Météo et climat : ne pas confondre !

A en juger par les commentaires sur les réseaux sociaux – Facebook en particulier – beaucoup de gens ont encore des doutes sur l’existence du réchauffement climatique. Il suffit que notre pays traverse une période un peu froide pour que ces mêmes personnes se posent des questions sur la hausse des températures sur notre planète. Qu’elles aillent donc demander ce qu’en pensent les responsables des stations de sports d’hiver qui reculent leur date d’ouverture les uns après les autres. Et ce n’est pas fini au vu du redoux significatif prévu la semaine prochaine.

Il faudrait que ces négationnistes en herbe apprennent avant tout à faire la différence entre les mots « météo » et « climat ». La météo s’intéresse au temps qu’il va faire à court terme alors que le climat couvre des périodes beaucoup plus longues comme une décennie ou un siècle. Ainsi, on s’aperçoit qu’aujourd’hui, la température moyenne d’un mois de janvier en France est 1,34°C plus élevée qu’il y a 100 ans, malgré des périodes de froid exceptionnelles comme au mois de janvier 1985.

Voilà pourquoi la météo et le climat sont deux choses bien différentes. Dire que le réchauffement climatique n’existe pas simplement parce qu’il fait froid dehors n’est pas très futé !

Le réchauffement climatique est un phénomène progressif, même si les statistiques actuelles montent qu’il a tendance à s’accélérer – il faut le noter – parallèlement aux concentrations de gaz carbonique dans l’atmosphère. Il ne fait guère de doute que les banquises polaires et nos glaciers vont continuer à fondre. Les chutes de neige en montagne vont prendre de l’altitude. C’est pour cela que les stations de basse et moyenne altitude, les plus exposées au réchauffement climatique, ont intérêt à se diversifier rapidement si elles ne veulent pas connaître de graves difficultés.

J’ai indiqué sur ce blog le 7 décembre dernier que 2022 a été l’année la plus chaude jamais enregistrée en France, malgré la fraîcheur de ce mois de décembre. La moyenne sera comprise entre 14,2°C et 14,6°C.

https://claudegrandpeyvolcansetglaciers.com/2022/12/07/2022-lannee-la-plus-chaude-en-france-2022-the-hottest-year-in-france/

Donc plus de doute à avoir, le réchauffement climatique est là et même bien là, peu importe le temps qu’il fait dehors !

La Mer de Glace et les autres glaciers vont continuer à reculer et s’amincir. Gare à l’alimentation en eau dans certaines régions du monde!

Mon livre « Glaciers en Péril » (15 euros sur commande; 10 euros lors de mes conférences) reste plus que jamais d’actualité!

COP27 : un nouveau fiasco climatique // A new climate fiasco

Comme les précédentes Conférences des Parties, la COP27 qui vient de se terminer en Egypte ne restera pas dans les annales. Aucune décision majeure n’a été prise concernant la réduction des gaz à effet de serre responsables de la hausse des températures et des événements extrêmes qui en découlent. La Banque mondiale a estimé à 30 milliards de dollars le coût des inondations qui ont laissé un tiers du territoire pakistanais sous l’eau pendant des semaines et fait des millions de sinistrés.

Pour donner l’impression que la réunion a été positive, les participants ont joué les prolongations et la COP a accouché au forceps d’un texte sur l’aide aux pays pauvres impactés par le changement climatique. Le dossier des « pertes et dommages » climatiques des pays pauvres a failli faire dérailler la conférence, avant de faire l’objet d’un texte de compromis de dernière minute qui laisse de nombreuses questions en suspens, mais acte le principe de la création d’un fonds financier spécifique.

Les pays pauvres, souvent parmi les plus exposés mais qui sont généralement très peu responsables du réchauffement, réclamaient depuis des années un financement des « pertes et dommages » qu’ils subissent. Les détails opérationnels doivent être définis pour adoption à la prochaine COP, fin 2023 aux Emirats Arabes Unis et promet de nouveaux affrontements, en particulier sur la question des contributeurs; les pays développés insistent pour que la Chine en fasse partie.

