Péninsule de Reykjanes (Islande) : on patauge dans les prévisions !

La sismicité sur la Péninsule de Reykjanes affole les volcanologues islandais et les réseaux sociaux. Chacun y va de ses pronostics. Eruption ? Pas éruption ? Sur le terrain, ça vibre et sa secoue mais le magma joue les timides et il n’y a aucune lave à se mettre sous les yeux.

Si je consulte mes notes des derniers mois, je me rends compte que ces pronostics en tout genre ne sont pas chose nouvelle.

Il suffit de relire ma note du 30 janvier 2021 qui résumait la situation sur les Péninsule de Reykjanes en 2020. Les questions posées sur la possibilité d’une éruption étaient déjà nombreuses, sans qu’une réponse puisse leur être apportée.

En 2020, 22 000 secousses ont été enregistrées sur la Péninsule de Reykjanes. La plupart d’entre elles avaient des magnitudes inférieures à M 3,0. Il s’agit toutefois de la plus importante activité sismique depuis le début des mesures numériques en 1991.

L’activité sismique a commencé dans la ville de Grindavík le 26 janvier 2020. Elle a été suivie d’une inflation de la surface, d’abord de quelques centimètres, puis davantage. Les géologues islandais pensent que le phénomène était dû à l’accumulation de magma sous la surface. Cependant, curieusement, il n’y a pas eu d’émissions de gaz détectables pour confirmer cette hypothèse. Au moment du pic de sismicité, les scientifiques ont rappelé que la région est très complexe, avec la cohabitation d’une activité volcanique et tectonique potentielle.

Au début, l’activité sismique en 2020 est restée en grande partie concentrée dans une zone allant de la pointe sud-ouest de Reykjanes au lac Kleifarvatn à l’est. Cependant, au cours des mois suivants, la source des événements sismiques s’est déplacée vers l’est, en direction de Krýsuvík.

Le 20 octobre 2020, l’épicentre d’un séisme de M 5,6 a été localisé à proximité du lac Djúpavatn. La limite entre les plaques tectoniques sur la Dorsale de Reykjanes s’étire d’ouest en est à travers la Péninsule de Reykjanes. C’est là que la plaque tectonique nord-américaine fait face à la plaque eurasienne, parfaitement visible au niveau du «Pont entre les Continents» près de Sandvík, un endroit très prisé des touristes.

En moyenne, les plaques tectoniques sur la Dorsale de Reykjanes s’écartent l’une de l’autre d’environ un centimètre par an, mais au cours des derniers semestres, l’accrétion dans certains secteurs de Reykjanes a atteint 16 cm.

Il semble que la pression s’accumule sous terre entre le lac Kleifarvatn et les montagnes de Bláfjöll, et cette pression s’évacue par l’intermédiaire d’un ou plusieurs puissants séismes. Deux d’entre eux se sont produits en 1929 et 1968, avec respectivement des magnitudes de M 6,3 et M 6,0. Leurs épicentres étaient situés près des montagnes de Brennisteinsfjöll, à l’est du lac Kleifarvatn.

Même si la sismicité a diminué dans la Péninsule de Reykjanes, la région est constamment sous surveillance. Une phase d’ « incertitude » (le niveau d’alerte le plus bas) restera en place tant que l’activité sismique restera au-dessus de la normale.

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Les dernières notes du mois de mars 2021 confirment les incertitudes de 2020. Il suffit de parcourir les dernières informations diffusées par l’IMO.

Le 5 mars 2021, les volcanologues islandais indiquent que la probabilité d’une éruption dans les prochaines heures est en train de s’éloigner. Le Met Office islandais a imaginé cinq scénarios possibles (voir la note sur mon blog), dont l’un était une éruption qui ne menacerait pas les zones habitées ou le trafic aérien.

Après avoir analysé les dernières données, les volcanologues islandais estiment que rien n’indique qu’une éruption se produira dans les prochaines heures. Les images satellite InSAR sur la période du 25 février au 3 mars montrent la formation d’un dyke dans la zone située entre Fagradalsfjall et Keilir, mais le magma ne semble pas se déplacer.

Un nouveau modèle de prévision des coulées de lave, élaboré par des scientifiques de l’Université d’Islande, propose quatre sites éruptifs potentiels sur la péninsule, Leur prévision ne se limite plus à la zone située entre les montagnes Keilir et Fagradalsfjall car l’activité sismique n’est plus concentrée uniquement dans cette zone.

11 mars 2021 Les scientifiques surveillent de près le dyke dont l’extrémité sud, près de Fagradalsfjall, se trouve à une profondeur de seulement un kilomètre. Páll Einarsson explique que si le magma présente une pression et des conditions suffisantes pour atteindre la surface, il peut parcourir le kilomètre restant en peu de temps. Il fait remarquer qu’avant l’éruption dans l’Holuhraun en 2014, le dyke magmatique a continué de se déplacer pendant deux semaines avant que la lave perce la surface.

