Martinique : simulation d’un effondrement de la Montagne Pelée à Saint Pierre…

Dans la matinée du 23 mars 2023, la ville de Saint-Pierre (Martinique) a été le théâtre d’une nouvelle simulation « Caribe Wave ». Pour cette 12ème édition, « un tsunami causé par l’effondrement du flanc de la Montagne Pelée » était l‘une des deux fictions retenues par l’organisation de cette mise en scène annuelle. L’objectif est de « valider et de faire progresser les efforts de préparation aux tsunamis dans les Caraïbes et les régions adjacentes ».

L’événement était organisé, comme chaque année, par la Commission océanographique intergouvernementale de coordination pour les tsunamis et autres systèmes d’alerte aux risques côtiers pour la mer des Caraïbes et les régions adjacentes de l’UNESCO.

Pour le « Caribe Wave 2023 », 2 scénarios ont été retenus par les coordonnateurs. Le premier simule « un tsunami généré par un séisme de magnitude M 7,6 dans le golfe du Honduras ». Le deuxième scénario concerne « un tsunami causé par un effondrement du flanc du volcan de la Montagne Pelée » à Saint-Pierre.

Le but de cet exercice est de tester les plans d’urgence en cas de catastrophe naturelle,.de valider et de faire progresser les efforts de préparation aux tsunamis dans les Caraïbes et les régions adjacentes.

Au fil du temps, les plans d’urgence sont mis à jour et du nouveau personnel est intégré aux opérations tsunami, une bonne occasion de se familiariser et de revoir et tester les procédures actuelles.

Le Bureau caribéen du centre international d’information sur les tsunamis « se concentre sur le renforcement et le maintien du système d’observation des tsunamis ainsi que sur l’amélioration continue de la sensibilisation, de l’éducation et de la préparation aux tsunamis, y compris la mise en œuvre des programmes ». 48 États et territoires des Caraïbes et de l’Atlantique Ouest sont associés à cette opération.

Source : Martinique la 1ère.

Photo: C. Grandpey

Activité volcanique et prévention sur le Mauna Loa (Hawaii) // Volcanic unrest and prevention on Mauna Loa (Hawaii)

La dernière éruption du Mauna Loa a eu lieu en 1984 et a commencé avec le style typique qui caractérise ce volcan. A 22h55 le 24 mars 1984, la sismicité a commencé à augmenter rapidement, avec 2-3 événements par minute. À 23h30, une forte secousse sismique a été enregistrée, indiquant que le magma avait commencé son ascension vers la surface. L’éruption a débuté au sommet du Mauna Loa à 1 h 30 le 25 mars.
L’apparition rapide d’une forte activité débouchant sur une éruption est typique du Mauna Loa. C’est ce que les scientifiques ont observé au cours des deux derniers siècles. En plus d’un début rapide, les éruptions le long de l’une ou l’autre des zones de rift du Mauna Loa ont tendance à émettre de gros volumes de lave, avec des coulées qui peuvent atteindre rapidement l’océan. En dévalant les pentes abruptes du Sud Kona, la lave peut atteindre l’océan en seulement 3 ou 4 heures après le début d’une éruption. Avec un début rapide, de grands volumes de lave et des coulées rapides, les éruptions du Mauna Loa peuvent être particulièrement dangereuses.
Les techniques utilisées par le HVO pour surveiller les volcans ont beaucoup évolué depuis 1984. Les sismogrammes sur papier, les données collectées à la main et les observations visuelles ont cédé la place aux données sismiques numériques, aux mesures GPS en continu et à un réseau de webcams. Cela signifie que les scientifiques obtiennent aujourd’hui beaucoup plus de détails qu’auparavant sur la période d’activité du Mauna Loa. Néanmoins, la situation est toujours susceptible d’évoluer très rapidement et il est difficile de prévoir quand une éruption va se produire.
La période actuelle d’activité du Mauna Loa a commencé fin 2014 avec une augmentation de la déformation et de la sismicité sur l’édifice volcanique. Ces paramètres ont diminué en 2017-2018, mais ils ont recommencé à augmenter en 2019 et sont restés plus ou moins stables depuis cette époque, à raison d’un vingtaine de secousses sismiques par jour. Un essaim sismique remarquable a été enregistré entre fin janvier et mi-avril 2021 et s’est accompagné d’une inflation sommitale. Ces observations indiquaient que le magma se rapprochait de la surface. Un autre bref essaim sismique accompagné d’inflation a été observé début août 2022.
L’essaim sismique actuel a commencé le 22 septembre 2022 et a marqué le début d’une augmentation persistante de la sismicité au sommet du Mauna Loa. On est passé d’environ 20 événements par jour à 40-50 par jour, avec deux jours où l’on a enregistré 100 secousses quotidiennes.

