Nouvelle éruption sur la péninsule de Reykjanes (Islande) // New eruption on the Reykjanes Peninsula (Iceland)

16h00 (heure française) / 14h00 (GMT): : L’intense sismicité observée ces dernières semaines s’est finalement soldée par une éruption. Le magma a atteint la surface vers 13h40 (GMT) dans Geldingadalir sur la péninsule de Reykjanes. Une fissure de plusieurs centaines de mètres s’est ouverte près du Fagradalsfjall, site de la précédente éruption.

Les scientifiques recueillent des informations sur la zone de l’éruption. En attendant, il est demandé aux visiteurs d’être prudents et de ne pas  se rendre sur le site jusqu’à ce que de nouvelles informations soient publiées.

Le Président islandais a bien résumé la situation: « C’est ainsi que les choses se passent ici en Islande. Aujourd’hui, j’ai lu aux informations : « Aucun signe d’éruption pour le moment » à 12h55. Puis la nature prend le dessus (l’éruption a débuté vers 13h40). Maintenant, espérons juste que tout se passera bien et que cette éruption ne causera pas de dégâts. »

Capture écran webcam

Eruption fissurale « à l’islandaise » qui me rappelle celle du Krafla, dans le NE de l’Islande en 1984.

Crédit photo: USGS

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18 heures (GMT): L’éruption fissurale se poursuit à proximité du Fagradalsfjall et semble avoir adopté un rythme de croisière. La sismicité est moins intense sur la péninsule, tandis que le tremor éruptif s’est stabilisé à un bon niveau.

Une interdiction de vol est actuellement en vigueur au-dessus de la zone,mais il ne devrait s’agir que d’une mesure temporaire pendant l’évaluation des conditions. Selon la Protection civile, l’éruption n’est pas de grande ampleur et se situe à bonne distance des zones habitées et des infrastructures. Les émissions de gaz se dirigent actuellement vers le sud, loin des zones habitées.

Juste une question que ne manqueraient pas de poser les Américains à Hawaii: S’agit-il d’une nouvelle éruption, ou de la suite de la précédente?

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16:00 (French time) / 14h00 (GMT): : The intense seismicity observed during the past weeks has finally ended with an eruption. Magma reached the surface around 13:40 in Geldingadalir in the Reykjanes peninsula. A several hundred-meter long crack has opened close to Fagradalsfjall, the site of the previous eruption.

Scientists are gathering information regarding the area, in the meantime, visitors are asked to be careful and not to visit the site until further news has been published.

The Icelandic President summed up the situation quite well : » « This is how things happen here in Iceland. Today I read on the news: « No signs of eruption at this time » at 12:55 PM, and then Nature just takes the reins. Now we just hope for the best, that this eruption will not cause havoc. »

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6 p.m. (GMT): The fissure eruption continues near Fagradalsfjall and seems to have adopted a cruising speed. Seismicity is less intense on the peninsula, while the eruptive tremor has stabilized at medium values.

A flight ban is currently in effect over the area, though officials say it is only a temporary measure while conditions are being assessed. According to the Civil Protection, the eruption is relatively small and is located a considerable distance from inhabited areas and infrastructure. Gas emissions are currently streaming south, away from inhabited areas.

Just one question Americans would inevitably ask in Hawaii : Is this a new eruption or the continuation of the previous eruption?

Eruption à court terme sur la péninsule de Reykjanes ? // Short-term eruption on the Reykjanes Peninsula ?

Selon la dernière analyse du Met Office islandais (IMO), la probabilité d’une éruption dans la région de Fagradalsfjall dans les jours ou semaines à venir est à prendre en compte. Cette hypothèse fait suite à l’étude des modèles de déformation obtenus grâces aux satellites. Ils indiquent que le chemin emprunté par l’intrusion magmatique sous le Fagradalsfjall est très peu profond, à environ 1 km sous la surface.
Les modèles montrent que l’afflux de magma est assez rapide, presque deux fois plus rapide que lors de l’éruption de février/mars 2021. L’image InSAR réalisée à partir des données satellitaires Sentinel-1 montre clairement l’intrusion magmatique entre Keilir et le Fagradalsfjall ainsi que la déformation qui a accompagné le séisme de M5.4 à Grindavík le 31 juillet 2022.
La déformation et l’activité sismique semblent ralentir en ce moment, mais une situation semblable a été observée l’année dernière et a été l’un des précurseurs de l’éruption.
L’intrusion magmatique actuelle se produit le long de la bordure nord du chenal magmatique de l’année dernière et s’étend du centre du chenal à mi-chemin jusqu’à Keilir, ce qui explique probablement la sismicité dans cette zone. Le risque éruptif dans la zone autour du Fagradalsfjall dans les jours ou semaines à venir est donc bien réel.
Source: IMO.