Cela fait beaucoup plus de deux semaines que l’on parle d’intrusion magmatique et de la présence possible d’un dyke qui se déplacerait sous la Péninsule de Reykjanes. Heureusement, aucune population n’est vraiment sous la menace d’une éruption. Imaginons un scénario identique dans une région fortement peuplée. Aurait-il fallu appliquer le principe de précaution et procéder à une évacuation des habitants ? A mes yeux, c’est la véritable finalité de la prévision éruptive.

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En attendant, ça cogne toujours aussi fort sur la péninsule. Ce dimanche 14 mars 2021, on a enregistré à 14h15 une nouvelle secousse de M 5,4 au SO de Fagradalsfjall, avec un hypocentre à 3,1 km de profondeur. Elle a été suivie de plusieurs autres événements d’une magnitude supérieure à M 3.0.

Source : IMO

Le nouveau cône du Klyuchevskoy (Kamchatka) // Klyuchevskoy’s new cone (Kamchatka)

Comme je l’ai écrit précédemment dans l’actualité volcanique, un nouveau cône est apparu sur le flanc de Klyuchevskoy (Kamtchatka). Le Siberian Times a publié un article avec des photos et des vidéos spectaculaires montrant la formation de ce cône. Les images de l’éruption ont été réalisées par trois intrépides voyageurs russes à 2850 mètres d’altitude.

Le nouveau cône est apparu sur le flanc du Klyuchevskoy après un arrêt d’activité le 8 février 2021. Le 6 mars, les trois hommes ont escaladé le volcan pour observer la nouvelle formation. Il leur a fallu huit à neuf heures pour atteindre le site de l’éruption. Ils ont installé leur tente sur le glacier Erman. La température matinale atteignait moins 47 degrés Celsius.

Les voyageurs ont filmé l’éruption du nouveau cône à courte distance les 7 et 8 mars. Ils ont essayé d’utiliser un drone mais il n’a pu fonctionner que pendant deux minutes à cause du froid dans cet environnement hostile. Une bombe volcanique l’a raté de peu.

Les hommes expliquent qu’une coulée de lave est émise par deux fractures parallèles espacées d’environ 250 mètres. Au moment de la visite, le cône de scories avait atteint près de 60 mètres de hauteur, avec un diamètre d’une centaine de mètres à sa base. L’équipe russe est retournée au village de Klyuchi le 9 mars.

Les voyageurs mettent l’accent sur la difficulté et le danger d’accès au nouveau cône. La route traverse le glacier Erman qui est entaillé par de profondes crevasses cachées par la neige. La dernière éruption du volcan pourrait endommager la route entre les villages de Klyuchi et Kozyrevsk, et perturber l’équilibre écologique des rivières voisines. L’éruption menace aussi de faire fondre une partie du glacier Erman. Les voyageurs envisagent deux scénarios. Dans le premier, la coulée de lave émise par l’éruption reste parallèle au glacier Erman et ne le traverse pas. Dans ce cas, une coulée de boue passerait à plusieurs kilomètres du village de Klyuchi en traversant des terres agricoles. Avec le deuxième scénario, la lave traverse le glacier Erman. Cela donnerait naissance à une rivière d’eau très chaude charriant de gros blocs qui emporterait la route entre Kozyrevsk et Klyuchi.

Source: The Siberian Times.

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As I put it before in the volcano news, a new cone has appeared on the flank of Klyuchevskoy (Kamchatka). The Siberian Times has published an article with a spectacular footage showing the formation of the new cone. The images of the eruption were caught by three Russian extreme travellers at 2,850 metres above sea level.

The side cone eruption followed a halt in activity at Klyuchevskoy on February 8th, 2021. On March 6th, the travellers climbed the mountain to examine the new formation. It took them eight to nine hours to reach the eruption site. They set up their tent on the Erman glacier. The temperature in the morning reached minus 47 degrees Celsius.

They filmed the eruption of the new cone from close range on March 7th and 8th. They tried to fly a drone but it was too cold and it only worked for two minutes in this hostile environment. A volcanic bomb almost hit it.

They explain that the lava breakthrough is in two parallel cracks spaced about 250 metres apart. At the time of the visit, the height of the cinder cone at its source  had reached almost 60 metres in height, with a base diameter of 101 metres. The Russian team returned to Klyuchi village on March 9th.

The travellers warn that access to Klyuchevskoy’s new side cone is life-threatening. The route passes across Erman Glacier which is dotted with deep cracks masked by snow. The latest eruption of the volcano may erode the road between the villages of Klyuchi and Kozyrevsk, as well as disrupt the ecological balance of nearby rivers. It threatens to wash away part of a glacier.

The travellers are considering two scenarios. On the one hand, the lava flow from the eruption runs parallel to the Erman Glacier, without crossing it. In this case, the mud-stone flow passes several kilometres from the village of Klyuchi through agricultural fields. With the second option, lava crosses Erman glacier. Should it happen, a stream of highly heated water with large fragments of rock would form and wash out the Kozyrevsk-Klyuchi road.

Source : The Siberian Times.

Vue du nouveau cône du Klyuchevskoy

(Crédit photo: Artem Gromov, Boris Smirnov, Alexey Kulayev)