Ça décoiffe !

Mon ami André Laurenti, spécialiste des séismes (https://www.azurseisme.com/) vient de m’envoyer une vidéo montrant un effondrement glaciaire au Kirghizistan, assez semblable a celui qui a tué 11 personnes sur le glacier italien de la Marmolada. Une masse de glace s’est détachée du front du glacier, à proximité des gorges de Juuku. Des touristes ont commencé à filmer la scène avant d’être atteints par l’avalanche de glace et de débris rocheux. Selon les médias, 2 personnes auraient été hospitalisées pour des blessures et des ecchymoses.

Cette vidéo appelle plusieurs remarques. S’agissant de l’effondrement, les volcanologues observeront beaucoup de similitudes avec une avalanche incandescente sur un volcan et le comportement du nuage de glace pulvérisée en fonction du relief.

L’autre remarque concerne les témoins de la scène. Ils ont eu beaucoup de chance car leur comportement est quasiment suicidaire. Au lieu de vouloir filmer à tout prix l’événement, le premier réflexe aurait dû être de courir se réfugier sur un point haut dès le moment de son déclenchement. Les dernières secondes de la vidéo confirment que la personne qui filmait aurait pu se faire tuer par les blocs qui se précipitaient à grande vitesse.

https://twitter.com/i/status/1546154939080183808

Exemple d’effondrement glaciaire (Wikipedia)

Mer de Glace : la transformation du Montenvers

Aujourd’hui pour atteindre la Mer de Glace, il faut prendre le Train du Montenvers qui permet d’accéder à une plate-forme dominant le glacier. Ceux qui, comme moi, ont découvert la Mer de Glace en 1956 se rendent tout de suite compte du recul et de l’abaissement phénoménal du glacier depuis cette époque. En 1956, on entrait directement dans le vif du sujet car la surface du glacier était pratiquement au niveau du quai d’arrivée du train.
Aujourd’hui, pour aller visiter la grotte qui est toujours creusée dans la Mer de Glace, il faut tout d’abord emprunter une télécabine, puis descendre les quelque 580 marches d’un escalier métallique. Il est intéressant de regarder la paroi rocheuse le long de l’escalier où des panneaux indiquent le niveau du glacier au cours des ans. La dégringolade se passe de commentaires. Le réchauffement climatique est devant nos yeux!

En 2025, télécabine et escalier auront disparu. La nouvelle société gestionnaire du site prévoit quatre années de travaux de grande ampleur, débutés au printemps 2022, d’un coût de 53 million d’euros, qui suscitent une polémique car tout le monde n’est pas d’accord avec le bétonnage de la montagne.

L’érosion de la fréquentation de la Mer de Glace a suivi celle du glacier au cours des dernières années. Elle est passée en une décennie de 450 0000 visiteurs par an à 350 000. La Mer de Glace a reculé de plus de 2,5 kilomètres depuis 1850 et a perdu plus de 100 mètres d’épaisseur ces trente dernières années, dont 3,50 mètres au cours du seul mois de juin 2022 !
Si la glace fond, les gestionnaires expliquent qu’à 1913 mètres d’altitude, « le Montenvers reste un site naturel et patrimonial unique, permettant à un public non-averti de s’approcher au plus près de la haute montagne, grâce à sa desserte ferroviaire. » Pour le maire de Chamonix, « le futur Montenvers est le symbole du tourisme que la vallée veut promouvoir à l’avenir : respectueux de l’environnement, sobre sur le plan énergétique et foncier, offrant une grande qualité architecturale. ».

Concrètement, dès 2023, le nouveau Montenvers proposera une nouvelle télécabine qui empruntera un tracé différent de l’actuelle et remontera la Mer de Glace sur 580 mètres. Sa gare de départ, volontairement minimaliste pour une meilleure intégration architecturale, sera située sous la nouvelle terrasse panoramique, aménagée à la place du restaurant. La gare d’arrivée prendra place au niveau de l’éperon des Échelets, où une grotte très épurée sera taillée dans la glace.

Le PDG de la Compagnie du Mont Blanc précise que « quand il n’y aura plus de glace – ce qui se produira forcément avec le réchauffement climatique – la télécabine permettra de rapprocher les randonneurs des grands itinéraires du massif.»

L’autre attraction du Montenvers en 2025 sera le centre d’interprétation du climat et des glaciers, le Glaciorium. Il proposera sur 800 m² une expérience immersive autour des glaciers, de leur histoire et des mutations climatiques. Cet espace pédagogique sera avant tout ludique; il contribuera à la prise de conscience de la fragilité des espaces naturels et de la nécessité de les préserver. Accompagnée d’une musique pompeuse, la présentation de ce Glaciorium m’a vraiment laissé sur ma faim.

Il faudra débourser 50 euros (!) pour profiter de l’ensemble de l’offre en haute saison (16,50 € pour la seule entrée au Glaciorium, 34€ l’aller-retour en train). Selon les gestionnaires du site, cela permettra d’éviter la surfréquentation du site et sa banalisation.

Une chose est certaine : on ne m’y verra pas!

Le nouveau Montenvers n’est donc plus vraiment une approche de la Mer de Glace en tant que glacier. Comme écrit plus haut, il s’agit davantage d’une approche globale et pédagogique de la haute montagne. On a vraiment l’impression que les concepteurs du site ont essayé de sauver les meubles suite à la disparition annoncée du glacier. Comme l’Aiguille du Midi, la Mer de Glace a été jusqu’à présent une manne financière pour Chamonix et sa région. La poule aux oeufs d’or n’est plus aussi gaillarde!

 

Vue d’artiste du nouveau site du Montenvers (Source: Compagnie du Mont Blanc)

 

La Mer de Glace aujourd’hui. On aperçoit à droite le chantier de restructuration du Montenvers (Image webcam)