Le point sur l’éruption de Home Reef (Tonga) // Update on the Home Reef eruption (Tonga)

La presse internationale parle beaucoup en ce moment de Home Reef, un volcan sous-marin dont l’activité éruptive a permis à une nouvelle île de faire surface dans l’Océan Pacifique au coeur de l’archipel des Tonga, au sud-ouest de Vavaʻu.

Ce n’est pas la première fois que ce volcan sous-marin se manifeste. En août 2006, une éruption a recouvert la mer d’une couche de pierre ponce. Après avoir atteint le Vanuatu au bout de 3 mois, la pierre ponce a touché les côtes orientales de l’Australie – distantes de quelque 3400 km – 8 mois après l’éruption…

Dans une note publiée le 16 septembre 2022, j’écrivais que les services géologiques des Tonga avaient annoncé le début d’une nouvelle éruption sous-marine du Home Reef le 10 septembre 2022, au vu d’un panache de gaz observé sur des images satellitaires. L’éruption avait alors formé une nouvelle petite île, d’environ 70 mètres de diamètre et s’élevant à environ 10 m au-dessus de la surface de l’océan.

Une nouvelle activité sous-marine a été détectée les 12 et 13 septembre et une anomalie thermique a été identifiée sur une image satellite le 13 septembre. La couleur de l’alerte aérienne est passée au Jaune (niveau 2 sur une échelle de quatre couleurs) et il a été demandé aux marins de rester à 5 km du volcan. Les émissions de gaz ont persisté au moins jusqu’au 14 septembre, avec des panaches s’élevant à moins de 1 km de hauteur.

Le 23 septembre 2022, j’expliquais que la nouvelle île de Home Reef continuait de croître. L’éruption se poursuivait avec des panaches de gaz et de vapeur qui ne dépassaient pas 1 km au-dessus du niveau de la mer. L’eau était décolorée autour de l’île qui mesurait 170 m de diamètre le 16 septembre. Elle atteignait 182 mètres du nord au sud et 173 mètres d’est en ouest le 18 septembre. Les panaches de vapeur avec une certaine teneur en cendres montaient à 3 km de hauteur du 19 au 20 septembre.

Selon le service géologique des Tonga, l’éruption continue aujourd’hui. L’île présentait le 27 septembre une superficie de 24 000 mètres carrés et son sommet culminait à une quinzaine de mètres au-dessus du niveau de la mer. Des panaches de gaz et de vapeur, avec parfois de la cendre, montent, selon les jours, entre 2 et 8 km au-dessus du niveau de la mer dont l’eau est toujours décolorée. .

Même si l’île nouvellement édifiée par l’éruption du Home Reef s’est rapidement agrandie au cours des derniers jours, cela ne devrait pas durer. Les îles créées par les volcans sous-marins peuvent persister pendant des années, mais elles ont généralement une vie courte. Par exemple, Home Reef a eu quatre périodes d’éruptions. Au cours de deux de ces périodes, de petites îles se sont formées. Au cours des deux autres périodes d’éruption en 1984 et 2006, des îles éphémères avec des falaises de 50 à 70 mètres de haut se sont formées. Lorsque le Late’iki situé à proximité est entré en éruption pendant 12 jours en 2020, l’île qu’il a créée a été emportée par les vagues en deux mois. A côté de cela, une île créée par une éruption du Late’iki en 1995 a duré 25 ans.

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The international press is currently talking a lot about Home Reef, an underwater volcano whose eruptive activity has allowed a new island to surface in the Pacific Ocean in the heart of the Tonga archipelago, southwest of Vavaʻu.
This is not the first time that this underwater volcano has been mentioned. In August 2006, an eruption covered the sea with a layer of pumice. After reaching Vanuatu after 3 months, the pumice shoal hit the eastern coasts of Australia – some 3400 km away – 8 months after the eruption…
In a note published on September 16, 2022, I wrote that the Geological Survey of Tonga had announced the beginning of a new underwater eruption at Home Reef on September 10th, 2022, in view of a gas plume observed in satellite images. The eruption had then formed a new small island, about 70 meters in diameter and rising about 10 m above the surface of the ocean.
New underwater activity was detected on September 12th and 13th, and a thermal anomaly was identified in a satellite imagery on September 13th. The aviation color code changed to Yellow (level 2 on a four-color scale) and sailors were asked to stay 5 km from the volcano. Gas emissions persisted at least until September 14, with plumes rising less than 1 km high.
On September 23rd, 2022, I explained that the new island of Home Reef continued to grow. The eruption continued with plumes of gas and steam that did not exceed 1 km above sea level. The water was discolored around the island which measured 170 m in diameter on September 16th. It reached 182 meters from north to south and 173 meters from east to west on September 18th. Steam plumes with some ash content rose to 3 km in height from 19 to 20 September.
According to the Geological Survey of Tonga, the eruption continues right now. On September 27th, the island had an area of ​​24,000 square meters and its summit was about fifteen meters above sea level. Plumes of gas and steam, sometimes with ash content, rise, according to the days, between 2 and 8 km above sea level whose water is still discolored. .

