Retour sur la mission MOSAIC à bord du « Polarstern »

Dans la soirée du 1er juin 2023, dans le cadre de ‘Science grand format’, France 5 diffusait un documentaire intitulé « Expédition Arctique : au cœur du réchauffement climatique ». Le film est disponible jusqu’au 02 novembre 2023.

J’ai écrit plusieurs notes à propos de la mission MOSAIC à bord du Polarstern, un brise-glace de recherche allemand qui s’est immobilisé en 2020 au cœur de la banquise arctique pendant tout un hiver. Des chercheurs de 20 pays se sont relayés pour effectuer des mesures dans cet univers très mal connu. Au total, ce sont 300 personnes qui ont cherché à comprendre l’impact de l’homme sur la planète.

Je vous invite à lire les différentes notes que j’ai écrites à propos de cette expédition scientifique du plus grand intérêt :

12 mai 2020

4 juin 2020

22 août 2020

14 octobre 2020

19 mars 2021

2 novembre 2022

Remplissage du cratère sommital du Kilauea (Hawaii) // Filling of Kilauea’s summit crater (Hawaii)

Dans son article hebdomadaire « Volcano Watch », l’Observatoire des Volcans d’Hawaii (HVO) a publié un article très intéressant sur le remplissage de l’Halema’uma’u, le cratère sommital du Kilauea. On se souvient que l’éruption de 2018 s’est accompagnée de violents séismes et d’effondrements dans la zone sommitale du volcan. Ces événements ont laissé derrière eux une cavité très profonde, là même où s’agitait un superbe lac de lave avant l’éruption.

Une pièce d’eau s’est formée pendant quelques mois au font du nouveau cratère :

A partir de décembre 2020, deux éruptions ont fait entrer de la lave dans la profonde cavité provoquée par l’affaissement de la caldeira du Kilauea en 2018. La première éruption a commencé fin décembre 2020 et a duré cinq mois.
La deuxième éruption se poursuit aujourd’hui et a célébré son premier anniversaire le 29 septembre 2022. En ce moment, plus de 150 millions de mètres cubes de lave ont rempli le cratère et soulevé son plancher de près de 370 mètres par rapport à son niveau de 2018.
La première éruption a commencé le 20 décembre 2020 et au début de l’année 2021 le niveau de la lave s’était élevé de plus de 180 mètres. La dernière activité a été observée le 23 mai 2021, après que la lave ait rehaussé de 225 mètres le fond du cratère. Ce dernier avait alors une superficie de 45 hectares. La croûte de lave solidifiée recouvrait un volume estimé à 41 millions de mètres cubes de lave. Dans la partie centrale du cratère, on pouvait voir une île principale qui s’était formée dans les premières heures de l’éruption, ainsi que plusieurs autres petites îles dans la partie est du cratère. Le sommet de l’île principale se trouvait à environ 25 mètres au-dessus du fond du cratère.

Le cratère le 24 mars 2021…

…et le 11 juin 2021. On voit parfaitement les îles qui percent la croûte de lave solidifiée

L’activité a repris le 29 septembre 2021, à partir d’un nouveau cône éruptif dans la partie ouest du cratère, avec de petits débordements sur les bordures. Le 12 septembre 2022, l’éruption avait ajouté 111 millions de mètres cubes de lave, soulevé le fond du cratère de 140 mètres supplémentaires et plus que doublé la superficie du fond du cratère de 2020-2021.
Aujourd’hui, le cratère de l’Halemaʻumaʻu présente une surface centrale de forme ovale recouverte par la croûte formée en 2020-2021, avec l’île principale figée à l’intérieur. Alors que le plancher du cratère de 2020-2021 continue à se soulever, une nouvelle lave est apportée sur les bords par l’éruption en cours. La source de l’éruption reste le cône ouest qui maintient la même position sur la bordure ouest du fond du cratère. Actuellement, le petit lac de lave occupe moins de 1% du plancher du cratère.

