Le 12 octobre 2012, j’ai publié une note sur ce blog à propos d’un projet de développement de l’énergie géothermique dans la région du volcan Newberry (Oregon). Ce projet avait suscité de nombreuses protestations dans cette région potentiellement volcanique et sismiquement active, ce qui présentait des risques évidents.
Aujourd’hui, en 2025, nous apprenons que des ingénieurs construisent la centrale géothermique la plus chaude au monde. Elle exploitera l’énergie de ce qui est, selon l’USGS, « l’un des volcans actifs les plus dangereux des États-Unis ».

Vue du site exploité par Mazama Energy sur le Newberry
La société Mazama Energy a déjà atteint des températures de 331 °C, ce qui en fait l’un des sites géothermiques les plus chauds au monde. Elle commencera à vendre de l’électricité aux foyers et aux entreprises des environs dès 2026.
Mazama Energy souhaite maintenant atteindre une température de 389 °C et devenir la première à produire de l’électricité à partir de « roche surchauffée ». Certains affirment que l’on est à l’aube d’une nouvelle ère pour l’énergie géothermique. Aujourd’hui, la géothermie produit moins de 1 % de l’électricité dans le monde. Toutefois, l’exploitation de la chaleur extrême des roches, combinée à d’autres avancées technologiques, pourrait porter cette part à 8 % d’ici 2050 ; c’est ce que prétend l’Agence internationale de l’énergie (AIE). L’AIE explique qu’ en utilisant des températures extrêmement élevées la géothermie pourrait théoriquement produire 150 fois plus d’électricité que la consommation mondiale.
Le projet entrepris sur le volcan Newberry combine deux grandes tendances susceptibles de rendre l’énergie géothermique moins chère et plus accessible. Mazama Energy achemine sa propre eau jusqu’au volcan, grâce à une méthode baptisée « géothermie améliorée ». Au cours des dernières décennies, des projets pionniers ont commencé à produire de l’énergie à partir de roches chaudes et sèches en fracturant la pierre et en y injectant de l’eau pour produire de la vapeur, en s’inspirant des techniques de fracturation hydraulique développées par l’industrie pétrolière et gazière. Des projets pilotes ont été mis en place au Nevada et en Utah, et des chercheurs internationaux ont démontré l’efficacité de cette technologie en France, en Allemagne, en Suisse et au Japon. Injecter de l’eau dans des fractures rocheuses comporte des risques sismiques, tout comme l’injection d’eaux usées issues de la fracturation hydraulique. Une expérience de ‘géothermie améliorée’ en Suisse a été interrompue après avoir déclenché un séisme de magnitude 3,4 en 2006. Les capteurs du site de Newberry ont enregistré cinq secousses sismiques au cours des six derniers mois ; la plus importante a atteint une magnitude de 2,5 le 24 juillet 2025. Les scientifiques affirment que les séismes constitueront toujours un risque, mais qu’il peut être géré grâce à une surveillance et une ingénierie efficaces.
Le Département de l’Énergie indique que les risques de pollution de l’eau sont faibles car les centrales géothermiques recyclent l’eau dans des puits étanches, et cette eau passe par des réservoirs beaucoup plus profonds que la plupart des nappes phréatiques.
Le projet de Newberry exploite également une roche plus chaude que tous les projets précédents. Cependant, même les 331 degrés de Newberry restent inférieurs au seuil de surchauffe de 373 degrés ou plus. À cette température, et sous une pression très élevée, l’eau devient « supercritique » et se comporte comme un fluide à mi-chemin entre un liquide et un gaz. L’eau supercritique emmagasine une grande quantité de chaleur comme un liquide, tout en s’écoulant avec la fluidité d’un gaz.
Un puits géothermique à très haute température peut produire cinq à dix fois plus d’énergie qu’un puits à température classique, qui avoisine les 204 °C. De ce fait, les exploitants géothermiques n’ont plus besoin de forer autant de puits coûteux, ce qui permet de réduire les coûts.
À terme, l’énergie géothermique issue de roches à très haute température pourrait être aussi économique que le gaz naturel ou l’énergie solaire, sans la pollution des énergies fossiles ni la variabilité des énergies renouvelables.
Mazama Energy prévoit de forer de nouveaux puits l’an prochain afin d’atteindre des températures supérieures à 398 °C. À proximité d’un volcan actif, elle espère atteindre cette température à moins de 5 kilomètres de profondeur. Ailleurs, les exploitants géothermiques doivent souvent creuser jusqu’à 20 kilomètres.
Forer dans une roche à 398 °C représente un défi de taille. Les centrales géothermiques conventionnelles utilisent des équipements prévus pour l’industrie pétrolière et gazière, mais dans une roche surchauffée, les foreuses classiques deviennent inutilisables car leurs composants électroniques sont défaillants. Les ingénieurs de Mazama Energy ont refroidi leurs installations de forage en injectant un flux constant de dioxyde de carbone liquide. Cela leur a permis de forer à 3,2 km de profondeur sur le flanc du volcan et d’atteindre une roche à 331 °C en début d’année.
D’autres puits expérimentaux ont atteint des températures encore plus élevées, mais aucun n’a résisté longtemps. Des expériences de forage en Islande et à Hawaï ont été interrompues après avoir rencontré du magma de manière inattendue, ce qui a endommagé les trépans. Des puits forés au Japon et en Italie ont atteint des roches à plus de 482 °C, approchant la zone de la croûte terrestre où la roche rigide commence à se comporter comme de la pâte à modeler. Cependant, ces forages ont été abandonnés suite à des problèmes rencontrés avec le matériel de forage et les tubages en ciment.
