Islande : Pas de chiens sur le site éruptif. Et les enfants en bas âge ? // Iceland : No dogs on the eruption site. What about very young kids ?

Les autorités islandaises demandent aux visiteurs du site éruptif de ne pas venir avec leurs chiens en raison du risque d’empoisonnement au fluorure. D’autre part, on a relevé un niveau d’acidité élevé dans les flaques d’eau. En outre, la trajectoire empruntée par la lave peut être imprévisible et les gaz émis par l’éruption sont toxiques et dangereux.

Je suis très surpris de voir que les très jeunes enfants ne sont pas mentionnés. Très souvent, les parents les tiennent dans leurs bras ou les portent sur leur dos. J’ai vu de telles scènes sur l’Etna à l’époque où j’aidais les guides à gérer les foules de visiteurs. J’ai vu de jeunes parents parfaitement inconscients porter des gosses âgés de quelques mois près des coulées de lave et au milieu des gaz toxiques, à 3000 mètres d’altitude! Tout comme les chiens, les jeunes enfants laissés libres de marcher ou courir sur le site de l’éruption risquent d’inhaler les gaz toxiques qui s’accumulent près du sol.

Les autorités islandaises appellent aussi à la prudence lors de la visite du site éruptif en raison de la hausse des contaminations de COVID-19. Selon un compteur installé sur le sentier conduisant à l’éruption, des milliers de personnes ont déjà visité le site. C’est inquiétant car une personne qui a récemment été testée positive – elle n’avait pas respecté la quarantaine imposée à l’arrivée en Islande – avait passé du temps sur le site de l’éruption.

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Icelandic authorities have warned visitors that dogs should stay at home because of the risk of fluoride poisoning and high pH values in water puddles. Besides, the flow of the lava can be unpredictable and toxic gases emitted by the eruption can be life-threatening.

I am very surprised to see that very young children are not mentioned. Very often, parents carry them along, holding them in their arms or carrying them on their backs. I have seen such scenes on Mount Etna when I was helping the guides to manage the crowds of visitors. I saw unconscious young parents carrying months old babies close to the lava flows and amidst the toxic gases, 3000 metres above sea level!

Just like dogs, young kids who would be left to walk about on the eruption site are in danger of inhaling toxic gases that accumulate close to the ground.

At last, Icelandic authorities urge caution when visiting the eruption site due to the recent uptick in COVID-19 infections. According to a counter set up on the hiking path to the eruption, thousands of people have already visited the eruption. This is a cause for concern as a person recently tested positive for the virus, out of quarantine after spending time at the eruption site.

Prévision et prévention volcaniques // Volcanic prediction and prevention

Parmi les volcans actifs de la planète, quatre font actuellement la une des journaux: le Piton de la Fournaise (Réunion), l’éruption en Islande, les paroxysmes de l’Etna (Sicile) et le dôme de la Soufrière de Saint-Vincent. Il est intéressant de noter que les notions de prévision et de prévention volcaniques sont différentes sur ces quatre sites

A La Réunion, la sismicité est en hausse ces jours-ci au Piton de la Fournaise. Une inflation au sol est également enregistrée par l’Observatoire qui indique qu’une éruption pourrait survenir à court terme. Quand elle se produira, on sait déjà qu’elle sera effusive. Le volcan émettra une lave fluide et très chaude typique des éruptions de points chauds, celles qui ne tuent pas les gens. Lorsque le Piton de la Fournaise entre en éruption, les coulées de lave restent confinées dans l’Enclos Fouqué. De temps en temps, l’éruption peut survenir à l’extérieur de l’Enclos, comme en 1977 lorsqu’elle est devenue une menace pour le village de Piton Sainte Rose, mais il suffit que les habitants s’éloignent pour éviter de se trouver sur la trajectoire de la lave. Les dégâts ne sont pas humains; ils restent matériels, même s’il est triste de voir sa maison être avalée par la lave.

Eruption effusive à La Réunion (Crédit photo : Christian Holveck)

Il en est de même en Islande où l’éruption dans la Geldingadalur est effusive. D’un point de vue géologique, l’Islande est un point chaud situé sur la dorsale médio-atlantique. Le phénomène d’accrétion observé dans le pays provoque des éruptions effusives. La lave sort des fissures, un peu comme le sang sort d’une blessure sur un corps humain. Les zones habitées se trouvent actuellement loin de l’éruption. Le seul danger réside dans les gaz volcaniques qui peuvent empêcher les visiteurs d’atteindre le site éruptif.

L’éruption dans la Geldingadalur (Capture écran webcam)

16 paroxysmes ont été observés sur l’Etna (Sicile) depuis le 16 février 2021. Pour l’instant, les crises éruptives se limitent au cratère SE dans la zone sommitale du volcan. Les coulées de lave avancent dans la Valle del Bove et ne menacent pas les zones habitées. Cependant, cela pourrait changer, comme on a pu s’en rendre compte lors de l’éruption de 1991-94 lorsque la lave a failli pénétrer dans Zafferana Etnea. Si un jour une bouche éruptive s’ouvre sur les basses pentes du volcan, la situation deviendra rapidement critique pour les villages éparpillés sur les pentes du volcan. Personne ne sera tué mais la destruction matérielle sera importante, comme elle le fut en novembre 1928 lorsqu’une coulée de lave a englouti le village de Mascali, ou en 1669 lorsque la lave est entrée dans la ville de Catane.

