Impacts du réchauffement climatique à haute altitude dans les Alpes

Ludovic Ravanel, géomorphologue, guide de haute montagne et directeur de recherche au CNRS, a coordonné, avec Florence Magnin et deux autres collègues, le dernier numéro de la Revue de Géographie AlpineJournal of Alpine Research – sur les versants de haute montagne et les impacts de la crise climatique actuelle.

Dans le chapitre intitulé “Coups de chaud sur la haute montagne alpine”, on a la confirmation que les étés accompagnés de records de chaleur (2003, 2015, 2022, 2023) ont donné un coup d’accélérateur à la fonte de la haute montagne alpine. À Chamonix, au pied du mont Blanc, ces quatre années occupent respectivement les troisième, quatrième, première et deuxième positions des saisons les plus chaudes depuis le début des mesures en 1934. Comme je l’ai expliqué dans plusieurs notes sur ce blog, les témoins les plus visibles sont les pertes records au niveau des glaciers : plus de 16 m perdus par la Mer de Glace sous le site touristique du Montenvers ; plus de 10 % du volume des glaciers suisses perdus en deux ans. Ces pertes glaciaires se sont accompagnées d’une plus grande fréquence des écroulements rocheux sur le massif du Mont-Blanc, sans équivalent ces dernières décennies (près de 300 en 2022, selon Ludovic Ravanel). Dans les Alpes italiennes, le nombre de déstabilisations de versants rocheux en haute montagne a doublé en 2022 par rapport à la période 2000-2021. Plus inquiétant encore, les bouleversements sont visibles aux plus hautes altitudes, y compris au-dessus de 4000 m, un domaine jusque-là relativement épargné. Signe de l’impact du réchauffement climatique à très haute altitude, celle du Mont Blanc a été mesurée en septembre 2023 à 4805,59 m ; elle n’a jamais été aussi basse depuis le lever topographique du capitaine Jean-Joseph Mieulet en 1863. Les températures ont atteint des records à ces altitudes. Ainsi, le 18 juin 2022 une température de 10,4 °C a été enregistrée au col Major à côté du sommet du mont Blanc,. De la même façon, pendant quatre jours consécutifs l’isotherme 0 °C s’est situé au-dessus de 5000 m début septembre 2023. Dans la conclusion de ce chapitre, on peut lire que « l’accélération rapide du réchauffement climatique en cours dans les massifs alpins fait du devenir des glaciers et des secteurs à permafrost des préoccupations de plus en plus centrales pour des raisons environnementales, patrimoniales, économiques et sécuritaires. Ces éléments de la cryosphère pourraient quasiment disparaître du massif alpin d’ici la fin du siècle, avec des conséquences majeures en termes de ressources et de risques. »

 

Photo: C. Grandpey

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S’agissant du permafrost dans les Alpes, on apprend que son épaisseur dépasse largement la profondeur des forages instrumentés (100 m), profondeur à laquelle les effets du réchauffement climatique des dernières décennies est déjà perceptible. On apprend aussi que la température à 15-20 m se réchauffe au même rythme que celle de l’atmosphère (0,8 °C en 35 ans) et que ce réchauffement se propagera en profondeur au cours des prochains siècles, quelle que soit l’évolution climatique future, avec d’importantes implications sur la stabilité des versants concernés. Cela conforte mon inquiétude à propos du téléphérique de l’Aiguille du Midi. Quand je l’ai emprunté en 2017, je me suis demandé jusqu’à quand les soubassements rocheux des pylônes pourraient résister à la hausse des températures. Un réchauffement moyen de 0,2 à 0,4 °C par décennie est mesuré en profondeur ainsi qu’un approfondissement de la couche active de 2 m par décennie.

Le dégel du permafrost dans le massif du Mont-Blanc aura des conséquences inéluctables, que ce soit dans la planification territoriale, les besoins géotechniques ou la réduction des risques par les pratiquants de la haute montagne. Parmi les questions ouvertes demeure la quantification des infiltrations d’eau et de ses effets dans les parois rocheuses affectées par le permafrost ainsi que la quantification de la teneur en glace de ces terrains.

 

Aiguille du Midi (Photo: C. Grandpey)

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Les risques induits par l’évolution actuelle de la cryosphère ont fait l’objet de deux études La première s’intéresse aux écroulements rocheux et de séracs de grande ampleur dont l’occurrence est attestée durant la saison hivernale. La deuxième aborde les risques encourus par les grimpeurs empruntant les deux principales voies d’accès au sommet du mont Blanc.