La majeure partie de la déformation du Mauna Loa reste provoquée par des processus profonds (plus de 3 kilomètres de profondeur) qui se produisent depuis 2019.
D’autres paramètres, tels que l’apparition d’épisodes de tremor, pouvant indiquer qu’une éruption est imminente, n’ont pas été observés. Cependant, en raison du niveau élevé de la sismicité, le HVO a commencé à publier des mises à jour quotidiennes sur la situation sur le Mauna Loa. Elles sont disponibles sur le site Web de l’USGS.
Cette hausse d’activité est l’occasion de rappeler à la population qu’elle doit se tenir prête à l’éventualité d’une nouvelle éruption du Mauna Loa. Les mesures à prendre incluent la constitution d’un sac contenant l’essentiel des affaires et documents à emporter en cas d’évacuation rapide, ainsi qu’un plan de communication entre les membres de la famille. Il faut aussi être en mesure de recevoir des informations d’urgence actualisées.
Les visiteurs doivent garder à l’esprit qu’en raison de l’activité actuelle le sommet du Mauna Loa a été fermé jusqu’à nouvel ordre. La Mauna Loa Road et le le Mauna Loa Lookout (point d’observation sur le volcan) à 2 000 m d’altitude restent ouverts au public.
Source : HVO.

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The last eruption of Mauna Loa occurred in 1984 and began in a style typical of the volcano. At 10:55 p.m. March 24th, 1984, the rate of earthquakes under Mauna Loa started to rapidly pick up, reaching 2-3 events per minute. By 11:30 p.m., strong seismic tremor was recorded, indicating that magma was moving underground and getting close to the surface. The eruption began at Mauna Loa’s summit at 1:30 a.m. on March 25th.

The rapid onset of extreme unrest leading to eruption in 1984 is typical of the Mauna Loa eruptions that have been observed in the last two centuries. In addition to rapid onset, eruptions that migrate along either of Mauna Loa’s rift zones tend to be high volume and the resulting lava flows can move quickly from their eruptive vents downslope toward the ocean. Moving down the steep slopes of South Kona, they can reach the ocean as soon as 3-4 hours after the start of a rift eruption. The combination of rapid onset, large lava volumes, and fast lava flows can make Mauna Loa eruptions particularly hazardous.

The technology used by HVO to monitor volcanoes has changed a lot since 1984. Paper seismograms, hand-collected survey data, and visual observations have given way to digital seismic data, continuous GPS measurements, and a network of webcams. This means scientists have a lot more detail about Mauna Loa’s current period of unrest than they had before. Nonetheless, it is still possible for the situation to change rapidly and it is difficult to forecast when that might happen.

Mauna Loa’s current episode of unrest began in late 2014 with an increase in the rates of inflationary deformation and seismicity. These rates waned in 2017-18, but began increasing again in 2019 and have remained somewhat steady since then, with earthquake rates of about 20 per day. A noticeable seismic swarm occurred from late January through mid-April 2021 and was accompanied by changes by ground surface inflation recorded by a summit tiltmeter. This was an unprecedented observation that indicated magma had been getting closer to the surface. Another short swarm and inflation event was observed in early August 2022.

The current seismic swarm began on September 22nd, 2022, and marked the start of a persistent increase in earthquake rate at Mauna Loa’s summit. It rose from about 20 events per day to 40-50 per day, with two days getting as high as 100 per day.

