Régénérer la banquise : est-ce faisable et souhaitable ? // Is regenerating sea ice feasible and desirable?

Un article dans le numéro d’août 2024 du National Geographic nous apprend qu’une start-up néerlandaise, Arctic Reflections, affirme avoir trouvé une méthode pour limiter les effets du réchauffement climatique sur la fonte des glaces, en particulier dans l’Arctique. En projetant de l’eau sur la glace existante, il s’agirait de créer des espèces de patinoires géantes pour régénérer la banquise et favoriser ainsi l’albédo, la capacité de la glace à réfléchir la lumière du soleil. Cette technologie permettrait de freiner le réchauffement climatique. Si l’intention peut paraître louable, certains scientifiques pensent qu’il s’agit d’une fausse bonne idée.

Une entreprise britannique, Real Ice Development, développe elle aussi une technologie similaire visant à restaurer et épaissir la glace déjà présente dans l’océan Arctique. Une série de tests pour pomper de l’eau de mer et la recongeler à la surface sont en cours au Nunavut, dans le nord du Canada, alors qu’Arctic Reflections effectue ses tests au Svalbard.

Arctic Reflections envisage par ailleurs de développer des drones sous-marins capables de naviguer dans une eau à -1,5 °C. Les engins se déplaceraient sous la banquise arctique. Capables de détecter les zones où la couche de glace est plus fine, les drones sous-marins feraient des trous à ces endroits et pomperaient l’eau de mer sous la glace pendant les mois d’hiver pour épaissir la glace, ce qui permettrait d’atténuer sa fonte durant l’été. Après ce regivrage, les drones retourneraient sous la glace et répéteraient machinalement leur tâche.

La première réflexion qui m’est venue à l’esprit est que cette stratégie ne pourra s’appliquer qu’à des zones réduites, ridiculement petites à côté de l’immensité de la banquise arctique. De leur côté, les scientifiques sont très sceptiques et mettent en garde sur ces méthodes présentées comme des solutions miracles. Selon un glaciologue, « penser qu’avec des drones sous-marins qui recrachent de l’eau de mer sur la banquise on arrivera à la préserver, est faux ! Ce qui attaque principalement la banquise, c’est la température de l’océan, qui est de plus en plus élevée. Ce n’est pas avec cette méthode qu’on arrivera à résoudre le problème.» Comme je l’ai écrit plus haut, même si ces drones sous-marins parviennent à restaurer quelques zones, la méthode demeure anecdotique à l’échelle de la surface de la banquise arctique dont la superficie fait 25 fois celle de la France.

Les biologistes marins pensent que ce type de projet de géo-ingénierie (techniques qui visent à manipuler et modifier le climat et l’environnement de la Terre) risque d’avoir des conséquences négatives pour l’environnement. Il en va de mêmes d’autres projets consistant à répandre du soufre dans le ciel pour changer le climat, ou encore créer un gigantesque rideau sous-marin pour séparer les calottes glaciaires des eaux plus chaudes des océans. De tels projets de géo-ingénierie pour lutter contre la fonte des glaces dans les pôles se sont malheureusement multipliés ces derniers temps.

Source : Arctic Reflections, Real Ice Development et presse scientifique.

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An article in the August 2024 issue of National Geographic informs us that a Dutch start-up, Arctic Reflections, claims to have found a method to limit the effects of global warming on the melting of ice, especially in the Arctic. By spraying water on the existing ice, it would create a kind of giant skating rink to regenerate the sea ice and thus promote albedo, the ability of the ice to reflect sunlight. This technology would slow down global warming. While the intention may seem laudable, some scientists think it is a false good idea.
A British company, Real Ice Development, is also developing a similar technology aimed at restoring and thickening the ice already present in the Arctic Ocean. A series of tests to pump seawater and refreeze it on the surface are underway in Nunavut, in northern Canada, while Arctic Reflections is conducting its tests in Svalbard.
Arctic Reflections is also considering developing underwater drones capable of navigating in water at -1.5°C. The vehicles would navigate under the Arctic sea ice. Capable of detecting areas where the ice is thinner, the underwater drones would drill holes in these areas and pump seawater from under the ice during the winter months to thicken the ice, which would help slow its melting in the summer. After this refreezing, the drones would return under the ice and mechanically repeat their task.
The first thought that came to my mind was that this strategy will only be applicable to small areas compared to the vastness of the Arctic. For their part, scientists are very skeptical and warn against these methods presented as miracle solutions. According to a glaciologist, « to think that with underwater drones that spit sea water onto the sea ice we will be able to preserve it is wrong! What mainly attacks the ice is the temperature of the ocean, which is getting higher and higher. This is not the method that will solve the problem. » As I put it above, even if these underwater drones manage to restore a few areas, the method remains anecdotal on the scale of the surface of the sea ice, which is 25 times the size of France.

Marine biologists believe that this type of geoengineering project (techniques that aim to manipulate and modify the Earth’s climate and environment)is likely to have negative consequences for the environment. The same is true of other projects that involve spreading sulfur in the sky to change the climate, or creating a gigantic underwater curtain to separate the ice caps from the warmer waters of the oceans. Such geoengineering projects to combat the melting of the polar ice have unfortunately multiplied in recent times.
Source: Arctic Reflections, Real Ice Development and scientific press.

