quitter Pompéi et à reconstruire leur vie dans des localités voisines.

Les historiens estiment que Pompéi abritait entre 6 400 et 30 000 habitants. La ville avait déjà été confrontée à des catastrophes naturelles, comme le séisme qui la détruisit en l’an 62 et dont elle se relevait péniblement au moment de l’éruption de 79. Aussi, lorsque le sol se mit à trembler à plusieurs reprises à la fin du mois d’octobre, la plupart des citoyens ne s’inquiétèrent pas immédiatement.

 

Photo: C. Grandpey

Les Pompéiens qui fuirent immédiatement au début de l’éruption avaient encore une chance de survivre. Pour ceux qui hésitèrent ou restèrent en arrière, la mort était assurée. Pline le Jeune – alors âgé de 18 ans – et sa mère firent partie de ceux qui fuirent vers la baie de Naples. Il raconta le chaos qui régnait alors que l’obscurité et la cendre s’installaient sur les survivants.

On estime que l’éruption a fait 2 000 morts à Pompéi. Les autres villes de Campanie constituaient des destinations évidentes pour les survivants. Ils y retrouvaient des amis et des membres de leur famille qui pouvaient les héberger. Neapolis, l’actuelle Naples, était probablement l’une d’entre elles. L’une des preuves venant appuyer cette hypothèse est un ancien autel commémoratif situé en actuelle Roumanie, qui rend hommage aux soldats tombés au combat. Un officier militaire dont le nom a été perdu y figure. Il est identifié comme ayant vécu à Pompéi et à Naples, ce qui peut laisser supposer qu’il s’est installé dans la ville après la catastrophe.

Ces dernières années, un historien a découvert qu’au moins cinq familles de Pompéi s’étaient installées à Neapolis après l’éruption. Il a minutieusement retracé la migration des potentiels survivants grâce à leurs noms de famille, propres à Pompéi. Ces noms figuraient également sur des inscriptions de tombes à divers endroits de la Campanie après l’an 79 de notre ère. Cumes et Pouzolles font partie des communautés ayant accueilli des survivants de Pompéi. On a aussi trouvé des preuves que des familles de Pompéi sans lien de parenté s’étaient mariées après l’éruption.

Les historiens ont également découvert que le gouvernement romain a fourni de l’aide aux survivants de Pompéi. Quand la nouvelle de l’éruption du Vésuve atteignit Rome, Titus, empereur de 79 à 81, a adressé « sa sympathie ainsi que toute l’aide financière possible aux victimes. » Titus a également apporté son soutien à des projets de reconstruction permettant d’accueillir l’afflux de survivants partout en Campanie. Parmi ces projets, l’édification d’un temple dédié à des dieux comme Vulcain et Isis, que les citoyens de Pompéi avaient l’habitude de vénérer.

 

Photo: C. Grandpey

On parle beaucoup de Pompéi à propos de l’éruption du Vésuve en octobre 79, mais Herculanum montre également des preuves du comportement de ses habitants au moment de l’événement. L’un des site les plus émouvants se trouve sur l’ancien littoral – les matériaux émis par l’éruption de 79 l’ont fait reculer d’environ 400 mètres – à l’intérieur de la douzaine de voûtes qui servaient d’abris à bateaux. C’est là que s’était regroupée une partie de la population, espérant échapper aux coulées pyroclastiques à très haute température et aux dégâts causés par les fortes secousses sismiques.

Photo: C. Grandpey

En dégageant l’intérieur des voûtes, les archéologues ont découvert 270 squelettes humains, un nombre qui en fait une découverte exceptionnelle sur un site antique. Le dégagement complet et l’examen de la position des ossements montrent que les victimes n’ont pas été précipitées en vrac par la vague volcanique, mais ont trouvé la mort en position allongée, réfugiées à l’abri au fond des salles voûtées ouvertes sur le rivage. Les moulages en résine des squelettes offrent aux visiteurs une image impressionnante de la catastrophe.

