La visite d’Emmanuel Macron au Groenland

Dans deux notes rédigées les 26 avril 2025 :

Le Groenland : un pôle économique et géostratégique majeur (1ère partie)

et 27 avril 2025 :

Le Groenland : un pôle économique et géostratégique majeur (2ème partie)

j’expliquais que le Groenland était un pôle économique et géostratégique majeur. Dans une autre note publiée le 13 mars 2025 :

Le Groenland n’a pas envie de faire partie des États Unis // Greenland does not want to be part of the United States

je confirmais que le pays nordique n’avait aucune envie de faire partie des États Unis comme le souhaite Donald Trump. Un accueil glacial a d’ailleurs été réservé au vice-président américain J.D.Vance le 28 mars dernier. Il s’était rendu au Groenland au mépris des dirigeants du territoire arctique et du gouvernement danois qui avaient pourtant martelé qu’il n’était pas invité et qu’il n’était pas le bienvenu. Vance a dû se contenter de la visite d’une base militaire perdue dans le désert de glace, et où il n’a pu s’exprimer que devant une poignée d’Américains. Les visites qu’il avait prévues sur d’autres sites ont dû être annulées et il est rentré penaud à Washington.

C’est un accueil bien différent qui attend Emmanuel Macron ce dimanche 15 juin. Dans son discours d’ouverture de l’UNOC-3 à Nice, le président français a déclaré que « les abysses [n’étaient] pas à vendre, pas plus que le Groenland, » des propos particulièrement appréciés par les autorités danoises présentes sur la Côte d’Azur. Dans ce contexte, il n’est guère étonnant qu’Emmanuel Macron soit attendu à bras ouverts au Groenland où il doit faire escale avant de participer au G7 qui s’ouvrira ce soir au Canada.

La visite de notre président est symbolique à plus d’un titre. D’une part, ce sera le premier déplacement d’un président français sur l’île. D’autre part, Emmanuel Macron sera aussi le premier chef d’État étranger à se rendre à Nuuk, après les menaces d’annexion du territoire, proférées par Donald Trump et la crise diplomatique qui en a résulté.

Bien sûr, les adversaires politiques du président ne manqueront pas de se moquer de cette initiative. En laissant de côté la politique politicienne si chère à mes compatriotes, j’approuve personnellement la démarche de notre président. Alors que Donald Trump fait l’intéressant avec les parades militaires à Washington, Emmanuel Macron vient lui rappeler qu’il n’est pas le bienvenu dans l’Arctique. Je ne serais pas surpris que notre président le lui rappelle à un moment ou un autre au cours du G7. Contrairement à ses prédécesseurs, Emmanuel Macron manie la langue de Shakespeare et n’a donc pas besoin d’interprètes pour asséner quelques vérités.

En faisant fondre la glace au Groenland, le réchauffement climatique va mettre au jour des ressources minérales.

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Comme prévu, Emmanuel Macron a effectué cet après-midi une visite express au Groenland pour apporter un soutien appuyé au territoire nordique. À peine arrivé sur place, le chef de l’État a expliqué venir exprimer la « solidarité de la France et de l’UE pour la souveraineté et l’intégrité territoriale » du Groenland, en critiquant les menaces d’annexion formulées régulièrement par Donald Trump. « Ce n’est pas ce qui se fait entre alliés », a-t-il expliqué sur le tarmac de l’aéroport de Nuuk.

Sur les réseaux sociaux, Emmanuel Macron a remercié le Premier ministre du Groenland et la Première ministre danoise pour leur invitation. Il a ajouté que c’était un grand honneur d’effectuer cette visite au Groenland, la première d’un président français. Au cœur des échanges devaient figurer la sécurité en Atlantique Nord et dans l’Arctique, le changement climatique, la transition énergétique et les minerais critiques.

La visite du président français l’a conduit devant un glacier, dans une centrale hydroélectrique et à bord d’une frégate danoise. Selon l’Élysée, ces trois séquences comportent trois messages : le soutien européen à « la souveraineté et l’intégrité territoriale » du Groenland, à son développement économique et la mobilisation contre la « fonte alarmante des glaciers. ».

