Escapade en Campanie (5ème partie) : le Vésuve

Quand on parle de Naples et de la Campanie, on pense inévitablement au Vésuve dont le double sommet domine la conurbation napolitaine. Chaque fois que je conduis sur l’autoroute qui traverse la ville, je me dis que le réveil du volcan ne sera pas une mince affaire ! Ce jour-là – et il arrivera inévitablement – je souhaite bien du courage aux responsables de la Protection Civile italienne. Dans les années 1990, Franco Barberi – qui était à cette époque en charge de la structure – m’avait fait part de sa grande inquiétude s’il fallait évacuer la population. La Campanie n’est pas le Japon et la notion de discipline fait largement défaut dans le Mezzogiorno italien!

Pour le moment le Vésuve est calme et la visite de son cratère ne présente pas le moindre risque. Le gouffre attire quotidiennement des foules de touristes. Il faut toutefois savoir que rien n’est plus comme avant sur le volcan napolitain. Suite à l’épidémie de Covid-19, l’accès au cratère du Vésuve est très réglementé et ce n’est plus le foutoir d’autrefois. Les Napolitains ont fait de gros progrès en matière d’organisation et il faut s’inscrire en ligne (« online », un mot très à la mode en Campanie!) pour visiter le cône sommital et son cratère. Si vous ne l’avez pas fait, vous serez systématiquement refoulé. Vous trouverez les démarches nécessaires à cette adresse :

https://www.vesuvionline.net/visita-il-cratere/orari-e-biglietti

La morphologie du cratère est toujours la même. Il ne se passe rien, mais rien ne dit que le réveil ne sera pas soudain et violent…. En attendant, on peut toujours admirer la superbe vue sur la baie de Naples, en croisant les doigts…

Photos : C. Grandpey

Escapade en Campanie (3ème partie) : Herculanum

Plus petite et moins populaire que Pompéi, Herculanum a, elle aussi, été détruite par l’éruption du Vésuve en l’an 79 de notre ère. Enfouie pendant des siècles dans une gangue volcanique, la cité romaine a été remise au jour à partir du 18ème siècle par les Bourbon-Deux-Siciles qui régnaient sur Naples.

 

Lorsque l’on pénètre à l’intérieur du site, on se rend vite compte de épaisseur de matériaux vomis par le Vésuve. C’est une véritable falaise qui domine les ruines.

 

Il faut s’imaginer qu’avant l’éruption, cette partie de la ville se trouvait sur le rivage et les hangars que l’on découvre à l’entrée servaient à ranger les bateaux. Lorsque les nuées ardentes se sont abattues sur Herculanum, la population a essayé de fuir par la mer mais n’en a pas eu le temps, comme on le pensait initialement. Les squelettes que l’on aperçoit à l’intérieur des hangars révèlent les souffrance subies par les habitants qui ont été figés sur place par les matériaux à très haute température.

Comme à Pompéi, les fouilles entreprises à Herculanum ont apporté une considérable connaissance de terrain sur la civilisation romaine au 1er siècle. Elles ont livré un matériel archéologique exceptionnel, en particulier en bois, et également des œuvres littéraires inconnues jusqu’alors, avec les papyrus de la bibliothèque de la vaste villa du même nom.

Si la notoriété d’Herculanum est éclipsée par celle de Pompéi, le site mérite une visite pour apprécier l’architecture d’une cité romaine et la conception des habitations. De toutes les cités ensevelies par l’éruption du Vésuve, c’est la mieux préservée. Certes, les fresques sont plus rares qu’à Pompéi, mais on les retrouve dans le Musée Archéologique de Naples.

Moins d’un quart de la cité antique d’Herculanum a été exhumé. Les fouilles se sont arrêtées là où commence la commune actuelle d’Ercolano. La majorité des monuments publics et religieux sont toujours recouverts par la ville moderne. La photo ci-dessous montre clairement trois niveaux : 1) le site de la ville antique surmonté par 2) la ville moderne, et 3) le Vésuve qui semble attendre son heure pour entreprendre une nouvelle œuvre de destruction…

Photos: C. Grandpey

Escapade en Campanie (1ère partie) : Pouzzoles et les Champs Phlégréens

Il y a quelques jours, j’ai profité des premières belles journées de printemps pour me rendre dans le sud de l’Italie afin de revoir le Vésuve, Herculanum et Pompéi, et surtout visiter le Musée Archéologique de Naples qui me semblait être un complément indispensable à la visite des cités antiques victimes de la fureur du Vésuve. J’avais choisi Pouzzoles comme première étape de ce périple en Campanie.

La ville de Pouzzoles est particulièrement intéressante d’un point de vue géologique car la région connaît des épisodes bradysismiques qui font se soulever et s’abaisser le sol au gré des mouvements de la chambre magmatique qui se cache à quelques kilomètres de profondeur. Les incrustations de coquillages sur les colonnes du Temple de Sérapis sont les témoins d’une époque où la mer avait envahi cet édifice.