Le cratère de l’Halema’uma’u le 27 septembre 2022. On se rend compte de l’ampleur prise par la lave

Le petit lac de lace dans le cratère

(Toutes les photos se trouvent sur le site du HVO)

Le plancher du cratère continue de se soulever, tel un piston, avec la croûte qui reste pratiquement intacte à son sommet. Comme le cratère a la forme d’un entonnoir, le plancher du cratère s’agrandit au fur et à mesure qu’il se déplace vers le haut.
Il peut sembler étrange que la lave ne s’étale pas sur le fond du cratère, mais l’histoire montre que ce soulèvement en forme de piston est un mécanisme relativement fréquent sur le Kilauea. Le phénomène a déjà été observé dans les années 1800 lorsque la partie centrale du plancher de la caldeira s’est élevée de près de 60 mètres en l’espace de quelques mois. Thomas Jaggar, fondateur de l’Observatoire des Volcans d’Hawaii, a observé ce processus à plusieurs reprises entre 1916 et 1924.
À certains moments, la lave de l’éruption de 2021-2022 a recouvert des parties importantes du fond du cratère. L’île principale de 2020-2021 est toujours visible, mais elle a été entourée par des coulées de surface sur une dizaine de mètres d’épaisseur. Dans le même temps, le plancher du cratère s’est soulevé de 130 mètres supplémentaires sous l’effet de la poussée de la lave sous la croûte. Cependant, la majeure partie de cette lave n’a jamais été vue par les scientifiques du HVO. Seule une petite fraction s’écoule et vient recouvrir de temps en temps le fond du cratère.
Le plancher du cratère de l’Halema’uma’u continuera probablement à se soulever sous l’effet de injection continue de lave, mais personne ne sait si on verra cette lave dans les prochains mois. Personne ne sait non plus si un nouveau lac de lave occupera le cratère de l’Halema’uma’u comme avant l’éruption de 2018.
Source : HVO, USGS.

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In its weekly article « Volcano Watch », the Hawaiian Volcano Observatory has released a very interesting article about the filling of Kilauea’s summit crater. One can remember that the 2018 eruption included a series of earthquakes and collapses in the volcano’s summit area. They left a very deep pit where a lava lake was simmering before the eruption.

Since December 2020, two eruptions have been filling the deep pit crater left by the 2018 subsidence of Kīlauea caldera. The first eruption started in late December 2020 and lasted five months.

The second eruption continues and celebrated its firdt anniversary on September 29th, 2022. At this moment, more than 150 million cubic meters of new lava have filled that pit and lifted its floor almost 370 meters higher than the deepest point of 2018 subsidence.

The first eruption started on December 20th, 2020, and by the new year, the lava level had risen more than 180 meters. The last activity was observed on May 23rd, 2021, after lava had filled 225 meters of the pit. The crusted crater floor had an area of 45 hectares, covering a volume of 41 million cubic meters of lava. The crater floor showed a main island that had formed in the first hours of the 2020-21 eruption, and several smaller islands to the east. The summit of the highest island was about 25 meters above the surrounding crater floor.

Activity reappeared on September 29th, 2021, from a new western cone and from the edges of the crater floor. On September 12th this year, the 2021-22 eruption had added 111 million cubic meters of lava, raised the crater floor another 140 meters and more-than-doubled the area of the 2020-21 crater floor.

Current views of Halemaʻumaʻu show a central oval-shaped plate of 2020-21 crust, with its main island frozen into it. While the 2020-21 crater floor is being lifted, new floor is being added around its edges by the 2021-22 ongoing eruption. The erupting vent, called the west cone, seems to be frozen in the same position at the west edge of the 2020-21 crater floor. Currently, the small lava lake occupies less than 1% of the crater floor.

The crater floor continues to rise, like the top of a piston, with the crust mostly intact at its top. Because the pit is shaped like a funnel, the uplifted crater floor must get larger as it moves upward.

While it might seem strange that more lava is not erupted over the crater floor to build it higher, history shows us that this piston-like uplift from beneath the floor is a common mechanism observed at Kilauea. The phenomenon was already observed in the 1800s when the central part of the caldera floor rose almost 60 meters in the space of a few months. Thomas Jaggar, founder of the Hawaiian Volcano Observatory, observed this process several times between 1916 and 1924.

On occasion, the 2021-22 eruption lava has covered substantial portions of the crater floor with new lava. The highest part of the 2020-21 main island is still visible, but the island has been surrounded by about 10 meters of surface flows. Meanwhile, the crater floor was uplifted an additional 130 meters by lava beneath the crust. However, most of the molten lava added to Halemaʻumaʻu pit crater has not been seen by observers on the surface. Only a small fraction of it trickles out, occasionally covering part of the crater floor.

The Halemaʻumaʻu crater floor will probably continue to rise with continued injection of lava, but nobody knows how much of this lava will be seen in the next months. Nobody knows either whether a new lava lake will occupy Halema’uma’u Crater like it did before the 2018 eruption.

