« Baie de Naples, la colère des volcans »

Le jeudi 16 mars 2023, la 5 proposait, dans le cadre de ‘Science Grand Format’ un documentaire intitulé « Baie de Naples, la colère des volcans. ».

https://www.france.tv/documentaires/science-sante/2489683-baie-de-naples-la-colere-des-volcans.html

Le film – disponible jusqu’au 23 mars – est intéressant, même s’il comporte quelques erreurs. Après l’avoir visionné, on a parfaitement conscience des dangers qui menacent la région de Naples à forte densité de population. En fait, ce sont les différents volcans qui sommeillent ou sont actifs autour et dans la Mer Tyrrhénienne qui sont examinés dans le film qui dure 1h28mn. J’aimerais revenir sur quelques aspects du volcanisme dans cette vaste région de l’Italie.

S’agissant de la Solfatara, un des sites les plus chauds des Champs Phlégréens, il est dit qu’ « une famille a trouvé la mort en marchant sur ces fonds instables ». En fait, il s’agit d’une imprudence. Le 12 septembre 2017, au cours de la visite du cratère, un gosse de 11 ans a franchi les barrières de sécurité et est tombé dans une bouche active émettant des gaz nocifs à haute température. Ses parents ont voulu le secourir et ont subi le même sort. Ils ont été asphyxiés par les gaz qui s’échappaient de cette bouche. Résultat des courses : le site de la Solfatara est aujourd’hui interdit au public.

Photo: C. Grandpey

Le documentaire a eu raison d’insister sur la menace que font planer les Champs Phlégréens sur la Campanie. Plusieurs centaines de milliers d’habitants peuvent subir le même sort que Pompéi et la marge de manœuvre pour une évacuation est très courte, estimée à quelques dizaines de minutes seulement.

Photo: C. Grandpey

Pas très loin de la Solfatara, on peut voir à Pouzzoles les signes de l’activité bradysismique qui anime la région. Au gré des mouvements de la chambre magmatique, le sol se soulève et s’abaisse. Comme cela est fort bien dit dans le documentaire, on a l’impression que le volcan respire. Ces mouvements du sol sont parfaitement visibles sur les colonnes du temple dit de Serapis (en réalité un ancien marché romain). Il est dommage que le documentaire n’ait pas montré la base des colonnes où l’on peut encore voir les coquillages qui s’y accrochent.

Photo: C. Grandpey

Le port de Pouzzoles porte, lui aussi, les traces du bradyséisme, avec les anciennes bites d’amarrage qui dominent les nouvelles situées plusieurs mètres plus bas.

Comme son nom l’indique, le bradyséisme s’accompagne de secousses sismiques qu’il ne faut toutefois pas confondre sur les sismomètres avec les vibrations causées par le passage des trains dans la ville. En 1970, Haroun Tazieff s’était régalé…. (voir ma note du 27 avril 2022).

Le double cône du Vésuve domine la Campanie.

Photo: C. Grandpey

Tout le monde redoute une éruption comme celle de 79 qui a détruit Herculanum, Pompéi et Stabies. Le volcan est sous haute surveillance. Le documentaire nous apprend qu’un muographe est installé sur les basses pentes. J’ai expliqué dans plusieurs notes, comme celle du 23 novembre 2021, le principe de fonctionnement de cette nouvelle technologie qui a déjà été utilisée sur la Soufrière de la Guadeloupe et sur le Stromboli. Les images obtenues permettent de mieux connaître l’intérieur de la partie subaérienne d’un tel volcan, mais, malheureusement, ne peuvent guère aider à anticiper son comportement.

Image muonique de la Soufrière de la Guadeloupe (Source: CNRS)

Le documentaire explique fort bien que le volcanisme autour de la Mer Tyrrhénienne est conditionné par le mouvement des plaques tectoniques. On nous montre qu’au moment où la plaque africaine glisse sous la plaque eurasienne, «  une partie du manteau entre en fusion ; on parle alors de subduction ». Il est toutefois bon de préciser que la subduction ne fait pas référence à la fusion du manteau, mais au processus d’enfoncement d’une plaque tectonique sous une autre plaque de densité plus faible, La fusion du manteau en est la conséquence.

Source: Wikipedia

Une séquence du documentaire aborde la volcanisme dans les Iles Eoliennes, avec les sources hydrothermales et leurs bouillonnements au large de Panarea, près du rocher de Basiluzzo (voir ma note du 4 mzrs 2018). J’ai eu plaisir de revoir Francesco Italiano que j’avais rencontré à plusieurs reprises à Vulcano où il m’avait expliqué comment il prélevait les gaz sous la surface de la mer pour le compte de l’Institut des Fluides de Palerme. Déjà dans les années 1990, on parlait des sources hydrothermales de Panarea, mais elles n’étaient pas étudiées comme aujourd’hui. Les anciennes cheminées sont à la fois belles et spectaculaires.