Aujourd’hui, la région de Pouzzoles est en phase d’inflation, avec une vitesse moyenne de soulèvement d’environ 13 ± 2 mm par mois. L’ascendance enregistrée à la station GPS de Rione Terra à partir de novembre 2005 est d’environ 93,5 cm, dont environ 60 cm depuis janvier 2016.

Le phénomène s’accompagne de séismes dont certains peuvent être ressentis par la population. Ainsi, au cours du mois de mars 2022, l’INGV a enregistré 339 secousses dans le région des Champs Phlégréens, avec une magnitude maximale de M 3,6 et une profondeur maximale d’environ 3,7 km.

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A proximité de la ville de Pouzzoles, la Solfatara constitue la zone la plus active des Champs Phlégréens. Elle est surveillée comme le lait sur le feu car un réveil de ce volcan causerait des problèmes majeurs. Sa situation au sein d’une zone densément peuplée rendrait l’évacuation de la population très délicate.

Le cratère est situé sur une colline à 190 m d’altitude. Le paysage est lunaire, avec de nombreuses fissures dans le sol d’où s’échappent des fumerolles constituées essentiellement de vapeur d’eau et de gaz comme le CO2. La fumerolle principale, la Bocca Grande, présentait une température de 130-140°C quand je l’ai mesurée dans des années 1990. Aujourd’hui, l’INGV relève environ 90°C. Vous trouverez tous les paramètres concernant la Solfatara en cliquant sur ce lien :

https://www.ov.ingv.it/index.php/monitoraggio-e-infrastrutture/bollettini-tutti/bollett-mensili-cf/anno-2022-2/1064-bollettino-mensile-campi-flegrei-2022-02/file

Attention : la Solfatara est actuellement fermée au public depuis le tragique accident survenu en septembre 2017. Un couple de touristes et leur fils de 11 ans ont trouvé la mort en chutant dans une marmite de boue. Le gosse, âgé de 11 ans, a franchi une barrière de sécurité et a chuté dans une marmite de boue. Les parents ont alors tenté de le secourir mais ont chuté à leur tour dans la cavité. Elle était peu profonde et il est probable que la mort a été causée par les émanations de gaz. Depuis cet accident tragique, les autorités italiennes ont mis en place le sacro-saint principe de précaution, ce qui explique la fermeture du site.

Pour avoir une très bonne vue sur la Solfatara, je conseille d’emprunter la Via Coste d’Agnano qui longe le site et propose un très bon panorama dans sa partie haute. S’y rendre de préférence de le matin quand l’air ambiant, plus humide, permet de distinguer les différents sites fumerolliens. L’air sec de l’après-midi ne permet plus de voir grand-chose.

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La région de Pouzzoles présente d’autres points d’intérêt comme le lac d’Averno, choisi par Virgile pour y situer l’entrée des Enfers…

 

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Le visiteur pourra aussi grimper au sommet du Monte Nuovo et jeter un œil à l’intérieur du cratère, façonné par l’éruption du 29 septembre au 6 octobre 1538 qui a détruit le village médiéval de Tripergole et mis en fuite la population locale…

Photos : C. Grandpey

La super éruption ignimbritique de Campanie // The Campanian Ignimbrite super-eruption

drapeau-francaisUne nouvelle étude sur la super éruption ignimbritique* de Campanie il y a quelque 39 000 ans met en relief de manière détaillée le déroulement de cet événement. Pour la première fois, les chercheurs ont reconstitué les deux phases de cette éruption qui a déposé une énorme quantité de matériaux entre le sud de l’Italie et les plaines de Sibérie. L’étude, intitulée “Reconstructing the plinian and co-ignimbrite 1 sources of large volcanic eruptions: A novel approach for the Campanian Ignimbrite”, est publié par Nature Scientific Reports. Vous pourrez la lire dans son intégralité à cette adresse: www.nature.com/articles/srep21220

