Je viens de lire plusieurs articles dans la presse scientifique – dont notre CNRS – qui confirment que les glaciers de l’Asie, en particulier ceux de l’Himalaya sont en train d’accélérer leur fonte. Cela fait longtemps que le phénomène est en cours, comme je l’ai expliqué dans mon dernier livre « Glaciers en péril ».
Dans le chapitre dédié à l’Himalaya, j’ai écrit que les glaciers qui recouvrent les montagnes les plus élevées du monde jouent un rôle essentiel car ils alimentent les fleuves d’Asie, ressources en eau pour plusieurs centaines de millions de personnes. Alors que la planète se réchauffe, il est important de comprendre comment ces glaciers répondent aux variations climatiques, pour mieux anticiper leur contribution future aux ressources en eau.
Trente années d’images satellitaires apportent un nouvel éclairage sur l’évolution de ces glaciers. On s’aperçoit qu’ils ont nettement ralenti au cours des deux dernières décennies. A noter que je n’ai pas eu besoin des satellites, mais de mes seules photos, pour montrer le désastre de la fonte glaciaire en Alaska ! Il est vrai aussi que les glaciers alaskiens sont plus faciles d’accès et que des survols en avion ou des approches en bateau suffisent pour se rendre compte de leur évolution
Les montagnes qui encerclent le plateau tibétain forment collectivement les Hautes Montagnes d’Asie (HMA) et s’étendent de l’Afghanistan à la Chine en passant par l’Inde. C’est le plus grand volume de glace en dehors des régions polaires et ce réservoir permet de réguler les fluctuations du débit des cours d’eau, un rôle qui peut s’avérer crucial en périodes de sécheresse.
Les données satellitaires ont permis de documenter les changements de masse des glaciers des HMA sur les dernières décennies. De 2000 à 2016, la perte totale de masse de ces glaciers a été de 260 gigatonnes. Ce que l’on ne connaissait encore pas, c’est la façon dont les glaciers ajustent leur vitesse d’écoulement en réponse à cet amincissement. Le recul des glaciers dans les décennies à venir dépendra de cet ajustement de leur dynamique.
Grâce à des techniques de corrélation d’images, les glaciologues peuvent suivre automatiquement le déplacement de motifs à la surface des glaciers, tels que les crevasses ou des blocs rocheux. Cela a permis de constater que les écoulements des glaciers himalayens ont en moyenne fortement ralenti, avec des pertes de vitesse atteignant 37% par décennie, là où les glaciers s’amincissent le plus.
Le processus de déplacement des glaciers est bien connu : ils se forment par accumulation de neige en haute altitude, puis s’écoulent sous l’effet de la gravité vers les basses altitudes où ils fondent en raison des températures plus élevées. Le poids de la glace la force à glisser sur le socle rocheux et à se déformer le long des pentes. Lorsque le glacier s’amincit et perd de la masse, le glissement et la déformation de la glace deviennent tous les deux plus difficiles, et le glacier ralentit. Les régions où les glaciers s’amincissent le plus sont celles où ils ralentissent le plus. Dans les rares régions comme le Karakorum ou le Kunlun où les glaciers sont stables ou s’épaississent, les observations montrent que les glaciers ont légèrement accéléré.
Cette conclusion qui semble intuitive ne faisait pourtant pas, jusqu’à présent, l’unanimité de la communauté scientifique. D’autres facteurs contrôlent l’écoulement des glaciers, comme la lubrification du socle rocheux par l’eau de fonte, ce qui permet au glacier de glisser plus rapidement vers l’aval, accentuant ainsi sa fonte.
Le fait que les glaciers ralentissent signifie que le transport de glace vers les basses altitudes diminue et les glaciers ont tendance à rester plus haut en altitude, où les températures sont plus basses et la fonte réduite. En dépit du fait que les glaciers vont continuer à perdre de la masse avec l’augmentation des températures, cette perte de vitesse devrait permettre aux glaciers de se protéger quelque temps.