Even though the new island that has been built by the eruption of Home Reef has grown rapidly in size over the past few days, this should not last. Islands created by submarine volcanoes can persist for years, but they are usually short-lived. For example, Home Reef has had four periods of eruptions. During two of these periods, small islands formed. During the other two eruption periods in 1984 and 2006, ephemeral islands with cliffs 50 to 70 meters high were formed. When nearby Late’iki erupted for 12 days in 2020, the island it created was washed away by the waves in two months. Next to that, an island created by a Late’iki eruption in 1995 lasted 25 years.

L’éruption vue depuis l’espace le 14 septembre 2022 (Source: NASA)

Prévision de la trajectoire des coulées de lave // How to predict the path of lava flows

Les volcans effusifs avec leurs longues et spectaculaires coulées de lave ne sont pas les plus dangereux au monde. Ils sont bien moins menaçants que leurs homologues explosifs dont les coulées pyroclastiques peuvent détruire des villages entiers et tuer leurs habitants.
L’éruption actuelle du Piton de la Fournaise à La Réunion est tout à fait inoffensive. La lave coule calmement à l’intérieur de l’Enclos qui est une zone désertique.

Cependant, les coulées de lave peuvent devenir un danger si elles se dirigent vers des zones habitées. Il est peu probable qu’elles tuent des personnes, mais elles peuvent endommager ou même détruire des bâtiments et des maisons d’habitation. C’est la raison pour laquelle la prévision de la trajectoire empruntée par les coulées de lave peut être très importante dans certaines parties du monde. Par exemple, lorsque des coulées de lave dévalent les flancs du Kīlauea ou du Mauna Loa, les habitants d’Hawaii et les services d’urgence veulent savoir à quoi s’attendre.
Lors de l’éruption du Kilauea en 2018, la lave émise par 24 fractures a recouvert plus de 3 200 hectares dans le district de Puna et plus de 700 structures ont été détruites. Ces chiffres soulignent la nécessité de prévoir l’avancée des coulées de lave pour aider la Protection Civile, les habitants et le personnel de l’Observatoire des Volcans d’Hawaii (HVO).
Des prévisions très précises pour d’autres risques naturels tels que les ouragans, les inondations, la sécheresse et même la propagation du vog (brouillard volcanique) du Kilauea sont désormais monnaie courante. La prévision de la trajectoire emprunté par les coulées de lave pourrait également s’avérer très utile.
La réussite des prévisions pour les autres risques naturels repose sur la capacité à simuler des flux d’eau ou d’air. Même si le mouvement de ces fluides est généralement beaucoup plus complexe que celui de la lave, nous avons beaucoup plus d’informations sur le comportement de l’eau et de l’air que sur celui de la lave en tant que matériau. En effet, nous ne pouvons pas voir à l’intérieur d’une coulée de lave pour observer ce qui se passe sous la surface, alors que c’est possible pour l’eau et l’air. [NDLR: De la même façon, au cours de ma conférence sur les glaciers, je fais souvent remarquer que l’étude de leur comportement est plus facile que celui du magma car tout se passe en surface].
Les chercheurs appliquent les principes de la dynamique des fluides aux coulées de lave depuis plus de 40 ans, mais la plupart des simulations sont trop lentes à mettre en place lors d’une crise éruptive, quand on veut vraiment savoir quelle direction la lave va emprunter et à quel moment elle atteindra une zone précise.
Pour essayer de répondre à cette question, les scientifiques du HVO prévoient depuis de nombreuses années la trajectoire globale des coulées de lave en utilisant le principe de la pente la plus raide. Dans de nombreux cas, ces prévisions fonctionnent assez bien; cependant, cette méthode ne peut pas déterminer à elle seule quand la lave atteindra une certaine zone. Elle prévoit la trajectoire de la lave, mais ne prend pas en compte sa vitesse, ni la longueur finale de la coulée.
Pour essayer de répondre à ces questions, les scientifiques de l’USGS ont mis au point un nouveau modèle de prévision des coulées de lave basé sur la simulation de la lave pendant qu’elle s’écoule à travers la topographie réelle, tout en se refroidissant et en se solidifiant. Ce modèle est conçu avec une physique simplifiée mais réaliste; il permet de réaliser en quelques minutes sur un ordinateur portable la simulation de 24 heures de progression de la lave.
Cependant, une seule simulation de ce type ne fournit pas suffisamment d’informations. En l’exécutant plusieurs fois avec une gamme d’entrées de données, on obtient de bien meilleurs résultats. Il s’agit d’une technique couramment mise en oeuvre dans la prévision de conditions météorologiques extrêmes telles que les ouragans et elle fait aujourd’hui partie des techniques de pointe dans la recherche sur les risques volcaniques. Les scientifiques du HVO s’efforcent de produire des ensembles à l’aide de ce nouveau modèle. Leur but est de prévoir avec succès les zones menacées par la lave lors des prochaines éruptions.
Bien que nous ignorons encore beaucoup de choses sur le comportement d’un volcan, nous sommes capables de faire des prévisions à court terme. Ces prévisions, même sur de courtes périodes, donnent aux personnes susceptibles de se trouver sur la trajectoire des coulées de lave la possibilité de se préparer à d’éventuelles évacuations.
Source : USGS, HVO.