Les écroulements rocheux et de glace affectant la haute montagne sont bien plus rares en hiver que durant les autres saisons. La fréquence maximale intervient en été. En revanche, les événements hivernaux sont comparativement d’ampleur plus importante que ceux du reste de l’année, en raison de l’incorporation de neige, mais aussi parce que c’est à la fin de l’automne que l’onde de chaleur estivale atteint sa profondeur maximale, pouvant ainsi déstabiliser de grands volumes rocheux. Les événements hivernaux ont donc une probabilité supérieure d’atteindre des infrastructures. Toutefois, seule la période récente (depuis 1997) a vu des événements d’ampleur se produire à haute altitude dans des zones affectées par le permafrost.

Les alpinistes sont les principaux pratiquants de la haute montagne et sont les premiers concernés par l’évolution des conditions nivologiques et géomorphologiques des itinéraires empruntés.

Comme toit de l’Europe occidentale, le mont Blanc a un statut iconique et est tenté chaque année par plus de 20 000 personnes. Le risque encouru par les alpinistes sur les deux voies principales d’accès à ce sommet, dont la voie normale du Goûter, notoirement accidentogène, a été évalué pour la première fois dans une étude réalisée par Ludovic Ravanel. Les deux voies ne sont pas exposées aux mêmes types de dangers objectifs : chutes de pierres pour le Goûter et chutes de séracs pour les Trois Monts. La méthodologie novatrice utilisée repose sur le croisement des données issues de capteurs pyroélectriques pour quantifier les passages et de capteurs sismiques pour l’enregistrement des chutes de pierres dans le couloir du Goûter, tandis que la photographie automatique a été utilisée pour les Trois Monts. Les résultats montrent un risque individuel de décès deux fois inférieur pour la voie des Trois Monts que pour le Goûter, risque considéré dans les deux cas comme « tolérable » au regard des seuils d’acceptabilité sociale du risque en France.

Alpinistes au sommet du Mont Blanc (Photo: C. Grandpey)

Mort sur le Klyuchevskoy (Kamchatka) // Death on Klyuchevskoy (Kamchatka)

Au moins six alpinistes russes sont morts en escaladant le Klyuchevskoy (Kamtchatka). Les sauveteurs n’ont pas pu atteindre six autres personnes en raison du mauvais temps. On pense que deux des alpinistes en détresse s’abritent dans un camp à 3 300 m d’altitude et quatre autres dans une tente à 4 000 m.
Le groupe de 12 personnes, dont deux guides, a commencé son ascension vers le sommet de 4 754 m le 30 août. Quatre jours plus tard, quatre alpinistes se seraient tués lors d’une chute à environ 4 000 m. Deux autres sont morts peu de temps après. L’un des guides se serait cassé la jambe et l’état des autres alpinistes n’est pas connu pour le moment.
À l’heure actuelle, la couleur de l’alerte aérienne est Jaune pour le Klyuchevskoy, tout comme pour le Bezymianny. Elle est Orange pour l’Ebeko, le Karymsky et le Sheveluch.

Les volczns peuvent tuer sans être en éruption…
Source : médias d’information internationaux, KVERT.

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At least six Russian climbers have died while climbing Klyuchevskoy (Kamchatka). Rescuers were unable to reach another six climbers because of bad weather. Two of the climbers are believed to be sheltering in a camp at 3,300m above sea level, and another four in a tent at 4,000m.

The 12-strong group, which included two guides, began their ascend to the 4,754m summit on August 30th. Four days later, four climbers are believed to have been killed instantly after a fall at about 4,000m. Another two died shortly afterwards. One of the guides is reported to have broken his leg and the condition of the remaining climbers was not immediately known.

At the moment, the aviation colour code fo Klyuchevskoy is Yellow, as vell as for Bezymianny. It is Orange for Ebeko, Karymsky and Sheveluch.

Volcanoes can kill without erupting…

Source: International news media, KVERT

Crédit photo : KVERT

Coup de chaud sur le Mont Blanc !

La canicule qui affecte en ce moment la France n’épargne pas les Alpes et le toit de l’Europe transpire lui aussi. On a enregistré le 18 juin 2022 un nouveau record de température au Col Major (4750 m), à proximité du sommet du Mont Blanc où le thermomètre indiquait 10.4°C. Une température de 6.8°C avait été enregistrée en juin 2019.

Il est évident que les coups de chaud à répétition provoqués par le réchauffement climatique vont modifier la montagne, ne serait-ce qu’avec une accélération de la fonte des glaciers. Les alpinistes vont devoir se montrer extrêmement vigilants car les fortes températures entraînent le dégel du permafrost de roche qui assure la cohésion et la solidité des parois. Les « Cent plus belles courses » répertoriées dans les années 1970 par Gaston Rebuffat ont du plomb dans l’aile. L’inventaire réa lisé récemment par des ingénieurs savoyards a révélé que sur les 95 parcours étudiés, 93 sont affectés par les effets du changement climatique, dont 26 très affectés, et trois n’existent plus. ,

Le réchauffement climatique affecte également l’accès au sommet du Mont Blanc. Des crevasses de 16 mètres de profondeur sont apparues sur l’arête des Bosses, la dernière ligne droite avant l’ascension par la voie normale, la plus simple pour atteindre le sommet, et donc la plus fréquentée par les alpinistes.

