Une année de mesures dans les Champs Phlégréens (Italie)

Ces derniers temps, les Champs Phlégréens (Campanie / Italie) ont fait l’objet de nombreux articles et suscité l’inquiétude de leurs auteurs. Il est vrai qu’une crise sismique a secoué la région en début d’année 2025. Elle est liée au bradyséisme qui affecte la région depuis des siècles et qui s’accompagne de mouvements du sol. La région se trouve actuellement dans une phase de soulèvement.

Il m’a semblé intéressant de comparer la situation sur un an, en prenant en compte les observations de l’INGV fin novembre 2024 et fin novembre 2025. Voici un comparatif de la synthèse de ces deux bulletins:

26 novembre 2024.

SISMOLOGIE : Du 18 au 24 novembre 2024, 23 séismes de magnitude Md ≥ 0,0 (Mdmax = 1,4 ± 0,3) ont été enregistrés dans la région des Champs Phlégréens.

DÉFORMATION DU SOL : Depuis début août 2024, la vitesse moyenne maximale de soulèvement du sol a été d’environ 10 ± 3 mm/mois à la station GNSS de Rione Terra (RITE). Le soulèvement enregistré à cette station est d’environ 17,5 cm depuis janvier 2024.

GÉOCHIMIE : Aucun changement significatif n’a été observé dans les paramètres géochimiques. Le capteur de température installé dans une fumerolle à 5 mètres de la fumerolle principale de Pisciarelli indique une température moyenne d’environ 97 °C.

Dans la CONCLUSION de son rapport, l’INGV écrit : « Au vu de l’activité volcanique actuelle, rien n’indique une évolution significative à court terme. »

Évolution de la déformation du sol à la station GNSS di RITE (Rione Terra) du 01/01/2024 au 24/11/2024.

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25 Novembre 2025.

SISMOLOGIE : Du 17 au 23 novembre 2025, 110 séismes de magnitude Md ≥ 0,0 (Mdmax = 3,0 ± 0,3) ont été enregistrés dans la région des Champs Phlégréens.

DÉFORMATION DU SOL : À partir du 10 octobre 2025, la vitesse moyenne mensuelle maximale de soulèvement du sol a été d’environ 25 ± 3 mm/mois. Les données faisant suite à l’essaim sismique du 15 au 19 février 2025 ont montré une augmentation de la vitesse de soulèvement du sol d’environ 30 ± 3 mm/mois jusqu’à fin mars. Après début avril, le soulèvement du sol s’est poursuivi avec une valeur moyenne mensuelle d’environ 15 ± 3 mm/mois.

Le soulèvement total enregistré à la station GNSS RITE est d’environ 19,5 cm depuis janvier 2025.

GÉOCHIMIE : Les paramètres géochimiques confirment la tendance au réchauffement à long terme du système hydrothermal. La température de la fumerolle de Bocca Grande (BG), dans le cratère de la Solfatara, présente une tendance à la hausse ; la valeur moyenne sur la période de référence est d’environ 173 °C. (Elle était d’environ 140°C quand je l’ai mesurée dans les années 1990).
La température de la fumerolle située à 5 mètres de la fumerolle de Pisciarelli a été mesurée à environ 92 °C.

Dans la CONCLUSION de son rapport, l’INGV écrit : « Au vu de l’activité volcanique actuelle, rien n’indique une évolution significative à court terme. »

 Soulèvement du sol à la station GNSS RITE (Rione Terra) du 01/01/2025 au 23/11/2025.

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Au final, les mesurées effectuées au cours de l’année écoulée ne montrent pas de variations significatives. Certes une phase d’accélération du soulèvement du sol a été enregistrée pendant le 1er trimestre 2025, mais la situation observée à la station de Rione Terra est globalement relativement stable (2 centimètres d’écart entre novembre 2024 et novembre 2025). On est loin du soulèvement de 1,80 m qui a entrainé l’évacuation du quartier de Rione Terra en 1983. Aucune éruption n’avait suivi cet événement. Les températures relevées dans les fumerolles à l’intérieur de la Solfatara et à Pisciarelli ne montrent pas de variations significatives, avec une baisse de 5°C à Pisciarelli. .

Il est bien évident que les Champs Phlégréens restent une zone volcanique sensible et qu’il faut se montrer vigilant mais, pour le moment, rien n’indique qu’il faille alerter la population.