Côté réduction des énergies fossiles, la COP27 reste dans le sillage des échecs des réunions précédentes. « Nous devons drastiquement réduire les émissions maintenant – et c’est une question à laquelle cette COP n’a pas répondu », a regretté le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres, à l’issue de la COP27. La COP26 de Glasgow en 2021 avait affiché pour la première fois l’objectif de réduire l’utilisation du charbon sans capture de CO2. C’est un objectif que certains pays souhaitent pousser plus loin en citant explicitement le pétrole et le gaz, ce qui suscite toutefois peu d’enthousiasme chez les pays producteurs.

Le texte final publié par la présidence égyptienne ne marque pas d’avancées sur ce point, même s’il souligne pour la première fois la nécessité d’accélérer dans les énergies renouvelables. Le document appelle « à poursuivre les efforts pour limiter la hausse des températures à 1,5°C ». Il s’agit d’une belle hypocrisie; en effet, les engagements actuels ne permettent pas de tenir cet objectif, ni même celui de contenir l’élévation de la température à 2°C par rapport à l’ère pré-industrielle. Ces engagements, en admettant qu’ils soient intégralement tenus, mettraient au mieux le monde sur la trajectoire de +2,4°C à la fin du siècle et, au rythme actuel des émissions, sur celle d’un catastrophique +2,8°C. Or, à près de 1,2°C de réchauffement actuellement, les impacts dramatiques du changement climatique se multiplient déjà. L’année 2022 en a été l’illustration, avec son cortège de sécheresses, méga-feux et inondations dévastatrices, impactant récoltes et infrastructures.

Source: presse internationale.

Il ne faut pas se voiler la face. Comme les précédentes, la COP27 est un fiasco climatique. Les glaciers et la banquise remercient les participants.

L’éruption du Hunga Tonga responsable de la vague de chaleur actuelle?

Après la « plume de chaleur » africaine de Météo France pour expliquer la vague de chaleur actuelle, voici l’éruption du volcan Hunga du journal L’Indépendant!

https://www.lindependant.fr/2022/10/28/meteo-une-eruption-volcanique-responsable-des-chaleurs-exceptionnellement-elevees-de-cette-annee-2022-10767105.php

On peut lire sur le site web du journal que « la France n’est pas la seule touchée [par la vague de chaleur]. Partout sur le globe, des anomalies brutales ont été enregistrées cette année. Des zones entières ont été frappées de températures dépassant les 50°C quand les valeurs des normales de saison ne sont pas, partout ailleurs, régulièrement explosées. » [NDLR: ces chaleurs record ont commencé à être enregistrées bien avant l’éruption aux Tonga.]

D’après le journal, « si le réchauffement climatique est bien entendu le premier responsable, un autre facteur peut expliquer ces changements très rapides, inédits. » L’auteur de l’article s’appuie sur les résultats d’une étude publiée en juillet 2022 dans Advancing Earth and Space Science (AGU). Selon l’interprétation des résultats de cette étude, l’éruption du volcan Hunga Tonga, en janvier 2022 pourrait avoir contribué à la chaleur effrénée et persistante de cette année.

Le journal précise que « c’est le service météo de Catalogne qui s’appuie sur cette étude pour rappeler que les éruptions volcaniques violentes ont toujours eu des conséquences sur le temps et le climat de la planète. » Certes, mais les éruptions cataclysmales comme celle du Pinatubo (1991) ou du Tambora (1815) ont eu un effet inverse puisqu’elles ont occasionné un refroidissement temporaire du climat.

Il est vrai que l’éruption du Hunga Tonga a émis une grande quantité de gaz et de vapeur d’eau dans l’atmosphère,

https://claudegrandpeyvolcansetglaciers.com/2022/08/07/la-vapeur-deau-de-leruption-du-hunga-tonga-hunga-haapai-water-vapour-from-the-hunga-tonga-hunga-haapai-eruption/

Dans cette note rédigée le 7 août 2022, j’écrivais au vu d’un rapport de la NASA : « Cette énorme quantité de vapeur a augmenté la quantité totale d’eau dans la stratosphère d’environ 10 %. C’est près de quatre fois la quantité de vapeur d’eau entrée dans la stratosphère au moment de l’éruption du Pinatubo en 1991 aux Philippines. Les scientifiques expliquent que le panache, qui a éclipsé la puissance de la bombe atomique d’Hiroshima, pourrait affecter temporairement la température sur Terre. […] On sait que de puissantes éruptions volcaniques peuvent refroidir la température à la surface de la Terre car les cendres réfléchissent la lumière du soleil. L’éruption des Tonga marque un contraste saisissant, car la vapeur d’eau qu’elle a libérée est capable de piéger la chaleur. Selon les chercheurs, il pourrait s’agir de la première éruption volcanique à avoir un impact sur le climat, non pas par le refroidissement causé par les aérosols, mais par le réchauffement de la surface causé par la vapeur d’eau. »

