S’il est une ville au monde où il ne fait pas bon vivre, c’est bien Goma, dans la République Démocratique du Congo. Je ne connais pas d’autre endroit dans le monde exposé à autant de dangers.
Tout d’abord, il y a le Nyiragongo qui dresse ses 3170 mètres aux portes de la cité. Célèbre pour son lac de lave, il est aussi capable de s’éventrer et déverser des milliers de mètres cubes de matière incandescente, comme cela s’est produit en janvier 2002. Le 17 de ce mois, trois fractures s’ouvrent sur les flancs est, ouest et sud du volcan, donnant naissance à des coulées qui recouvrent plusieurs villages. Des milliers d’habitants fuient alors vers Goma, tandis que des centaines d’autres espèrent se réfugier au Rwanda tout proche, mais se font refouler par les gardes à la frontière. La rivière de lave atteint le 18 janvier la ville de Goma et ses 400 000 habitants, à une dizaine de kilomètres du volcan. Elle a cinq cents mètres de large et une épaisseur de deux mètres. La lave recouvre une piste de l’aéroport et elle coupe littéralement la ville en deux avant de finir sa course dans le Lac Kivu en formant un delta de cent mètres de large. Au contact de l’eau, la lave provoque l’émanation de gaz toxiques. Le fond du lac contient d’énormes réserves de méthane et on craint que l’arrivée de la lave déclenche une nouvelle catastrophe.
L’éruption de 2002 a mis en évidence les 3 menaces qui pèsent sur la ville de Goma :
1) Le Nyiragongo dont les laves extrêmement fluides sont parmi les plus rapides au monde. Le lac de lave qui mijote au fond du cratère est certes spectaculaire et a permis de réaliser récemment de fort belles photos. Toutefois, les mesures effectuées par l’expédition n’auront, à mon avis, qu’un intérêt limité car on connaît depuis longtemps la composition de la lave du Nyiragongo. Je pense qu’il serait plus utile, d’une part, d’installer une webcam sur sa lèvre afin d’observer les fluctuations du lac et, d’autre part, de surveiller attentivement les flancs du volcan étant donné sa propension à s’éventrer. Des fractures se prolongent jusque dans Goma et, comme le faisait remarquer un volcanologue, «une éruption peut débuter dans la ville ».
2) L’insécurité et la violence. Au cours des deux dernières décennies, la population de Goma a connu deux guerres et en 2008, la ville a été à deux doigts de tomber aux mains des rebelles. Des auteurs du génocide de 1994 au Rwanda rôdent toujours dans les forêts du Congo. Le gouvernement a bien envoyé des troupes à Goma pour faire échec aux rebelles, mais de nombreux soldats de l’armée nationale sont d’anciens rebelles qui ont commis des atrocités parmi la population civile.
3) Le Lac Kivu. Ce lac renferme d’importantes quantités de gaz carbonique et de méthane. Si une éruption ou un séisme ou encore un glissement de terrain devaient se produire au niveau du lac, un retournement du lac ne serait pas à exclure, avec les conséquences désastreuses que l’on imagine facilement. L’histoire du Kivu montre qu’un tel événement s’est déjà produit dans le passé, il y a un millier d’années la dernière fois.
Il ne faudrait pourtant pas conclure de tout cela qu’il est suicidaire de vivre à Goma. Si un bon système d’alerte était mis en place, la population pourrait être prévenue de l’imminence d’une éruption. Rien ne dit que le Lac Kivu va libérer dans un proche avenir le méthane qu’il cache sous ses eaux. Des efforts ont été faits conjointement par les gouvernements congolais et rwandais pour exploiter ce gaz.
S’agissant du danger humain, celui des rebelles semble avoir diminué au cours des dernières années, même s’il est encore présent. Les touristes désireux d’admirer l’éruption du Nyiamuragira, actuellement en éruption, sont escortés par des gardes du Parc des Virunga en raison de la présence de divers groupes armés dans le secteur. En 2011, 11 rangers du Parc ont été tués.
Le lac de lave du Nyiragongo en 2011
(Avec l’aimable autorisation de Cai Tjeenk Willink)