Les coulées de lave de Lanzarote (Iles Canaries) // Lanzarote lava flows (Canary Islands)

À l’extrémité nord-est des îles Canaries, Lanzarote est une destination touristique populaire. L’île contient la plus grande concentration de volcanisme juvénile des Canaries. On peut admirer des cônes de scories datant du Pléistocène et de l’Holocène ou encore des coulées de lave émises par des fractures orientées NE-SO dans toute l’île et sur la petite île de La Graciosa au nord.
La plus grande éruption historique des îles Canaries a eu lieu entre 1730 et 1736, lorsque des éruptions le long d’une fracture ont formé les Montañas del Fuego et émis de volumineuses coulées de lave couvrant environ 200 km2. Les coulées ont atteint la côte ouest avec un front de 20 km de large. Les villages de Maretas et Santa Catalina ont été détruits, ainsi que les vallées et les domaines les plus fertiles de l’île.
Une éruption en 1824 a produit une coulée de lave beaucoup plus petite qui a atteint la côte sud-ouest.
Une équipe internationale de chercheurs a utilisé des données satellitaires pour mesurer la vitesse à laquelle certaines parties des champs de lave de Lanzarote se tassent près de trois siècles après l’éruption de 1730-1736 qui a reçu un VEI 3. Leurs résultats montrent que lorsque plusieurs coulées de lave superposées deviennent très épaisses (à Lanzarote elles sont estimés à plus de 100 mètres d’épaisseur), elles sont susceptibles de continuer à se déformer des siècles plus tard.

À l’aide d’interférogrammes fournis par les satellites Sentinel-1 et ENVISAT, les chercheurs ont détecté un tassement des coulées sur plusieurs décennies. Ce tassement pouvait aller jusqu’à 6 mm par an sur une zone d’environ 20 km2 dans la partie centrale et occidentale de Timanfaya, sur des coulées mises en place il y a près de 300 ans. Le tassement le plus significatif correspond au refroidissement de coulées de lave de 100 à 150 mètres d’épaisseur.
L’éruption de 1730 à 1736 à Lanzarote a été l’une des plus importantes des îles Canaries. Si l’on prend en compte le volume de lave émis, il s’agit de la troisième plus grande éruption fissurale basaltique subaérienne identifiée au cours des 1 100 dernières années.
Dans leur rapport sur les coulées de lave de Lanzarote, les chercheurs écrivent que « les séries chronologiques établies à l’aide d’interférogrammes à intervalles courts du satellite Sentinel-1 ont montré par le passé des erreurs systématiques. En réalisant des interférogrammes de plus longue période, ces erreurs peuvent être atténuées. Nos observations sont cohérentes avec le refroidissement de laves d’une centaine de mètres d’épaisseur, donc deux fois plus épaisses que les estimations précédentes, ce qui montre que le volume global de lave émis par l’éruption de 1730-1736 a probablement été sous-estimé. Cela indique également que ces coulées épaisses qui se sont superposées peuvent continuer à se déformer de manière significative même trois siècles après leur mise en place. »
Les auteurs de l’étude rappellent que la dernière éruption des îles Canaries, celle de la Cumbre Vieja à La Palma a émis beaucoup moins de lave que l’éruption de Lanzarote, même si les dégâts ont été plus importants car elle a dévasté une zone densément peuplée. L’éruption a laissé des champs de lave d’une épaisseur allant jusqu’à 60 mètres.
Source : Source : Nearly three centuries of Lava Flow Subsidence at Timanfaya, Lanzarote – AGU Geochemistry, Geophysics, Geosystems – October 8, 2022 – https://doi.org/10.1029/2022GC010576.

Ces informations ont été obtenues par l’intermédiaire de l’excellent site web The Watchers.

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At the NE end of the Canary Islands, Lanzarote is a popular tourist destination. It contains the largest concentration of youthful volcanism in the Canaries. Pleistocene-and-Holocene cinder cones and lava flows erupted along NE-SW fissures can be seen throughout the island and on the small island of La Graciosa to the north.

The largest historical eruption of the Canary Islands took place during 1730-1736, when eruptions from a fissure formed the Montañas del Fuego and produced voluminous lava flows that covered about 200 km2. The lava flows reached the western coast along a 20-km-wide front. The villages of Maretas and Santa Catalina were destroyed, along with the most fertile valleys and estates on the island.

An eruption in 1824 produced a much smaller lava flow that reached the SW coast.

An international group of researchers has used radar satellites to measure how fast parts of the lava fields in Lanzarote are sinking nearly three centuries after the 1730-1736 eruption which was given a VEI 3. Their results show that when multiple stacked lava flows get very thick (here they are estimated at over 100 meters in thickness), they are still able to continue deforming centuries later. Using Sentinel-1 and ENVISAT interferograms, the researchers detected multi-decade subsidence of up to 6 mm per year associated with an area of about 20 km2 within the central and western portion of the Timanfaya lava flows emplaced almost 300 years ago. Peak subsidence is consistent with the cooling of 100 – 150 meter thick lava flows.

