Grindavik (Islande) : pas de retour de la population dans les prochains jours // Grindavik (Iceland): no return of the population in the coming days

L’activité sismique a été moins forte ces dernières heures sur la péninsule de Reykjanes, même si les instruments confirment l’intrusion magmatique dans la région. Pour l’instant, rien ne laisse prévoir une forte activité éruptive.

Comme je l’ai écrit précédemment, Grindavik (3 500 habitants) a été durement touchée par les séismes et la population a été évacuée par mesure de précaution. En effet, l’intrusion magmatique a été détectée sous la ville proprement dite, ce qui explique les dégâts causés aux habitations et aux infrastructures. Le chef de la Protection civile a indiqué le 12 novembre qu’il était peu probable que les habitants de Grindavík puissent regagner leur domicile dans un avenir proche. En effet, il y a plus de dégâts que prévu. Certaines parties de la ville sont privées d’eau chaude et d’électricité en raison des dégâts causés au système de distribution géré par la société HS Veitur dont les employés n’ont pas été autorisés à pénétrer dans les zones endommagées pour effectuer des réparations, en raison du danger.
Une nouvelle évaluation de la situation par le Met Office islandais devrait être publiée dans les prochaines heures. Cela permettra d’en savoir plus, notamment si le magma continue de se rapprocher de la surface.
Malgré la diminution actuelle de l’activité sismique, il est peu probable que les habitants de Grindavík puissent regagner leurs foyers dans un avenir proche, même si une éruption ne se produit pas dans les prochains jours. La Protection Civile a déclaré que « même si l’activité s’arrête complètement et que les scientifiques estiment que la crise est terminée, il faudra un certain temps avant de pouvoir être sûr que cette activité ne reprendra pas. Ce n’est qu’à ce moment-là que les habitants pourront rentrer chez eux. »
Source  : Iceland Review.

++++++++++

15 heures : Le dernier bulletin du Met Office confirme que l’activité sismique est stable sur la péninsule de Reykjanes. Environ 900 événements ont été détectés dans la région de Grindavík depuis minuit. L’activité sismique traverse la partie sud de l’intrusion magmatique entre la rangée de cratères de Sundhnúkar et Grindavík, à une profondeur d’environ 2 à 5 km.
La déformation du sol est lente. L’imagerie satellite montre qu’elle atteint jusqu’à 1 m de déplacement vertical dans la partie ouest de Grindavík, suite à la propagation de l’intrusion magmatique. Il semble que la principale zone de remontée de magma vers la surface ait sa source dans le secteur de Sundhnúkur, à 3,5 km au nord-nord-est de Grindavík.
Il est intéressant de noter que les plus forts séismes (avec un maximum de M 3,4) ces dernières heures ont été détectés près d’Eldey, au sud-ouest de la péninsule de Reykjanes. Il y a de la sismicité le long du dyke qui se trouve sous Grindavík, et qui va d’un côté à Kleifarvatn et de l’autre côté au large de la pointe sud-ouest de la péninsule de Reykjanes.
Source : IMO, Iceland Monitor.

++++++++++

20 heures : La dernière mise à jour du Met Office traite principalement de la déformation du sol dans le sud-ouest de l’Islande. La bonne nouvelle, en espérant qu’elle se confirme dans les prochains jours, est que l’amplitude de déformation du sol montre une diminution dans les données GPS au niveau de Grindavík.
L’interférogramme ci-dessous couvre la période du 3 au 11 novembre 2023 et montre une vaste zone de déformation liée à l’intrusion magmatique qui a commencé dans l’après-midi du 10 novembre au sein du système volcanique Reykjanes-Svartsengi. Cet interférogramme et le précédent (2-10 novembre) ont motivé la difficile décision prise par la Protection Civile d’évacuer la ville de Grindavík. Il a également permis de modéliser les dimensions de l’intrusion le 11 novembre. On obtient une longueur médiane du dyke de 15 km et une profondeur inférieure à 1 km sous la surface. L’imagerie montre un déplacement du sol de plus d’un mètre dans la partie ouest de Grindavík, provoqué par la propagation de l’intrusion magmatique. Il semble que la principale zone de remontée du magma ait sa source à proximité de Sundhnúkur, à 3,5 km au nord-nord-est de Grindavík.

