Nyiragongo, voyages au centre de la Terre

Mardi soir, la chaîne de télévision USHUAIA TV diffusait le documentaire « Nyiragongo, voyages au centre de la Terre », réalisé par les amis Régis Etienne et Olivier Grünewald. Les volcanophiles doivent absolument regarder ce film ; c’est un petit bijou qui montre le volcan congolais dans toute sa force et sa splendeur. Les images sont superbes, de jour comme de nuit, avec des séquences époustouflantes. J’ai apprécié les hommages rendus aux regrettés Haroun Tazieff et Jacques Durieux qui ont permis de mieux faire connaître le Nyiragongo. Les mesures scientifiques effectuées depuis la lèvre ou à l’intérieur du cratère seront précieuses pour mieux comprendre le comportement du volcan. Même si elles ont été mentionnées, je pense que les fractures qui tranchent les flancs du Nyiragongo auraient mérité qu’on s’y attarde davantage. En effet, ce sont elles qui s’ouvriront lorsqu’elles ne pourront plus supporter la pression de la lave à l’intérieur de l’édifice volcanique. Dans une telle situation, la ville de Goma sera de nouveau en très grand danger. Pour ce qui est d’une couche de gaz qui expliquerait les variations brutales du niveau du lac de lave, je suis personnellement assez réservé. Le système d’alimentation du Nyiragongo et de son voisin Nyamulagira (également mentionné dans le documentaire) est encore mal connu. De nouvelles observations dans les prochaines années, associées aux nouvelles technologies, nous permettront peut-être de percer les secrets de ces deux volcans.
Vous trouverez les rediffusions du film à cette adresse :
http://www.ushuaiatv.fr/programmes/nyiragongo-voyages-au-centre-de-la-terre-33194

Nyiragongo-blog

Crédit photo: Wikipedia

9 réflexions au sujet de « Nyiragongo, voyages au centre de la Terre »

  1. Et oui, des images incroyables. Pour avoir fait parti de l’expédition 2011 et avoir assisté en direct à la baisse spectaculaire du lac de lave, je ne comprends pas pas que tu puisses douter de l’hypothèse gazeuse, qui découle des théories des volcanologues hawaiiens, validée par Robin Campion ! l’idée d’une ouverture de fissures en profondeur, à laquelle nous avons pensé en premier, a été invalidée par l’absence de signal sismique enregistré par l’observatoire volcanologique de Goma lors de et évènement. Relire LAVE 153 ! La photo de l’article, qui y figure, est de notre ami Michel Detay.

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    1. Je maintiens mes doutes sur l’hypothèse gazeuse évoquée dans le documentaire et inspirée du « gas pistoning », phénomène bien connu à Hawaii. A ce sujet, les variations très brutales du niveau du lac de lave dans l’Halema’uma’u ne s’expliquent pas par du « gas pistoning », mais par l’évacuation du magma dans les profondeurs. Sur le Nyiragongo, l’échelle n’est pas la même qu’à Hawaii et notre connaissance du volcan n’en est qu’à ses balbutiements. Nous ne savons pas ce qui se passe en profondeur et quel peut être – par exemple – le lien d’alimentation avec le Nyiamulagira tout proche. Ce ne sont pas 3 ou 4 expéditions qui peuvent donner une réponse. Nous n’avons pas évalué les volumes de magma mis en oeuvre et qui sont colossaux sous le Nyiragongo. Les gaz jouent probablement un rôle déterminant (c’est pour cela que je suis profondément tazieffien), comme dans toute éruption et comme dans tout lac de lave (j’ai vu celui du Pu’uO’o en furie) mais dire qu’ils forment une espèce de coussin me semble aller un peu vite en besogne. En espérant que d’autres expéditions et une instrumentation sérieuse du volcan nous en diront davantage dans les prochaines années…