NDLR : Il est intéressant ici de comparer les glaciers himalayens à leurs homologues alpins. Tout se joue au niveau de la zone d’accumulation qui s’élève de plus en plus en raison du réchauffement climatique. Elle se situe actuellement à environ 3000 mètres d’altitude. La chaîne himalayenne étant beaucoup plus haute que nos Alpes, avec une bonne quinzaine de sommets culminant à plus de 8000 mètres, il est normal que les glaciers les plus hauts résistent encore au réchauffement de la planète alors que chez nous ils ne peuvent guère grimper au-dessus de 4000 mètres, ce qui explique leur recul rapide.
L’avantage des satellites est de pouvoir observer les régions difficilement accessibles depuis l’espace et sur de longues périodes de temps. La mise à disposition d’images satellite telles que celles fournies par Landsat et ASTER ou les données européennes Sentinel joue un rôle crucial dans cette mission d’observation..
Source : CNRS.
————————————————
I have just read several articles in the scientific press – including our CNRS – which confirm that Asian glaciers, especially those of the Himalayas, are accelerating their melting. The phenomenon has been going on for a long time, as I explained in my last book « Glaciers en péril ».
In the chapter dedicated to the Himalayas, I wrote that the glaciers that cover the highest mountains in the world play an essential role because they feed the rivers of Asia which provide water resources for several hundred million people. As the planet heats up, it is important to understand how these glaciers respond to climate variations, to better anticipate their future contribution to water resources.
Thirty years of satellite images shed new light on the evolution of these glaciers. We can see that they have slowed down considerably over the past two decades. Editor’s note: I did not need satellites, but my only photos, to show the disaster of glacial melting in Alaska! It is also true that Alaskan glaciers are easier to access and that overflights by plane or boat approaches are enough to be aware of their evolution.
The mountains that encircle the Tibetan Plateau collectively form the High Mountains of Asia (HMA) and extend from Afghanistan to China via India. This is the largest volume of ice outside polar regions and this reservoir helps regulate fluctuations in river flow, a role that can be crucial in times of drought.
Satellite data have documented the mass changes in HMA glaciers over the last decades. From 2000 to 2016, the total mass loss of these glaciers was 260 gigatonnes. What we did not know yet is how glaciers adjust their flow velocity in response to this thinning. The retreat of glaciers in the coming decades will depend on this adjustment of their dynamics.
Through image correlation techniques, glaciologists can automatically follow the movement of features on the surface of glaciers, such as crevices or boulders. This shows that Himalayan glacier flows have on average slowed sharply, with speed losses reaching 37% per decade, where glaciers are shrinking the most.
The process of glacier flow is well known: they are formed by the accumulation of snow at high altitude, then flow under the effect of gravity to low altitudes where they melt due to higher temperatures. The weight of the ice forces it to slide on the bedrock and to deform along the slopes. As the glacier becomes thinner and loses mass, both ice sliding and deformation become more difficult, and the glacier slows down. The areas where glaciers are getting thinner are those where they slow down the most. In the few areas such as Karakorum or Kunlun where glaciers are stable or thicker, observations show that glaciers have slightly accelerated.
This conclusion, which seems intuitive, did not, however, until now, have the unanimity of the scientific community. Other factors control the flow of glaciers, such as the lubrication of bedrock by meltwater, which allows the glacier to slide more rapidly downslope, thus accentuating its melting.
The fact that glaciers slow down means that ice transport to lower altitudes is decreasing and glaciers tend to stay higher at higher altitudes, where temperatures are lower and melting is reduced. In spite of the fact that glaciers will continue to lose mass with increasing temperatures, this loss of speed should allow glaciers to protect themselves for some time.
Editor’s note: It is interesting here to compare the Himalayan glaciers to their alpine counterparts. The essential part is the area of accumulation that rises more and more because of global warming. It is currently about 3000 meters above sea level. The Himalayan range being much higher than our Alps, with a good fifteen peaks culminating at more than 8000 meters, it is normal that the highest glaciers still resist global warming whereas in Europe they can hardly climb to above 4000 meters, which explains their rapid decline.
The advantage of satellites is to be able to observe regions that are difficult to access from space and over long periods of time. The numerous satellite images, such as those provided by Landsat and ASTER or the European Sentinel data, play a crucial role in this observation mission.
Source: CNRS.
Glaciers de l’Himalaya vus depuis l’espace (Crédit photo: NASA)