Il y a quelques jours, mon ami sicilien Pippo Scarpinati – dont le nom apparaît à plusieurs reprises dans les commentaires de ce blog – me faisait part dans sa langue maternelle de ses doutes quant à l’importance donnée au nuage de cendre émis par l’Eyjafjöll. Selon lui, « cette histoire de cendre en suspension dans l’atmosphère » pourrait être « le fruit d’une information volontairement déformée ». En effet, avec les moyens de communication modernes, toute information, même la plus banale, se retrouve transposée à l’échelle mondiale et, après son passage au travers des télévisions et des ordinateurs, personne ne sait plus où se termine la vérité et où commence le mensonge. Un événement au départ peu dangereux est en passe de devenir une menace pour l’humanité. Après avoir rappelé l’épisode comique de la fameuse Grippe A, Pippo s’attarde sur les déclarations d’E. Boschi à propos du volcan sous-marin Marsili ou encore celles de G. Bertolaso à propos d’une possible éruption à Ischia, déclarations dont j’avais à l’époque critiqué l’effet d’annonce.
S’agissant du nuage islandais, mon ami sicilien se demande s’il ne s’agirait pas d’un prétexte trouvé par certaines compagnies aériennes – ‘low cost’ en particulier – pour faire des économies. Certaines d’entre elles ne remboursent pas les passagers et ne répondent pas aux messages de protestation qui leur sont adressés. D’autre part, selon Pippo, de nombreuses compagnies préfèrent utiliser le prétexte de la cendre pour maintenir leurs avions au sol ; c’est vrai qu’il leur faut payer le parking des appareils, mais elles économisent des sommes énormes en ne remboursant pas les billets, en ne consommant pas de carburant et, surtout, en préservant les structures de leurs avions des cycles de décollage et d’atterrissage.
Pour ce qui est du principe de précaution par rapport au nuage de cendre, Pippo Scarpinati se demande si la concentration de cendre dans les airs est aussi dangereuse qu’on veut bien le dire. Est-elle, par exemple, vraiment plus dangereuse que la concentration de sable dans le ciel sicilien quand souffle le sirocco qui transporte avec lui des tonnes de poussière en provenance du Sahara, à tel point que l’on peut écrire des mots sur le sol quand elle s’y dépose !. Or, même lorsque le sirocco souffle et qu’une brume envahit la Sicile, les avions continuent à décoller et atterrir dans les aéroports de l’île ! Aucun problème particulier n’a jamais été recensé au niveau des avions ! Il y a quelques jours, le Pape a pu voyager et atterrir sans encombre au Portugal, alors que l’espace aérien de ce pays était fermé. Raison d’état ? A moins, dit mon ami, que le nuage de cendre islandais se soit ouvert pour laisser passer le Pape, comme l’avait fait la Mer Rouge devant le peuple de Moïse… !
En ce qui me concerne, j’ai défendu publiquement le principe de précaution et la fermeture des espaces aériens à la mi-avril quand la crise éruptive de l’Eyjafjöll était à son apogée. Les images des nuages de cendre diffusées par les satellites météo montraient qu’un risque certain existait pour les avions. Un mois plus tard, je suis beaucoup plus nuancé. Si la fermeture de l’aéroport de Reykjavik, qui se trouve à une centaine de kilomètres du volcan, est justifiée quand le panache prend la direction de l’ouest, celle des autres aéroports européens semble maintenant un peu exagérée. Le nuage de cendre est beaucoup moins volumineux et s’élève moins haut dans l’atmosphère. Il ne faudrait pas, comme le dit mon ami, que la cendre islandaise serve de prétexte pour résoudre des problèmes plus profonds !