Pyrénées : un bien triste constat

Un visiteur régulier de mon blog qui habite dans le sud-ouest de la France, m’informe régulièrement sur la situation glaciaire dans les Pyrénées et se désole en constatant le recul rapide des quelques glaciers qui ont réussi à survivre sur la chaîne. Voici dans son intégralité le texte d’un message qu’il vient de me faire parvenir :

« Hier mardi (21 février 2023), nous avons fait une journée de détente en montant à Cauterets et au pont d’Espagne.
Premier constat : température douce, et surtout le gave de Cauterets fait grise mine. Pas beaucoup d’eau malgré la fonte due à la douceur. Promenade à pied dans 20 cm de neige dans le Marcadau.
Deuxième constat fait avec un accompagnateur local en haute montagne : l’été dernier 2022 a été catastrophique avec sécheresse et température trop élevée ; l’isotherme 0° a pratiquement toujours été supérieur à 4000…… Les glacier des Oulettes et d’Ossoue ont reculé sans précédent dans la mémoire de ce monsieur. Et ce ne sont pas les chutes de neige de cet hiver qui vont les recharger.
Pour lui, avant 2030 il n’y aura plus de glacier. Il vit là haut et voit la dégradation année après année.

Consolation (si je puis dire), nous (vous et moi) aurons vu des merveilles. Hélas, nos générations futures n’auront pas cette joie. »

Pendant que cette personne randonnait dans les Pyrénées, je tenais le même discours à Périgieux (Dordogne) devant plus de 300 personnes au cours de ma conférence « Glaciers en péril, les effets du réchauffement climatique ». A mon modeste niveau, j’essaye de porter un message d’alerte….

 

Crédit photo : Mathieu LFG (15 août 2021)

 

La chaîne pyrénéenne vue depuis le Pic du Midi de Bigorre: les glaciers manquent cruellement à l’appel (Photo: C. Grandpey)

Redoux de fin d’année : sale coup pour les stations de ski

Après un coup de froid – loin d’être sibérien – début décembre, le redoux a envahi notre pays, y compris les zones de montagnes. On a déjà assisté à un tel phénomène ces derniers années. C’est, bien sûr, une conséquence du réchauffement et la tendance va s’accélérer dans les prochaines années avec le retour d’El Niño dans le Pacifique oriental.

Une conséquence de ce redoux, c’est que la neige va commencer à faire défaut dans les stations de ski de basse et moyenne altitude. La pluie risque fort de lessiver celle tombée ces dernières semaines.

Il suffit de regarder les titres de la presse pour se rendre compte de l’angoisse qui a envahi nos montagnes. « Avec le redoux, les stations de ski craignent de ne pas avoir assez de neige », ou encore « Grand redoux en altitude : une situation compliquée pour les stations de montagne ».

Lors de mes séjours dans les Alpes ces dernières années, j’ai été surpris par le déni du réchauffement climatique par les habitants qui paraissent surpris quand je leur explique que le ski a vécu ses belles heures et qu’il va falloir s’adapter à des conditions nouvelles. J’écris souvent sur ce blog que, faute de diversification de leurs activités hivernales, beaucoup de stations courent à la catastrophe.

Plus au sud, les Pyrénées qui ne possèdent guère de stations de ski de très haute altitude sont encore plus impactées par la hausse des températures. Trois stations pyrénéennes – Luchon-Superbagnères et Mourtis en Haute-Garonne, Guzet-Neige en Ariège – viennent d’annoncer le report de leur début de saison. Les températures étant trop élevées, les enneigeurs ne peuvent pas fonctionner.

Le plus gênent avec la hausse des températures, c’est que la neige va fondre et les zones d’accumulation des glaciers ne vont pas se régénérer. Ils vont donc continuer à reculer et s’amincir au cours du prochain été. C’est très inquiétant. Une disparition des glaciers serait catastrophique car ce sont des châteaux d’eau pour les régions qui les entourent, que ce soit dans les Alpes en Europe ou sur la chaîne himalayenne en Asie.

La station du Mont Dore (Puy de Dôme) en ce matin du 23 décembre 2022. Il pleut. Température de 10°C.

Glacier d’Aletsch dans les Alpes (Photo: C. Grandpey)

Les marmottes et le réchauffement climatique

Le réchauffement climatique dans les Alpes a un impact sur les glaciers, mais aussi sur la vie animale et végétale. Au cours de mes randonnées dans les parcs nationaux des Ecrins et de la Vanoise, j’ai cru constater que les marmottes étaient moins nombreuses et j’ai observé un grand nombre de terriers inhabités. D’après ce que j’ai pu entendre, il semblerait que la répartition des populations soit très irrégulière.

