Chaque semaine, les scientifiques en poste au Hawaiian Volcano Observatory (HVO) publient un article relatant un événement éruptif survenu sur la Grande Ile d’Hawaii depuis la création de l’Observatoire en 1912. Après avoir consacré une page au 30ème anniversaire de l’éruption du Kilauea, ils s’attardent cette semaine sur la colossale éruption du Mauna Loa en 1984.
L’éruption a débuté vers 1h30 du matin (heure hawaiienne) le 25 mars 1984, après une séquence d’activité sismique de quelques heures seulement. Les premières fontaines de lave ont jailli dans toute la caldeira sommitale avant de migrer dans la partie supérieure de la southwest rift zone (zone de fracturation SO). Toutefois, très vite, l’activité a fait demi-tour pour occuper la northeast rift zone. A 5 heures du matin, les bouches apparues dans ce secteur sont devenues la source principale de l’éruption qui dura 3 semaines avec des coulées qui s’arrêtèrent à seulement 6,5 km des premières habitations de Hilo.
L’éruption 1984 du Mauna Loa est la première du genre à avoir été suivie scientifiquement. Les volcanologues du HVO ont pu atteindre en quelques heures la northeast rift zone et récolter des données intéressantes sur les coulées de lave pendant les trois semaines qu’a duré l’événement. Il fallait avant tout s’assurer que la lave n’allait pas menacer Hilo, mais les observations ont permis d’en savoir beaucoup plus sur le comportement des coulées.
Les éruptions du Mauna Loa sont différentes de celles du Kilauea par leur intensité. Le débit d’émission de la lave sur le Mauna Loa est bien supérieur. Ainsi, on a estimé que la quantité de lave produite pendant les 22 jours d’éruption en 1984 représentait l’équivalent de deux années d’émission de lave sur le Kilauea !
Pendant l’éruption de 1984, les scientifiques ont observé l’écoulement de lave dans les chenaux qui s’étaient formés. Ils ont pu ainsi récolter des données intéressantes sur la largeur de ces chenaux, le débit éruptif, la vitesse d’écoulement, la température, la densité, la composition chimique de la lave et, surtout, les modifications de ces paramètres dans le temps. Les volcanologues américains n’étaient pas seuls au bord des coulées pendant l’éruption de 1984. De nombreux scientifiques étaient venus de l’étranger. On n’oubliera pas le film fantastique de l’événement tourné par le regretté Maurice Krafft.
Au final, le travail a permis de mieux comprendre le comportement des coulées de lave canalisées et quels facteurs intervenaient dans leur morphologie, en particulier lors du passage du type pahoehoe à a’a. Cela a aussi permis de mettre au point des modèles décrivant la longueur et la trajectoire des coulées. Aujourd’hui, les coulées produites en 1984 par le Mauna Loa servent de référence pour interpréter les écoulements plus anciens et pour mettre au point des modèles sur l’évolution des coulées plus récentes.
J’ai réalisé un travail dans ce sens lors de mes dernières visites à Hawaii. L’étude du processus de refroidissement de la lave sur les coulées pahoehoe (voir le résumé dans la colonne de gauche de ce blog) permet de connaître leur vitesse de progression en fonction du relief et de différents paramètres extérieurs.

Zone sommitale du Mauna Loa (Photo: C. Grandpey)