Mon ami Boris Behncke (INGV Catane) fait partie de ces scientifiques que j’apprécie car – contrairement à certains de ses collègues – il a compris depuis longtemps que les volcans donnaient une leçon de modestie aux pauvres humains que nous sommes.
C’est dans cet état d’esprit qu’il fait remarquer sur un blog voisin du mien que nous restons bien démunis devant un volcan comme l’Etna qui, pourtant, est équipé d’instruments de toutes sortes et fait l’objet d’un grand nombre d’études depuis des lustres.
Par exemple, le dernier paroxysme montre, selon Boris, toute la difficulté que nous avons à comprendre les systèmes volcaniques complexes et à prévoir leur comportement.
Ce qui s’est passé pendant les premières heures du 24 avril était la répétition d’un phénomène que l’on a pu observer quelque 200 fois depuis 1995. Pendant les quelques jours qui ont précédé, on a pu observer les signes avant-coureurs habituels, avec des panaches de cendre et une petite activité strombolienne à l’intérieur du Nouveau Cratère SE (NCSE). Malgré cela, malgré tous les instruments de mesure, malgré toutes des données accumulées pendant les dernières décennies, nous n’avons pas été capables de prévoir exactement l’activité qui allait donner naissance à des fontaines de lave au plus fort de l’événement ! Nous savions que le paroxysme allait se produire mais la phase de préparation a été beaucoup plus longue que précédemment. Pourquoi ? Aucun scientifique ne peut donner une réponse définitive.
Comme Boris, je reconnais humblement que je me suis fait piéger. Au moment d’aller me coucher hier soir, j’ai remarqué que le tremor amorçait sa phase descendante, ce qui n’a pas manqué de me surprendre pour deux raisons : d’une part le paroxysme allait se dérouler sans sa phase la plus intense ; d’autre part, les tracés sismiques montraient une certaine stabilité que l’on pouvait attribuer à l’écoulement de lave qui avait lieu depuis l’après-midi, phénomène qui ne s’était pas produit lors des paroxysmes précédents. C’est ce qui ma conduit à écrire que ladite coulée de lave avait peut-être « pompé »l’énergie du NCSE. Le volcan m’a donné tort et j’ai bien été obligé de reconnaître mon erreur ce matin !