Source: HVO, USGS.

La géodésie sur les volcans // Volcano geodesy

Plusieurs paramètres sont à prendre en compte pour analyser le comportement des volcans et tenter de prévoir les éruptions : sismicité, température et composition des gaz, déformation du sol… Ce dernier paramètre est le domaine de la géodésie qui consiste à mesurer la déformation et l’évolution de la surface de la Terre. Un article récemment publié par le Hawaiian Volcano Observatory (HVO) nous donne plus de détails sur cette technologie.
Les principales données géodésiques actuellement utilisées par les scientifiques du HVO pour mesurer la déformation de surface sur le Kilauea sont fournies par les images GNSS (système global de navigation par satellite, qui comprend le GPS), l’inclinaison du sol (tilt en anglais) et l’interférométrie radar (InSAR).

Sur le Kilauea, le réseau de surveillance géodésique comprend plus de 70 stations GNSS et 15 inclinomètres qui enregistrent et transmettent des données en continu. Ces instruments nécessitent une maintenance; de plus, ils doivent être réactualisés périodiquement en raison de leur âge et doivent être remplacés s’ils sont détruits par l’activité volcanique comme en 2018.
A l’heure actuelle à Hawaii, le travail des scientifiques se focalise sur la reconstruction et l’amélioration du réseau géodésique afin de mieux détecter les risques liés à l’activité volcanique. Une partie du travail consiste à remplacer les instruments obsolètes et à améliorer le fonctionnement des instruments de surveillance en temps quasi réel dans des zones les plus sensibles du sommet du Kilauea et des zones de rift. Le rôle de ces instruments est de pouvoir détecter rapidement les mouvements du magma.
En 2018, des coulées de lave ont détruit 3 stations GNSS dans la Lower East Rift Zone (LERZ). Trois autres stations GNSS ont été détruites lors de l’effondrement de la caldeira sommitale du Kilauea. De nouvelles stations GNSS ont été rapidement déployées à proximité pour permettre une surveillance continue pendant la crise éruptive de 2018. Ces stations déployées rapidement comprennent des antennes GNSS montées sur trépied et qui appartiennent à la configuration utilisée pour les situations temporaires d’une durée de plusieurs jours à plusieurs semaines.
Bon nombre de ces sites où des antennes ont été installées rapidement ont été supprimés après 2018. Cependant, environ 13 d’entre eux sont toujours utilisés pour la surveillance en cas d’urgence et restent sur des trépieds temporaires. Ces sites seront modernisés et de nouveaux sites seront également mis en place pour remplacer ceux détruits en 2018.
Le HVO a déployé 3 nouvelles stations GNSS à fonctionnement semi-continu suite à l’éruption du Kilauea en décembre 2020. Ces stations ont permis aux scientifiques d’avoir une vue plus complète du retour du magma vers le sommet.
De même, le HVO a déployé un équipement GNSS à réponse rapide sur 2 repères préexistants lors de l’intrusion magmatique au niveau de la caldeira sud du Kilauea en août 2021. Cela a permis aux scientifiques de suivre la migration du magma depuis la caldeira vers le sud.
Dans l’article, l’Observatoire explique que le réseau géodésique permet aux scientifiques de surveiller les déformations du sol sur les volcans, de réagir face aux éruptions et de mieux comprendre le stockage et le mouvement du magma sous terre.
Source : USGS, HVO.

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Several parameters need to be taken into account to analyse the behaviour of volcanoes and try to predict eruptions: seismicity, gas temperature and composition, ground deformation… This last parameter is the domain of geodesy which is the study of measuring and understanding how the Earth’s surface deforms and changes. As article recently published by the Hawaiian Volcano Observatory (HVO) gives us more details about this technology.

The main geodetic datasets currently used by HVO scientists to measure surface deformation on Kilauea Volcano are GNSS (global navigation satellite system, which includes GPS), tilt, and satellite radar (InSAR) imagery.

On Kilauea, geodetic monitoring network includes over 70 GNSS stations and 15 tiltmeters that continuously record and transmit data. These instruments require routine maintenance, must be upgraded periodically due to age, and must be replaced if destroyed by volcanic activity such as in 2018.