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  2. Bonjour Claude,
    Vous avez raison, il vaut mieux espérer savoir plutôt que de sombrer dans le désespoir de ne jamais comprendre.
    A la question : « Les volcans qui sont proches les uns des autres communiquent-ils entre eux lors d’éruptions », la réponse systématiquement apportée par les volcanologues est : « Non, en tous cas cela n’a jamais été mit en évidence ».
    Edifiés, non pas par la pertinence de l’enjeu scientifique mais par celle du diton bien connu qui prétend qu’il y a similitude entre une question idiote et sa réponse, nous voila bien renseignés.
    En fait, la réponse un peu moins crétine aurait été de dire oui, car les liens qui peuvent existés entre les chambres magmatiques multiples, horizontaux, verticaux et obliques sont considérables, aussi bien en géométrie que dans le temps. Ainsi par différent degré de différenciation, un magma peut apparaitre à la surface dans une composition chimique différente à des moments simultanés aussi bien que successifs, à des échelles de temps très différentes, et à des endroits plus ou moins proches, alors que son origine est pratiquement commune et bien localisée.
    Prétendre ainsi que des volcans jumeaux (Nyiragongo et Nyamuragira, Congo) ou siamois (Fuego et Acatenango , Guatemala), n’ont aucun rapport l’un à l’autre est une vue simpliste de l’esprit qui permet de botter en touche lorsque que l’on ne sait rien du processus souterrain d’alimentation du magma.
    Et nous en sommes encore à perroqueter les constats de visu que des volcanologues de terrain auront put à la sueur du front nous rapporter (Merci Haroun), continuer à organiser des « visites- expéditions » touristico-volcano-pseudo-scientifiques, pour ne rien rapporter de mieux que cette fameuse réponse nulle.
    Quand nous déciderons-nous à explorer sérieusement avec les techniques maintenant rodées et pleines de technologies, les entrailles de la terre de manière fiable et éclairante ?
    Quand nous déciderons-nous à rompre avec le blabla dérisoire de nos ouvrages volcanologico-désuets et enfin vulgariser intelligemment une connaissance scientifique, certes plutôt anglaise mais pour le moins dynamique?
    Alors que Tazieff aura en son temps porter la volcanologie Française au top des connaissances, nous voila retombé un siècle en arrière en nous faisant constamment damer le pion par des chercheurs US, Japonais, ou Chiliens, qui eux savent utiliser tomographie, muon graphie et autre techniques pour surtout et enfin émettre des hypothèses qui tiennent la route. L’USGS va bientôt nous expliquer comment fonctionne le Piton de la fournaise. Mais qu’importe, oublions nos « Racines », ne tirons pas la langue, et passons de Molière à Shakespeare, c’est le fond qui importe le plus.
    Désolé pour ce coup de gueule un peu explosif, mais il y a des moments où je me demande si nous ne ferions pas mieux de nous intéresser à la belotte ou à la pétanque, activités finalement moins dommageables pour les neurones et plus Franco-performante que la volcanologie.
    Heureusement qu’il nous reste votre Blog, qui lui est bien Français et très sérieux et performant.
    Amitiés
    Pierre Chabat

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    1. Bonjour Pierre, En tant que photographe, j’ai beaucoup apprécié le documentaire sur le Nyiragongo. Les cadrages sont bons et le rendu des couleurs est excellent, de jour comme de nuit, ce qui est particulièrement rare avec la technologie numérique. Je connais les réalisateurs et je sais qu’ils utilisent un matériel de très haut niveau. L’aspect scientifique du documentaire est certes intéressant, mais on en reste à une approche très superficielle du Nyiragongo qui ne permet pas de formuler des conclusions définitives. En voyant le film et les échelles mises en place par Tazieff et son équipe, je me suis dit que nous n’avions guère progressé depuis les années 1960! Je pense comme vous qu’il serait temps que nous utilisions des nouvelles technologies comme la muongraphie – certes très coûteuse – pour faire avancer la volcanologie qui piétine sérieusement dans notre pays. Amitiés. Claude Grandpey

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  3. Tu as raison de rappeler, Claude, la raison d’être de ce film qui est avant tout de nous émerveiller. C’est sa principale ambition et de ce côté là, Olivier Grünewald a tapé très très fort…
    Mais prétendre que la connaissance sur le Nyiragongo n’a quasiment pas avancée depuis Tazieff me parait un peu réducteur (euphémisme). Je ne citerai qu’un article de Pierre-Yves Burgi et Dario Tedesco sur la modélisation du fonctionnement du lac de lave paru dans le Journal of geophysic research qui découle directement des missions évoquées dans ce film dans la continuité du travail initié par Durieux :
    http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/2013JB010895/full
    Voir aussi le bon article de vulgarisation (ça existe !) de Michel Detay dans LAVE 153 et sa bibliographie très riche… en références internationales !