The bulk of Mauna Loa’s deformation is still due to deeper processes (greater than 3 kilometers deep) that have been occurring since 2019.

Other signals, such as seismic tremor, that indicate that an eruption is imminent, have not been observed. However, due to the sustained high level of earthquakes, HVO has begun issuing daily updates on Mauna Loa’s status that are available on the USGS website.

This uptick in activity is a good reminder to be prepared for a volcanic eruption, whether people live on the flanks of Mauna Loa or anywhere else on the Island of Hawaii. The steps to be prepared for a volcanic eruption include putting together a “go bag” with essentials in the case of quick evacuation, as well as a communication plan among family members, and knowing how to get updated emergency information.

Visitors should keep in mind that, due to the current unrest, the Mauna Loa summit has been closed until further notice. Mauna Loa Road and the Mauna Loa Lookout at 2,000 m elevation remain open to the public.

Source: HVO.

 

Graphiques montrant la déformation du sol (en haut) et la sismicité (en bas) sur le Mauna Loa entre le 8 août et le 5 octobre 2022 (Source: USGS / HVO)

Des feux clignotants sur la plage de Reynisfjara (Islande) // Warning lights on Reynisfjara beach (Iceland)

Suite à plusieurs accidents mortels sur la plage de Reynisfjara (voir notes sur ce l blog), les autorités islandaises ont finalement décidé d’installer un feu rouge clignotant qui indiquera aux visiteurs les moments où les vagues sont vraiment dangereuses. Le feu sera installé au cours des trois prochaines semaines. De puissantes vagues et des lames de fond sur la plage ont été à l’origine de plusieurs accidents mortels, malgré des panneaux qui demandent aux visiteurs de ne pas s’approcher du rivage.
Le feu clignotera en Orange ou en Rouge en fonction des conditions sur la plage. Le code couleur est basé sur un système de prévision des vagues que l’Administration des routes et du littoral a commencé à développer il y a cinq ans. Le responsable de l’Administration explique qu' »avec [le système de prévision] nous pouvons prévoir avec un certain degré de certitude le comportement des vagues ». Le risque a été codé en vert, jaune et rouge en fonction du danger posé par les vagues à Reynisfjara.
Le feu sera installé près du parking et du sentier qui conduit à Reynisfjara et n’utilisera jamais la couleur verte. Il clignotera en Orange en permanence et il sera Rouge lorsque les conditions seront mauvaises. Ce feu sera la première étape du système de prévention. Les autorités vont voir comment les choses se passent et si les gens respectent le feu.
Des caméras seront également installées près de la plage pour permettre aux autorités d’observer les vagues et de tenir compte de ces observations dans les prévisions.
Source : médias d’information islandais.

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After several fatal accidents at Reynisfjara beach (see posts on this blog), Icelandic authorities have finally decided to install a flashing red light to warn visitors of dangerous waves. The light will be installed within three weeks. Powerful sneaker waves at the beach have been the cause of several fatal accidents, despite signs that warn visitors to keep their distance from the water.

The light will flash yellow or red based on the conditions at the beach. The colour code is based on a wave forecasting system that the Road and Coastal Administration began developing five years ago. The manager of the Administration explains that“with [the forecasting system] we can predict with some degree of certainty how the waves will be.” The risk has been colour-coded green, yellow, and red depending on how much danger is posed by the waves at Reynisfjara.

The light will be installed by the parking lot and walking path by Reynisfjara and will never be lit green. There will be a flashing yellow warning light and it will be red when conditions are poor. This light will be the first phase of the warning system. Authorities will see how itt goes and whether people notice it.

A camera system will also be set up by the beach to allow authorities to observe the waves visually and calibrate those observations into the forecast.

Source: Icelandic news media.