Current upgrades focus on rebuilding and improving HVO’s geodetic network in order to better detect and respond to volcanic hazards related to Hawaiian Volcanoes. Some of the network upgrades include replacing out-of-date instruments and improving the network of near real-time monitoring instruments at critical areas on Kilauea’s summit and rift zones to support early detection of magma movement.

In 2018, lava flows destroyed 3 GNSS stations in the lower East Rift Zone. Another 3 GNSS stations were destroyed in the caldera collapses at Kilauea’s summit. New GNSS stations were rapidly deployed at nearby locations to allow for continued monitoring during the 2018 crisis. These rapidly deployed stations included GNSS antennas mounted on surveys tripods, which is a set-up used for temporary deployments that last several days to weeks.

Many of these rapidly deployed sites were removed after 2018. However, approximately 13 of them are still being used for emergency monitoring and remain on temporary tripods. These sites will be upgraded and new sites will also be installed to replace those destroyed in 2018.

HVO has deployed 3 new semi-continuous GNSS stations in response to the December 2020 Kilauea eruption. These stations gave scientists a more complete view of magma returning to the summit.

Similarly, HVO deployed rapid-response GNSS equipment at 2 pre-existing benchmarks during the Kilauea south caldera intrusion event in August 2021, allowing scientists to track the migration of magma from the south caldera to farther south.

In the article, the Observatory explains that the geodetic network ensures that scientists can monitor changes in the shape of volcanoes, respond to eruptions, and understand magma storage and movement underground.

Source: USGS, HVO.

Station géodésique GNSS sur le plancher de la caldeira du Kilauea (Crédit photo : HVO)

Exemple d’interférogramme InSAR du Kilauea pendant l’éruption de 2018 (Source: NASA / Université de Liverpool).

Objectif de la COP 21 difficilement réalisable // COP 21 objective difficult to achieve

D’après l’Organisation météorologique mondiale (OMM) et le Met Office britannique, le niveau de chaleur record atteint en 2016 va très certainement être dépassé entre 2021 et 2025. Cette probabilité est fixée à 90% dans le rapport que ces agences viennent de publier en mai 2021.

En 2020, l’une des trois années les plus chaudes jamais enregistrées, la température moyenne mondiale calculée par la NASA, la NOAA et le Met Office a été de 1,2°C au-dessus de la valeur de référence préindustrielle. Après une année 2021 temporairement refroidie par La Niña, le record établi en 2016 (+1,23°C) devrait cependant tomber dans les cinq prochaines années.

L’étude montre que nous nous rapprochons de manière inexorable de l’objectif le plus ambitieux de l’Accord de Paris sur le changement climatique. Cet Accord vise à maintenir l’élévation de la température mondiale « bien en dessous » de 2 degrés Celsius. Sous la pression des pays les plus vulnérables au changement climatique, l’objectif est de poursuivre les efforts pour limiter l’augmentation de la température à 1,5°C.

Les engagements nationaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre sont actuellement très insuffisants pour atteindre cet objectif. Certains scientifiques pensent que l’objectif 1,5°C est encore possible d’un point de vue physique mais la démonstration semble de moins en moins tenable.

D’après le rapport de l’OMM, la période 2021-2025 sera très probablement plus chaude (80% de chances) que les 5 années précédentes.

Source : OMM, global-climat.

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According to the World Meteorological Organization (WMO) and the British Met Office, the record heat level reached in 2016 will most certainly be exceeded between 2021 and 2025. This probability is set at 90% in the report that these agencies have just published in May 2021.

In 2020, one of the three warmest years on record, the global average temperature calculated by NASA, NOAA and the Met Office was 1.2°C above pre-industrial levels. After 2021 which was temporarily cooled by La Niña, the record set in 2016 (+ 1.23°C) is likely to be beaten in the next five years.

The study shows that we are moving inexorably towards the most ambitious goal of the Paris Agreement on climate change. This Agreement aims to keep the global temperature rise « well below » 2 degrees Celsius. Under pressure from the countries most vulnerable to climate change, the aim hjas been to continue efforts to limit the temperature rise to 1.5°C.

National commitments to reduce greenhouse gas emissions are currently very insufficient to achieve this objective. Some scientists believe that the 1.5°C target is still possible from a physical point of view, but the demonstration seems less and less tenable.

According to the WMO report, the period 2021-2025 will most likely be warmer (80% chance) than the previous 5 years.

Source: WMO, global-climat..

Anomalies de température mondiale par rapport à la période préindustrielle. (Source : OMM).