Source: IMO

—————————————————

Seismic activity has been less strong in the past hours on the Reykjanes Peninsula, although instuments confirm the magma intrusion in the region. For the moment, there is nothing to suggest that there will be a significant eruption.

As I put it before, Grindavik (pop. 3,500) has been severly impacted by the earthquakes and the population was evacuated as a precaution. Indeed, the magma intrusion has been detected beneath the city, which accounts for the damage tohomes and infrastructure. The Head of the Department of Civil Protection indicated on November 12th that it is unlikely that Grindavík residents will be able to return to their homes in the near future. Indeed, there is more damage than expected. Parts of the town are without hot water and electricity owing to damage to the distribution system of the HS Veitur utility company. The company employees have not been allowed to venture into those areas for repairs because of the danger.

A new assessment from the Icelandic Meteorological Office is expected to be published in the short term. It will provide a clearer picture of the situation, including whether the magma is still rising and how close it has risen to the surface.

Despite the current decrease in seismic activity, it is unlikely that Grindavík residents will be able to return to their homes in the near future, even if a volcanic eruption does not occur in the next few days. A Civil Protection said that “even if the activity completely stops, and scientists believe that this event is over, it will take some time before we can be certain that this activity will not pick up again. Only then will residents be allowed to return home.”

Source : Iceland Review.

++++++++++

15:00 : The latest IMO bulletin confirms that seismic activity is stable son the Reykjanes Peninsula. Around 900 earthquakes have been detected in the area around Grindavík since midnight. The activity is spread through the southern part of the magma intrusion between Sundhnúkar crater row and Grindavík at a depth of about 2-5 km.

Ground deformation is still slow. Satellite imagery shows up to 1-m of vertical ground displacement in the western part of Grindavík, caused by the propagation of the magma intrusion. It looks as if the greatest area of magma upwelling is sourced close to Sundhnúkur, 3.5 km north-northeast of Grindavík.

It is interesting to notice that the largest earthquakes (with amaximum of M 3.4) that have hit in the last few hours have been detected close to Eld-ey, southwest of Reykjanes. There are earthquakes on both sides of the dike that lies underneath Grinda­vík, one side of Klei­far­vatn and the other side off the southwestern tip of the Reykja­nes­ peninsula.

Source : IMO, Iceland Monitor.

++++++++++

08:00 pm : The Met Office’s latest update mainly deals with the ground deformation in SW Iceland. The good news, hoping it will be confirmed in the coming days is that decreasing rates of ground deformation are seen in GPS data from Grindavík.

The interferogram above covers the time period 3-11 November 2023 and shows an extensive deformation field related to the dike intrusion that began on the afternoon of November 10th within the Reykjanes-Svartsengi volcanic system. This interferogram and the previous one ( 2-10 November) supported the difficult decision made by Civil Protection to evacuate the town of Grindavík. It also enabled modelling of the dimensions of the dike intrusion on 11 November, which provided a median dike length of 15 km and top depth of less than 1 km below the surface. The imagery shows over 1-m of ground displacement in the western part of Grindavík, caused by the propagation of the magma intrusion. It looks as if the greatest area of magma upwelling is sourced close to Sundhnúkur, 3.5 km north-northeast of Grindavík.

Le jour ne s’est pas encore levé à Grindavik et tout est calme dans la ville (Image webcam)

L’épisode éruptif du 12 novembre 2023 sur l’Etna (Sicile) // The 12 November eruption on Mt Etna (Sicily)

Voici quelques informations supplémentaires sur l’épisode éruptif observé sur l’Etna le 12 novembre 2023.

Dans un premier bulletin diffusé le 12 novembre à 14 heures, l’INGV indiquait que depuis 9 heures du matin, les webcams montraient une augmentation de l’activité strombolienne au Cratère Sud-Est (CSE), avec un modeste débordement de lave au niveau de la ‘selle’ au pied du cratère.
Dans la soirée du 12 novembre, on a observé une hausse du tremor éruptif dont la source se situait à une profondeur d’environ 2900 mètres d’altitude. Aucune déformation de l’édifice volcanique n’était observée.