Emmanuel Macron a pu se rendre compte par lui-même de l’impact grandissant du réchauffement climatique sur un glacier du mont Nunatarsuaq, à une trentaine de kilomètres de Nuuk, la capitale groenlandaise. La glace y a fondu 17 fois plus vite que la moyenne historique entre le 15 et le 21 mai 2025 sous l’effet d’une vague de chaleur record.

L’accueil réservé au président français, même si la visite présidentielle n’a duré que quelques heures, tranche avec celui réservé au vice-président américain JD Vance le 28 mars. Les 57 000 habitants du Groenland, majoritairement des Inuits, rejettent toute perspective de devenir américains. Le Danemark martèle aussi que le Groenland « n’est pas à vendre ».

Source : presse internationale.

La fonte des glaciers s’est accélérée ces dernières semaines au Groenland (Photo: C. Grandpey)

Mai 2025 toujours trop chaud ! // May 2025 still too hot !

Le printemps 2025 a été exceptionnellement sec dans le nord-ouest de l’Europe et le mois de mai a été le deuxième plus chaud jamais enregistré à l’échelle mondiale, selon le service Copernicus sur le réchauffement climatique (C3S).
Des pays européens, dont le Royaume-Uni, ont été touchés par la sécheresse ces derniers mois. Des pénuries d’eau sont redoutées s’il ne pleut pas abondamment cet été, et des mauvaises récoltes commencent à être signalées par les agriculteurs.
Les nouvelles données Copernicus montrent que mai 2025 a été le deuxième mois de mai le plus chaud au monde, avec une température moyenne de l’air en surface de 15,79 °C, soit 0,53 °C de plus que la moyenne de mai de 1991 à 2020. La température de mai 2025 a été supérieure de 1,4 °C à la moyenne 1850-1900, utilisée pour définir le niveau préindustriel.
En mai 2025, les régions du sud de la Russie, de l’Ukraine et de la Turquie ont également été plus sèches que la moyenne. Certaines régions du nord-ouest de l’Europe ont enregistré les précipitations et l’humidité des sols les plus faibles depuis au moins 1979.
En mai 2025, le temps a également été plus sec que la moyenne dans une grande partie de l’Amérique du Nord, dans la Corne de l’Afrique et en Asie centrale, ainsi que dans le sud de l’Australie et dans une grande partie de l’Afrique australe et de l’Amérique du Sud.
Le mois de mai 2025 a également été marqué par des températures de surface de la mer anormalement élevées dans l’Atlantique Nord-Est, avec des sommets encore jamais enregistrés. Le réchauffement climatique a fait grimper les températures en Islande et au Groenland de plusieurs degrés lors d’une vague de chaleur record. Elle a suscité des inquiétudes quant aux conséquences de la fonte des glaces arctiques sur le climat mondial. La calotte glaciaire du Groenland a fondu beaucoup plus vite que la normale pendant la vague de chaleur, et au moins deux localités ont enregistré des températures record pour un mois de mai. Certaines régions d’Islande ont enregistré des températures supérieures de plus de 10 °C à la moyenne, et le pays a établi un record de température pour un mois de mai, lorsque l’aéroport d’Egilsstadir a enregistré26,6 °C le 15 mai.
Source : Copernicus, médias d’information islandais.

Source: Copernicus

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It has been an exceptionally dry 2025 spring in north-western Europe and the second warmest May ever globally, according to the Copernicus Climate Change Service (C3S).

Countries across Europe, including the UK, have been hit by drought conditions in recent months, with water shortages feared unless significant rain comes this summer, and crop failures beginning to be reported by farmers.

The new Copernicus data shows that May 2025 was the second-warmest May globally, with an average surface air temperature of 15.79°C, 0.53°C above the 1991-2020 average for May. The month was 1.4°C above the estimated 1850-1900 average used to define the pre-industrial level.

