Triste bilan de la fonte des glaciers alpins en 2025

Au mois de septembre 2025, à la fin de l’été, plusieurs articles ont attiré l’attention sur la fonte rapide des glaciers alpins et la disparition quasi certaine de plusieurs d’entre eux d’ici 2050, autrement dit demain.

Tous les glaciologues s’accordent pour dire qu’au cours des 60 dernières années les Alpes ont perdu plus de 170 kilomètres carrés de surface autrefois couverte par les glaciers, soit l’équivalent de la vaste étendue du Lac de Côme en Lombardie (Italie). D’ici 2050, les glaciers situés à moins de 3 500 mètres d’altitude devraient disparaître complètement, ce qui compromettrait les réserves d’eau, l’équilibre des écosystèmes et la stabilité des montagnes.

Les données recueillies par la Caravane des glaciers 2025, un voyage d’experts et de glaciologues à travers les Alpes pour documenter le recul progressif et inexorable des rivières de glace, montrent que les fronts glaciaires fondent à un rythme impressionnant.

Le Glacier de Bessanese, dans le Piémont, est l’un d’entre eux. Au milieu du 19ème siècle, il couvrait 1,75 km2, alors qu’aujourd’hui, il n’en couvre plus que 0,3. Entre 2010 et 2023, il a perdu 3,9 millions de mètres cubes de glace, avec un affaissement moyen d’environ un mètre par an, une situation qui va encore s’aggraver avec la hausse des températures.

Crédit photo : Arpa Piemonte

Le glacier de La Ciamarella, également dans le Piémont, a vu sa surface diminuer de moitié en quelques décennies.

Crédit photo : Arpa Piemonte

De son côté, le Glacier Solda a vu son front reculer de 26 mètres en un an.

 Crédit photo : Legambiente

L’Aletsch, entre les cantons suisses de Berne et du Valais, a reculé de plus de trois kilomètres au cours des 100 dernières années et continue de perdre des dizaines de mètres de front chaque année.

Photo : C. Grandpey

La Mer de Glace, sur le versant français du Mont-Blanc, a vu son épaisseur diminuer de plus de 120 mètres depuis 1900, obligeant même le téléphérique qui y accède à ajouter de nouvelles marches pour suivre l’affaissement rapide de la glace.

Photo : C. Grandpey

Ce n’est pas tout. Aux pertes visibles subies par les glaciers dans les Alpes s’ajoute une transformation moins évidente mais tout aussi dangereuse : la dégradation du permafrost, qui, tel un ciment, assure la stabilité des pentes et des parois en haute altitude. Dans les régions alpines d’Europe, sa température a augmenté de plus d’un degré au cours de la dernière décennie, ce qui a entraîné une plus grande instabilité, avec des glissements de terrain et des effondrements, ainsi que des risques accrus pour les infrastructures de montagne.

 Effondrement du glacier du Birch sur le village suirsse de Blatten (Crédit photo : presse suisse)

À côté de ces constations déjà très inquiétantes, les chercheurs de Legambiente ont constaté que les glaciers apparaissent encore noircis par la poussière et les débris, tandis que les moraines sont de plus en plus instables et que la formation de lacs glaciaires devient plus fréquente.

Lac glaciaire du Rosolin (Savoie) – Crédit photo: presse régionale

Le paysage alpin est en train de changer de couleur et de forme. Les forêts et les prairies progressent, comblant les espaces laissés par le recul des glaciers ; c’est la preuve tangible d’une rupture d’équilibre, accélérée par les événements météorologiques extrêmes qui affectent l’arc alpin.

Entre le dimanche 17 août et le mardi 2 septembre 2025, la Caravane des glaciers a parcouru l’arc alpin pour observer de plus près l’état de santé des glaciers. Comme chaque année, l’initiative a été promue par Legambiente aux côtés du Comité Glaciologique Italien et de la section italienne de la Commission Internationale pour la Protection des Alpes (CIPRA).

Après le départ de l’Adamello en Lombardie, le voyage a touché l’Aletsch, le plus grand glacier des Alpes, puis le Ventina (voir ma note du 21 septembre 2025 sur la disparition de ce glacier), le Solda (Tyrol du Sud), le Zugspitze (Allemagne) et enfin les Glaciers Bessanese et Ciamarella (Piémont). Au-delà de la simple collecte de données, chaque étape a vu l’organisation d’activités de sensibilisation telles que le nettoyage des sentiers et des réunions publiques afin de stimuler une utilisation plus responsable des montagnes.

Source : https://nosalpes.eu/fr/

Les Alpes ont beaucoup trop chaud !