Photo: C. Grandpey

Texte inspiré de plusieurs articles parus sur le site du National Geographic.

Le Vésuve à Périgueux (Dordogne) le 19 mars 2024 !

J’aurai le plaisir de présenter à PERIGUEUX (Dordogne) – dans le cadre de l’Université du Temps Libre – une conférence intitulée « Champs Phlégréens, Vésuve, Herculanum et Pompéi  »  le mardi 19 mars à 15h00 au complexe Cap Cinéma – Place Francheville .

Au départ de Pouzzoles, je conduirai le spectateur à travers la Campanie avec une première étape dans la Solfatara, une cocotte-minute prête à exploser. Puis, nous escaladerons les pentes du Vésuve dont la prochaine éruption pourrait être dévastatrice. Nous déambulerons ensuite dans les rues de Herculanum et Pompéi, détruites par le volcan en l’an 79.

Mon exposé se poursuivra avec un diaporama d’une vingtaine de minutes, en fondu-enchaîné sonorisé, intitulé « La Java des Volcans». Il fait voyager à travers l’île indonésienne de Java qui héberge plusieurs volcans aussi explosifs que le Vésuve.

A l’issue de la conférence, le public pourra se procurer le dernier livre « Histoires de Volcans » que j’ai écrit avec Dominique Decobecq.

 

Photos: C. Grandpey

La nourriture à Pompéi en 79 apr. J.-C

Au cours de ma conférence sur la Campanie, j’explique que depuis l’instauration du Grand Projet Pompéi, avec l’aide d’un financement de l’Union Européenne, les fouilles se sont accélérées sur le site archéologique. La mafia a été évincée. Il ne se passe guère de mois sans qu’un nouveau trésor soit dégagé des matériaux vomis par le Vésuve en octobre 79. J’ai fait état de ces découvertes dans plusieurs notes de ce blog, comme le 12 avril 2023. Quelques mois auparavant, un thermopolium, ancêtre de nos établissements de restauration rapide, richement décoré, avait été présenté aux visiteurs.

https://claudegrandpeyvolcansetglaciers.com/2020/12/29/le-beau-thermopolium-de-pompei-pompeiis-nice-thermopolium/

 

Source : Parc archéologique de Pompéi

Pompéi comptait quelque 80 thermopolia où l’on servait des repas chauds, du vin et diverses victuailles. On y mangeait probablement avec les doigts car aucun ustensile n’a été découvert à Pompéi et à Herculanum. La population possédait toutefois de la vaisselle, comme des bols ornementés en terre cuite.

Source : Parc archéologique de Pompéi

S’agissant de la nourriture consommée par les Romains au premier siècle de notre ère, j’évoquais la possible présence de la pizza à Pompéi dans une note parue le 29 juin 2023.

https://claudegrandpeyvolcansetglaciers.com/2023/06/29/mangeait-on-la-pizza-a-pompei-did-people-eat-pizza-in-pompeii/

Une fresque représentant une nature morte, avec un plat ressemblant à une pizza, venait d’être découverte dans la zone Regio IX du Parc archéologique. « Ressemblant » est le mot important car le plat semble manquer de deux ingrédients essentiels de la pizza – la tomate et la mozzarella – et il inclut un élément qui ressemble étrangement à un ananas.

 

Source : Parc archéologique de Pompéi

Dans un article publié dans le numéro de février 2024 du National Geographic France, on peut lire un article très intéressant qui apporte un éclairage nouveau sur la nourriture consommée par les Romains.

L’article confirme que le plat figurant sur la fresque n’est pas une pizza car il manque l’ingrédient de base, la tomate, qui n’est apparue en Europe qu’au 16ème siècle. De plus, la pizza telle que nous la connaissons n’est pas arrivée à Naples avant la 18ème siècle.

Les aliments consommés par les Romains contenaient des condiments à la saveur de l’umami. Ce mot japonais fait référence à la cinquième saveur de base retrouvée à Pompéi dans un condiment confectionné à partir de poisson fermenté, le garum dont le goût est assez proche de la sauce de poisson vietnamienne. Son arôme était tellement fort qu’il est encore perceptible aujourd’hui dans des jarres prélevées dans un thermopolium.