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Effusive volcanoes with their long and spectacular lava flows are not known as the most dangerous volcanoes in the world. They are far less threatening than their explosive counterparts whose pyroclastic flows can destroy whole villages and kill their inhabitants.

The current eruption of Piton de la Fournaise on Reunion Island is definitely harmless. Lava flows calmly within the Enclos which is a desert area.

However, lava flows can become a danger if they head towards populated areas. They are unlikely to kill people but thay can damage or even destroy structures and houses. This is the reason why forecasting the path of lava flows can be very important in some parts of the world. For instance, when lava flows break out on the flanks of Kīlauea or Mauna Loa, Hawaii residents and emergency agencies want to know what to expect.

During the 2018 Kilauea eruption, lava from 24 fissures inundated more than 3,200 hectares of land in the Puna District and more than 700 structures were destroyed. Such figures highlight the need for forecasting the advance of lava flows to help emergency managers, residents, and Hawaiian Volcano Observatory (HVO) staff.

Highly accurate forecasts for other natural hazards such as hurricanes, flooding, drought, and even the spread of vog from Kilauea are now commonplace. Forecasting the route taken by lava flows might also prove very useful.

The most successful forecasting efforts for other natural hazards rely on the ability to simulate flows of water or air. Even though the motion of these fluids is typically much more complex than that of lava, we know a great deal more about water and air than lava as a material. We can’t see inside a lava flow to observe what is happening below the surface the way we can for water and air.

Although researchers have been applying the principles of fluid dynamics to lava flows for more than 40 years, most simulations are too slow to use during a crisis when we really want to know where the lava headed and when it will reach a certain area.

To help answer that question, HVO scientists have for many years forecasted the general path of lava flows using the principle of steepest descent. In many cases, these forecasts have worked really well; however, this method can’t by itself determine when lava will reach a certain area because it predicts only the route, not the speed or the flow’s final length.

To help answer these questions, USGS scientists are developing a new lava flow forecasting model based on the simulation of lava as it flows across real topography while cooling and solidifying. This model is designed with simplified, but realistic physics, enabling the simulation of 24 hours of lava advance in as little as a couple of minutes on an ordinary laptop.

However, a single simulation does not provide much information. By running it many times with a range of inputs, the collection of all these models can give a much better idea of the range of possible outcomes. This has been a common practice in forecasting hazardous weather such as hurricanes for many years and is now the cutting edge in volcanic hazards research. HVO scientists are investigating how to produce ensembles using this new model, with the goal of successfully forecasting lava inundation during future eruptions.

Although there is a great deal we do not know about what a volcano is about to do, we can make some short-term forecasts based on what is currently happening. These forecasts, even over short periods of time, give people in the path of lava flows the ability to plan and get ready for possible evacuations.

Source: USGS, HVO.

Coulée de lave sur le Kilauea en 2018 (Crédit photo: HVO)

 

Exemple de simulation de l’avancée d’une coulée de lave émise par la Fissure 22 lors de l’éruption du Kīlauea en 2018. Les contours de couleur montrent le front de coulée de lave par incréments d’une heure. La simulation a prévu l’entrée dans l’océan au bout de 22 heures. C’est à peu près le temps qu’a mis la lave dans la réalité. (Source: USGS)