A l’issue de mes conférences « Volcans et risques volcaniques » et « Glaciers en péril », je prévois toujours un moment de communication et j’invite le public à poser des questions sur les thèmes abordés. Les questions que je redoute le plus sont celles des enfants ; elles sont innocentes mais il n’est pas toujours facile d’y répondre. Il y a quelques années, une petite fille au premier rang m’a demandé « Qu’est-ce qu’un volcan ? Pourquoi y a-t-il des volcans ? » C’est une question à laquelle les géologues de l’Observatoire des Volcans d’Hawaii (le HVO) ont tenté de répondre dans un récent article Volcano Watch, en se référant aux volcans de la Grande Ile d’Hawaï..
L’île d’Hawaï est composée de cinq volcans qui se dressent au-dessus du niveau de la mer : le Kilauea, le Mauna Loa, le Hualalai, le Mauna Kea et le Kohala. En marge de ces édifices imposants, on peut également observer un certain nombre de cônes de taille plus modeste sur les flancs des cinq principaux volcans ; ce sont des endroits où des éruptions ont eu lieu dans le passé, mais on ne les considère pas comme des volcans à part entière. Comment se fait-il que la Grande Ile ne possède pas des centaines de volcans au lieu de seulement cinq ?
Une définition du dictionnaire nous explique qu’un volcan est un évent (plus souvent appelé « bouche ») dans la croûte terrestre à travers lequel la roche ou la lave est éjectée. Dans une autre définition, un volcan est une colline ou une montagne de forme conique qui s’est édifiée autour d’une bouche éruptive. La plupart des volcanologues estiment que ces deux définitions sont un peu trop simplistes
Pour un volcanologue, un volcan est une structure contenant une bouche ou un groupe de bouches éruptives alimentées par du magma qui provient directement d’une grande profondeur, généralement plus de 30 km, à l’intérieur de la Terre. Chacun des cinq volcans de la Grande Ile d’Hawaï possède un conduit d’alimentation profondément enraciné qui plonge à au moins 100 km sous l’île. En revanche, les cônes de plus petite taille se sont formés autour de bouches alimentées par du magma qui s’est séparé du conduit principal à faible profondeur, probablement à moins de 10 km. Ces cônes plus petits ressemblent aux branches d’un arbre, tandis que le volcan profondément enraciné représente le tronc de l’arbre. Le Kilauea reste un volcan actif longtemps après l’arrêt de l’éruption d’un de ces petits cônes, car le conduit d’alimentation principal est toujours intact. C’est pourquoi les volcans deviennent plus gros que les cônes adventifs qui contribuent à leur croissance.
Plusieurs termes sont utilisés pour décrire les bouches dépourvues de racines profondes et qui tirent leur magma du conduit d’alimentation principal – bouches latérales ou parasites, ou encore bouches de rift. Parfois, le mot « bouche » est remplacé par « cône » dans une expression comme « cône adventif ». Ainsi, le cône Ahuʻailaʻau qui s’est formé dans les Leilani Estates lors de l’éruption de 2018 pourrait être appelé « bouche latérale »ou « cône adventif » du Kilauea. Le Puʻu ʻOʻō est resté une bouche latérale – ou un cône adventif actif – du Kilauea pendant environ 35 ans avant de s’arrêter en 2018.
L’apparence physique à elle seule ne peut pas toujours être utilisée pour faire la distinction entre un volcan et un cône adventif sur ce même volcan. La composition de la lave est alors utilisée pour déterminer si le magma provient, ou non, de la même source.
La deuxième définition du mot « volcan » dans le dictionnaire – une colline ou d’une montagne en forme de cône construite autour d’une bouche éruptive – ne saurait s’appliquer aux volcans tels que le Kīlauea dont la forme est loin de celle d’un cône. Les grandes caldeiras, telles que Long Valley dans l’est de la Californie ou Yellowstone dans le Wyoming constituent un autre type de volcans dépourvus de forme conique. Personne n’est capable de deviner, sans quelques connaissances géologiques, que ces vastes dépressions comptent parmi les plus grands volcans de notre planète.
