Juste une mise au point…

Lorsque fin octobre 2023 une intrusion magmatique a provoqué une hausse de la sismicité sur la péninsule de Reykjanes, avec en parallèle un soulèvement du sol, mais pas d’éruption à se mettre sous la dent, j’ai évoqué une situation que j’avais connue sur le terrain dans les années 1990 dans le secteur du Krafla, dans le NE de l’Islande. Les scientifiques islandais avaient enregistré une forte sismicité ainsi qu’un soulèvement significatif du sol, jusqu’à un mètre dans le secteur de la centrale géothermique. Après avoir passé une journée supplémentaire dans la région, avec l’espoir d’assister à une éruption, je suis reparti bredouille. Le magma avait trouvé un autre chemin dans les profondeurs et l’éruption avait avorté

La situation sur la péninsule de Reykjanes en octobre et novembre 2023 m’a rappelé la situation des années 90 sur le Krafla. Les volcanologues islandais ont affirmé d’abord qu’une éruption serait « imminente ». Ne la voyant toujours pas venir, ils l’ont qualifiée de « probable ». Au final, la sismicité étant toujours faible, ils ont baissé pavillon et autorisé, deux mois après le début de la crise sismique, la réouverture du Blue Lagoon et laissé entrevoir aux habitants de Grindavik un retour à la maison pour Noël.

De mon côté, si je ne croyais pas trop à une éruption sur la péninsule de Reykjanes, j’avais tout de même précisé que la donne serait changée si un nouvel afflux de magma devait pénétrer dans l’intrusion existante.

C’est ce qui s’est passé le 18 décembre 2023 au soir. Sous l’impulsion de cette nouvelle arrivée de magma, la sismicité a bondi d’un coup et l’éruption s’est déclarée une heure plus tard. La sismicité a décliné par la suite car ce nouveau magma avait trouvé une voie bien tracée par l’intrusion précédente.

Un lecteur de mon blog – un universitaire – s’est empressé de dire que je m’étais planté dans mes prévisions, omettant de signaler ma remarque concernant un possible afflux de magma qui changerait la situation. Cette personne s’est fendue de plusieurs messages plus ou moins aimables à mon égard. A mes yeux, elle appartient à la catégorie des pseudo scientifiques fustigée autrefois par Haroun Tazieff. Heureusement, la plupart des universitaires que je connais n’appartiennent pas à ce cercle fermé. Une fois mes études universitaires terminées, on m’avait offert la possibilité d’enseigner en faculté. J’ai décliné cette proposition car j’avais compris l’état d’esprit fait de mesquineries, moqueries, jalousies, etc. qui régnait dans cet univers et que je retrouve avec cette personne. J’ai préféré enseigner en lycée, en particulier dans les classes post bac où, comme on le dit familièrement, j’ai vraiment pris mon pied.

Las de ses remarques désobligeantes et largement infondées, j’ai décidé de ne plus entrer dans le jeu de cet universitaire et de ne plus répondre à ses remarques.

Heureusement, la plupart des commentaires qui me sont adressés m’encouragent à maintenir mon blog dans l’état d’esprit que je lui ai conféré. J’accepte, bien sûr, les critiques, mais pas l’acharnement malhonnête.

Photo: C. Grandpey

Souvenirs intimes (3ème partie)

Le moment le plus important de ce bref séjour à Jérusalem fut sans aucun doute la visite de Yad Vashem, autrement dit le Mémorial de l’Holocauste, en compagnie d’Israël Lichtsenstein. Construit selon une architecture remarquable qui fait progressivement passer de l’ombre de la guerre à la lumière de la liberté, il décrit les souffrances subies par le peuple juif durant cette période noire de son histoire. Yad Washem est un lieu de recueillement dont on ne sort pas indemne. La visite de la salle obscure où sont égrenés les noms des enfants juifs qui ne sont pas revenus des camps de la mort vous prend aux tripes, au plus profond de vous même.

A l’issue de la visite, j’ai demandé à me rendre dans la partie du Mémorial où figurent les noms des Justes parmi les Nations (The Garden of the Righteous among the Nations). Parmi ceux gravés en ce lieu figure celui de Monsieur Jean-Baptiste Robert, directeur de l’Ecole Primaire Supérieure de La Souterraine, devenue par la suite l’école primaire et le lycée dans lesquels j’ai fait mes premières études.