A 17 heures, des retombées de cendres étaient signalées dans la ville de Milo. Dans le même temps, le tremor éruptif poursuivait sa hausse.
A 18h47, l’INGV signalait une fontaine de lave dans le CSE. La hauteur de la colonne éruptive était estimée à environ 4500 m d’altitude. Le panache de cendres s’étirait dans une direction Est Sud Est. Les tiltmètres au sommet montraient des variations minimes de 0,3 microradians, en accord avec la phénoménologie en cours.

L’épisode éruptif a pris fin le 12 novembre vers 18h30.

Source : INGV.

———————————————–

Here is some additional information on the eruptive episode observed on Mt Etna on November 12th, 2023.
In a first bulletin released on November 12th at 2 p.m., INGV indicated that since 9 a.m., webcams had shown an increase in Strombolian activity at the South-East Crater (SEC), with a modest lava overflow at the ‘saddle’ at the foot of the crater.
On the evening of November 12th, an increase in the eruptive tremor was observed, the source of which was located at a depth of approximately 2900 meters above sea level. No deformation of the volcanic edifice was observed.
At 5 p.m., ashfall was reported in the town of Milo. At the same time, the eruptive tremor continued to rise.
At 6:47 p.m., INGV reported a lava fountain in the SEC. The height of the eruptive column was estimated at around 4500 m above sea level. The ash plume drifted in an east-south-east direction. Tiltmeters at the summit showed minimal variations of 0.3 microradians, consistent with ongoing phenomenology.
The eruptive episode ended on November 12th around 6:30 p.m.
Source: INGV.

Impacts du réchauffement climatique à haute altitude dans les Alpes

Ludovic Ravanel, géomorphologue, guide de haute montagne et directeur de recherche au CNRS, a coordonné, avec Florence Magnin et deux autres collègues, le dernier numéro de la Revue de Géographie AlpineJournal of Alpine Research – sur les versants de haute montagne et les impacts de la crise climatique actuelle.

Dans le chapitre intitulé “Coups de chaud sur la haute montagne alpine”, on a la confirmation que les étés accompagnés de records de chaleur (2003, 2015, 2022, 2023) ont donné un coup d’accélérateur à la fonte de la haute montagne alpine. À Chamonix, au pied du mont Blanc, ces quatre années occupent respectivement les troisième, quatrième, première et deuxième positions des saisons les plus chaudes depuis le début des mesures en 1934. Comme je l’ai expliqué dans plusieurs notes sur ce blog, les témoins les plus visibles sont les pertes records au niveau des glaciers : plus de 16 m perdus par la Mer de Glace sous le site touristique du Montenvers ; plus de 10 % du volume des glaciers suisses perdus en deux ans. Ces pertes glaciaires se sont accompagnées d’une plus grande fréquence des écroulements rocheux sur le massif du Mont-Blanc, sans équivalent ces dernières décennies (près de 300 en 2022, selon Ludovic Ravanel). Dans les Alpes italiennes, le nombre de déstabilisations de versants rocheux en haute montagne a doublé en 2022 par rapport à la période 2000-2021. Plus inquiétant encore, les bouleversements sont visibles aux plus hautes altitudes, y compris au-dessus de 4000 m, un domaine jusque-là relativement épargné. Signe de l’impact du réchauffement climatique à très haute altitude, celle du Mont Blanc a été mesurée en septembre 2023 à 4805,59 m ; elle n’a jamais été aussi basse depuis le lever topographique du capitaine Jean-Joseph Mieulet en 1863. Les températures ont atteint des records à ces altitudes. Ainsi, le 18 juin 2022 une température de 10,4 °C a été enregistrée au col Major à côté du sommet du mont Blanc,. De la même façon, pendant quatre jours consécutifs l’isotherme 0 °C s’est situé au-dessus de 5000 m début septembre 2023. Dans la conclusion de ce chapitre, on peut lire que « l’accélération rapide du réchauffement climatique en cours dans les massifs alpins fait du devenir des glaciers et des secteurs à permafrost des préoccupations de plus en plus centrales pour des raisons environnementales, patrimoniales, économiques et sécuritaires. Ces éléments de la cryosphère pourraient quasiment disparaître du massif alpin d’ici la fin du siècle, avec des conséquences majeures en termes de ressources et de risques. »