 

Source : Parc archéologique de Pompéi

Les gens mangeaient aussi des loirs gris farcis et un lointain ancêtre des lasagnes. Ce dernier mets a été révélé par une recette écrite sur du papyrus et traduite par des moines au Moyen-Âge. Le loir gris farci, quant à lui, était consommé après engraissement des animaux dans des récipients garnis de noix. Ils étaient consommés farcis avec du porc, du poivre, des pignons de pin et le garum mentionné ci-dessus.

Les Pompéiens mangeaient aussi beaucoup de fruits (figues, prunes, raisins, dattes d’Afrique du Nord) dont ils se servaient aussi pour réaliser des desserts comme le savillum, proche du flan de pêches au miel et de jambon.

On buvait du vin dans les thermopolia. Les Pompéiens aimaient l’aromatiser et en changer la couleur en y introduisant des fèves dont certaines ont été retrouvées au fond d’amphores.

De manière globale, la nourriture était importante pour les Romains. Si les femmes se contentaient d’un dîner modeste, celui des hommes s’éternisait, souvent jusqu’à l’aube du lendemain. Une historienne explique qu’ « on mangeait encore et encore, une dizaine de plats, jusqu’à s’en rendre malade. On se faisait ensuite vomir, et on recommençait à manger. » Les orgies romaines décrites dans les albums d’ Astérix le Gaulois  ne sont pas une légende…

 

Scène d’orgie dans Astérix chez les Helvètes (1970), inspirée d’une scène du Satyricon de Fellini.

Mangeait-on la pizza à Pompéi ? // Did people eat pizza in Pompeii ?

Une fresque représentant une nature morte, avec un plat ressemblant à une pizza, a été découverte dans les ruines de Pompéi. « Ressemblant » est le mot important car le plat semble manquer de deux ingrédients essentiels de la pizza – la tomate et la mozzarella – et il inclut un élément qui ressemble étrangement à un ananas.
La fresque a été découverte lors de fouilles dans la zone Regio IX du Parc archéologique de Pompéi qui se trouve à proximité de Naples, la patrie de la margherita, la pizza traditionnelle italienne, composée d’un ensemble simple de tomates, de mozzarella, de basilic frais et d’huile d’olive extra vierge.
La peinture se trouve sur un mur faisant probablement partie du couloir d’entrée d’une maison qui possédait une boulangerie dans son annexe. La fresque semble représenter une fougasse ronde déposée sur un plateau d’argent servant de support à divers fruits, dont une grenade et peut-être une datte.
Il est très surprenant de voir ce qui ressemble à un ananas sur le plateau car Christophe Colomb est le premier Européen à avoir rencontré ce fruit en Guadeloupe en 1493. Les experts estiment que le pain est assaisonné d’une sorte de pesto (moretum, en latin) un fromage à tartiner aux herbes consommé par les anciens Romains. À côté du pain se trouve une coupe de vin, ainsi que des fruits secs, des dattes, des grenades et une guirlande d’arbousiers jaunes.
On pense que cette nature morte a été inspirée par le rituel d’hospitalité grec de la xenia. Le plateau représente les cadeaux offerts aux invités dans le cadre d’une tradition remontant à la période hellénistique. Ce type de fresque était très répandu dans les maisons de Pompéi et d’Herculanum, détruite elle aussi par l’éruption du Vésuve en 79.
Il est rare de trouver une telle fresque contenant l’image d’une focaccia. Selon le directeur du parc archéologique de Pompéi, la fresque semble refléter le contraste entre un « repas frugal et simple » et « le luxe des plateaux en argent et le raffinement des représentations artistiques et littéraires ».
Les fouilles de l’Insula 10 de la Regio IX, où la fresque a été découverte, ont commencé en février 2023. Il s’agit d’un quartier de Pompéi qui abritait un ensemble de maisons, d’ateliers et une boulangerie. Les squelettes de trois victimes, deux femmes et un enfant, ont été retrouvés en mai dans une boulangerie où ils auraient trouvé refuge. Des fresques murales représentant Apollon et Daphné dans l’une, Poséidon et Amymone dans l’autre, ont également été découvertes.
Comme je l’ai indiqué dans une note précédente, les restes de deux autres victimes, probablement deux hommes d’une cinquantaine d’années, ont été découverts dans une autre partie du site à la mi-mai. On pense que ces hommes ont été tués par un séisme qui a accompagné l’éruption du Vésuve. L’un d’eux semble avoir le bras levé pour tenter de se protéger de la chute d’un mur. Les perles d’un collier et six pièces de monnaie datant du milieu du deuxième siècle avant J.-C., ont été retrouvées à proximité.

