Voici deux informations intéressantes et qui demandent à être confrontées. D’un côté, certains font remarquer – alors que nous sommes seulement à la fin du mois de juillet !- que l’été 2014 aux Etats-Unis est l’un des plus froids de l’histoire, avec une moyenne des températures qui a du mal à atteindre 90 degrés Fahrenheit (32 degrés Celsius). Semblable fraîcheur avait été enregistrée en 1992, peu de temps après l’éruption du Pinatubo aux Philippines. En remontant dans le temps, un seul été dans les années 1880 peut rivaliser avec les températures de 1992 et 2014. Bien sûr, les négationnistes du réchauffement climatique vont s’empresser d’ajouter que l’hiver 2013-2014 dans le nord-est des Etats-Unis a été l’un des plus rigoureux de l’histoire, en oubliant de mentionner qu’en Alaska les températures n’ont jamais été aussi élevées !
En face de ces propos, on apprend qu’un second trou géant vient d’être découvert dans le sol sibérien, à une cinquantaine de kilomètres du premier, découvert à la mi-juillet 2014. Il est légèrement plus petit que le précédent qui avait une trentaine de mètres de diamètre et 50 à 70 mètres de profondeur.
Les scientifiques russes pensent que la cause de l’ouverture de ces deux orifices à la surface du sol sibérien est le réchauffement climatique qui accélère de manière alarmante la fonte du permafrost, ce qui a pour effet de relâcher brutalement du gaz, à la manière de l’ouverture d’un bouchon de champagne.
Ces découvertes appellent une double remarque :
1) Ces trous sont des indicateurs visibles du réchauffement climatique, car ils se trouvent au niveau du permafrost (ou pergélisol), une zone constamment gelée qui rétrécit comme peau de chagrin à l’heure actuelle. J’ai eu l’occasion d’attirer à plusieurs reprises l’attention sur ce phénomène à propos de l’Alaska où certaines forêts s’écroulent (elles ont été baptisées « drunken forests », les forêts ivres) car les racines ne sont plus retenues par le sol gelé. Les routes subissent elles aussi de plein fouet les effets de la fonte du permafrost ; il suffit de traverser l’Alaska ou le Yukon pour s’en apercevoir.
2) Le gaz libéré dans l’atmosphère lors de la formation de ces trous est du méthane (CH4). Au même titre que le dioxyde de carbone (CO2), le CH4 est un gaz à effet de serre. Toutefois, son potentiel de réchauffement global est 21 fois supérieur au CO2. Selon les scientifiques russes, « on entre dans un cercle vicieux: de plus en plus de méthane est dégagé dans l’atmosphère, ce qui augmente les températures, donc le pergélisol se réduit et de nouvelles poches de méthane éclatent. » J’avais attiré l’attention sur ce phénomène gazeux dans une note publiée le 20 mai 2014.
Une étude publiée en 2012 avait déjà montré que les rejets de carbone issus du permafrost seront plus rapides que ceux prévus par les modèles présentés à l’époque. Selon les dernières estimations, les quelque 18,8 millions de km2 de sols gelés dans le Grand Nord retiennent environ 1.700 milliards de tonnes de carbone organique, soit deux fois la quantité présente dans l’atmosphère aujourd’hui.
Crédit photo: Service de presse du gouverneur YaNAO / Marya Zulinova
« Forêt ivre » en Alaska (Photo: C. Grandpey)