 

Photos: C. Grandpey

 

 

São Jorge (Açores), Vulcano (Sicile), péninsule de Reykjanes (Islande) : les difficultés de la prévision éruptive

S’agissant des volcans actifs, deux mots revêtent à mes yeux une importance particulière: prévision et prévention. Autrement dit, prévoir pour protéger. Ces deux mots prennent vraiment leur sens quand des populations sont menacées par une éruption, et beaucoup moins lorsque l’événement se déroule dans une zone désertique. Ainsi, il ne faut pas se rater dans la prévision éruptive des volcans indonésiens ou philippins où cultures et villages grimpent très haut sur leurs pentes. Inversement, une éruption dans les zones désertiques de l’Islande ou dans l’Enclos du Piton de la Fournaise sur l’île le la Réunion n’a qu’un caractère menaçant très limité. Prévision et prévention perdent donc de leur intérêt.

Aujourd’hui, je me rends compte que la prévision éruptive n’a guère progressé depuis les années 1980, époque où je commençais à faire des observations sur le terrain. En dépit de progrès techniques indéniables – en particulier avec les données satellitaires – les volcans continuent de tuer au Guatemala ou en Indonésie. Faute de prévisions fiables, les autorités préfèrent avoir recours au principe de précaution quand la menace devient trop grande. Mieux vaut évacuer des populations que de les envoyer au casse-pipe. C’est ce qui s’est passé à La Palma (Iles Canaries) où les autorités ont eu raison d’évacuer la population susceptible d’être menacée par l’éruption.

En ce moment, il suffit de prendre l’exemple des Açores, de l’Islande et de la Sicile pour se rendre compte que le niveau de la prévision éruptive est faible.

Le 27 mars 2022, j’indiquais que les 8400 habitants de São Jorge (Açores) étaient inquiets devant la sismicité qui agitait l’île depuis le 19 mars 2022. Ils craignaient une éruption volcanique ou un puissant séisme. Le 23 mars, le CIVISA a fait passer le niveau d’alerte volcanique à 4, signe qu’il y avait la »possibilité réelle » que le volcan entre en éruption pour la première fois depuis 1808. Toutefois, le Centre s’est empressé d’ajouter qu’il n’y avait « aucune preuve qu’une éruption volcanique était imminente », mais qu’un tel scénario ne pouvait être écarté. En d’autres termes, les scientifiques ne savaient pas comment la situation était susceptible d’évoluer et la prévision était nulle, tant au niveau volcanique que sismique. Un plan d’urgence a été activé et les autorités indiquent que tout est prêt pour évacuer les gens si nécessaire. Même si aucune évacuation n’a officiellement été décrétée, quelque 1250 personnes ont quitté l’île de leur propre gré.

Crédit photo : CIVISA

En Islande, on observe depuis plusieurs semaines sur la péninsule de Reykjanes des épisodes de hausse de la sismicité auxquels est venue s’ajouter une inflation significative du sol, en particulier dans le secteur de la centrale géothermique de Svartsengi. Les habitants de Grindavík ont ​​​​été invités à une réunion publique le 19 mai pour discuter de l’activité géologique et leur rappeler les mesures à prendre en cas d’éruption. A noter que les Islandais disposent sur leurs smartphones d’une application qui les alerterait en cas d’urgence immédiate. Le géophysicien qui intervenait a indiqué qu’il était impossible de dire quel type d’éruption se produirait, si éruption il y a. Il a également reconnu qi’il était impossible de prévoir le début d’une éruption.

Photo : C. Grandpey

Cela fait plusieurs semaines que l’on observe une hausse de l’activité dans le cratère de la Fossa sur l’île éolienne de Vulcano. On a observé une augmentation de la température des gaz et une modification de leur composition chimique. L’augmentation des émissions de CO2 sur l’île proprement dite a entraîné des évacuations. Cerise sur le gâteau, une décoloration de l’eau de mer vient d’être observée sur le littoral de la plage de Levante. La saison touristiques ne va pas tarder à battre son plein. Des simulations d’évacuation ont eu lieu il y a quelques semaines, mais personne ne peut dire comment la situation va évoluer. Il suffit de lire la conclusion du dernier rapport de l’INGV pour s’en rendre compte : « Une possible évolution vers des émissions de gaz dangereuses pourrait donc avoir lieu à court terme en cas de réactivation de l’activité du cratère de La Fossa.. » On ne sait pas.

Photo: C. Grandpey