La masse d’air, en provenance du Sahara, qui survole actuellement la France fait grimper les températures en flèche. Sur le massif du Mont Blanc, l’isotherme 0°C s’est élevé au dessus de la barre des 5000 mètres, un fait malheureusement pas aussi rare que certains le prétendent. Depuis plusieurs années, on se rend compte qu’il ne gèle plus au sommet du toit de l’Europe pendant certains jours en été. Ainsi, le 11 août 2025, une mesure par ballon-sonde a révélé que l’isotherme 0°C se situait précisément à 5113 mètres. Cela signifie que l’intégralité des Alpes a connu des températures positives même en très haute altitude.

Photo: C. Grandpey

Ce réchauffement de l’atmosphère dans les Alpes a forcément des conséquences négatives. La plus évidente est la fonte des glaciers, qui s’est nettement accélérée depuis le début du siècle. En France, l’exemple le plus parlant est celui de la Mer de Glace. Depuis 1850, le glacier a reculé de 3 kilomètres. Ces dernières années, il recule de 30 à 40 mètres par an. Quand on observe la Mer de Glace depuis la plateforme du Montenvers, on se rend compte que la glace a perdu la couleur blanche à laquelle on est en droit de s’attendre. La surface du glacier est recouverte de matériaux provenant des effondrements de son encaissant. Les gravats ont au moins un effet positif. En recouvrant la glace, ils empêchent les rayons du soleil de l’atteindre et ralentissent donc sa fonte. Malgré cela, la Mer de Glace est davantage une mer morte qu’un glacier en bonne santé.

Photo: G. Grandpey

Capture d’écran de la webcam

Par ailleurs, comme je l’ai indiqué à maintes reprises, la hausse des températures fragilise les sols de montagne et entraînent un dégel du permafrost. Les sols, qui sont censés être constamment gelés, dégèlent et deviennent instables. On observe de plus en plus souvent une circulation de l’eau de fonte sous le glacier. Jouant un rôle de lubrifiant, cette eau accélère la progression du glacier et peut provoquer sa rupture brutale, comme cela s’est produit fin mai 2025 dans les Alpes suisses. Le glacier du Birch s’est effondré, ensevelissant une partie du village de Blatten.

Crédit photo: presse suisse

D’autres conséquences néfastes concernent les espèces animales et végétales, qui ne sont pas adaptées aux fortes chaleurs. On note une mortalité importante de certaines espèces d’arbres mais aussi d’animaux, ou une migration vers des altitudes plus élevées. Au cours de l’été 2024 dans le Parc national de la Vanoise, je n’ai pas retrouvé les chamois et les bouquetins aux altitudes où je les rencontrais habituellement. Ils s’étaient réfugiés beaucoup plus haut, autour de 3000 mètres d’altitude.

Photo: C. Grandpey

Au train où vont les choses, va se poser le problème de l’enneigement pour de nombreuses stations de ski. Y aura-t-il suffisamment de neige en 2030 pour les Jeux d’Hiver ? On nous rebat les oreilles avec les économies budgétaires, mais je suis certain qu’on trouvera l’argent nécessaire pour acheter des enneigeurs haute température, coûteux et énergivores, si le besoin se fait sentir. Que ne ferait-on pas pour satisfaire le peuple et attirer de potentiels électeurs … ?

Photo: C. Grandpey

Pour terminer, il ne faudrait pas oublier le problème de l’eau car les glaciers contribuent largement à fournir l’eau indispensable à la vie. J’ai attiré l’attention dans plusieurs notes sur le risque que présenteront la fonte et la disparition de nos rivières de glace dans certaines régions du monde, et la France n’est pas épargnée. .

L’effondrement des Dolomites (Italie)

Les Alpes ne sont pas le seul massif à subir les effets du réchauffement climatique. La hausse actuelle des températures provoque également le dégel du permafrost de roche dans les Dolomites, avec pour conséquence des effondrements qui menacent les randonneurs.

