Un article intitulé « Vésiculation thermique lors des éruptions volcaniques» et publié dans la revue Nature a récemment démontré le «rôle essentiel des variations de chaleur pendant l’ascension du magma ». L’article est l’aboutissement d’une étude menée par des chercheurs de l’Ecole des Sciences de l’Environnement, dans l’enceinte de l’Université de Liverpool en Angleterre.
Il est bien connu que les volcans connaissent des éruptions explosives lorsque le magma chargé de gaz atteint la surface de la Terre. Plusieurs techniques sont utilisées pour expliquer la formation et la croissance des bulles de gaz au sein du magma. Par exemple, certains scientifiques examinent attentivement de minuscules cristaux pour mesurer des quantités infimes de gaz dissous à l’intérieur, tandis que d’autres utilisent la spectroscopie pour mesurer les panaches de gaz émis par une bouche volcanique. D’autres volcanologues font fondre les roches volcaniques et y insufflent des gaz.
Le magma stocké dans les profondeurs d’un volcan commence son ascension lentement et accélère quand il s’approche de la surface de la Terre. En effet, au cours de l’ascension, il échappe à la surpression, ce qui permet à des bulles de se développer.
Au début, quand le magma commence à monter sous l’édifice volcanique, il est soumis à près d’un millier de fois la pression atmosphérique. À de telles profondeurs, le magma est un fluide visqueux avec abondance de cristaux à l’intérieur, mais il est en grande partie dépourvu de bulles. L’absence de bulles ne veut pas dire qu’il n’y a pas de gaz, mais ce dernier est principalement dissous dans le magma. On estime qu’entre 1 et 5 % de la masse de magma à cette profondeur est composée de gaz piégé à l’intérieur.
Le magma, même dépourvu de bulles, monte en raison de la flottabilité. Il est moins dense que la roche encaissante plus froide qui l’entoure. Au début, il s’élève en général péniblement, mais il accélère en atteignant des profondeurs plus faibles. Des changements importants se produisent dans la masse en fusion, en même temps que la pression de confinement diminue. De plus en plus de bulles commencent à apparaître, qui font chuter la densité globale du fluide. En se dilatant, ces bulles accentuent la perte de densité, ce qui facilite l’ascension du magma. Les bulles transforment ensuite le magma en lambeaux, jusqu’à son expulsion hors du cratère.
La nouvelle étude a essayé de démontrer que si le magma dégaze effectivement durant la phase de décompression, il dégaze encore davantage sous l’effet de sa montée en chaleur. Tout d’abord, le magma dégage de la chaleur lorsque certaines parties commencent à se figer. Tout comme pour l’eau, ce « gel » produit des cristaux, qui libèrent de la chaleur au cours de leur formation. Cette chaleur ajoutée peut inciter le gaz à s’échapper du magma fluide. De plus, le magma monte en température lors de son passage le long de conduits étroits, suite au frottement le long des parois.
Une confirmation des résultats théoriques de l’étude a été obtenue sur le dôme du Santiaguito au Guatemala. Les chercheurs ont étudié des roches qui portent en elles les signes de la chaleur produite par frottement. Ils ont recueilli des roches avec des fissures qui portent en elles les passages fossiles du gaz en train de s’échapper. De retour au laboratoire, ils ont examiné les échantillons au microscope électronique. Les textures des fissures ont révélé des fragments de cendres figés sur place suite à leur transport par des courants de gaz chaud en provenance des bordures des fissures. D’autres manipulations ont appuyé cette hypothèse. Les scientifiques ont utilisé des échantillons de lave de la grosseur du poing et les ont soumis à des forces très importantes. Ils ont ensuite fait lentement tourner un échantillon de roche contre un autre. Cela a généré un frottement et une chaleur intense suffisante pour faire fondre la roche et libérer les gaz emprisonnés à l’intérieur.
Lorsqu’ils étaient sur le terrain, les chercheurs ont observé le comportement d’une partie active du dôme du Santiaguito, là même où les échantillons avaient été prélevés. Quelques secondes après le début d’une séquence éruptive, des colonnes de cendre et des panaches de gaz montaient jusque parfois à plus d’un kilomètre de hauteur. Des blocs incandescents étaient projetés vers le ciel et venaient ensuite se briser sur les flancs du volcan dont ils dévalaient les pentes. Les géophysiciens ont pu observer l’activité interne du Santiaguito en utilisant une batterie d’instruments comme des sismomètres et inclinomètres. Les capteurs ont révélé la profondeur et l’ampleur des mouvements de roche, des données que les chercheurs ont utilisées pour estimer la quantité de gaz accumulée pendant les cycles éruptifs.