Israël Lichtenstein au Jardin des Justes de Yad Vashem

Nous avons eu beaucoup de chance de visiter Jérusalem au moment d’une période calme. Il y avait, bien sûr, des soldats en armes un peu partout dans la ville, mais l’ambiance était détendue. J’avais hâte de pénétrer dans la vieille ville et parcourir les ruelles étroites où les vieux fument le narguilé dans les cafés . Bien qu’étant athée, je désirais entrer dans les lieux de culte car Jérusalem fait cohabiter plusieurs religions. J’avais hâte de faire des photos du Mur des Lamentations et de parcourir l’Esplanade des Mosquées où trône le superbe Dôme du Rocher. Une bonne marche permet aussi de gravir le Mont des Oliviers. Malgré la réticence de mon épouse, je suis allé déambuler dans Jérusalem Est, très différente et beaucoup plus pauvre que son homologue occidentale. Je n’y ai ressenti aucune impression d’insécurité. Il est vrai que le monde des volcans m’a appris à dominer ma peur….

 

Mur des Lamentations

Le Dôme du Rocher

Le Mont des Oliviers

J’ai quitté Jérusalem ravi de ce que j’y avais vu et conscient que je n’y reviendrais probablement pas. Pour moi, la boucle était bouclée ; en rencontrant Israël Lichtenstein, j’avais accompli mon devoir de mémoire vis à vis de mon père.

Quelques jours après notre retour en France, Jérusalem s’enflammait à nouveau, faisant resurgir le conflit entre Juifs et Palestiniens.

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Mes remerciements aux personnes qui ont participé à la rédaction de plusieurs articles de presse au moment de la rencontre de mon père avec ses anciens élèves. Les photos sont précieuses.

Souvenirs intimes (2ème partie)

La suite de l’histoire a lieu en 1997 quand mon père retrouve Harry Kujawski à La Souterraine lors d’une soirée de présentation des actes du colloque de Guéret consacré au  » sauvetage des enfants juifs en Creuse pendant la guerre « . Au cours de cette soirée, il obtient l’adresse d’Israël Lichtenstein, devenu cancérologue à Jérusalem. Il lui écrit en août 1999 et reçoit peu après un appel téléphonique qui le bouleverse : son ancien élève promet de venir le revoir en Creuse au plus tôt.

Promesse tenue ! Le samedi 2 octobre 1999, mon père et ses deux anciens élèves se retrouvent au Masgelier où une salle de classe a été reconstituée, semblable à celle de 1941. Les deux enfants ont brillamment réussi leur vie professionnelle. Harry a enseigné la géophysique à l’Université de Bordeaux. Israël est devenu médecin-chef à l’hôpital Saint-Louis de Jérusalem. Au Masgelier, il est accompagné de son fils afin de lui transmettre la mémoire familiale.

 

Retrouvailles au Masgelier: le maître (à droite) et ses deux élèves

J’aurais aimé participer à cette rencontre essentielle à mes yeux, mais je me trouvais en Sicile, quelque part entre l’Etna et le Stromboli, en train d’effectuer des mesures et des observations sur ces volcans. Avoir raté cette rencontre a fait naître chez moi une frustration qui n’a cessé de grandir au cours des années suivantes….

Jusqu’au 10 mai 2011 où avait lieu à La Souterraine le baptême de la salle d’exposition de la Cité scolaire qui porterait le nom de.Jean-Baptiste Robert. Nommé directeur de l’Ecole de garçons en 1940, Monsieur Robert avait pris sous son aile bienveillante et clandestine des enfants juifs, auxquels il avait attribué de faux noms. En hommage à cet acte héroïque, le nom de Jean-Baptiste Robert a été gravé dans la pierre du Mémorial de Yad Vashem à Jérusalem après sa nomination en 2000. Cet hommage de Juste parmi les Nations que l’État d’Israël a rendu au directeur de l’École primaire supérieure de garçons rappelle le courage d’un homme pour défendre l’idéal inscrit au fronton de notre République : liberté, égalité, fraternité.