Le documentaire s’attarde longuement sur le risque de tsunami lié à un possible effondrement majeur du versant nord du Stromboli. Les dépôts géologiques montrent qu’un tel événement a eu lieu dans le passé, avec une vague qui a très rapidement atteint la région de Naples.

Un tsunami provoqué par un semblable effondrement a eu lieu en décembre 2002, avec des dégâts sur le rivage de l’île de Stromboli.

 Photo: C. Grandpey

Il faut toutefois ajouter que l’effondrement de la Sciara del Fuoco qui a provoqué ce tsunami s’est produit à la fois au-dessus et au-dessous du niveau de la mer. Le seul effondrement subaérien n’aurait pas suffi à provoquer une telle vague. Depuis 2002, d’autres effondrements spectaculaires de la Sciara del Fuoco ont été observés, sans toutefois provoquer de tsunamis dévastateurs.

Effondrement sur le Stromboli (Source: presse internationale)

Après avoir visionné ce documentaire qui prend parfois des allures de film-catastrophe à l’américaine, on se rend compte de l’importance de la prévision et de la prévention en volcanologie. Ces deux mots n’ont qu’une importance relative sur des volcans effusifs comme le Kilauea ou le Piton de la Fournaise qui ne causent que des dégâts matériels. Il en va tout autrement avec les volcans explosifs comme le Vésuve et les Champs Phlégréens qui retiennent leur colère dans des zones très fortement peuplées. Il faudra réagir très vite si un de ces volcans se réveille. Il faudra aussi convaincre les habitants de partir, ce qui n’est pas gagné. Le documentaire le montre parfaitement !

Nouvelle conférence !

Une troisième conférence vient d’apparaître sur mon circuit, à côté de « Volcans et Risques Volcaniques »  et « Glaciers en Péril ». Elle est intitulée « Champs Phlégréens, Vésuve, Herculanum et Pompéi. »

Le voyage débute à Pouzzoles et ses environs. Je conduis ensuite le spectateur dans la Solfatara avec ses fumerolles et ses mares de boue. Nous escaladons les pentes du Vésuve, avant de déambuler dans les rues de Herculanum et Pompéi, détruites par le volcan en l’an 79. Les fresques et mosaïques exposées au Musée Archéologique National de Naples complètent ce tour d’horizon.

Ma présentation se poursuit par un diaporama d’une vingtaine de minutes, en fondu-enchaîné sonorisé, intitulé « La Java des Volcans ». Il fait voyager à travers l’île indonésienne de Java qui héberge plusieurs volcans aussi explosifs que le Vésuve.

Photos: C. Grandpey

2000 ans avant Pompéi…. // 2,000 years before Pompeii…

Une éruption du Vésuve il y a environ 4 000 ans – 2 000 ans avant celle qui a enseveli Pompéi – a remarquablement préservé la vie d’un village du début de l’âge du bronze en Campanie. La conservation remarquable d’Afragola est unique en Europe. Le village était situé près de la ville de Naples actuelle, à environ 15 kilomètres du Vésuve.
Les chercheurs étaient impatients de voir s’ils pourraient déterminer la période de l’année à laquelle l’éruption s’est produite grâce au niveau de préservation et à la variété des plantes sur le site. Les fouilles à Afragola couvrent une superficie de 5 000 mètres carrés. C’est l’un des sites du début de l’âge du bronze les plus étudiés en Italie.
Dans une étude publiée le 29 septembre 2022 dans le Journal of Archaeological Science: Reports, des chercheurs de l’Université du Connecticut expliquent que l’éruption s’est déroulée en plusieurs phases, avec au début une très forte explosion qui a principalement transporté des débris vers le nord-est.

Comme Pompéi, le village d’Afragola a été recouvert par plusieurs mètres de cendres, de boue et de sédiments. De nombreux restes de végétaux ont été préservés, ce qui a permis aux scientifiques d’identifier à quel moment l’éruption s’est produite, et même à quelle période de l’année.

Ils ont ainsi pu retracer le déroulement de l’éruption. Tout d’abord, une énorme explosion du Vésuve a, semble-t-il, envoyé des débris vers le nord-est du volcan. Les habitants d’Afragola qui se trouvaient le plus à l’ouest auraient ainsi eu le temps de fuir, ce qui explique pourquoi, contrairement à Pompéi, aucune trace de restes humains n’a été retrouvée. Puis la direction du vent aurait changée, entraînant d’importantes retombées de cendres sur le village déserté.