In May 2025, southern regions of Russia, Ukraine, and Türkiye were drier than average too. Parts of north-western Europe experienced the lowest precipitation and soil moisture levels since at least 1979.

In May 2025, it was also drier than average in much of north America, in the Horn of Africa and across central Asia, as well as in southern Australia, and much of both southern Africa and South America.

May also saw abnormally high sea surface temperatures in the north-eastern Atlantic, reaching the highest ever recorded. Global warming boosted Iceland and Greenland ’s temperatures by several degrees during a record-setting May heat wave, raising concerns about the far-reaching implications melting Arctic ice has for weather around the world. The Greenland ice sheet melted many times faster than normal during the heat wave, with at least two communities seeing record temperatures for May. Parts of Iceland saw temperatures more than 10°C above average, and the country set a record for its warmest temperature in May when Egilsstadir Airport hit 26.6°C on May 15..

Source : Copernicus, Icelandic news media.

Groenland : la fonte des glaciers expose davantage de côtes // Greenland : glacier melting exposes more coastlines

Une étude récente menée par une équipe de scientifiques polonais, canadiens, tchèques et américains a analysé des images satellite de l’hémisphère Nord de 2000 à 2020 afin d’analyser l’évolution des littoraux, alors que les calottes glaciaires ont sensiblement reculé sur Terre en raison du réchauffement climatique. En additionnant toutes les images, les chercheurs ont constaté que 2 466 kilomètres de côtes ont été exposés au cours des 20 dernières années. Ils ont également constaté qu’environ 66 % de ces littoraux nouvellement exposés se trouvaient au Groenland.

Photo: C. Grandpey

Si d’autres études ont déjà révélé que le Groenland connaît la vitesse de perte de glaciers la plus élevée de l’hémisphère nord, la dernière effectuée par l’équipe multinationale se distingue par la manière dont ses chercheurs ont évalué cette perte. Ils sont examiné les terres exposées à la fonte des glaciers dans le pays. L’accélération du réchauffement climatique a entraîné un recul important de la majorité des glaciers émissaires dans l’hémisphère Nord au cours du 21ème siècle. Le recul des glaciers et la nouvelle exposition des littoraux qui en résulte peuvent avoir des impacts importants sur les écosystèmes locaux et les communautés arctiques. En effet, ce phénomène non seulement modifie le paysage, mais représente également un risque indirect pour les zones habitées et les activités économiques des zones côtières. Les régions situées autour des glaciers qui viennent vêler dans l’océan sont plus vulnérables aux tsunamis provoqués par des glissements de terrain. Par exemple, celui enregistré le 17 juin 2017 au Groenland a causé d’importants dégâts aux infrastructures et des pertes humaines.

Photo: C. Grandpey

Au cours des quatre dernières décennies, l’Arctique s’est réchauffé jusqu’à quatre fois plus vite que le reste de la planète. Ce réchauffement rapide entraîne l’amincissement de la calotte glaciaire du Groenland. De plus, avec une étendue de près de 14 millions de kilomètres carrés, la banquise arctique a atteint en février 2025 un niveau record à la baisse depuis les observations satellitaires.

Photo: C. Grandpey

L’étendue de la banquise était de nouveau bien inférieure à la moyenne, poursuivant la tendance observée ces dix dernières années.
Source : The Cool Down Company.

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A recent study by a team of scientists from Poland, Canada, Czechia, and the United States analyzed satellite imagery of the Northern Hemisphere from 2000 to 2020 to record changes to coastlines as sheets of ice noticeably shrank on Earth because of global warming. In adding all the images together, they found that 2,466 kilometers of coastline have been exposed over just the past 20 years. They also found that approximately 66% of that newly exposed coastline was in Greenland.