La lave aux portes de Zafferana (Photo : C. Grandpey)

Des séismes volcano-tectoniques continuent d’être enregistrés sous la Soufrière de Saint-Vincent et leur magnitude est telle qu’ils sont parfois ressentis dans plusieurs villages. Le dôme qui s’est formé le 27 décembre 2020 ne cesse de croître et il a triplé de volume en trois mois. Il mesure aujourd’hui 921m de long, 243m de large et 105 mètres de hauteur. Le niveau d’alerte reste à Orange. La NEMO rappelle qu’aucun ordre d’évacuation n’a été émis pour le moment. Cependant, il est conseillé aux quelque 16 000 personnes vivant dans des communautés proches du volcan de se tenir prêtes en cas d’évacuation d’urgence. A St Vincent, la prévision et la prévention volcaniques sont importantes car le volcan peut avoir une activité explosive soudaine. Saint-Vincent-et-les Grenadines est situé sur l’arc volcanique des Petites Antilles qui peut être le siège d’éruptions explosives très dangereuses, avec des coulées pyroclastiques meurtrières comme lors de l’éruption de la Montagne Pelée en 1902. Le bilan des éruptions qui se produisent dans les zones de subduction est souvent très élevé. Ces dernières années, l’éruption du Merapi (Indonésie) en 2010 et celle du Fuego (Guatemala) en 2018 ont tué plusieurs centaines de personnes. Bien que l’éruption de 1979 à St Vincent n’ait tué personne, l’activité actuelle pourrait s’avérer rapidement dangereuse. C’est la raison pour laquelle le volcan est étroitement surveillé et les évacuations seraient rapidement décidées si une éruption semblait imminente.

Le dôme de lave de La Soufrière (Crédit photo : UWI)

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Among others, four volcanoes are currently making the headlines: Piton de la Fournaise (Reunion Island), the eruption in Iceland, the paroxysms at Mt Etna (Sicily) and the dome at St Vincent’s La Soufriere. It is interesting to notice that the notions of volcanic prediction and prevention are different on the four sites

On Reunion Island, seismicity is quite high these days at Piton de la Fournaise. Ground inflation is also recorded by the Observatory which indicates that an eruption might occur in the short term. When it happens, we know the eruption will be effusive. The volcano will emit hot and fluid lava typical of hotspot eruptions that do not kill people. When Piton de la Fournaise erupts, lava flows are confined to the Enclos. Once in a while, the eruption may occur outside the Enclos, like in 1977 when it became a threat to the village of Piton Sainte Rose, but residents just need to move away. The damage is not human; it is just material, even if it is sad to see one’s house engulfed in lava.

It is just the same in Iceland where the eruption in Geldingadalur is effusive. From a geological standpoint, Iceland is a hotspot located on the Mid-Atlantic Ridge. The accretion phenomenon observed in the country causes effusive eruption. Lava comes out of fissures, just like blood comes out of a wound on a human body. Populated areas currently lie far away from the eruption. The only danger lies with the volcanic gases that can prevent visitors from reaching the eruptive site.

16 paroxysms have been observed on Mt Etna (Sicily) since February 16th, 2021. For the time being, the eruptive crises are limited to the SE Crater in the volcano’s summit area. Lava flows travel into the Valle del Bove and do not threaten populated areas. However, this may change, as could be observed during the 1991-94 eruption when lava nearly entered Zafferana Etnea. If one day an eruptive vent opened on the lower flanks of the volcano, the situation would rapidly become critical to the villages scattered on the slopes of the volcano. No one would be killed but the material destruction would be high, like in November 1928 when a lava flow engulfed the village of Mascali or, earlier, when lava entered the town of Catania in 1669.

Volcano tectonic earthquakes continue to be recorded beneath St Vincent’s La Soufriere and their magnitude is such that they can be felt in several villages. The dome which appeared on December 27th, 2020 keeps growing and its volume tripled in three months. It is now 921 metres long, 243 metres wide and 105 metres high. The alert level remains at Orange. NEMO reminds residents that no evacuation order has been issued for the moment. However, the 16,000 persons living in communities close to the volcano are advised to heighten their preparedness in the event of an emergency evacuation. In St Vincent, volcanic prevision and prevention are important because the volcano might have a sudden explosive activity. St Vincent-and-the Grenadines is located on the Lesser Antilles volcanic arc that may cause dangerous explosive eruptions with life-threatening pyroclastic flows like during the Montagne Pelée eruption in 1902. The death toll of such eruptions that occur in subduction zones is often very high. In recent years, the 2010 eruption of Mt Merapi (Indonesia) and 2018 eruption at Fuego (Guatemala) killed several hundred people. Although the 1979 eruption at St Vincent did not kill anybody, the current activity might prove rapidly dangerous. This is the reason why the volcano is carefully monitored and evacuations would rapidly be decided if an eruption looked imminent.