The 1730 – 1736 eruption on Lanzarote was one of the most significant volcanic eruptions to occur on the Canary Islands, with lava covering over 200 km2.. It is volumetrically the third largest known subaerial basaltic fissure eruption in the past 1 100 years.

In their report about Lanzarote lava flows, the researchers write that “time series constructed using Sentinel-1 short interval interferograms have previously been shown to suffer systematic biases. By making longer period interferograms, these biases can be mitigated. Our observations are consistent with the cooling of lavas on the order of one hundred meters, twice as thick as previous estimates, which suggests overall lava volume for this eruption may have been underestimated. This is also evidence that these cumulative thick flows can continue to deform significantly even three centuries after emplacement.”

As the authors themselves recall, the last eruption in the Canary Islands, that of Cumbre Vieja, of much lesser importance (although with greater damage, because it devastated a densely populated area) left lava fields with thicknesses of up to 60 meters.

Source : Nearly three centuries of Lava Flow Subsidence at Timanfaya, Lanzarote – AGU Geochemistry, Geophysics, Geosystems – October 8, 2022 – https://doi.org/10.1029/2022GC010576.

This information was obtained through the excellent website The Watchers

Photos: C. Grandpey

Cuisine volcanique

En ce jour de réveillon, voici quelques recettes volcaniques, à condition – bien sûr – de se trouver dans le lieu qui convient!

Au Japon, il est de tradition à Owakudani – un site qui possède des sources chaudes à proximité du Mont Hakone – de tremper des œufs dans l’eau chargée en soufre. Ce dernier réagit avec le calcaire des coquilles qui deviennent noires. Le blanc et le jaune prennent également une légère saveur soufrée. L’endroit attire des foules de touristes comme on peut le voir sur cette vidéo :
http://atimes.com/2015/12/volcano-boiled-black-egg-a-japanese-delicacy/

Le Japon n’est pas le seul endroit au monde où l’on utilise la chaleur des volcans pour faire la cuisine. L’Islande est connue pour son pain de seigle volcanique :
https://youtu.be/jXQjz8m8FtM

A Lanzarote, dans le Parc de Timanfaya, on fait cuire les cuisses de poulets et les pommes de terre au dessus d’un four naturel dont la température atteint 250°C :
https://www.youtube.com/watch?v=O37hIwcAMVs

Dans mon ouvrage Volcanecdotes, aujourd’hui épuisé, j’explique comment on peut faire réchauffer la pizza sur les pentes de l’Etna :
« Choisir un endroit où le rougeoiement est encore visible entre deux plaques de basalte. Poser délicatement la pizza au-dessus de l’interstice, encore enveloppée dans son papier. Très vite, la chaleur de la lave pénètre la pâte et la dégustation se fait quelques dizaines de secondes plus tard, lorsque l’emballage commence à se consumer. Veiller, bien sûr, à retirer l’ensemble avant que le papier prenne carrément feu !
Si la lave très chaude fait défaut, on pourra utiliser un évent fumerollien. Il suffit alors de déposer la pizza dans l’ouverture et d’attendre quelques minutes pour obtenir la température désirée. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le soufre ne vient pas altérer la saveur de la tomate, du jambon, des champignons et des olives ».

… et comment on peut déguster de succulentes grillades sur les coulées de lave du Kilauea à Hawaii :
« Les plus audacieux n’hésitent pas à faire provision de viande avant d’entamer l’approche du volcan. Cette coutume est relativement répandue à Hawaii où la chaleur intense des coulées permet d’obtenir de succulentes grillades. Evidemment, il est fortement déconseillé de déposer le steak ou l’entrecôte directement sur la lave. On aura acheté au préalable une feuille d’aluminium qui ne pèse que quelques dizaines de grammes. On y dépose les tranches de viande, non sans les avoir saupoudrées d’herbes, de poivre ou autres ingrédients, suivant les goûts. L’idéal est de déverser quelques gouttes d’huile sur la feuille d’aluminium pour permettre une cuisson moins ‘sèche’, mais cette précaution n’est pas vraiment indispensable. Une fois accomplis ces préliminaires, on installe la feuille d’aluminium sur une langue de lave très chaude, la plus horizontale possible, de préférence une coulée qui vient de s’immobiliser. On aura auparavant enfilé des gants thermiques afin de ne pas se brûler, car la chaleur de la lave est encore très forte. L’important est de décider du moment où l’on mettra un terme à la cuisson. Cette dernière est extrêmement rapide car la température approche les mille degrés. Il suffit en général de retourner chaque tranche une ou deux fois pour obtenir le résultat désiré. Si, en dépit du poids supplémentaire, on a pris soin d’acheter une bouteille de vin pour arroser le festin, le moment devient tout simplement somptueux ! »

Coulee-Hawaii-blog

Les coulées de lave du Kilauea: idéales pour les steaks grillés!

(Photo: C. Grandpey)

Les tunnels de lave de Lanzarote

En milieu volcanique de point chaud où les laves basaltiques sont particulièrement fluides, il n’est pas rare d’observer et même de pouvoir visiter des tunnels de lave.