Le Vésuve à Cahors (Lot) le 6 novembre 2025 !

J’aurai le plaisir de présenter à CAHORS (Lot) – dans le cadre de l’Université pour Tous Cahors Quercy – une conférence intitulée « La Campanie, des Champs Phlégréens à Pompéi »  le jeudi 6 novembre à 14h30 au Centre Universitaire Maurice-Faure, 273 avenue Henri Martin .

Au départ de Pouzzoles, je conduirai le spectateur à travers la Campanie avec une première étape dans la Solfatara, une cocotte-minute prête à exploser. Puis, nous escaladerons les pentes du Vésuve dont la prochaine éruption pourrait être dévastatrice. Nous déambulerons ensuite dans les rues de Herculanum, Pompéi, mais aussi Oplontis et Stabies, détruites par le volcan en l’an 79.

Mon exposé se poursuivra avec un diaporama d’une vingtaine de minutes, en fondu-enchaîné sonorisé, intitulé « La Java des Volcans». Il fait voyager à travers l’île indonésienne de Java qui héberge plusieurs volcans aussi explosifs que le Vésuve.

A l’issue de la conférence, le public pourra se procurer le dernier livre « Histoires de Volcans – Chroniques d’éruptions » que j’ai écrit avec Dominique Decobecq, ainsi que des CD d’images de volcans.

Photos: C. Grandpey

Une faille annulaire sous les Champs Phlégréens (Italie) // A ring fault beneath the Campi Flegrei (Italy)

Jusqu’à présent, la sismicité des Champs Phlégréens (Italie) était attribuée au seul bradyséisme et aux mouvements de terrain qu’il provoque. Un nouvel outil d’intelligence artificielle (IA) révèle aujourd’hui que les Campi Flegrei ont connu plus de 54 000 tremblements de terre entre 2022 et 2025. En cartographiant ces événements, les chercheurs ont découvert une immense faille annulaire qui pourrait avoir contribué à cette sismicité. Les scientifiques expliquent que cette faille est susceptible de déclencher des séismes de magnitude M5,0. Leur étude a été publiée le 4 septembre 2025 dans la revue Science.

 Source : Wikipedia

Depuis 2025, on a enregistré dans les Champs Phlégréens cinq séismes supérieurs à M4,0, et le volcan montre des signes d’instabilité depuis 2005. Cependant, la nouvelle étude nous apprend que la plupart des séismes dans la région passent inaperçus.
Pour étudier les menaces qui pèsent aujourd’hui sur les Champs Phlégréens, les chercheurs ont développé un outil d’intelligence artificielle (IA) capable d’identifier les séismes que les méthodes traditionnelles ne permettaient pas de détecter. En général, les sismologues identifient les séismes en se contentant d’analyser des sismogrammes. Avec la nouvelle approche basée sur l’IA, les scientifiques entraînent un modèle d’apprentissage automatique à identifier les phases sismiques. Ils s’appuient sur des millions d’exemples passés déjà examinés par leurs collègues, mais la méthode est conçue pour être plus efficace et plus précise.
L’équipe scientifique a choisi d’analyser les Champs Phlégréens avant d’autres volcans sur Terre pour plusieurs raisons. L’une des priorités était de mieux comprendre le comportement de ce volcan, car plus de 360 000 personnes vivent dans la caldeira des Champs Phlégréens, et environ 1,5 million de personnes résident dans la zone environnante. Bien qu’il n’y ait actuellement aucun signe d’éruption, un violent séisme avec un hypocentre à faible profondeur pourrait présenter un danger considérable pour les personnes et les biens.

Photo: C. Grandpey

Les résultats des analyses à l’aide de l’IA révèlent que les trois quarts des séismes survenus aux Champs Phlégréens entre 2022 et mi-2025 sont passés inaperçus. Alors que les méthodes traditionnelles font état de 12 000 événements au cours de cette période, l’IA indique que ce nombre est plus proche de 54 000.

