J’ai alerté à plusieurs reprises (notes des 10 février, 15 avril et 9 novembre 2021, par exemple) sur les nuisances occasionnées par les sargasses à la Martinique. Une fois échouées, ces algues se décomposent et émettent des gaz toxiques, essentiellement de l’hydrogène sulfuré (H2S).
C’est surtout le littoral atlantique de l’île qui est impacté. Ainsi, au François, la Baie du Simon est une cuvette où s’accumulent des bancs de sargasses. Depuis plusieurs années, l’odeur épouvantable gâche la vie des habitants qui résident autour de la Baie. Au cours de mes différents séjours à la Martinique, les gens m’ont expliqué qu’ils souffraient de problèmes de santé, avec des maux de tête, des vertiges, ou encore de l’asthme chez des enfants. Pour les personnes souffrant de symptômes liés à une exposition au gaz, la mairie du Robert, elle même concernée par l’envahissement des algues, propose des consultations médicales décentralisées, en collaboration avec le Centre Hospitalier Universitaire de Martinique.
Ces derniers jours, l’école de Dostaly a dû fermer ses portes car l’odeur était insupportable pour les élèves et les enseignants. Les gaz sont également responsables de l’érosion des toitures des maisons, de la robinetterie et des appareils électro-ménagers. On m’a également montré l’impact sur les papiers peints dans une habitation. Les maisons sont invendables dans ce secteur.
S’agissant des indemnisations que pourraient recevoir les populations impactées, la situation est compliquée car il y a un vide juridique. Les sargasses n’ont pas de statut juridique comme un cyclone ou un séisme, de sorte que les assurances refusent de prendre en charge les dégâts occasionnés par les gaz provenant de la décomposition des algues,
Les populations littorales de la Martinique sont d’autant plus inquiètes que, selon Météo-France, le pire est à venir, avec « un renforcement des échouements des sargasses sur la côte Atlantique de l’île ».
Source : Martinique la 1ère.
Il est surprenant de voir la lenteur du gouvernement français à intervenir. Dans ma note du 15 avril 2021, j’expliquais que des solutions pourraient être mises en œuvre pour arrêter, ou au moins ralentir, la prolifération des sargasses. Ces mesures ont un coût, mais ce ne devrait pas être aux seules collectivités martiniquaises de payer. Il faudrait que l’Etat français mette lui aussi la main au portefeuille. En 2018, Nicolas Hulot, alors ministre de la Transition Ecologique, avait promis une somme de 13 millions d’euros pour résoudre le problème des sargasses. Qu’en est-il de cette somme ? A quoi a-t-elle servi ?
Il ne faudrait pas que ceux qui nous dirigent oublient que la Martinique est un département français, comme les Landes ou les Alpes Maritimes. Imaginons un instant une prolifération de sargasses devant les plages de Nice ou de Cannes avant la saison estivale; je puis vous assurer que de gros moyens seront mis en œuvre pour les éliminer rapidement. Alors pourquoi pas à la Martinique, ou à la Guadeloupe qui est également concernée par ce poison ?
Photos: C. Grandpey