A Hawaii par exemple, le Thurston LavaTube a été aménagé pour permettre aux touristes de découvrir ce lieu très particulier. Les visiteurs les plus audacieux peuvent s’aventurer dans le tunnel de Kazumura dont les 65 kilomètres en font le plus long du monde. L’intérieur est particulièrement impressionnant. Claustrophobes s’abstenir !

Les Iles Canaries recèlent elles aussi leur lot de tunnels de lave. Je me suis attardé dans certains d’entre eux lors de mon dernier voyage à Lanzarote et j’ai pu observer trois types de présentation.

A l’intérieur du Parc National de Timanfaya, mon guide m’a fait pénétrer à l’intérieur de deux tubes de lave encore intacts, certes pas très longs, mais où l’on observe parfaitement les banquettes qui montrent les différents niveaux de la lave. Les stalactites de refusion sont de bonnes indicatrices de la chaleur présente en ces lieux au moment de l’éruption. Dans plusieurs secteurs du Parc, les bombements prolongés du sol trahissent la circulation souterraine de la lave il y a deux ou trois siècles. A noter que les anciens habitants utilisaient ces tunnels pour se mettre à l’abri des pirates.

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Afin que les visiteurs de Lanzarote puissent observer ces tunnels, celui de La Cueva de Los Verdes a été aménagé et éclairé, ce qui permet d’entrevoir plusieurs galeries superposées. .

Ce tunnel s’est formé lors de l’éruption du volcan de La Corona il y a environ 3000 ans. Il est dommage que les guides qui le font visiter soient peu bavards et ne possèdent que des connaissances rudimentaires en géologie et volcanologie !

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Toujours dans ce tunnel, on peut visiter les Jameos del Agua, grotte mise en valeur par César Manrique. Un lac naturel y abrite un crustacé albinos unique au monde. Le soleil qui pénètre dans l’eau bleue donne naissance à de superbes effets de lumière. Le tunnel a également été aménagé en un auditorium naturel à l’acoustique extraordinaire.

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En sortant du tunnel, je recommande une halte à la Casa de los Volcanes. Il s’agit d’un centre de recherche et de vulgarisation de la volcanologie des Iles Canaries et d’autres régions de la planète. On peut en outre y contempler des instruments mesurant la température et les mouvements de la Terre.

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 (Photos:  C.  Grandpey)

Un petit tour à Lanzarote (Iles Canaries / Espagne)

Avant que la chaleur envahisse l’archipel, j’ai fait une nouvelle escapade vers les Iles Canaries en cette fin de mois de mai. Après Tenerife l’an dernier, c’est Lanzarote qui était dans mon collimateur cette année. J’avais envie de voir les vestiges des deux éruptions qui ont secoué l’île en 1730 et en 1824.

Les visiteurs qui aiment les volcans ne sont pas déçus à Lanzarote car on voyage en permanence au milieu de cônes stromboliens – égueulés pour la plupart – et de coulées de lave dont beaucoup n’ont pas encore été colonisées par les lichens et la végétation. On a vraiment l’impression que la lave – très riche en olivine – a été vomie il y a seulement quelques années.

Le Parc National de Timanfaya est bien sûr le clou du spectacle. Pour en profiter, il faut se plier à de sévères restrictions d’accès que je trouve parfois exagérées. Pour ne citer que l’une d’entre elles, il est interdit de quitter sa voiture lorsque l’on parcourt les routes qui traversent le Parc. Pourquoi ne pas avoir aménagé quelques aires de stationnement aux endroits les plus photogéniques ? Le parcours effectué en car est fort intéressant. Je recommande de le faire deux fois : un premier trajet assis à gauche et un autre assis à droite du car, afin de profiter de l’ensemble des paysages. Le point de ralliement est le rendez-vous de nombreux cars et voitures avec leurs déversements de touristes. C’est là aussi que l’on aura une démonstration de jets de vapeur et d’enflammement d’herbes sèches, histoire de démontrer que la chaleur résiduelle du magma est toujours présente à Lanzarote. Mon thermomètre montrait une température d’environ 600°C là où la chaleur est suffisante pour faire brûler des herbes sèches. Elle avoisinait 250°C dans les orifices utilisés par le restaurant panoramique pour faire cuire les cuisses de poulets et les pommes de terre.

En dehors du circuit touristique, il faut noter la Ruta de Termesana, petit circuit à pied à l’intérieur du Parc sous la houlette d’un guide. Il est nécessaire de réserver un mois à l’avance (groupe de 8 personnes maxi chaque vendredi matin. Connaissance de l’espagnol ou de l’anglais obligatoire).

Pour ceux qui, comme moi, fuient les zones hyper touristiques, des balades sont possibles dans le Parque Natural de Los Volcanes (à ne pas confondre avec Timanfaya), sans oublier les routes et chemins côtiers qui offrent de superbes opportunités géologiques.

Voici quelques images de ce périple pendant lequel je me suis vraiment régalé.

Le Parc National de Timanfaya…

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De superbes couleurs…

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Une profusion de cratères…

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Des fractures éruptives…

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Des coulées de lave impressionnantes.

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Une lave riche en olivine

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L’îlot de La Graciosa est lui aussi volcanique

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(Photos: C.  Grandpey)