Avec la guerre en Ukraine, on parle beaucoup de l’implantation de Total en Russie. Voici quelques explications sur la péninsule de Yamal, l’un des principaux pôles énergétiques en Russie, mais aussi l’une des régions les plus exposées au dégel du permafrost. .
Péninsule de Yamal (Sibérie) et dégel du permafrost.
J’ai expliqué à de nombreuses reprises que l’Arctique se réchauffe actuellement trois à quatre fois plus vite que le reste de la planète. Ces dernières années, des records de chaleur ont été enregistrés dans la région, en particulier en Sibérie où la majeure partie du territoire repose sur le permafrost, ou pergélisol. Selon la définition la plus répandue, le permafrost est un sol dont la température se maintient en dessous de 0°C pendant plus de deux ans consécutifs.
Avec la hausse des températures, le permafrost dégèle (il ne fond pas) avec des conséquences pour l’environnement. Dans le nord de la Sibérie, la Péninsule de Yamal s’étire sur environ 700 km ; elle est bordée à l’ouest pas la Mer de Kara et à l’est par le Golfe d’Ob. La péninsule de Yamal recèle la majeure partie des réserves de gaz naturel russes, estimées à 20 milliards de tonnes dans l’Arctique..
Les effets du réchauffement climatique pourraient être catastrophiques pour la péninsule de Yamal. La hausse des températures accélère le dégel du permafrost, ce qui représente une menace pour les infrastructures locales. De plus, la hausse du niveau de la mer risque fort de faire disparaître la péninsule sous l’eau. Au cours des dernières années, plusieurs grosses compagnies pétrolières russes ont investi des sommes colossales dans l’exploitation du gaz naturel de Yamal. Aujourd’hui, ces compagnies font le forcing pour acquérir des licences afin d’exploiter le gaz le plus vite possible, pendant qu’il en est encore temps. De plus, suite aux déformations du sol causées par le dégel du permafrost, il faut contrôler et corriger en permanence la solidité des gazoducs.
Péninsule de Yamal et gaz naturel.
Les réserves de gaz naturel les plus importantes de Russie ont été découvertes dans la péninsule de Yamal. Elles sont actuellement exploitées par le géant gazier russe Gazprom. La péninsule est reliée à l’Europe par plusieurs gazoducs, dont le Yamal-Europe.
La fonte de la glace dans l’Arctique va chambouler l’économie de cette partie du monde. De nouvelles ressources minérales seront accessibles et l’Océan Arctique dépourvu de glace ouvrira de nouvelles perspectives de navigation.
En 2017, un méthanier brise-glace, le Christophe de Margerie, a jeté l’ancre pour la première fois dans le port de Sabetta en Russie arctique pour tester une nouvelle route maritime qui pourrait ouvrir l’Océan Arctique et ses glaces aux navires transportant du pétrole et du gaz naturel liquéfié (GNL) en provenance de la péninsule de Yamal. Cette route est attendue avec grande impatience par les compagnies pétrolières qui souhaitent tirer profit des ressources de l’Arctique mais rencontrent des obstacles pour acheminer le pétrole et le gaz depuis les zones éloignées et gelées vers les marchés mondiaux.
Le navire Christophe de Margerie, construit en Corée du Sud, sera utilisé pour transporter le gaz de l’usine russe de Yamal, située près du port de Sabetta. L’usine est dirigée par la société russe Novatek et co-détenue par la compagnie pétrolière française Total, la compagnie chinoise CNPC et le Silk Road Fund. Le navire a été baptisé en mémoire de l’ancien patron de Total mort sur le tarmac de l’aéroport de Moscou en 2014 quand un chasse-neige a traversé la piste pendant que son jet privé décollait. [NDLR : Selon certaines sources, cette mort aurait été commanditée par la CIA].
Le consortium Yamal LNG (Liquefied Natural Gas) considère l’Asie comme le plus grand marché pour son gaz sur le long terme. Le transport vers la Chine au départ de Yamal devrait prendre environ 18 jours en utilisant la Route du Nord. C’est beaucoup plus court que l’itinéraire alternatif qui consiste à se diriger vers l’ouest dans l’Atlantique Nord, vers le sud dans la Méditerranée, puis par le canal de Suez jusqu’à l’océan Indien. Cela prend habituellement environ 32 jours.
Le Qatar est actuellement le premier producteur mondial de GNL, suivi de l’Australie, du Nigéria et de Trinité-et-Tobago. Une fois l’usine de Yamal à pleine capacité, la Russie produira près de 27 millions de tonnes de GNL annuellement, soit la quantité importée par la Chine chaque année.
Le Christophe de Margerie appartient à une classe de navires qui, selon ses concepteurs, peut fonctionner en toute sécurité dans les eaux prises par les glaces. Il est capable de se déplacer à travers des glaces d’une épaisseur de 2,10 mètres. Toutefois, le navire ne pourra emprunter la Route du Nord que de juillet à septembre chaque année, parce que la glace est trop épaisse le reste du temps.
Cette note est la synthèse de plusieurs articles que j’ai écrits sur ce blog à propos de l’Arctique et de la péninsule de Yamal en particulier.
Infrastructures gazières de Yamal (Crédit photo : Groupe Total)