L’activité du Merapi signalée ces derniers jours remet à l’ordre du jour la politique de gestion des risques en Indonésie. L’évacuation des millions d’Indonésiens qui vivent près des nombreux volcans actifs du pays est un véritable défi quand se produit une éruption à grande échelle. Le Merapi, le Sinabung ou le Kelut sont de bons exemples de ce problème. Il est souvent très difficile de dissuader les paysans de quitter leurs fermes car ils se réfèrent à des systèmes d’alerte ou des croyances qui sont incompatibles avec les données scientifiques.
Les villageois ont leurs propres systèmes d’alerte qui s’appuient sur la tradition et les indices naturels et ils ne font guère confiance aux données scientifiques. Beaucoup d’habitants près du Merapi sont persuadés que des entités surnaturelles – ou «créatures» – vivent au sommet du volcan et contrôlent son comportement. D’autres pratiquent des rituels tels que l’enfouissement d’une tête de buffle près du sommet. Quand les gens meurent, il se dit souvent que ce sont les «créatures» qui les ont emportés, ou qu’ils sont morts parce qu’ils n’ont pas suivi les règles ou les tabous nécessaires pour rendre les « créatures » heureuses.
Les signes éruptifs pris en compte localement comprennent « les panaches de fumée » qui s’échappent du cratère sommital, les petits tremblements de terre, la fuite des singes qui dévalent les collines, ainsi que les orages causés par l’émission de cendre dans l’atmosphère. Les volcanologues disent que ces signes ne représentent qu’une partie de ceux que les gens devraient prendre au sérieux pour leur sécurité. En 2006, bien que les autorités aient demandé aux habitants du village de Nargomulyio, situé à moins de 5 km de Merapi, de partir parce que le volcan avait atteint le niveau d’alerte 5, ils ont refusé, invoquant l’absence de signaux qui leur étaient familiers.
Le bétail constitue un autre obstacle à l’évacuation. Il est, pour de nombreux agriculteurs, la seule richesse à côté de leur terre et de leur maison. La vache représente souvent tout leur compte en banque ; la mort de cette vache signifierait la perte de tout leur revenu. Alors que les villageois savent avec une totale certitude que, s’ils évacuent, leur terre ne sera pas cultivée et leur vache ne sera pas nourrie, la date et l’importance de l’éruption restent une incertitude, de sorte que les gens sont souvent prêts à prendre ce risque.
Lors de la dernière éruption du Merapi en 2010, les villageois, après avoir quitté leurs fermes, sont souvent revenus furtivement visiter leurs exploitations tandis que l’éruption continuait, pour nourrir les vaches tout en mettant leur vie en danger.
Depuis 2010, afin de répondre à ce dilemme, le gouvernement a intégré l’évacuation du bétail dans les plans d’urgence de plusieurs districts. Les vaches sont transportées par camion en même temps que les gens. Cependant, le défi est de trouver un centre d’évacuation approprié pour le bétail avec des abris disposant de nourriture et d’eau, et que les familles puissent contrôler en toute sécurité, sans risquer leur vie.
Un autre obstacle à l’évacuation est le pouvoir des chefs locaux, comme le « gardien» du volcan. En 2010, certaines communautés autour du Merapi faisaient totalement confiance à Mbah Maridjan qui a refusé de partir après le début de l’éruption, disant qu’il préférait « mourir sur le volcan », et il a incité des dizaines d’autres personnes à faire de même. Mbah Maridjan est mort mais, heureusement, il avait conseillé aux villageois d’obéir aux ordres d’évacuation des autorités, de sorte que le nombre de décès fut moins élevé.
Le gouvernement tente de lutter contre cette influence des chefs locaux en créant des « héros du volcan », des leaders dont la position sociale peut influencer le comportement de la communauté. Bas Surono, responsable du centre de gestion des catastrophes, est devenu l’un de ces héros influents. Il diffuse des informations à la télévision et à la radio et atteint ainsi environ 70 millions de téléspectateurs et d’internautes en Indonésie. Il semble que Surono fasse un bon travail et qu’il ait acquis une certaine influence au sein de la population.
Source : IRIN (Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires)
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The eruptive activity of Mount Merapi during the past days sheds light on the importance of risk management in Indonesia. Evacuating the millions of Indonesians who live near the country’s 130 active volcanoes is a real challenge when a large-scale eruption occurs. Merapi, Sinabung or Kelut are good examples of this difficulty. It is often very hard to deter the villagers from evacuating their farms.
Communities have their own early warning systems based on tradition and natural signs, and they are reluctant to believe scientific monitoring. Many villagers near Merapi believe supernatural entities – or “creatures” – live at the summit of the volcano and control its behaviour. Other residents conduct rituals such as burying a severed buffalo head near the summit. When people die, it is often said that the “creatures” took them, or that it was because they didn’t follow the rules or taboos required to make the “creatures” happy.
As far as the indigenous warning signs are concerned, they include: “Smoke plumes” from the summit crater, small earthquakes, the descent of monkeys from the hills, and lightning storms caused by the emission of ash into the atmosphere. Experts say these represent only some of the signals people need to take seriously in order to stay safe. In 2006, although government officials had warned residents of Nargomulyio village, less than 5 km from Merapi, to evacuate because the volcano had reached the Level 5 alert, they refused to leave, citing the lack of signals they were familiar with.
Another obstacle to the evacuations lies with the livestock which is for many farmers their sole asset with their land and home. The cow is often their entire bank account; if that cow starves to death their entire income is lost. While villagers know with 100 percent certainty that if they evacuate, their land will not be farmed and the cow will not be fed, when and to what extent the volcano will erupt is uncertain, so people are often willing to take that risk.
During the last eruption of Mount Merapi in 2010, farmers, after evacuating, often sneaked back to their farms while the eruption continued, to feed cows, putting their lives at risk.
Since 2010, in order to address this dilemma, the government has incorporated the evacuation of livestock into the contingency plans of several districts. Cows are transported by truck at the same time as people. However, the challenge is finding a suitable evacuation centre for the livestock with shelters that have food and water, and that families can safely check on them without risking their lives.
Another obstacle to the evacuation is the power of local community leaders such as the « gatekeeper” of the volcano. In 2010, some communities around Mount Merapi had strong faith in Mbah Maridjan who refused to evacuate after the eruption, saying he preferred to “die on the volcano”, and influenced dozens of others to do the same. Mbah Maridjan died but fortunately he had advised the villagers to obey the authorities’ orders to evacuate so that the number of deaths was less high.
The government is trying to combat this influence of local community leaders by creating “volcano heroes” – leaders whose social position can influence community behaviour. Bas Surono, Head of the Volcanology and Geological Disaster Mitigation Centre is becoming one such influential hero. He spreads information on TV and radio, and the reach is good, with roughly 70 million TV and Internet users in Indonesia. It looks as if Surono is doing well and that he has become fairly influential among the population.
Source: IRIN (UN Office for the Coordination of Humanitarian Affairs).
Photo: C. Grandpey