Des chercheurs du Supercomputing Center de Barcelone (Espagne) et de l’Istituto Nazionale de Geofísica e Vulcanologia (Italie) ont reconstitué l’éruption en utilisant des centaines de simulations effectuées sur le super ordinateur MareNostrum.
Ces simulations ont permis d’établir que, dans la première phase (de type plinien), cette énorme éruption a généré une colonne de 44 kilomètres de hauteur et répandu 54 km3 de dépôts sur ce qui est aujourd’hui le sud de l’Italie.
Au cours de la deuxième phase (co-ignimbritique), un volume estimé à 154 km3 de particules fines a été émis.
L’ensemble des dépôts accumulés au cours des deux phases représente à peu près huit fois la partie visible de l’Everest.
Au total, la super éruption ignimbritique de Campanie a recouvert de cendre une superficie de plus de trois millions de kilomètres carrés, entre la Méditerranée et ce qui est aujourd’hui la Sibérie. Les plus grandes accumulations se sont produites dans ce qui est de nos jours la Macédoine, la Bulgarie et la Roumanie, tandis que la couche de matériaux en Méditerranée orientale atteignait jusqu’à 10 centimètres d’épaisseur.
Une autre caractéristique de l’éruption campanienne a été l’ « hiver volcanique » provoqué par la quantité importante de cendre et d’aérosols dans la stratosphère. Diverses études ont montré que ce phénomène a entraîné une chute de deux degrés de la température à l’échelle de la planète au cours de l’année qui a suivi l’éruption, alors que la température en Europe occidentale perdait jusqu’à cinq degrés.
En plus des effets sur l’environnement naturel, la grande éruption ignimbritique de Campanie a eu un impact significatif sur l’évolution de l’espèce humaine en Europe. En effet, elle s’est produite au moment où l’Homme moderne commençait à avancer sur le continent en provenance du Moyen-Orient, tout en déplaçant les Néandertaliens. L’éruption de Campanie, venant s’ajouter aux événements de la dernière période glaciaire, a considérablement réduit la surface habitable en Europe. Elle a peut-être contribué à ralentir le passage du Paléolithique moyen au Paléolithique supérieur, ce qui a probablement aussi ralenti l’entrée de l’Homme moderne et réduit la population qui s’était installée dans la zone dévastée par les dépôts de cendre. Des années plus tard, cependant, cette même zone allait devenir remarquablement fertile pour les nouveaux arrivants.
Source: Scientific Computing: http://www.scientificcomputing.com/

*Ignimbrite : Les ignimbrites sont issues de dépôts majoritairement ponceux que l’on rencontre dans les coulées pyroclastiques. Elles se forment en général par refroidissement des matériaux pyroclastiques lors d’une éruption explosive. Les matériaux pyroclastiques forment des couches épaisses et, si la température est suffisamment élevée (supérieure à 535°C), ils peuvent se souder entre eux et former une roche solide.

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drapeau anglaisA new study on the Campanian Ignimbrite* super-eruption which took place some 39,000 years ago provides a detailed reconstruction of this natural phenomenon. For the first time, researchers have reconstructed the two phases of the super-eruption which deposited an enormous amount of ash between southern Italy and the Siberian plains. The study entitled “Reconstructing the plinian and co-ignimbrite 1 sources of large volcanic eruptions: A novel approach for the Campanian Ignimbrite,” is being published by Nature Scientific Reports. It can be fully read at this address: www.nature.com/articles/srep21220

Researchers at the Barcelona Supercomputing Center and at the Istituto Nazionale de Geofísica e Vulcanología (INGV) have reconstructed the phenomenon using hundreds of simulations carried out on the MareNostrum supercomputer.
These simulations have allowed them to establish that in the first (Plinian) phase, the super-eruption generated a 44-kilometre high column and dispersed 54 km3 of deposits in what is now southern Italy.
During the second (co-ignimbrite) phase, 154 km3 of finer particles were dispersed.
The total deposits that accumulated over the two phases is approximately equivalent to eight times the visible part of Mount Everest.
In total, the super-eruption of the Campanian Ignimbrite covered with ash an area of more than three million square kilometres, from the Mediterranean to what is now Siberia. The largest accumulations were in modern Macedonia, Bulgaria and Romania, while in areas of the eastern Mediterranean layers up to 10 centimetres thick accumulated.
Another impact of the Campanian Ignimbrite eruption was that the release of ash and aerosols into the stratosphere caused a ‘volcanic winter.’ Various studies have shown that this phenomenon caused global temperatures to drop by two degrees the following year, while the temperature in Western Europe dropped up by up to five degrees.
In addition to the effects on the natural environment, the Campanian Ignimbrite eruption has been identified as having a significant impact on the evolution of the human species in Europe, as it took place when Modern Humans had begun to advance on the continent from the Middle East, displacing the Neanderthals. The super-eruption, together with the events of the last ice age, significantly reduced the habitable area in Europe and would have contributed to slowing the transition from the Middle Paleolithic to the Upper Paleolithic, delaying the entry of Modern Humans and reducing the population which had settled in the area devastated by its ash deposits. Years later, however, this same area would become a remarkably fertile area for new settlers.
Source : Scientific Computing : http://www.scientificcomputing.com/

*Ignimbrite : Ignimbrite is a pumice-dominated pyroclastic flow deposit formed from the cooling of pyroclastic material ejected from an explosive volcanic eruption. As the pyroclastic material settles it can build up thick layers, and if the temperature is sufficiently high (above 535°C) it can weld into rock.

Tephra
drapeau-francaisLes retombées de téphra (avec leur épaisseur révélée par les nuances de rouge), venant s’ajouter à l’épisode calotte glaciaire fenno-scandienne et à l’avancée de la toundra (marquée par la ligne en pointillés) ont entraîné une réduction de la surface habitable en Europe.

drapeau anglaisTephra fallout (with various shades of red), together with the attendant episode of Fenno-Scandinavian ice cap and peripheral tundra advance on land (top dashed line), suggests a reduction of the area available for human settlement in Europe of up to 30%