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According to the latest analysis by the Icelandic Met Office (IMO), the chances of eruption in the area around Fagradalsfjall in the coming days or weeks have increased and are considered significant. This hypothesis follows the study of the deformation models. They indicate that the magma tunnel under Fagradalsfjall lies very shallow, about 1 km below the surface.

The models show that he magma influx is quite fast, nearly double the rate of the previous eruption in February/March 2021. InSAR image made from Sentinel-1 satellite images clearly shows the magmatic intrusion between Keilir and Fagradalsfjall along with deformation parallel to the M5.4 earthquake that occurred at Grindavík on July 31st, 2022.

The deformation and seismic activity seem to be slowing down right now, but this situation looks like what it was last year and was one of the forerunners of the eruption.

The current magma intrusion is taking place along the northern side of the magma tunnel from last year and extends from the center of the tunnel halfway to Keilir, which probably accounts for the earthquakes in that area.. The chances an eruption in the area around Fagradalsfjall in the coming days or weeks have therefore increased.

Source: IMO.

Source: Copernicus

Image InSAR couvrant la période du 20 juillet au 1er août 2022. On voit parfaitement l’intrusion magmatique entre Keilir et Fagradalsfjall ainsi que la déformation qui a accompagné le séisme de M5.4 à Grindavík le 31 juillet 2022.

Enfin une bonne nouvelle !

Dans deux notes intitulées « Saccage d’un glacier en Autriche » et publiées au mois de septembre 2019, j’avais attiré l’attention sur des événements condamnables en cours sur le glacier de Piztal. Des pelleteuses et bulldozers étaient à l’ouvre sur le glacier pour permettre la connexion des domaines skiables de Pitztal et Ötztal. Le 24 juin 2019, le club alpin autrichien et les associations environnementalistes avaient demandé l’arrêt de cet immense projet qui prévoyait qu’une surface d’environ 64 hectares du glacier de Pitztal soit nivelée pour former des pistes de ski. Pour la construction des nouveaux bâtiments, il était aussi envisagé que 1,6 hectare de glace soient retirés. Les protestations étaient restées vaines. Les pelleteuses étaient arrivées et les aménagements avaient commencé. Dans ma note, je critiquais vivement cette situation. Je rappelais les prévisions scientifiques qui expliquent que tous les glaciers des Alpes pourraient avoir disparu d’ici 2100. Parallèlement, il n’y aura probablement plus de neige pour skier. J’ajoutais que ces mêmes personnes qui détruisent les glaciers sont capables de venir pleurer dans quelques années pour demander de l’argent à l’Etat car leurs infrastructures hivernales ne sont plus rentables !

Heureusement, le projet de liaison des domaines skiables de Pitztal et Ötztal sera abandonné. C’est ce qu’a décidé la population par référendum. Au moment du saccage glaciaire, une pétition lancée par l’initiative citoyenne Feldring contre la fusion des domaines skiables sur glacier avait déjà été signée par 168 000 personnes. En janvier 2020, le projet prenait du plomb dans l’aile après l’évaluation négative de l’étude d’impact sur l’environnemental et l’ajournement de l’audience des domaines skiables par la Haute Autorité environnementale du Tyrol à la demande des exploitants.

Le dimanche 17 juillet 2022, le projet a subi un dernier revers. Un référendum était en effet organisé sur la commune d’implantation du glacier de Pitztal, auprès des 1 188 habitants de Sankt Leonhard im Pitztal. La question était : « Faut-il construire la fusion des domaines skiables de Pitztal et d’Ötztal ?  » Résultat : 50,36% de non, 49,64% de oui, pour 59% de participation.

Il faut maintenant espérer que certaines personnes peu scrupuleuses ne remettront pas en cause une décision démocratique.

Source: Montagne Magazine.

Source: WWF

Plus près de nous, dans le massif de la Meije, un projet consisterait à prolonger le téléphérique actuel du glacier de la Girose, jusqu’au Dôme de la Lauze à 3500 m d’altitude, ce qui permettrait d’atteindre le domaine skiable des Deux-Alpes. Ce projet fracture en ce moment le village de La Grave. Certains pensent qu’il est nécessaire à la survie de la station, tandis que d’autres sont persuadés qu’il va dénaturer la montagne. A l’heure actuelle, le chantier a été retardé car l’administration demande des études complémentaires, et il ne devrait pas reprendre avant 2022. J’espère pouvoir me rendre dans les Hautes Alpes en septembre et en savoir plus sur le projet. Je ne manquerai pas de rappeler que le ski d’été aux Deux-Alpes est tombé à l’eau en juillet2022 à cause des températures trop élevées…

Glacier de la Girose (Photo: C. Grandpey)

Le dégel du permafrost de roche et ses conséquences dans les Alpes (2ème partie : les conséquences)

L’article de la Revue de Géographie Alpine (https://journals.openedition.org/rga/2806) indique que la stabilité des parois rocheuses de haute montagne se dégrade fortement depuis deux décennies.