Puis, le Vésuve a émis des les coulées pyroclastiques jusqu’à environ 25 kilomètres de distance, ensevelissant totalement le village. C’est ce qui a permis à ce dernier de résister à la dégradation, même après plusieurs millénaires. Une chercheuse explique que « l’épaisse couche de matériaux volcaniques a remplacé les molécules des macro-restes végétaux et a produit des moulages parfaits dans la cinérite. »

Le village d’Afragola ainsi figé offre un rare aperçu de la façon dont les gens vivaient en Italie durant l’âge du bronze. Ils évoluaient probablement dans des groupes de huttes. L’effondrement du bâtiment de stockage sous le poids de la cendre a entraîné la carbonisation indirecte des matières végétales qui y étaient entreposées. C’est pourquoi les archéologues ont pu y identifier des céréales comme de l’orge, des noisettes, des glands, des pommes sauvages, des fruits de cornouiller et du matériel agricole extraordinairement bien conservés. Tous ces biens étaient probablement partagés avec la communauté.

En plus de ces fruits, de nombreuses empreintes de feuilles ont été préservées dans la cinérite. Elles ont permis aux scientifiques de conclure que l’éruption s’était déroulée en automne, comme celle de Pompéi qui a eu lieu en Octobre 79.

Source: presse internationale.

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An eruption of Vesuvius around 4,000 years ago – 2,000 years before the one that buried Pompeii – remarkably preserved early Bronze Age village life in Campania. Afragola’s remarkable preservation is unique in Europe. The village was located near the current city of Naples, about 15 kilometers from Vesuvius.
The researchers were eager to see if they could determine the time of year the eruption occurred based on the level of preservation and variety of plants at the site. The excavations at Afragola cover an area of ​​5,000 square meters. It is one of the most studied Early Bronze Age sites in Italy.
In a study published on September 29th, 2022 in the Journal of Archaeological Science: Reports, researchers from the University of Connecticut explain that the eruption took place in several phases, with at the beginning a very strong explosion which mainly transported debris to the northeast.
Like Pompeii, the village of Afragola was covered by several meters of ash, mud and sediment. Many plant remains have been preserved, allowing scientists to identify when the eruption occurred, and even at what time of year.
They were thus able to retrace the course of the eruption. First, a huge explosion from Vesuvius reportedly sent debris northeast of the volcano. The inhabitants of Afragola who were further west thus had time to flee, which explains why, unlike Pompeii, no trace of human remains has been found. Then the wind shifted, resulting in significant ashfall on the deserted village.
Then, Vesuvius emitted pyroclastic flows as long as about 25 kilometers, completely burying the village. This is what has allowed the village to resist degradation, even after several millennia. A researcher explains that « the thick layer of volcanic material replaced the molecules of the plant macro-remains and produced perfect casts in the cinerite. »
The frozen village of Afragola offers a rare glimpse into how people lived in Italy during the Bronze Age. They probably lived in groups of huts. The collapse of the storage building under the weight of the ash led to the indirect carbonization of the vegetable matter stored there. This is why archaeologists have been able to identify cereals such as barley, hazelnuts, acorns, wild apples, dogwood fruits and agricultural equipment that are extraordinarily well preserved. All of these goods were probably shared amidst the community.
In addition to these fruits, numerous leaf imprints have been preserved in the cinerite. They allowed scientists to conclude that the eruption had taken place in autumn, like that of Pompeii which took place in October 79.
Source: international press.

Le Vésuve, une menace permanente pour la Campanie (Photos: C. Grandpey)

Séquençage du génome d’une victime de l’éruption du Vésuve // Sequencing the genome of a victim of the Vesuvius eruption

Le site de Pompéi n’arrête pas de révéler ses secrets, avec l’aide des scientifiques. C’est ainsi que l’ADN d’un homme victime de l’éruption du Vésuve, découvert à Pompéi, a pu être entièrement séquencé pour la première fois. C’est ce que nous apprend une étude publiée dans la revue Nature. Près de 2000 ans après la catastrophe, on en sait maintenant davantage sur le profil génétique de cet homme et de la population pompéienne de l’époque.

Le squelette a été excavé par les archéologuess dans les années 1930 dans la salle à manger de la Casa del Fabbro à Pompéi, près d’un triclinium, une sorte de chaise-longue utilisée à l’époque par les Romains pour les repas. L’homme, âgé de 35 à 40 ans, qui souffrait de tuberculose, a probablement été surpris en plein déjeuner par l’une des coulées pyroclastiques émises par le volcan. S’agissant de la date de l’éruption, on sait maintenant qu’elle a eu lieu au mois d’octobre 79, et non en août comme on le pensait précédemment. .