Monsieur Jean-Baptiste Robert

Mon père est décédé en 2002 et je n’ai pas retrouvé dans ses archives les coordonnées d’Israäl Lichtenstain. Je me suis donc rendu à cette cérémonie dans ma ville natale car je pensais qu’il me serait possible de rencontrer les personnes qui avaient permis de rétablir le contact entre mon père et ses anciens élèves juifs. J’avais vu juste et le soir même j’obtenais par téléphone les coordonnées d’Israël Lichtenstein, le « Zizi » auquel mon père était tant attaché.

Dès le lendemain, j’appelais le médecin à la retraite. Au cours d’une conversation téléphonique empreinte d’une grande émotion, il m’a fait part de son grand désir de me rencontrer, Il partait en voyage avec son épouse début juillet 2011 et il fallait donc aller à Jérusalem avant. Internet me fut d’une grande utilité pour acheter les billets d’avion et retenir un hébergement à Jérusalem. Le 15 juin, accompagné de mon épouse, je prenais un vol Air France à destination de Tel-Aviv d’où un minibus devait me conduire à Jérusalem Ouest où j’avais retenu un hôtel.

Dès notre arrivée à l’hôtel, j’appelai Israël Lichtenstein qui arriva rapidement et nous conduisit à son domicile où nous avons fait la connaissance de son épouse. La soirée passée dans un restaurant de Jérusalem a permis d’évoquer le passé. Mon père n’étant plus de ce monde, c’était une obligation pour moi de maintenir le lien qu’il avait commencé à tisser en 1941 au Masgelier.

Depuis juin 2011, je garde le contact avec Israël Lichtenstein et nous ne manquons jamais de nous adresser nos vœux au début de chaque année.

A suivre…

Souvenirs intimes (1ère partie)

La couverture du numéro de septembre du National Geographic France montre le Dôme du Rocher sur l’Esplanade des Mosquées à Jérusalem. Le sous-titre de la photo précise que c’est « un lieu saint sous hautes tensions ».

Cette photo fait remonter en moi le souvenir d’un voyage de quelques jours effectué à Jérusalem au mois de juin 2011, et que j’ai brièvement évoqué dans une note publiée le 26 juin de ce même mois.

Ce voyage est intimement lié à ma vie personnelle que, contrairement à beaucoup d’autres blogonautes, je n’évoque que très rarement sur ce blog.

L’histoire remonte à 1941, année où mon père – Gaston Grandpey – jeune instituteur (on ne parlait pas de professeur des écoles) est nommé au Masgelier, près de Grand-Bourg en Creuse où il restera de février à novembre 1941. On informe l’enseignant qu’il s’agit d’un poste particulier qui comporte certains risques. Ce n’est pas une école classique mais une maison qui abrite des enfants juifs de l’Œuvre de secours aux enfants, l’O.S.E., dissimulés à l’occupant dans ce coin perdu de la Creuse.

 

Le Masgelier en 1941

Les directeurs, Juifs eux aussi, assurent gîte et couvert. L’établissement possède trois classes mixtes.

La tâche qui attend le jeune instituteur est difficile et bien éloignée de la leçon modèle qu’on lui a enseignée à l’Ecole Normale. Point de matériel pédagogique, hormis de simples tables et des chaises.

Malgré cet environnement dépouillé, le travail s’organise car, si les enfants maîtrisent très mal le français, ils ont soif d’apprendre. C’est peut-être un moyen de soulager leur inquiétude. En effet, si certains reçoivent des nouvelles de leurs parents, d’autres apprennent leur départ dans des convois…

Parmi les jeunes pensionnaires du Masgelier figurent Harry Kujawski et Israël Lichtenstein, des élèves particulièrement doués et attachants. »Zizi » Lichtenstein, surtout, est un élève de huit ans qui sort du lot par la vivacité de son intelligence et son infatigable désir d’apprendre.

Quand, en novembre 1941, mon père quitte le Masgelier pour se rapprocher de sa future épouse – donc ma mère ! – ses élèves lui donnent en souvenir des photos dédicacées qu’il conservera précieusement.

« Zizi » Lichtenstein

A suivre…