Les guides de Saint-Gervais expliquent que le relief du mont Blanc s’est singulièrement modifié ces dernières semaines. Selon eux, la présence de la crevasse sur la voie d’accès au sommet est la conséquence du « réchauffement climatique qui fait que les masses de glace ont tendance à descendre plus vite de chaque côté. Cette arête s’est ouverte. »

L’ascension sera donc plus difficile cette année mais, comme le dit fort justement le maire de St Gervais, « c’est la montagne qui commande et c’est à nous de nous adapter. Et le jour où elle nous dira on ne peut plus passer, et bien on ne passera plus. »

Afin de ne pas dénaturer la montage, il a été décidé qu’aucun équipement de sécurité ne serait installé à proximité de cette crevasse. Tout restera en l’état, mais les guides de haute montagne seront encore plus pointilleux lors de la vérification des aptitudes physiques et techniques des alpinistes qui aspirent à vaincre le toit de l’Europe.

Source: Europe 1, ARPA Valle d’Aosta.

Photo: C. Grandpey

La COVID-19 sur l’Everest ! // COVID-19 on Mount Everest !

La pandémie de COVID-19 ne connaît pas de limites. Des cas de contamination viennent même d’être recensés sur l’Everest ! Un alpiniste a été testé positif au coronavirus quelques semaines à peine après la réouverture du plus haut sommet du monde après une année de fermeture à cause de la pandémie.

Un alpiniste norvégien a été mis à l’isolement à l’hôpital pendant huit nuits à cause du virus. Il a été admis dans deux hôpitaux de Katmandou et testé positif au virus à trois reprises. Depuis, il s’est rétabli – test négatif le 22 avril – et reste maintenant chez des amis dans la ville. Des rapports indiquent qu’un sherpa de son groupe a également été testé positif au virus.

L’épidémie est un coup dur pour le Népal, qui dépend fortement des revenus générés par les expéditions sur l’Everest. Des centaines d’alpinistes étrangers ont prévu de tenter l’ascension à partir du mois d’avril quand s’ouvre la saison printanière des expéditions. En plus des revenus touristiques en général, le Népal empoche 4 millions de dollars en délivrant chaque année des permis d’ascension de l’Everest.

Tous les voyageurs entrant au Népal doivent présenter un test COVID négatif, effectué moins de 72 heures avant leur premier vol. Les passagers en provenance de pays présentant de nouvelles variantes de la COVID sont soumis à 10 jours supplémentaires de quarantaine à l’hôtel. Si un test s’avère négatif après cinq jours, ces personnes sont autorisées à passer les cinq jours restants en quarantaine à domicile.

Les autorités préviennent que l’Everest pourrait favoriser la propagation du virus « à grande échelle » en raison des camps de base à très forte fréquentation et de la rotation régulière des habitants de la région qui servent de sherpas aux alpinistes. Cette mise en garde intervient alors que le voisin du Népal, l’Inde, est confronté à des pics quotidiens de COVID-19. Source: La BBC.

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COVID-19 knows no bounds, reaching the farthest ends of the Earth including Mount Everest. At least one climber has tested positive for Covid-19, just weeks after the world’s tallest peak reopened to climbers following a year of closure.

A Norwegian climber was isolated in hospital for eight nights due to the virus. He was taken to two different hospitals in Kathmandu, and tested positive for the virus three times. He has since recovered – testing negative on April 22 – and is now staying with friends in the city. Reports say a sherpa in his party had also tested positive for the virus.

The outbreak is a blow to Nepal, which relies heavily on income generated from Everest expeditions. Hundreds of foreign climbers are expected to attempt the ascent this spring season, which began in April, after the slopes were shut off due to the pandemic.

Aside from wider tourism revenue, Nepal earns 4 million dollars by issuing Everest climbing permits every year.

All travellers entering Nepal must present a negative Covid report, taken within 72 hours of their first flight. Passengers from countries with new Covid variants will be subject to an additional 10 days of hotel quarantine. If a test comes back negative after five days, they will be allowed to spend their remaining five days in home quarantine.

Officials warn Mount Everest could serve as a setting for a « superspreader event » due to crowded camps filled with travellers and a steady rotation of locals assisting the climbing teams. The warnings come as Nepal’s neighbour, India, battles record daily surges of the coronavirus.

Source: The BBC.

Le camp de base de l’Everest, foyer de propagation du virus (Crédit photo : Wikipedia)