While there have been other studies that have revealed Greenland is undergoing the highest rate of glacier loss in the hemisphere, this one stands out for the way its researchers are monitoring that loss. This latest study looks at land that is being exposed as the country’s ice melts. Accelerated climate warming has caused the majority of marine-terminating glaciers in the Northern Hemisphere to retreat substantially during the 21st century. Retreating glaciers and associated newly exposed coastline can have important impacts on local ecosystems and Arctic communities. Indeed, the phenomenon not only alters the landscape but simultaneously poses an indirect risk to local communities and economic activities in the coastal zone. Regions around marine-terminating glaciers have an enhanced susceptibility to landslide-triggered tsunamis. For instance, the one recorded on 17 June 2017 in Greenland caused substantial infrastructure damage and loss of life.

Over the past four decades, the Arctic has warmed up to four times faster than the rest of the planet. This rapid warming is causing Greenland’s ice sheet to thin. Moreover, with an extent of nearly 14 million square kilometers, Arctic sea ice hit in February a record low in the satellite era. The global sea ice extent was again well below average, continuing a trend from each of the past 10 years.

Surce : The Cool Down Company.

https://www.thecooldown.com/

Le Groenland : un pôle économique et géostratégique majeur (2ème partie)

Les géants américains de la Tech entendent bien exploiter la Route du Grand Nord, la plus courte entre l’Asie et l’Europe, pour y faire passer leurs câbles de fibre optique. Les centres de stockage des données dans lesquels se trouvent les serveurs sont climatisés pour refroidir les infrastructures ; aller chercher du froid constitue un élément clé. Certains acteurs de la Silicon Valley ont déjà installé des serveurs en Laponie suédoise ou en Islande.

On nous l’a souvent expliqué : les Américains sont très intéressés par les richesses contenues dans le sous-sol groenlandais : or, cuivre, zinc, nickel, graphite, uranium, etc. On trouve aussi des terres rares comme le néodyme qui entre dans la fabrication des aimants industriels, des systèmes de guidage de fusée, et même des moteurs d’avions. Un certain nombre de métaux, comme l’aluminium, le gallium, le germanium ou certains minerais comme le graphite sont considérés comme stratégiques pour l’industrie de Défense. Or les Américains ne produisent pas ou peu de ces matières premières qu’ils doivent envoyer en Chine pour le raffinage. Le Groenland pourrait donc servir de réserve stratégique aux États Unis, ce qui leur permettrait de moins dépendre de la Chine.

Source : Observatoire de l’Arctique

De son côté, la Chine possède 40 % des réserves des métaux stratégiques et contrôle 70% de leur production. En élargissant son emprise géostratégique sur le Groenland, la Chine pourrait atteindre entre 70% et 75% de la production des métaux rares. Dès 2010-2011, le gouvernement chinois a proposé au gouvernement groenlandais la constitution d’un cartel des producteurs de terres rares sur le même modèle que ce qui existe sur le pétrole ou le gaz naturel.

On se rend compte que la volonté de dominer le Grand Nord, que ce soit pour les Américains, les Russes ou les Chinois est avant tout une affaire de stratégie. La Chine souhaite réduire l’espace stratégique américain ou en tous cas le contester, et en même temps augmenter son propre espace stratégique pour le contrôle des ressources ainsi que son emprise spatiale. Il est amusant de voir qu’au sein du Conseil de l’Arctique où elle a, comme la France, un statut d’observateur, la Chine – qui n’a aucun littoral arctique – se présente comme “a quasi Arctic country [un pays presque arctique] .

La Chine souhaite ouvrir sa Route de la Soie du Nord (Source : Marine nationale française)

S’agissant de l’uranium, son extraction au Groenland est interdite depuis 2021 (tout comme le pétrole), à la suite de manifestations et du mouvement “Non à l’uranium”, même si la porte n’est pas complètement fermée à son exploitation en deçà d’un certain seuil. L’industriel français Orano (ex-Areva) a suspendu son programme d’exploration sans jamais avoir engagé de travaux sur le terrain. La société, qui est détenue majoritairement par l’État français, reste à disposition des autorités groenlandaises pour apporter son expertise pour une exploration et une exploitation responsable de l’uranium.

Source : Radio France et autres médias d’information internationaux.