D’après les scientifiques, la position et l’orientation du corps laissent à penser que l’homme a dû connaître une mort instantanée. Les restes d’une femme âgée d’une cinquantaine d’années ont également été découverts à ses côtés, mais son ADN n’a pas pu être exploité complètement.

Des analyses avaient pu être effectuées par le passé sur les génomes de victimes, humaines et animales découvertes à Pompéi, mais elles étaient restées à chaque fois incomplètes, faute d’ADN entier. Cette fois, l’ensemble du profil ADN a pu être analysé par des chercheurs danois. Il s’agit d’une réelle prouesse scientifique car l’exploitation des restes d’une victime s’avère en général complexe dans le cas de Pompéi en raison de la température élevée des matériaux émis par le volcan. Toutefois, dans le cas présent, l’éruption a déposé une couche de cendre sur les cadavres, ce qui les a isolés et protégés dune probable dégradation.

Les scientifiques ont par ailleurs eu recours à des méthodes innovantes d’extraction et de séquençage de l’ADN. Ils expliquent qu’elles ont « considérablement augmenté la quantité de données pouvant être obtenues à partir d’échantillons auparavant inadaptés à la recherche génétique. » Les chercheurs ont pu s’appuyer en particulier sur des zones du corps où l’ADN a été très bien préservé : les dents, l’os de l’oreille interne.

Le travail des scientifiques a permis de mettre au jour le profil génétique de l’homme disparu dans la catastrophe de Pompéi. Comparé à celui de 471 profils de type eurasien de la même période, l’ADN du Pompéien est similaire à celui des peuples méditerranéens et proche-orientaux actuels, comme les Grecs ou les Turcs.

Cette découverte est la marque probable d’une « signature génétique » au sein de la population romaine, pourtant d’origines diverses, diffusée par l’Empire et encore présente aujourd’hui.

Les recherches dévoilent par ailleurs la présence d’une forme d’ADN « sarde ». En effet, certaines séquences du génome du Pompéien ne se retrouvent actuellement que chez les habitants de Sardaigne. Ces derniers sont donc probablement issus de populations d’Anatolie ou du Néolithique.

Source: Presse internationale.

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The site of Pompeii does not stop revealing its secrets, with the help of scientists. The DNA of a man, victim of the eruption of Vesuvius, discovered in Pompeii, could be fully sequenced for the first time. This was revealed by a study published in the journal Nature. Nearly 2000 years after the disaster, we now know more about the genetic profile of this man and the Pompeian population of the time.
The skeleton was excavated by archaeologists in the 1930s in the dining room of the Casa del Fabbro in Pompeii, near a triclinium, a kind of chaise-longue used at the time by the Romans for meals. The man, aged 35 to 40, who suffered from tuberculosis, was probably surprised in the middle of lunch by one of the pyroclastic flows emitted by the volcano. Regarding the date of the eruption, we now know that it took place in October 79, and not in August as previously thought. .
According to the scientists, the position and orientation of the body suggest that he must have experienced instantaneous death. The remains of a woman in her 50s were also discovered alongside her, but her DNA could not be fully exploited.
Analyses had been carried out in the past on the genomes of victims, human and animal discovered in Pompeii, but they had remained each time incomplete, for lack of whole DNA. This time, the entire DNA profile could be analyzed by Danish researchers. This is a real scientific feat because the exploitation of the remains of a victim is generally complex in the case of Pompeii because of the high temperature of the materials emitted by the volcano. However, in this case, the eruption deposited a layer of ash on the corpses, which isolated them and protected them from possible degradation.
The scientists also used innovative methods of DNA extraction and sequencing. They explain that they have « significantly increased the amount of data that can be obtained from samples previously unsuitable for genetic research. » The researchers were able to rely in particular on areas of the body where the DNA has been very well preserved: the teeth, the bone of the inner ear.
The work of scientists brought to light the genetic profile of the man who disappeared in the Pompeii disaster. Compared to that of 471 Eurasian-like profiles from the same period, the DNA of the Pompeian is similar to that of present-day Mediterranean and Near Eastern peoples, such as the Greeks or Turks.
This discovery is the probable mark of a « genetic signature » within the Roman population, yet of diverse origins, disseminated by the Empire and still present today. Research also revealed the presence of a « Sardinian » form of DNA. Indeed, certain sequences of the Pompeian genome are currently found only among the inhabitants of Sardinia. The latter are therefore probably from populations of Anatolia or the Neolithic.
Source: International Press.

Moulages de victimes de l’éruption du Vésuve dans l’Orto dei Fuggiaschi, le Jardin des Fugitifs, à Pompéi (Photo: C. Grandpey)