En marge du fonctionnement «normal» de la haute montagne, on observe depuis plusieurs années dans les Alpes des phénomènes dont l’intensité ou la nature est inhabituelle : écroulements rocheux de grande ampleur, déstabilisation voire rupture de glaciers rocheux. Si le manque d’observations anciennes ne permet pas d’affirmer avec certitude qu’il s’agit bien de phénomènes nouveaux, des études de cas détaillées les relient sans équivoque au réchauffement climatique et en particulier à ses épisodes chauds. La plupart de ces phénomènes peuvent constituer un aléa pour les populations, leurs habitations, les infrastructures et les pratiques sportives sur les versants de la haute montagne.

Trois écroulements de grande ampleur se sont produits dans la région du massif du Mont Blanc au cours des deux dernières décennies, pour lesquels la dégradation du permafrost a été évoquée comme facteur probable de déclenchement. La niche d’arrachement de l’écroulement de la Brenva en janvier 1997, située entre 3400 et 3700 m d’altitude en exposition SE, est probablement caractérisée par un permafrost tempéré. Une possible advection de chaleur par circulation d’eau en profondeur le long des fractures a pu y permettre la dégradation localisée du permafrost. Il en est vraisemblablement de même pour l’écroulement du Crammont en décembre 2008, qui s’est détaché d’une paroi exposée nord entre 2400 et 2650 m d’altitude également en contexte de permafrost tempéré, et pour celui du Pilier Bonatti en juin 2005, qui culminait à 3660 m d’altitude dans la face ouest des Drus.

De nombreux glaciers rocheux alpins ont récemment commencé à présenter des modalités de déplacement inhabituelles. Le détachement du glacier rocheux du Bérard dans les Alpes françaises reste à ce jour un des deux seuls cas connus au monde. Les premiers signes de cette déstabilisation remontent au moins à 2004, suivis par deux phases majeures au cours de l’été 2006. Outre le rôle de la topographie, les causes évoquées pour ce phénomène sont l’augmentation de la température de l’air des années 1990, les vagues de chaleur des étés 2003 et 2006, et les conditions hydro-nivo-météorologiques des semaines qui ont précédé le détachement.

En Vanoise, des données satellitaires ont récemment permis de détecter le glacier rocheux déstabilisé de Pierre Brune, dont la morphologie présente des signes manifestes de fortes déformations. Une reconstitution partielle du phénomène indique que les premières fractures sont apparues entre 1952 et 1970, suivies par une accélération de la déstabilisation entre 1990 et 2001.

L’un des principaux effets de la perte de glace due à la dégradation du permafrost est le développement de phénomènes «cryokarstiques», c’est à dire des affaissements superficiels par perte de volumes en profondeur. Plusieurs thermokarsts naturels ont été observés en France ces dernières années. Le cas le plus spectaculaire est le Lac du Plan de Chauvet, en Haute Ubaye, qui se forme puis se vide à travers la glace en provoquant des crues torrentielles. Six vidanges ont eu lieu depuis 1930, les plus récentes en 1997 et 2008. Tous les cas de thermokarst identifiés à ce jour se développent dans des secteurs avec une présence probable du permafrost, dont plusieurs sont des marges proglaciaires contenant de la glace morte héritée du Petit Age Glaciaire. Il s’agirait donc à proprement parler de formes de dégradation glaciaires, mais qui affectent des corps de glace qui n’ont pu se maintenir que grâce à des conditions de permafrost.

Dans sa conclusion, l’article explique que si la prévision des grands écroulements reste presque impossible, l’identification de sites potentiellement dangereux du fait d’autres phénomènes est possible. A la demande des services tels que l’ONF qui ont en charge la gestion des risques naturels en montagne, un inventaire exhaustif des glaciers rocheux a ainsi été entrepris dans les départements alpins français à partir de l’interprétation de photographies aériennes et d’observations de terrain. L’objectif de cet inventaire est de repérer tous les glaciers rocheux susceptibles de présenter un danger et tous les lacs en contact avec des glaciers rocheux. Une évaluation de l’aléa conduit ensuite à l’établissement d’une liste de sites à surveiller.

Par ailleurs, un travail de recensement de près de 1800 infrastructures (refuges, remontées mécaniques, dispositifs paravalanches, etc.) présentes en contexte de permafrost et/ou de retrait glaciaire dans les Alpes françaises vient d’être réalisé, dont 55 % présenteraient un risque de déstabilisation. Des dommages ont d’ores et déjà été observés sur nombre d’entre elles, avec des conséquences socio-économiques parfois lourdes (fermeture et chômage techniques,, etc.).

Photo: C. Grandpey