Les gaz, moteur des éruptions sur l’Etna

Dans les semaines qui ont précédé l’éruption sur la péninsule de Reykjanes, je m’étonnais du peu d’intérêt apporté à l’étude des gaz par les scientifiques islandais. C’est peut-être parce que ces derniers comprennent dans leurs rangs surtout des géologues et des géophysiciens et peu de géochimistes, mais ce n’est qu’une supposition de ma part. .Etant un tazieffien convaincu, je suis persuadé que les gaz jouent un rôle majeur et sont le véritable moteur des éruptions. A mon petit niveau, je me suis efforcé de les étudier, en particulier sur les basses pentes de l’Etna, en suivant en particulier les conseils de géochimistes de l’Institut des Fluides de Palerme.

Cet intérêt pour les gaz volcaniques m’a conduit à lire attentivement un article paru dans le journal La Sicilia. Il présente les conclusions d’une étude réalisée conjointement par des chercheurs de Catane (Italie) et Clermont-Ferrand (France).

Selon la conclusion d’une thèse de doctorat intitulée «La déshydratation du magma contrôle l’énergie des récentes éruptions de l’Etna», publiée dans la revue scientifique Terra Nova, la teneur en gaz du magma influence la cadence des éruptions ainsi que l’extraordinaire énergie des phénomènes éruptifs. Le travail de recherche a été réalisé par Francesco Zuccarello de l’Université de Catane sous la supervision de Marco Viccaro, professeur de géochimie et de volcanologie à l’Université de Catane, et en collaboration avec Federica Schiavi du Laboratoire Magmas et Volcans de l’Université Clermont-Auvergne.

L’étude s’appuie sur les données obtenues en analysant des inclusions vitreuses présentes dans les cristaux d’olivine qui révèlent les contenus originaux en composants volatils des magmas récents émis par l’Etna : l’eau, le dioxyde de carbone, le soufre, le chlore et le fluor. L’équipe scientifique insiste en particulier sur le fait que la teneur en eau des magmas émis au cours de l’activité de 2013-2018 est extraordinairement élevée et tout à fait comparable à celle des grandes éruptions explosives survenues sur l’Etna en 2001 et 2002-2003, pendant lesquelles on a mesuré des teneurs en eau exceptionnelles de l’ordre de 3,5%.

L’aspect intéressant de la nouvelle étude est qu’elle met à mal des idées avancées jusqu’à maintenant sur la faible concentration en eau des magmas émis par l’Etna. Jusqu‘à présent, on pensait que les magmas émis lors des paroxysmes de 2011-2013, ou de l’activité de la Voragine en 2015 et 2016, étaient relativement pauvres en eau. Cela est dû au fait que cet aspect des éruptions faisait défaut dans la littérature scientifique. De plus, cette impression de faible teneur en eau est aussi due au fait que les phénomènes éruptifs présentaient une très forte énergie, avec de nombreux épisodes de fontaines de lave au cours de la séquence 2011-2013 ou lors de l’éruption paroxystique du 3-4 décembre 2015 dans la Voragine, avec des fontaines de lave de plus de 2 kilomètres de hauteur.

L’étude montre que la teneur finale en gaz présente dans le magma, et donc le potentiel explosif conféré à l’éruption, est fortement influencée par la dynamique de l’ascension du magma. Des temps d’ascension lents peuvent favoriser la libération d’une partie de la quantité d’eau primaire au travers des processus de dégazage. Au contraire, des ascensions rapides permettent le maintien d’une grande quantité d’eau dans le magma, ce qui entraîne une dynamique éruptive hautement explosive.

Cela signifie que l’Etna, considéré comme le type même de volcan à conduit ouvert, est capable, à des moments précis de son cycle éruptif, de faire apparaître des dynamiques très similaires à celles des volcans qui dégazent en système fermé.

La nouvelle étude permet également d’expliquer ce qui s’est passé sur l’Etna ces derniers mois avec la série de paroxysmes qui a débuté les 13 et 14 décembre 2020 et qui à ce jour compte 19 épisodes éruptifs. Cela montre que l’Etna est actuellement très chargé en énergie, ce qui s’explique précisément par des volumes importants de magma riche en gaz qui sont entrés dans son système d’alimentation vers la fin de l’année 2020 et qui doivent encore trouver le moyen d’atteindre la surface.

C’est donc bien la teneur considérable en gaz, vraisemblablement comparable à celle des magmas émis par l’Etna entre 2013 et 2018, qui contrôle à la fois la fréquence des éruptions – espacées ces dernières semaines de 50 à 70 heures – et l’énergie extraordinaire impliquée dans les phénomènes éruptifs.

Source : La Sicilia.

Photo : C. Grandpey