Pour l’instant, Mazama Energy affirme que son puits est stable. Cependant, les scientifiques prévoient que les difficultés s’accumuleront à mesure que l’entreprise forera dans des roches plus chaudes et exploitera ses puits pendant des années. Les tubages en ciment et en acier seront alors exposés à des variations extrêmes de température et de pression.
Cependant, les avantages potentiels de cette nouvelle géothermie sont bien supérieurs aux défis qu’elle suppose. Mazama Energy prévoit de produire 15 mégawatts d’électricité sur le flanc ouest du volcan Newberry en 2026, avec une augmentation progressive de la production jusqu’à 200 mégawatts, soit suffisamment d’énergie pour alimenter un grand centre de données ou une petite ville.
Source : Médias américains.

Big Obsidian Flow dans le parc du Newberry (Photo: C. Grandpey)
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On October 12, 2012 I released a post on this blog, about a geothermal energy development project in the Newberry volcano area (Oregon). Such a project had triggered numerous protests because the region is potentially volcanically and seismically active, and the project therefore presented obvious risks.
Today in 2025, we learn that engineers are building in the region the hottest geothermal power plant on Earth. The plant will tap into the energy of what is, according to the USGS, “one of the largest and most hazardous active volcanoes in the United States.”.
Newberry
Vue du site exploité par Mazama Energy sur le Newberry (Source : Mazama Energy)
The structure has already reached temperatures of 331 degrees Celsius, making it one of the hottest geothermal sites in the world, and next year it will start selling electricity to nearby homes and businesses.
But the start-up behind the project, Mazama Energy, wants to reach a temperature of 389°C and become the first to make electricity from “superhot rock.”
Enthusiasts say that could usher in a new era of geothermal power. Today, geothermal produces less than 1 percent of the world’s electricity. But tapping into superhot rock, along with other technological advances, could boost that share to 8 percent by 2050, according to the International Energy Agency (IEA) which explains that geothermal using superhot temperatures could theoretically generate 150 times more electricity than the world uses..
The Newberry Volcano project combines two big trends that could make geothermal energy cheaper and more widely available. First, Mazama Energy is bringing its own water to the volcano, using a method called “enhanced geothermal energy.” Over the past few decades, pioneering projects have started to make energy from hot dry rocks by cracking the stone and pumping in water to make steam, borrowing fracking techniques developed by the oil and gas industry. Pilot projects have been developed in Nevada and Utah, and international researchers have demonstrated the technology in France, Germany, Switzerland and Japan.
Pumping water into rock fractures risks causing earthquakes, much like injecting wastewater from fracking. A Swiss enhanced geothermal experiment was shut down after setting off an M 3.4 quake in 2006. Sensors at the Newberry site recorded five tremors in the past six months, with the biggest reaching M2.5 on July 24, 2025.
Scientists say earthquakes will always be a risk, but it can be managed with good monitoring and engineering. The Energy Department says water pollution risks are low because geothermal plants recirculate the same water in sealed wells, passing through reservoirs much deeper than most groundwater.
The Newberry project also taps into hotter rock than any previous enhanced geothermal project. But even Newberry’s 331 degrees fall short of the superhot threshold of 373 degrees or above. At that temperature, and under a lot of pressure, water becomes “supercritical” and starts acting like something between a liquid and a gas. Supercritical water holds lots of heat like a liquid, but it flows with the ease of a gas, combining the best of both worlds for generating electricity.
A superhot geothermal well can produce five to 10 times more energy than a well at typical temperatures, which hover around 204°C. That means geothermal operators don’t have to drill as many multimillion-dollar holes in the ground, bringing down costs.
Eventually, superhot rock geothermal energy could be about as cheap as natural gas or solar — without the pollution of fossil fuels or the variability of renewables.
The Mazama company will dig new wells to reach temperatures above 398°C next year. Alongside an active volcano, the company expects to hit that temperature less than 5 kilometers beneath the surface. But elsewhere, geothermal developers might have to dig as deep as 20 kilometers.
Drilling into 398°C rock presents some devilish challenges. Conventional geothermal plants can use gear developed by the oil and gas industry, which can stand up to lower temperatures. But in superhot rock, standard drills die as their electronic components fail. Mazama engineers cooled their drilling rigs by pumping in a constant stream of liquid carbon dioxide. That allowed them to burrow3.2 km into the flank of the volcano to find 331 degrees rock earlier this year.
Other experimental wells have hit even higher temperatures, but none has survived for long. Drilling experiments in Iceland and Hawaii were called off after they unexpectedly hit magma, which broke their drill bits. Wells in Japan and Italy reached rock hotter than 482°C approaching the region of Earth’s crust where rigid rock starts behaving more like putty, but were abandoned after facing problems with their drilling equipment and cement casings.
So far, Mazama says its well has remained stable. But experts say challenges will pile up as the company drills into hotter rock and operates its wells for years on end, exposing the cement and steel casings to punishing up-and-down cycles of temperature and pressure.
However, the potential rewards loom larger than the challenges. Mazama plans to generate 15 megawatts of electricity on the western flank of Newberry Volcano in 2026, eventually ramping up to 200 megawatts, enough to power a big data center or a small city.
Source : US news media.