Photos: C. Grandpey

Glacier de la Marmolada (Italie) : les recherches continuent

La presse française a certes mentionné et commenté l’effondrement du glacier de la Marmolada dans les Dolomites dans les heures qui ont suivi la catastrophe, mais le sujet est maintenant passé au second rang, loin derrière la politique intérieure française. On a oublié les 7 morts et les 13 disparus (ils ne sont plus que 5 depuis hier soir). Pourtant, à mes yeux, cette tragédie est une illustration parfaite du réchauffement climatique et devrait faire réfléchir, mais c’est peut-être beaucoup demander…!

Comme je l’indiquais précédemment, il ne serait pas surprenant que de telles tragédies se produisent dans les Alpes françaises dans les prochaines semaines pendant lesquelles un nouvel épisode de canicule est annoncé. Les médias ont rassuré les touristes en expliquant que nos glaciers étaient sous surveillance étroite, mais les glaciologues savent qu’un décrochement de séracs peut se produire sans prévenir, même sur un glacier sous surveillance. C’est comme lorsque une puissante explosion secoue le Stromboli sans que les instruments aient averti les volcanologues.

Sur la Marmolada, les équipes de sauveteurs essayent, sans trop y croire, de localiser les 5 personnes encore disparues à l’aide de drones et hélicoptères. On sait qu’il n’y aura, malheureusement, pas de survivants au coeur des milliers de tonnes de glace et de roches. Les hélicoptères sont équipés de caméras thermiques et d’équipements capables d’intercepter les signaux des téléphones portables, mais sans aucun résultat jusqu’à présent. Aucun des disparus ou des victimes n’avait l’Arva, le marqueur de position utilisé en hiver lorsque le danger d’avalanches est constant. En juillet, un tel équipement est superflu et on ne saurait reprocher aux alpinistes de ne pas l’avoir emporté.
Dans les prochains jours, le glacier et la coulée de débris seront parcourus par des équipes cynophiles. La Protection Civile souhaite une intervention conjointe de toutes les forces présentes sur le terrain et un ratissage systématique du glacier: Un maximum de quinze personnes, réparties en deux groupes, interviendront sur la zone. Des vigies sont prévues pour avertir d’éventuels effondrements du glacier qui reste instable. .
Deux radars surveilleront les mouvements du glacier de la Marmolada qui continuera forcément à s’effondrer, compte tenu de la pente de la glace laissée en équilibre instable après l’effondrement.
Il est bon de rappeler le rôle très important de la température ambiante. Après les premiers jours de froid de mai, la température moyenne de l’air n’est descendue en dessous de zéro que 5 ou 6 fois. Ces dernières semaines, l’isotherme 0°C a oscillé entre 4500 et 4900 mètres, soumettant les montagnes et les masses glaciaires à de fortes contraintes thermiques, sans oublier les phénomènes classiques de ruissellement dû à la fonte de la glace. J’ai expliqué dans une note précédente le rôle de l’eau dans les effondrements glaciaires. Pression à l’intérieur du glacier et progression de ce dernier augmentent, jusqu’à ce qu’une rupture se produise.

Source : Wikipedia

Cumbre Vieja (La Palma) // Vidéos de l’éruption

En cliquant sur les liens ci-dessous, vous pourrez voir deux vidéos réalisées à l’aide de drones.

La première montre la trajectoire empruntée par la lave émise par la Cumbre Vieja. Elle a été réalisée par l’Instituto Geológico y Minero de España et le Grupo de Emergencias y Salvamento del Gobierno de Canarias.

La vidéo suivante s’attarde sur le delta de lave d’environ 41 hectares formé par l’arrivée e lave sur le littoral et son avancée dans la mer.

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By clicking on the links above, you will see two videos made using drones.
The first video shows the path taken by the lava emitted by Cumbre Vieja. It was shot by the Instituto Geológico y Minero de España and the Grupo de Emergencias y Salvamento del Gobierno de Canarias.

The following video focuses on the lava delta of about 41 hectares formed by the arrival of lava on the coast and its projection into the sea.

Le Cumbre Vieja le 16 novembre au matin (capture écran webcam)

Geldingadalur (Islande) : un cimetière pour drones // Geldingadalur (Iceland) : a cemetery for drones

  Un nombre incalculable de drones ont fini leur course dans la lave islandaise depuis le début de l’éruption dans la Geldingadalur, comme dans cette vidéo :

https://youtu.be/j18ECUhkeY0

Beaucoup pensent que le coupable est le champ magnétique irrégulier, à cause des métaux à haute température émis par le cratère, mais la chaleur est forcément, elle aussi, l’une des principales causes de la mort des drones.

