Dans une note publiée le 3 août 2019, j’écrivais que « quand on parle des effets du réchauffement climatique sur la faune arctique, ce sont le plus souvent les ours polaires qui occupent le devant de la scène, mais les rennes sont, eux aussi, victimes des hivers plus chauds dans les hautes latitudes. […] Des rennes sont morts de faim au cours de l’hiver dernier. Le nombre inhabituellement élevé de cadavres s’explique par le changement climatique. L’archipel du Svalbard a connu une augmentation de 4 degrés de température au cours des 50 dernières années. Cela signifie que la neige qui tombe habituellement sur l’archipel a été remplacée par la pluie. Or, cette pluie gèle quand le froid arrive en hiver et forme une couche de glace à la surface du sol. Plusieurs couches peuvent s’empiler successivement au fil des épisodes pluvieux. La conséquence, c’est que cette glace empêche les rennes d’atteindre le lichen et autres pousses végétales dont ils se nourrissent. La famine arrive vite et les animaux périssent. »
Un article qui vient d’être publié dans The Siberian Times nous informe que l’on a observé ces dernières semaines un grand nombre de rennes morts sur la péninsule de Yamal, probablement en relation avec le changement climatique. Comme au Svalbard en 2019, des milliers de rennes domestiques et sauvages ont péri parce qu’ils ne pouvaient pas atteindre leur nourriture sous la glace.
Des cadavres de rennes ont été découverts dans toute la toundra septentrionale ; parmi eux figuraient des rennes sauvages, victimes également de la glace et donc du manque de nourriture au sol. Les sabots des animaux étaient particulièrement usés à force de creuser en permanence dans la glace pour essayer de se nourrir.
Les premiers rapports faisant état de pluies hivernales suivies de longues périodes de temps extrêmement froid sur la péninsule de Yamal sont apparus en décembre 2020. Les éleveurs expliquent que les conditions météo inhabituelles ont provoqué la formation d’une épaisse couche de glace – jusqu’à trois centimètres d’épaisseur – sur le lichen qui est la nourriture e prédilection des rennes. .
Certains rennes domestiques de la péninsule de Yamal ont quitté les pâturages d’hiver traditionnels et ont suivi des rennes sauvages dans l’espoir de pouvoir se nourrir. Au printemps 2021, le nombre d’animaux morts de faim a été estimé à plusieurs milliers, bien que le nombre exact soit tout à fait impossible à déterminer. Au total, on dénombre environ 65 000 rennes dans la partie septentrionale de la toundra de la péninsule. Heureusement, tous les rennes ne se trouvaient pas dans la région où le sol était recouvert de glace.
La dernière perte significative de rennes domestiques et sauvages sur la péninsule de Yamal remonte à l’hiver 2013-2014, lorsque 90 000 animaux sont morts de faim. Les écologistes pensent que le changement climatique a probablement causé une suite d’événements météorologiques qui a tué les animaux. Il y a d’abord eu une mince couche de neige, suivie de pluies hivernales, puis de jours de fortes gelées. Les périodes de gel sont fréquentes sur la péninsule de Yamal, mais les scientifiques pensent que le changement climatique affecte leur fréquence et les font se produire plus souvent.
Semblable hécatombe de rennes causée par la combinaison de pluie suivie d’un temps très froid a été récemment signalée à des milliers de kilomètres au sud-est de Yamal, dans la péninsule du Kamtchatka. Au moins 300 animaux sont morts dans le nord-ouest de la péninsule parce qu’ils ne pouvaient pas se nourrir à cause de la couche de glace et de neige. Plusieurs autres cas de morts de rennes en grand nombre dans des circonstances identiques ont été signalés cette année en Norvège et en Suède. Les autorités locales ont dû envoyer des tonnes de fourrage dans les zones concernées et des programmes d’aide aux éleveurs ont été élaborés par les gouvernements.
Source: The Siberian Times.
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In a post published on August 3rd, 2019, I wrote that “when we talk about the effects of global warming on Arctic wildlife, it is most often polar bears that take center stage. However, reindeer are also victims of warmer winters in high latitudes. […] Reindeer died of hunger last winter. The unusually high number of corpses is due to climate change. The Svalbard Archipelago has experienced a 4-degree increase in temperature over the last 50 years. This means that the snow that usually falls on the archipelago has been replaced by rain. However, this rain freezes when the cold arrives in winter and forms a layer of ice on the surface of the ground. Several layers can pile up sequentially over the rainy episodes. The consequence is that this ice prevents reindeer from getting to the lichen and other plant shoots they feed on. Famine arrives quickly and the animals starve to death. »
An article just published in The Siberian Times informs us that mass deaths of reindeer on Yamal peninsula were probably linked to climate change. Like in Svalbard in 2019, thousands of domestic and wild animals perished because they couldn’t get to forage locked under ice.
The dead reindeer were observed all around the northern tundra, among them were wild reindeer who also suffered from icing and lack of forage. The animals’ hooves are worn out because they had to dig through ice so much to try and get their food.
First reports about winter rains followed by lengthy spells of extremely cold weather on Yamal appeared in December 2020. The herders explain that the unusual weather caused formation of thick – up to three centimetres – ice cover over lichen.
Some of the Yamal peninsula’s domestic animals left traditional winter pastures and followed wild reindeer hoping to survive. By spring 2021, the number of animals that died from starvation was estimated in thousands although the exact number is quite impossible to determine. Overall there are around 65,000 reindeer in the northern part of the peninsula’s tundra. Fortunately, not all of them were on the iced territory.
The last devastating loss of domestic and wild reindeer on the Yamal peninsula was in winter 2013-2014, when up to 90,000 animals starved to death.
The ecologists believe that the changing climate probably caused the deadly mix of weather events like thin snow cover, followed by winter rains and then days of severe frosts. While periodic glaciation is typical for the Yamal peninsula, scientists believe that the changing climate is affecting its frequency, and causing it to happen more often.
Mass death of reindeer caused by the similar combination of rain followed by cold weather was recently reported thousands of miles south-east from Yamal on the Kamchatka Peninsula. At least 300 animals died at the northwests of the peninsula because they could not get to food through the layer of ice and snow.
Several other cases of mass reindeer deaths caused by icy rains were reported this year in Norway and Sweden, with local authorities sending tonnes of forage to affected Arctic areas, and drafting programs of government support to herders.
Source : The Siberian Times.

Photo : C. Grandpey