Pour ceux qui ne l’auraient pas aperçu et lu, je ne peux résister à la tentation de diffuser intégralement en page centrale de mon blog le commentaire que j’ai reçu hier de la part d’un compatriote vivant en Indonésie, suite à mon article « Merapi: un volcan et des hommes ».
« Cher Claude, votre article décrit bien (trop gentiment à mon goût… sans offense, bien sûr) le contexte culturo-social de la population voisine du Merapi. Personnellement, je me bats chaque jour pour convaincre certains de mes amis javanais que la « tradition » a sa limite. Cette limite a été atteinte le 5 novembre. Je pense que finalement, le saint homme Mbah Maridjan, gardien spirituel du volcan, a fait beaucoup de mal, la population ayant placé sa protection dans son pouvoir d’apaiser le volcan. Le résultat est celui là: http://indonesia-zamrud-khatulistiwa.blogspot.com/2010/11/ngepringan-valley-of-death.html . Le village de Ngepringan fut balayé par la coulée du 5 novembre, ensevelissant maisons, voitures, personnes, sous des tonnes de lave et de cendre, la chaleur intense brûlant tout. De nombreux cadavres de vaches sont encore fumants, 10 jours après. Une femme que j’ai rencontrée lors de ma visite du village est la seule rescapée de toute sa famille. Le système des évacuations est aussi responsable. Totalement inefficace. J’ai rencontré le responsable d’un camp, pourtant un militaire supposé avoir toute la logistique nécessaire, la veille de la terrible éruption. Dès qu’il m’a aperçu dans son camp, sans doute parce que je suis un occidental, il a foncé sur moi, et la première chose qu’il m’a dite: « Pouvez vous m’aider ? » J’en ai encore les larmes aux yeux. Ce camp était à moins de 10 km du volcan, presque sur le chemin de la coulée. J’ai vu des scènes de panique, en pleine nuit, d’une population fuyant dans le plus grand désordre. Parfois à 5 sur une petite moto. Des enfants en bas âge sous la pluie de cendre et de petites pierres… La police n’est arrivée sur zone que 30 minutes après… trop tard. Rien n’était prêt. La population complètement inapte à ce genre d’événement, et l’administration dépassée par l’ampleur. Par contre, les chefs en tout genre n’oublient pas de venir parader dans les camps, dans leur cortège de voitures toute neuves, avec chauffeur, et leurs femmes en costume traditionnel qui viennent signer les registres, comme pour dire, « Vous voyez, J’y étais ! » Ce sont ceux-là mêmes qui vont s’emparer des fonds d’aide aux victimes. J’ai un ami qui attend toujours les 5 millions de roupies promis par le gouvernement en 2002, après que sa maison fut détruite par un tremblement de terre. Certains autres, qui attendaient 15 millions, n’ont reçu que 2,5 millions, en 3 versements… Comme vous le voyez, cher Claude. Je suis moins « diplomate » que vous à décrire la réalité de Java. Une population sous-éduquée où la superstition fait office de savoir, et une élite qui détourne tout ce qu’elle peut pour s’enrichir… Mon coeur saigne encore de ce que j’ai vu avant hier, dans ce village de Ngepringan… »
Je cautionne à 100% ce témoignage. Il est bien évident que je suis obligé de faire preuve d’une certaine retenue quand j’écris des articles où je mets indirectement en cause les autorités, qu’elles soient gouvernementales, scientifiques ou religieuses. J’ai à plusieurs reprises mis en garde sur l’influence que pourraient avoir les gardiens des volcans indonésiens, que ce soit lors de la crise du Kelud il y a quelque temps ou au début de l’éruption actuelle du Merapi. S’agissant de la corruption, elle est monnaie courante dans le sud-est asiatique. L’argent prévu pour venir en aide aux sinistrés n’arrive jamais à destination dans sa totalité. Il y a des personnes qui se goinfrent en cours de route. Il suffit de se souvenir de la catastrophe générée par le volcan de boue Lusi ou du terrible tsunami de la fin 2004 pour s’en rendre compte. Tout l’argent donné par les pays occidentaux n’a pas atteint son but !