Selon un fabricant, «le champ magnétique affecte fortement le drone. La boussole de l’appareil est perturbée, de sorte que le drone perd sa connexion GPS. Il passe en mode ATTI (abréviation de ATTitude), maintient une certaine altitude mais pas sa position. Le contrôleur de vol devient inactif et le drone commence à s’éloigner.» Il continue de voler jusqu’à ce que sa batterie se vide. Il tente alors d’atterrir en descendant lentement vers le sol. C’est ce qui est arrivé aux drones que l’on rencontre ici et là sur le site de l’éruption dans la Geldingadalur ou ailleurs. Afin d’éviter de perdre son drone, il est conseillé de le faire voler contre le vent, au cas où la connexion serait coupée. Ensuite, le drone reviendra vers son ou sa propriétaire, au lieu de s’en éloigner.

À côté de la perturbation du champ magnétique, la chaleur de l’éruption risque fort de faire fondre la carcasse en plastique sur laquelle est fixé le moteur du drone, ce qui entraîne rapidement son arrêt et la chute dans la lave.

Un autre danger pour les drones, ce sont les turbulences qui apparaissent lors des éruptions du cratère dans la Geldingadalur. Une éruption, au même titre qu’un incendie de forêt, génère son propre climat. Un drone qui se trouve pris dans de telles turbulences ne peut pas s’en sortir.

Les drones amateurs, qu’ils s’appellent Phantom ou Mavic, n’ont pas été conçus pour faire face à des conditions de vol extrêmes. De plus, ils sont souvent beaucoup trop légers. Personnellement, je n’enverrai jamais mon drone dans ou au-dessus d’un cratère volcanique. En premier lieu, l’enceinte n’est pas suffisamment étanche et robuste pour faire face aux gaz agressifs qui attaquent rapidement l’électronique. Il suffit de regarder ce qui arrive à un appareil photo. Si on ne l’enveloppe pas dans une poche étanche, il faut s’attendre à des dysfonctionnements.

À Hawaï, le personnel du HVO a utilisé des UAS – Unmanned Aircraft Systemps – autrement dit des drones spécialement conçus pour faire face à l’éruption de 2018. Les appareils étaient beaucoup plus robustes que les drones que l’on trouve habituellement dans le commerce. L’application la plus élémentaire de ces drones a été la réalisation de vidéos et leur diffusion en continu. Les images ont permis d’identifier les endroits où de nouvelles coulées de lave apparaissaient ou étaient susceptibles d’apparaître. Certains drones étaient dotés de caméras thermiques. Les appareils étaient également équipés de capteurs multi-gaz pour identifier toute nouvelle source de dégazage. L’approche à pied des fractures éruptives était trop dangereuse. Des applications plus techniques des images fournies par les drones ont consisté à créer des modèles numériques d’élévation (MNE) et de mesure des vitesses d’écoulement de la lave dans les chenaux

Plusieurs scientifiques du HVO sont devenus des pilotes de drones qualifiés, ce qui a permis au HVO d’avoir une compétence supplémentaire en matière de surveillance volcanique.

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Countless drones have been engulfed in lava since the start of the eruption in Geldingadalur,

like in this vidéo :

https://youtu.be/j18ECUhkeY0

Engineers think the irregular magnetic field might be to blame, because of the hot metals that emit from the craters, but the heat is probably the main cause of the drones’deaths.

According to a drone manufacturer, “what is happening is that the magnetic field is truly affecting the drone. The drone’s compass gets confused, causing the drone to lose its GPS connection. This makes the drone switch to the ATTI (short for ATTitude) Mode where the drone maintains a certain altitude but not position. This means that the flight controller stops assisting the pilot and the drone starts drifting away.” When this happens, the drone keeps flying until its battery dies, and at that point, the drone attempts to land by gliding down to earth. This is what happened to drones that are found scattered here and there, be it at the eruption site in Geldingadalur or elsewhere. In order to avoid losing one’s drone, it is recommended to fly it against the wind, in case the connection is cut. Then the drone will drift back to its owner, instead of away from him or her.

Beside the magnetic field, heat from the eruption causes the plastic enclosure, to which the drone’s motor is attached, to melt. As a consequence, drones end up in the lava stream.

Another hazard to the drones is the turbulence that appears during an eruption of the crater in Geldingadalur. An eruption, in the same way as a wildfire, generates its own climate. A drone caught in such turbulences cannot survive.

Amateur drones, whether they are Phantom or Mavic, have not been designed to face extreme flight conditions. Personally, I will never fly my drone in or over a volcanic crater. First of all the enclosure is not tight and robust enough to face the aggressive gases that rapidly attack the electronics. Just see what happens to a camera. If you do not set up a protection around it, you are sure to be confronted with dysfunctions.

In Hawaii, the HVO staff used Unmanned Aircraft Systems (UAS) specially designed to face the 2018 eruption. The machines were far sturdier than the conventional commercial ones.  The most basic capability of the UAS was simple video imaging and streaming. The images helped identify where new lava breakouts were happening or were likely to occur. Some of the UAS were outfitted with thermal cameras. The drones were also equipped with a multi-gas sensor to identify any new degassing sources. The fissures would have been too dangerous for geologists to approach on foot. More technical applications of UAS-based imaging included the creation of digital elevation models (DEMs) and measurements of lava flow speeds within channels. Several HVO staff members have become licensed UAS operators, allowing HVO to add UAS capabilities to its monitoring repertoire.

Crédit photo : HVO