Vue de loin, la caldeira du Kilauea ne ressemble pas à un volcan et est très différente du mont Fuji, du Mayon et du mont St. Helens d’avant 1980. Cependant, dans les années 1400, le sommet du Kilauea avait l’aspect d’un bouclier de lave plutôt que d’une caldeira. La caldeira s’est formée par l’effondrement du bouclier une centaine d’années plus tard.
Ce dernier exemple montre également que la forme d’un volcan peut changer radicalement et rapidement, et le cône ou le bouclier observé au cours d’une année peut devenir une caldeira l’année suivante. Les volcans hawaïens continueront de croître et de changer de forme dans les siècles et millénaires à venir.
Source : USGS, HVO.
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At the end of my conferences « Volcanoes and volcanic hazards » and « Glaciers at risk », I invite the audience to ask questions about these two topics. The questions that I fear most are those asked by children; they are innocent but not always easy to answer. A few yeras ago, a little girl in the front row asked me « What is a volcano? Why are there volcanoes » This is the question HVO geologists tried to anwswer in a recent Volcano Watch article, with references to the volcanos on Hawaii Big Island.
The Island of Hawaii is made of five volcanoes that rise above sea level : Kilauea, Mauna Loa, Hualalai, Mauna Kea and Kohala. One can also observe a variety of smaller cones dotting the five major volcanoes; they are places where eruptions took place in the past. But they are not called volcanoes. How does it come the island does not have hundreds of volcanoes instead of only five?
In one dictionary definition, a volcano is a vent in the Earth’s crust through which rock or lava is ejected. In another, a volcano is a cone-shaped hill or mountain built around a vent. Most volcanologists find both of these dictionary definitions insufficient.
To a volcanologist, a volcano is a structure containing a vent or cluster of vents fed by magma rising directly from great depth within the Earth, generally more than 30 km. Each of the five volcanoes on Hawaii Big Island has such a deeply rooted feeder conduit that extends at least 100 km beneath the island. In contrast, the smaller cones formed around vents that were supplied by magma that branched off the main conduit at a shallow depth, probably less than 10 km deep and often about half that. These smaller cones are analogous to limbs on a tree, and the deeply rooted volcano is equivalent to the trunk of the tree. Kilauea, for example, will remain an active volcano long after any single cone stops erupting because the main feeder conduit will still be intact. Therefore, volcanoes become larger than their parasitic cones, which contribute to their growth.
Several terms are used to describe the vents that lack deep roots and get their magma from the main feeder conduit — flank vents, parasitic vents, rift vents. Sometimes the word “cone” is substituted for “vent” in an expression like « adventive cone. » So, for example, Ahuʻailaʻau cone that formed in Leilani Estates during the 2018 eruption could be termed a flank vent or adventive cone on Kilauea. Puʻu ʻOʻō was an active flank vent / adventive cone on Kilauea for about 35 years before stopping in 2018.
Physical appearance alone cannot always be used to make the distinction between a volcano and a subsidiary vent on that volcano. The composition of the lavas are used, often like a genetic tracer, to determine if the magma originated from the same source or not.
The second dictionary definition of “volcano” — that of a cone-shaped hill or mountain built around a vent — certainly does not apply to volcanoes such as Kīlauea, whose shape is far from that of a cone. Another type of volcanoes lacking a cone shape are large calderas, such as Long Valley in eastern California or Yellowstone in Wyoming. No one would guess, without doing some geologic knowledge, that these wide depressions are some of the largest volcanoes on our planet.
Seen from a distance, the Kilauea caldera does not look like a volcano and is very different from Mount Fuji, Mayon, and pre-1980 Mount St. Helens. However, the summit of Kilauea in the 1400s had the aspect of a lava shield, rather than a caldera. The caldera formed by collapse of the shield some 100 years later.
This last example also shows that the shape of a volcano can change drastically and quickly, and one year’s cone or shield can be next year’s caldera. Over the longer-term, Hawaiian volcanoes will continue to grow and change shape.
Source: USGS, HVO.
Carte topographique de la Grande Ile d’Hawaii (Source: USGS)
Cônes adventifs sur le Mauna Kea (Photo: C. Grandpey)