J’ai lu il y a quelques jours dans la presse américaine un article à propos de l’éruption cataclysmale du Tambora (Indonésie) en 1815 et les perturbations climatiques considérables qu’elle entraîna en 1816 dans l’hémisphère nord, que ce soit aux Etats-Unis ou en Europe. Suite à cette éruption qui a atteint le niveau 7 sur le VEI (Index d’Explosivité Volcanique), de nombreux pays connurent « une année sans été » avec, par exemple, 50 centimètres de neige le 6 juin à Wilton dans le Connecticut. Dans toute la Nouvelle Angleterre, l’année 1816 a été surnommée « Eighteen-hundred-and-froze-to-death », autrement dit « L’année-1800-où-il- a-gelé-à-en-mourir». On ne connaît pas le nombre de victimes dans le Connecticut, mais on sait que les récoltes ont été réduites à néant et que le bétail a été durement affecté par cette météo hors du commun. Le phénomène a probablement contribué à accélérer l’émigration en Nouvelle Angleterre. On estime à 71 000 le nombre de personnes tuées par l’éruption sur les îles indonésiennes de Sumbawa où se trouve le Tambora, et sur l’île voisine de Lombok. Les cendres présentes dans l’atmosphère ont provoqué de spectaculaires couchers de soleil qui, dit-on, ont inspiré des peintres comme J.M.W. Turner.
L’éruption du Tambora n’est pas la seule à avoir entraîné des perturbations climatiques de grande ampleur. En 1783, celle du Laki (Islande) avait, elle aussi, profondément affecté les pays de l’hémisphère nord et la France a connu son lot de problèmes.
Quelques jours avant que je découvre l’article de presse sur le Tambora, une amie avait attiré mon attention sur une publication du Groupe d’Etudes Historiques de Verdun faisant allusion à des événements observés le 6 juillet 1783 dans la commune de Verjux en Bourgogne. Dans le registre des baptêmes de 1783, une note du curé de la paroisse, datée du 6 juillet 1783, relatait un tremblement de terre « précédé par des brouillards extraordinaires en plein été qui ont tenu durant plus de trois semaines, à voiler chaque jour le soleil le plus ardent, dans tout le cours de ces 3 semaines ; à persévérer chaque nuit, où la lune et toutes étoiles etoient pleinement voilées […] Il n’en est plus mention, quoiqu’ils aient continué, mais moindres, durant quelque tems ce qui a été suivi par des fièvres qui se sont déclarées dès le mois d’aoust, qui nont pas été mortelles pour le plus grand nombre, mais qui abbatoient touttes les forces et pour longtems »
Un témoignage provenant de Saint-Symphorien-sur-Saône (Côte d’Or), à une quarantaine de kilomètres de Verjux, corrobore nettement celui du curé de cette localité : « On vit depuis le 17 juin jusqu’au mois de juillet une brume dans l’air qui obscurcissait beaucoup les matins et les soirs. Le soleil, dans ce temps-là, paraissait en feu, on le regardait fixement sans éblouir les yeux comme à l’ordinaire. »
Il ne fait guère de doute que ces brumes épaisses voilant le soleil depuis juin, dont parlent le curé de Verjux et le témoin de Saint-Symphorien, sont dues à l’éruption du Laki plus qu’à une éruption de l’Etna comme le prétendent certains.
Commencée en 1783, l’éruption du Laki a duré 8 mois et elle constitue la plus grande catastrophe de l’Islande. Les dégâts matériels sont considérables. Les effets les plus néfastes sont dus à la cendre riche en fluor qui pollue les eaux et les pâturages. Les récoltes et le bétail sont lourdement touchés, entraînant épidémies et famines parmi la population. Entre 1783 et 1786, la mortalité islandaise atteint 22 %.
En France, les famines qui suivent l’éruption du Laki favorisent le mécontentement général, et la multiplication d’émeutes. Certains vont jusqu’à prétendre que l’éruption du laki est à mettre parmi les causes de la Révolution française de 1789.