Grâce à la nouvelle politique culturelle italienne et aux fonds accordés par l’Union européenne, de nouvelles découvertes sont faites presque chaque jour à Pompéi. Selon le ministre italien de la Culture, Pompéi « ne cesse de surprendre ». « C’est comme un coffre qui révèle en permanence de nouveaux trésors.
Source : médias italiens, Parc archéologique de Pompéi.

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A striking still life fresco resembling a pizza has been found among the ruins of ancient Pompeii ; « Resembling » is the important word because the dish seems to lack two essential pizzaingredients – tomato and mozzarella – and it includes an item that looks suspiciously like a pineapple.

The fresco emerged during excavations in the Regio IX area of Pompeii’s archaeological park, which is close to Naples, the home of the margherita, the traditional pizza comprising a simple mix of tomato, mozzarella, fresh basil and extra-virgin olive oil.

The painting was on a wall in what is believed to have been the hallway of a home that had a bakery in its annexe. The fresco appears to depict a round focaccia bread on a silver tray serving as a support for various fruits, including a pomegranate and possibly a date.

However, the “pineapple” on the plate seems likely to be something else entirely, as the first European to encounter the fruit was Christopher Columbus, in Guadeloupe in 1493. Experts say the bread is seasoned with spices or moretum, a herb cheese spread eaten by the ancient Romans. Next to the bread is a goblet of wine, along with dried fruit, dates, pomegranate and a garland of yellow arbutus.

The still life is thought to have been inspired by the Greek hospitality ritual of xenia, and so the tray represented gifts that were offered to guests as part of a tradition dating back to the Hellenistic period. Such images were widespread in the homes of ancient Pompeii and nearby Herculaneum, which was also wiped out by the eruption of Mount Vesuvius in AD79.

It is unusual to find such a fresco containing the image of a focaccia. The director of Pompeii archaeological park, said the fresco appears to reflect the contrast between a “frugal and simple meal” and “the luxury of silver trays and refinement of artistic and literary representations”.

Excavations on Insula 10 in Regio IX, where the fresco was discovered, began in February 2023. It is a district of the city that had hosted a cluster of homes, workshops and the bakery. The skeletal remains of three victims, two women and a child, were found in May in a bakery, where they were believed to have sought shelter. Frescoed walls featuring the mythical scene of Apollo and Daphne in one, and Poseidon and Amymone in the other, have also been discovered.

As I put it in a previous post, the remains of two other victims, thought to be two men in their mid-50s, were found in another part of the site in mid May. The men were believed to have been killed by an earthquake that accompanied the eruption of Vesuvius. One is thought to have raised his arm in an attempt to protect himself from a falling wall. Beads from a necklace and six coins, two dating back to the middle of the second century BC, were found nearby.

Thanks to the new cultural policy and funds granted by the European Union, new discoveries are made nealy everyday at pompeii. The Italian culture minister, Gennaro Sangiuliano, said Pompeii “never ceases to amaze”. “It is a treasure chest that always reveals new treasures.”

Source : Italian news media, Archaeological Park of Pompeii.

Crédit photo: Parc archéologique de Pompéi