Je me suis demandé si ces braves rongeurs fort sympathiques ne subissaient pas, eux aussi, les effets du réchauffement du climat. Il a évolué dans les Alpes à un rythme sans précédent, avec une augmentation de la température de plus 2°C et une modification des cycles de précipitations. Ces modifications chamboulent les chutes de neige et le manteau neigeux.

Depuis les années 1990, des comptages sont effectués pour se rendre compte de l’évolution de la population des marmottes dans les Alpes. On se rend compte que la taille des portées décline constamment à cause de l’amincissement de la couverture neigeuse hivernale qui accentue le froid dans les terriers. Les femelles sortent désormais d’hibernation amaigries. Trop maigres, elles produisent un marmotton de moins par portée par rapport aux années 1990. La survie de ces marmottons a également diminué. On se rend compte qu’au delà des conséquences désormais reconnues sur la survie et la reproduction des animaux, le changement climatique semble avoir également des répercussions importantes sur les organisations sociales et sur la propension des individus à coopérer.

Des observations identiques ont été faites dans les Pyrénées. Chaque été, les naturalistes partent en montagne pour compter les marmottes. Comme dans les Alpes, on constate que la population animale commence à se réduire en raison du réchauffement climatique.

Le site web France 3 Occitanie nous explique que dans la vallée d’Ossau, on observe des portées de trois marmottons. C’est une présence rassurante mais insuffisante. Sur les quinze terriers suivis, seuls trois présentaient une reproduction effective, ce qui est faible.

Depuis 2016, le taux de reproduction des marmottes est en baisse dans les Pyrénées et on se trouve sur une tendance globale de baisse de population des espèces de haute altitude. Cela affectera inévitablement toute la biodiversité. Sur cinq espèces suivies dans la vallée d’Ossau, toutes sont déjà touchées par le réchauffement climatique. Les températures élevées menacent la biodiversité de la montagne.

Photos : C. Grandpey

Pyrénées : glaciers en péril, marmottes en souffrance

Un cliché pris le 6 août 2020 et visible sur le site Météo Pyrénées montre que le glacier des Gourgs Blancs – dans le Luchonnais – a totalement disparu de la chaîne pyrénéenne, victime des dernières fortes chaleurs liées au réchauffement climatique. D’autres sont en passe de subir le même sort.

C’est un guide de montagne qui a pris le cliché. Le site est difficilement accessible, donc on ne peut pas dire si la disparition du glacier a eu lieu en 2022 ou en 2021, mais les faits sont là : il n’y a plus de glacier des Gourgs Blancs.

Comme ce glacier, de nombreux sites des Pyrénées sont directement touchés par le réchauffement climatique. J’ai récemment mentionné le glacier des Oulettes qui est en grande souffrance, lui aussi. Dans le Luchonnais, on surveille aussi le glacier du Seil de la Baque, dont il ne reste plus grand chose, alors que c’était l’un des plus grands du massif pyrénéen au 19ème siècle.

D’une manière générale, tous les glaciers sont en train de disparaître. Pas de pluie et des températures en hausse; tout est réuni pour que les glaciers fondent…

En haut le glacier des Gourgs Blancs au début du 20ème siècle. En bas une photo prise le 6 août 2022 (Source: Météo Pyrénées)

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Il n’y a pas que les glaciers qui souffrent de la chaleur dans les Pyrénées. La faune éprouve, elle aussi, des difficultés à s’adapter à la hausse rapide des températures. Les naturalistes ont en particulier remarqué que la population de marmottes commence à se réduire en raison du réchauffement climatique.

Dans la vallée d’Ossau, une équipe de naturalistes procède chaque année à un décompte et a constaté l’effet du changement climatique sur ces rongeurs. Un scientifique explique qu’en 2022, sur quinze terriers étudiés, seuls trois ont eu une reproduction effective, ce qui est assez faible.

Depuis 2016 le taux de reproduction des marmottes est en baisse dans les Pyrénées. D’une manière plus globale, on constate une tendance à la baisse des espèces de haute altitude, avec un impact inévitable sur toute la biodiversité.

Sur cinq espèces suivies dans la vallée d’Ossau, toutes sont déjà impactées par le réchauffement climatique. Selon les biologistes, dans les prochaines années la montagne va changer, des espèces vont apparaître, d’autres vont disparaître, là où certaines s’adapteront.

Photo: C. Grandpey