Affirmer que l’éruption du Hunga Tonga contribue à la vague de chaleur actuelle est aller un peu vite en besogne. Comme je l’ai indiqué plus haut, le réchauffement climatique a débuté bien avant l’éruption aux Tonga. Il suffit d’observer la sécheresse qui sévit depuis de très longs mois dans l’ouest des Etats Unis pour s’en rendre compte. Même en France, le manque d’eau dû au réchauffement climatique n’a pas attendu l’éruption du Hunga Tonga pour se manifester. A la limite, on pourrait penser que l’éruption du Hunga Tonga a intensifié la hausse des températures ces derniers mois, mais pour le reste, c’est bien le réchauffement climatique d’origine anthropique qui est la véritable cause du problème.

Image satellite de l’énorme panache généré par l’éruption du 15 janvier 2022 (Source: NASA

La Niña : quelles conséquences sur le climat en France?

Dans la première partie de ma conférence « Glaciers en péril », j’aborde le contexte du réchauffement climatique actuel, influencé par deux phénomènes qui jouent un rôle très important au niveau de la température globale de notre planète. El Niño (l’enfant Jésus) génère une hausse de la température à la surface de l’eau, sur une dizaine de mètres d’épaisseur, dans la partie orientale de l’Océan Pacifique, autour de l’équateur. En 2021, El Niño est resté neutre puis a disparu et a été remplacé par La Niña qui produit un effet de refroidissement inverse.

La fluctuation de la température de la mer dans le Pacifique oriental influe sur l’atmosphère en affectant le régime des vents et des précipitations.

Pour une circulation de type La Niña, la température de surface du Pacifique oriental doit être plus fraîche que la normale (au minimum -0.5°C d’anomalie sur trois mois consécutifs). Les conditions observées actuellement sont conformes à un tel phénomène : débutée courant août/septembre 2020, l’anomalie reste bien négative à l’heure actuelle; elle était en moyenne de -0.9°C sur la période mai-juin-juillet 2022.

Les prévisions laissent entrevoir une poursuite de cette séquence La Niña au cours de la fin d’année 2022, et même jusqu’au début de l’année 2023. On devrait ensuite passer à une phase de transition neutre, avant un retour probable d’El Niño. La séquence actuelle La Niña pourrait approcher les trois ans consécutifs, ce qui est inhabituel. Une telle durée n’a plus été observée depuis l’épisode de 1999 à 2002.

Lors d’un épisode La Niña, les courants marins sont modifiés et la donne climatique est bouleversée en plusieurs lieux du globe. Dans un tel contexte, on observe en général un temps plus chaud et sec que la normale dans le Sud des Etats-Unis, des températures plus froides sur le Nord-Ouest du continent nord-Américain ainsi que sur une partie du Brésil, une zone fraîche et sèche en Afrique centrale et orientale ainsi que sur les îles intertropicales du Pacifique, des précipitations fréquentes dans la partie sud de l’Afrique, en Amérique Centrale, en Asie du Sud, ou encore le Nord et l’Ouest de l’Australie. Lors de la période La Niña entre décembre 2021 et février 2022, l’Est de Australie avait connu de graves inondations, en particulier dans l’État du Queensland.

S’agissant de l’Europe, et donc de la France, les conséquences d’un phénomène La Niña sont beaucoup plus floues, voire impossibles à déterminer. En effet, aucune modification globale du temps n’a réellement été constatée jusqu’alors sur le vieux continent depuis le début de l’analyse du phénomène au milieu du 20ème siècle.

Les journalistes qui, avec leurs raccourcis habituels, affirment que La Niña annonce un prochaine hiver très rigoureux dans notre pays auraient tout intérêt à modérer leurs propos. On a vu le peu de neige apporté dans les Alpes – et donc sur les glaciers – par l’hiver 2021-2022.

Anomalie de température de surface dans le Pacifique Equatorial le 3 août 2022 (Source: NOAA)

 

Prévision d’évolution des phénomènes El Niño et La Niña jusqu’en mai 2023 (Source: NOAA)