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    1. Je connais l’article du Journal of Geophysics Research dont tu parles. Il n’est pas question pour moi de mettre en doute le travail effectué sur le Nyiragongo par Dario Tedesco, Jacques Durieux et les autres. Comme me le disait un jour Tazieff, l’observation est essentielle en volcanologie. Après tout, peu importe que le variations du lac de lave soient déclenchées par de gigantesques poches de gaz ou – comme je le pense – par des variations dans le système d’alimentation. Pour moi, s’agissant de ce volcan, l’essentiel est la prévention et la protection des populations, autrement dit la ville de Goma. On sait très bien que les catastrophes surviennent lors des éventrements de l’édifice, quand les fractures craquent sous la pression du magma, comme cela s’est produit en 1977 et 2002. Plus que la température de la lave et les autres mesures de surface effectuées au sommet et dans le cratère, c’est cet aspect qui me semble prioritaire sur le Nyiragongo. Les mesures sont difficiles à réaliser et le film a eu raison de mettre en évidence la délinquance qui sévit à Goma, avec le vol des instruments. Il faut espérer que la situation se calmera (elle SEMBLE en prendre le chemin) et permettra de contrôler de manière fiable les variations de gonflement et de dégonflement de l’édifice.

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  4. Claude,
    Les phénomènes d’inflation/déflation des lacs de lave sont pour moi la conséquence d’apport de magma frais plus ou moins riche en gaz dissous. La variation de niveau ne peut être que la résultante soit d’un apport supplémentaire de matière, soit d’une modification de la densité du magma et donc de sa flottabilité par apport de gaz dissous. L’hypothèse de l’existence sous terraine d’une poche de gaz à l’état gazeux, jouant un rôle de ressort pour la matière qui la surmonte est pour moi totalement irréaliste. L’instabilité qui résulterait de cet assemblage aurait tôt fait se faire ressentir autrement que par un simple mouvement de niveau. Il est inconcevable pour moi qu’un gaz, quel qu’il soit puisse séjourner à l’intérieur d’un milieu fluide, et à fortiori lorsqu’il s’agit de magma, sous sa forme gazeuse, compte tenu des différences colossale de densité des deux milieux. Les différentes théories de type « éruptions limniques » issues des évènements gazeux propre au lac Nyos, auxquelles je ne crois absolument pas, de toutes façon ne s’applique qu’à la brutalité et la soudaineté de « l’éruption », et pas du tout à un mouvement lent de type bradyséisme.
    Je reste donc totalement de votre avis et également Tazieffien, mais toujours dans l’ignorance de la raison principale de l’apparition et des variations du niveau de ces lacs, pour lesquels le gaz joue inévitablement un rôle mais de toute évidence pas ne manière aussi triviale.
    Amicalement
    Pierre Chabat

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  5. Bonjour les copains, voila une discussion intéressante!!
    Je pense qu’il faut d’abord bien distinguer les grandes variations a long terme, plusieurs dizaines voire centaines de mètres sur plusieurs jours mois voire années, qui elles sont probablement dues à des changements de l’alimentation en magma, des variations rapides et relativement faibles (quelques mètres en quelques minutes). Pour ces dernières il faut s’en tenir au faits: la montée de niveau est progressive et sa baisse est rapide et accompagnèe d’une augmentation de l’activité de fontaines, ET de changement dans la composition du gaz émis. Un simple changement du taux d’alimentation en magma peut difficilement expliquer cette donnée, parce que la composition des gaz dans le magma juvénile est relativement constant.
    Le mécanisme proposé ici est la rétention et l’accumulation progressive en profondeur d’une phase gazeuse (vu la température et la pression plutôt supercritique, en réalité) libre qui formerait une sorte de mousse qui se ferait piéger dans les sinuosités qu conduit. Cette étape correspondrait à la montée progressive du niveau de la lave. La composition de ce gaz différe de la composition totale des gaz ´du magma et dépend de la profondeur à laquelle se fait l’accumulation et de la solubilité (encore assez peu connue quantitativement) des differnts gaz dans le magma néphélinitique du Nyiragongo. Et quand cette mousse atteint un volume critique, elle se libère de son « piège » remonte dans le conduit du fait de sa faible densité, et, quand elle arrive proche de la surface, dégaze en quelques dizaine de minutes (phase de fontaines intenses et de baisse de niveau). Je n’ai malheureusement pas connu Harount Tazieff, mais je pense que si il avait eu les mêmes données (notemment celles cruciale du changement de composition des gaz), il aurait proposé un tel mécanisme.
    Pierre Chabat au dela du fait que vous mélangez des choses qui n’ont rien à voir (dynamique des lacs de lave, bradyseismes et éruptions limniques), je reconnais bien chez vous ce sentiment de déclinisme (ah c’etait mieux avant, la France n’est plus ce qu’elle était, etc…) typiquement franco-francais qui fait fuir beaucoup de jeunes chercheurs hors de France… Au passage la rechercehe francaise en volcanologie a un bon niveau.
    Amitiés
    Robin

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