 

Photo: C. Grandpey

++++++++++

S’agissant du permafrost dans les Alpes, on apprend que son épaisseur dépasse largement la profondeur des forages instrumentés (100 m), profondeur à laquelle les effets du réchauffement climatique des dernières décennies est déjà perceptible. On apprend aussi que la température à 15-20 m se réchauffe au même rythme que celle de l’atmosphère (0,8 °C en 35 ans) et que ce réchauffement se propagera en profondeur au cours des prochains siècles, quelle que soit l’évolution climatique future, avec d’importantes implications sur la stabilité des versants concernés. Cela conforte mon inquiétude à propos du téléphérique de l’Aiguille du Midi. Quand je l’ai emprunté en 2017, je me suis demandé jusqu’à quand les soubassements rocheux des pylônes pourraient résister à la hausse des températures. Un réchauffement moyen de 0,2 à 0,4 °C par décennie est mesuré en profondeur ainsi qu’un approfondissement de la couche active de 2 m par décennie.

Le dégel du permafrost dans le massif du Mont-Blanc aura des conséquences inéluctables, que ce soit dans la planification territoriale, les besoins géotechniques ou la réduction des risques par les pratiquants de la haute montagne. Parmi les questions ouvertes demeure la quantification des infiltrations d’eau et de ses effets dans les parois rocheuses affectées par le permafrost ainsi que la quantification de la teneur en glace de ces terrains.

 

Aiguille du Midi (Photo: C. Grandpey)

++++++++++

Les risques induits par l’évolution actuelle de la cryosphère ont fait l’objet de deux études La première s’intéresse aux écroulements rocheux et de séracs de grande ampleur dont l’occurrence est attestée durant la saison hivernale. La deuxième aborde les risques encourus par les grimpeurs empruntant les deux principales voies d’accès au sommet du mont Blanc.

Les écroulements rocheux et de glace affectant la haute montagne sont bien plus rares en hiver que durant les autres saisons. La fréquence maximale intervient en été. En revanche, les événements hivernaux sont comparativement d’ampleur plus importante que ceux du reste de l’année, en raison de l’incorporation de neige, mais aussi parce que c’est à la fin de l’automne que l’onde de chaleur estivale atteint sa profondeur maximale, pouvant ainsi déstabiliser de grands volumes rocheux. Les événements hivernaux ont donc une probabilité supérieure d’atteindre des infrastructures. Toutefois, seule la période récente (depuis 1997) a vu des événements d’ampleur se produire à haute altitude dans des zones affectées par le permafrost.

Les alpinistes sont les principaux pratiquants de la haute montagne et sont les premiers concernés par l’évolution des conditions nivologiques et géomorphologiques des itinéraires empruntés.

Comme toit de l’Europe occidentale, le mont Blanc a un statut iconique et est tenté chaque année par plus de 20 000 personnes. Le risque encouru par les alpinistes sur les deux voies principales d’accès à ce sommet, dont la voie normale du Goûter, notoirement accidentogène, a été évalué pour la première fois dans une étude réalisée par Ludovic Ravanel. Les deux voies ne sont pas exposées aux mêmes types de dangers objectifs : chutes de pierres pour le Goûter et chutes de séracs pour les Trois Monts. La méthodologie novatrice utilisée repose sur le croisement des données issues de capteurs pyroélectriques pour quantifier les passages et de capteurs sismiques pour l’enregistrement des chutes de pierres dans le couloir du Goûter, tandis que la photographie automatique a été utilisée pour les Trois Monts. Les résultats montrent un risque individuel de décès deux fois inférieur pour la voie des Trois Monts que pour le Goûter, risque considéré dans les deux cas comme « tolérable » au regard des seuils d’acceptabilité sociale du risque en France.

Alpinistes au sommet du Mont Blanc (Photo: C. Grandpey)