En cartographiant la localisation de ces secousses, les chercheurs ont découvert des failles que les méthodes précédentes n’avaient pas révélées. Ils ont notamment identifié deux failles en convergence sous Pouzzoles. Leur localisation montre qu’un séisme de magnitude M5,0 pourrait se produire dans la région.
Pouzzoles a connu un soulèvement du sol dans les années 1980, et le phénomène se reproduit actuellement ; le sol sous la ville s’élève d’environ 10 centimètres par an. Il s’avère que la zone de soulèvement est encerclée par plusieurs failles, dont l’ensemble a l’aspect d’ une « faille annulaire » bien marquée qui s’étend au large de Pouzzoles (voir illustration ci-dessous).

 Illustration figurant dans la dernière étude

Selon les auteurs de l’étude, l’activité sismique le long de cette faille annulaire pourrait aider à prévoir l’évolution du système et donner une idée de la magnitude des futurs événements sismiques. Cependant, cette étude n’apporte pas de nouvelles informations sur la probabilité ou la date de la prochaine éruption des Champs Phlégréens. La sismicité enregistrée entre 2022 et mi-2025 est faible, à des profondeurs supérieures à 4 kilomètres. Rien n’indique une migration du magma vers la surface. Pour l’instant, les habitants des Champs Phlégréens peuvent dormir tranquille.
Source : Live Science.

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Up to now, the seismicity in the Phlegraean Fields (Italy) was attributed to bradyseism and the ground movements it causes. A new artificial intelligence (AI) tool reveals today that Campi Flegrei experienced more than 54,000 earthquakes between 2022 and 2025. By mapping these events, researchers discovered a huge ring-shaped fault that may have contributed to that seismicity. The scientists explain that the faultcould may unleash magnitude M5.0 earthquakes. Their study was published on 4 September 2025 in the journal Science.

So far in 2025, Campi Flegrei has produced five earthquakes above magnitude M4.0, and the volcano has been showing signs of unrest since 2005. However, most of the earthquakes triggered in the region are going undetected.

To investigate modern threats from Campi Flegrei, researchers developed an AI tool capable of identifying earthquakes that previous methods couldn’t pick out. Traditionally, seismologists identify earthquakes by analyzing seismograms. In the new approach, the scientists train a machine learning model to pick phases. They base it on the collection of millions of past examples already examined by scientists, but the method is designed to do the job more effectively.

The scientific team chose to have their tool analyze Campi Flegrei before other volcanoes for several reasons. A priority was to better understand this volcano’s behavior as more than 360,000 people live inside the Campi Flegrei caldera, and roughly 1.5 million people reside in the wider area. While there are currently no signs of an eruption, a particularly violent or shallow earthquake could present a huge danger to people as well as damage buildings.

The results from the AI tool reveal that three-quarters of earthquakes at Campi Flegrei between 2022 and mid-2025 went undetected. While traditional methods documented 12,000 earthquakes in this period, AI shows the number was closer to 54,000.

By mapping the location of these earthquakes, the researchers discovered faults that previous methods had not revealed. Notably, the team found two faults converging beneath Pozzuoli. The location of these faults suggests an M5.0 earthquake might occur in the region.

Pozzuoli experienced uplift in the 1980s, and the same is happening again now, with the ground beneath the town rising by about 10 centimeters each year. It turns out, the area of uplift is encircled by several faults, forming a well-marked « ring fault » that extends offshore.

According to the authors of the study, seismic activity along the ring fault could help predict changes in the system, as well as hint at the magnitudes of future earthquakes. However, it does not provide new information about the likelihood or timing of Campi Flegrei’s next eruption. All the analyzed seismicity from 2022 to mid-2025 is shallow, at depths above 4 kilometers and does not indicate any migration of magma towards the surface. For the time being, residents in the Campi Flegrei do not need to worry about the next eruption.

Source : Live Science.

Champs Phlégréens : Pour enfoncer le clou…

Afin de rassurer ceux qui s’affolent à l’idée que la zone des Champs Phlégréens pourrait être prochainement ravagée par une éruption volcanique, voici les dernières informations publiées le 7 octobre 2025 par l’INGV. Elles couvrent la période du 29 septembre au 5 octobre 2025. Elles ne diffèrent guère des bulletins précédents à l’issue desquels l’Institut explique que « sur la base des observations actuelles de l’activité volcanique, aucun signe n’indique un développement significatif à court terme. » Nos connaissances volcanologiques actuelles ne permettent pas, bien sûr, de faire des prévisions sur le long terme.