Il semble que les mouvements de roches et de magma peuvent induire des gains de température de plusieurs centaines de degrés, ce qui favorise la volatilisation du magma préalablement «stable» et le dégazage violent qui s’ensuit. Les roches émises lors des éruptions du dôme du Santiaguito montrent dans quelle mesure la chaleur produite par le frottement du magma peut conduire à des explosions volcaniques.
Le comportement de Santiaguito pourrait aider à mieux comprendre les processus essentiels qui jouent un rôle dans l’activité explosive d’autres volcans semblables à travers le monde.
Source: Live Science: http://www.livescience.com/
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An article entitled « Thermal vesiculation during volcanic eruptions » and published in the journal Nature recently demonstrated the « critical influence of heat variations in rising magmas. » The article was the result of a study led by researchers within the School of Environmental Sciences at the University of Liverpool in England.
It is well known that volcanoes erupt explosively when gas-charged magma reaches Earth’s surface. Several techniques are used to explain the formation and growth of gas bubbles within the magma. For instance, some scientists carefully examine tiny crystals to measure minuscule amounts of dissolved gas, while others use spectroscopy to measure the gas plumes escaping from a vent. Other volcanologists melt volcano rocks and infuse them with gases.
Magma deep within a volcano starts its ascent slowly, but eventually, it accelerates toward the Earth’s surface. Indeed, as magma rises, it escapes from overpressure and bubbles grow.
When magma starts rising deep beneath the volcanic edifice, it is subjected to nearly a thousand times the pressure that exists in the atmosphere. At such depths, magma is an extremely viscous fluid, often swimming with crystals, but it is largely devoid of bubbles. The absence of bubbles doesn’t mean there is no gas, but that it is mostly dissolved, within the magma. One estimates that between 1 and 5 per cent of the mass of magma at this depth is trapped gas.
Magma, even when devoid of bubbles, ascends because of buoyancy. It is less dense than the colder rock surrounding it. At first, it may rise sluggishly, but as it reaches shallower levels, it can accelerate. Significant changes occur in the melt as the confining pressure diminishes. More bubbles start to appear, and they diminish the overall density of the fluid. As these bubbles expand, the density decreases further, which facilitates a quicker ascent. This cycle continues until the bubbles rend the surrounding magma to shreds, and expel it out of the crater.
The new study tried to demonstrate that while decompressing magma is prone to degas, it further degasses when it heats up. Firstly, magma gives off heat when portions of it start to freeze. Just like in water, the freezing produces crystals, and as the crystals form, they give off heat. That added heat can induce gas to come out of the fluid magma. Secondly, magma heats up as it flows through constricted conduits, due to friction.
A confirmation of the theoretical results of the study was obtained on the dome of Santiaguito volcano in Guatemala. The researchers looked for rocks that bear testament to frictional heating. They collected rocks with cracks which would represent fossil passageways of escaping gas. Back in the laboratory, they examined the samples under an electron microscope. The textures of the cracks revealed ash shards frozen in place following their transport by currents of hot gas originating on the cracks’ margins. More lab experiments also supported the theory. The scientists took fist-size rock samples of lava and pushed them together with tremendous force, then rotated one rock sample slowly against another. This generated intense friction and heat, enough to melt rock and release abundant, previously locked-in gas.
When on the field, the researchers observed the behaviour of an active portion of Santiaguito’s dome where the samples were collected. Within seconds of an eruption’s onset, columns of ash and gas plumes rise to hundreds of meters and eventually reach more than a kilometre high. Incandescent blocks are blown skyward and then crash onto the volcano’s flanks, breaking open and cascading downward. The geophysicists captured the behaviour of Santiaguito using an array of instruments, including seismometers and tiltmeters. These sensors reveal the depth and magnitude of rock movements – data the researchers used to estimate the amount of gas that accumulates during eruptive cycles.
It seems rock and magma movements can induce temperature gains of hundreds of degrees, promoting volatilization of the previously « flat » magma and subsequent violent degassing. The dome rocks and eruptions at Santiaguito serve as en evidence of how frictional heating can lead to volcanic explosions.
Santiaguito’s behaviour might help to understand vital processes that influence volcanic explosivity at other analogous volcanoes.
Source : Live Science : http://www.livescience.com/
Vues du dôme Caliente du Santiaguito (Photos: C. Grandpey)