Le 27 juillet 2025, d’importantes chutes de pierres ont touché la Cima Falkner (Dolomites de Brenta, Trentin) sur ses versants ouest et est, heureusement sans faire de blessés. Ces derniers jours, des visiteurs avaient déjà signalé « de fortes explosions suivies de chutes de pierres et d’épais nuages de poussière » dans la région. Le 28 juillet au matin, une première inspection technique menée en hélicoptère par le Service géologique de la province autonome de Trente a révélé une situation préoccupante. En effet, l’ensemble du sommet semble affecté par un phénomène morphologique, probablement lié à la dégradation du pergélisol. Le glissement de terrain est toujours en cours et le risque d’aggravation demeure.
Par mesure de précaution, les sentiers et itinéraires d’alpinisme de la zone observée ont été fermés, conformément aux arrêtés signés par les maires des communes de Tre Ville et Ville d’Anaunia. Plus précisément, l’accès à la via ferrata des Bocchette « Alfredo e Rodolfo Benini » (sentier SAT n° 305) reste interdit, tout comme les sentiers n° 100 et n° 110. 315 (via ferrata Bruno Dallagiacoma), 316 (du Passo Grostè aux refuges Tuckett et Sella) et 331 (de la jonction du sentier 316 à la jonction avec le sentier 305).
Le 29 juillet, une nouvelle inspection menée par une équipe composée de l’unité de drones des pompiers de Trente, du Service géologique provincial et du Secours alpin et spéléologique du Trentin a confirmé d’importants élargissements des fractures rocheuses. Les techniciens ont procédé à une simulation tridimensionnelle de l’éventuelle « expansion » des roches en cas de nouveaux effondrements, compte tenu de leur instabilité. Les modèles sont certes indicatifs, mais ils sont utiles pour comprendre tous les scénarios possibles. Bien qu’il s’agisse d’un phénomène naturel dans les milieux dolomitiques, l’effondrement de la Cima Falkner semble significatif, tant par l’étendue que par le volume des matériaux impliqués.

Source : presse transalpine

 

Cima Falkner (Crédit photo: presse italienne)

Trop chaud au sommet du Mont Blanc // Too hot at the summit of Mont Blanc

Avec les vagues de chaleur récurrentes qui frappent actuellement l’Europe, de nombreux records sont battus. Par exemple, le sommet du Mont-Blanc, le plus haut d’Europe, a atteint pour la première fois des températures au-dessus de zéro pendant le mois de juin. Le Mont-Blanc culmine à 4 809 mètres, et Météo France a annoncé le 29 juin 2025 qu’il faudrait atteindre 5 100 mètres d’altitude pour mesurer une température de l’air à zéro degré. Il s’agit d’un record pour un mois de juin depuis le début des mesures. Jamais une température n’avait été mesurée à une altitude supérieure à 5 000 mètres à cette période de l’année.
La vague de chaleur continue de battre des records sur tout le continent européen. Les climatologues préviennent que le monde devra s’habituer à cette « nouvelle normalité » en raison du réchauffement climatique. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a averti que « les vagues de chaleur seront de plus en plus fréquentes et plus uniformes tout au long de l’année ». En raison des températures élevées et de la fonte du pergélisol en montagne, le village suisse de Blatten a été en grande partie détruit en mai lors de l’effondrement d’une grande partie du glacier du Birch dans la vallée.
La semaine dernière, il est apparu que le village de Pralognan-la-Vanoise était également menacé par un lac glaciaire. Ce lac, formé il y a cinq ans par la fonte des glaciers, risque de se vidanger, mettant ainsi le village en danger. Des travaux de drainage du lac ont commencé et un camping local a été fermé par mesure de précaution pendant les travaux.
Comme je l’ai indiqué dans un article précédent (23 juin 2025), les lacs glaciaires constituent une nouvelle menace pour les zones habitées dans les Alpes et doivent être surveillés de près.

Photo: C. Grandpey

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With the current repetitive heatwave that are striking Europe, all sorts of records are being broken. For instance, the peak of Mont Blanc, Europe’s highest mountain, was above freezing in June for the first time ever. Mont Blanc stands at 4,809 metres, but Meteo France said on 29 June 2025 that it had to reach an altitude of 5,100 meters to measure air at zero degrees. This is a record for June since measurements began. It had never been measured above 5,000 metres at this time of year.

A heatwave continues to break records across the continent, Climatologists have warned that the world will have to get used to this “new normal” because of global warming. The Intergovernmental Panel on Climate Change (IPCC) has warned that “we will experience heatwaves more and more frequently, and they will be spread out more evenly throughout the year.”

Because of the high temperatures and the thawung of permafrost in the mountains, the Swiss village of Blatten was largely destroyed in May after a huge chunk of the Birch glacier crashed down into the valley.

Last week, it emerged that the village of Pralognan-la-Vanoise was also under threat from a glacial lake. The lake formed five years ago because of glacier melting and is at risk of draining, putting the village in danger. Work has begun to manually drain the lake, and a local campsite has been closed as a precaution during the works.

As I put it in a previous post (23 June 2025), glacial lakes are becoming a new threat to populated area in the Alpes and they should be carefully controlled.