Au moment (le 9 octobre 2025) où j’écris ces lignes, la situation dans la région de Pouzzoles, en particulier autour de la Solfatara et de la fumerolle de Pisciarelli, ne montre rien d’inquiétant.

La Solfatara en septembre 2025

Comme je l’ai précisé à plusieurs reprises, se contenter d’un seul paramètre (sismicité ou température dans un endroit ponctuel) pour évaluer la situation ne suffit pas. C’est l’ensemble des données fournies par l’INGV qui permet d’obtenir une image fiable de ce qui se passe dans les Champs Phlégréens. Le dernier rapport de l’INGV est divisé en plusieurs chapitres :

Sismicité :

Entre le 29 septembre et le 5 octobre 2025, on a enregistré 125 événements d’une magnitude maximale de M 3,3. 65 d’entre eux ont fait partie de deux essaims distincts le 2 octobre dans la zone Pozzuoli-Solfatara-Pisciarelli et le 4 octobre dans la Solfatara.

Comme par le passé, de nouveaux séismes pouvant atteindre la magnitude M4,0, voire plus, liés à l’activité bradysismique, se produiront probablement de nouveau à Pouzzoles, mais il faudra que d’autres paramètres montrent des changements significatifs avant de s’affoler et de prendre des mesures de grande ampleur visant à protéger la population.

Temple dit de Serapis à Pouzzoles dont les colonnes portent les traces de l’activité bradysismique (Photo : C. Grandpey)

Déformation du sol :

Dans les semaines qui ont suivi l’essaim sismique de février 2025, on a assisté à une accélération du soulèvement du sol, avec une moyenne mensuelle d’environ 30 ± 5 mm/mois. Depuis début avril 2025, le soulèvement du sol a montré une valeur moyenne mensuelle d’environ 15 ± 3 mm. Le soulèvement total enregistré à la station GNSS de Rione Terra est d’environ 34 cm depuis janvier 2024.

Déformation du sol vue par la station GNSS de Rione Terra (Source : INGV) entre le 1er janvier 2024 et le 5 octobre 2025

Géochimie :

La situation est stable et confirme la tendance de réchauffement et de pressurisation du système hydrothermal, ainsi que l’augmentation du flux de fluides émis.

Dans la zone de la fumerolle de Pisciarelli (versant externe nord-est de la Solfatare), les valeurs du flux de CO2 du sol ne montrent aucune variation significative par rapport aux périodes précédentes.
La température au niveau de la fumerolle affiche une valeur moyenne d’environ 94 °C.

Photo: C. Grandpey

Il existe une cheminée artificielle dans une cour privée à proximité de la fumerolle. La vapeur qui s’en échappe montrait une quarantaine de degrés à mon thermomètre le 15 septembre dernier.

Dans la zone du cratère de la Solfatare, la température de la fumerolle principale (Bocca Grande) confirme une tendance à la hausse, avec environ 166 °C. À noter que j’avais relevé une température d’environ 140°C à cette bouche dans les années 1990.

 Évolution de la température à la Bocca Grande de la Solfatara (Source : INGV)

S’agissant de la température, certaines personnes se sont inquiétées car l’asphalte avait tendance à chauffer et à fondre ces derniers temps sur la Via Antiniana qui passe à proximité de la Solfatara et du Monte Gauro.

 Source: réseaux sociaux

Un tel phénomène n’est pas exceptionnel en zone volcanique où circulent des fluides hydrothermaux à haute température, comme cela est précisé plus haut. Par exemple, la fonte du goudron a été observée sur certaines routes du Parc national de Yellowstone, même si le système volcanique est différent de celui des Campi Flegrei.

Source: National Park Service

En Campanie, il faudrait que plusieurs paramètres montrent ensemble des anomalies avant de s’inquiéter et de prendre des mesures. Je ne cesse de le répéter : le principal risque dans les Champs Phlégréens et dans la région de Naples dans son ensemble est la densité de la population. L’architecture des différentes localités rendrait une évacuation extrêmement problématique. Comme me l’expliquait il y a plusieurs années Franco Barberi, alors en charge de la Protection Civile italienne, « si j’évacue et qu’il ne se passe rien, je passe pour un imbécile ; si je n’évacue pas et qu’il y a une catastrophe, je vais en prison. »