Champs Phlégréens : Pour enfoncer le clou…

Afin de rassurer ceux qui s’affolent à l’idée que la zone des Champs Phlégréens pourrait être prochainement ravagée par une éruption volcanique, voici les dernières informations publiées le 7 octobre 2025 par l’INGV. Elles couvrent la période du 29 septembre au 5 octobre 2025. Elles ne diffèrent guère des bulletins précédents à l’issue desquels l’Institut explique que « sur la base des observations actuelles de l’activité volcanique, aucun signe n’indique un développement significatif à court terme. » Nos connaissances volcanologiques actuelles ne permettent pas, bien sûr, de faire des prévisions sur le long terme.

Au moment (le 9 octobre 2025) où j’écris ces lignes, la situation dans la région de Pouzzoles, en particulier autour de la Solfatara et de la fumerolle de Pisciarelli, ne montre rien d’inquiétant.

La Solfatara en septembre 2025

Comme je l’ai précisé à plusieurs reprises, se contenter d’un seul paramètre (sismicité ou température dans un endroit ponctuel) pour évaluer la situation ne suffit pas. C’est l’ensemble des données fournies par l’INGV qui permet d’obtenir une image fiable de ce qui se passe dans les Champs Phlégréens. Le dernier rapport de l’INGV est divisé en plusieurs chapitres :

Sismicité :

Entre le 29 septembre et le 5 octobre 2025, on a enregistré 125 événements d’une magnitude maximale de M 3,3. 65 d’entre eux ont fait partie de deux essaims distincts le 2 octobre dans la zone Pozzuoli-Solfatara-Pisciarelli et le 4 octobre dans la Solfatara.

Comme par le passé, de nouveaux séismes pouvant atteindre la magnitude M4,0, voire plus, liés à l’activité bradysismique, se produiront probablement de nouveau à Pouzzoles, mais il faudra que d’autres paramètres montrent des changements significatifs avant de s’affoler et de prendre des mesures de grande ampleur visant à protéger la population.

Temple dit de Serapis à Pouzzoles dont les colonnes portent les traces de l’activité bradysismique (Photo : C. Grandpey)

Déformation du sol :

Dans les semaines qui ont suivi l’essaim sismique de février 2025, on a assisté à une accélération du soulèvement du sol, avec une moyenne mensuelle d’environ 30 ± 5 mm/mois. Depuis début avril 2025, le soulèvement du sol a montré une valeur moyenne mensuelle d’environ 15 ± 3 mm. Le soulèvement total enregistré à la station GNSS de Rione Terra est d’environ 34 cm depuis janvier 2024.

Déformation du sol vue par la station GNSS de Rione Terra (Source : INGV) entre le 1er janvier 2024 et le 5 octobre 2025

Géochimie :

La situation est stable et confirme la tendance de réchauffement et de pressurisation du système hydrothermal, ainsi que l’augmentation du flux de fluides émis.

Dans la zone de la fumerolle de Pisciarelli (versant externe nord-est de la Solfatare), les valeurs du flux de CO2 du sol ne montrent aucune variation significative par rapport aux périodes précédentes.
La température au niveau de la fumerolle affiche une valeur moyenne d’environ 94 °C.

Photo: C. Grandpey

Il existe une cheminée artificielle dans une cour privée à proximité de la fumerolle. La vapeur qui s’en échappe montrait une quarantaine de degrés à mon thermomètre le 15 septembre dernier.

Dans la zone du cratère de la Solfatare, la température de la fumerolle principale (Bocca Grande) confirme une tendance à la hausse, avec environ 166 °C. À noter que j’avais relevé une température d’environ 140°C à cette bouche dans les années 1990.

 Évolution de la température à la Bocca Grande de la Solfatara (Source : INGV)

S’agissant de la température, certaines personnes se sont inquiétées car l’asphalte avait tendance à chauffer et à fondre ces derniers temps sur la Via Antiniana qui passe à proximité de la Solfatara et du Monte Gauro.

 Source: réseaux sociaux

Un tel phénomène n’est pas exceptionnel en zone volcanique où circulent des fluides hydrothermaux à haute température, comme cela est précisé plus haut. Par exemple, la fonte du goudron a été observée sur certaines routes du Parc national de Yellowstone, même si le système volcanique est différent de celui des Campi Flegrei.

Source: National Park Service

En Campanie, il faudrait que plusieurs paramètres montrent ensemble des anomalies avant de s’inquiéter et de prendre des mesures. Je ne cesse de le répéter : le principal risque dans les Champs Phlégréens et dans la région de Naples dans son ensemble est la densité de la population. L’architecture des différentes localités rendrait une évacuation extrêmement problématique. Comme me l’expliquait il y a plusieurs années Franco Barberi, alors en charge de la Protection Civile italienne, « si j’évacue et qu’il ne se passe rien, je passe pour un imbécile ; si je n’évacue pas et qu’il y a une catastrophe, je vais en prison. »

Ça secoue toujours au Kamtchatka (Russie) // Kamchatka (Russia) is still shaking

Un puissant séisme de magnitude M6,1 selon l’USGS, a frappé la côte est du Kamtchatka le 3 octobre 2025. L’agence signale une profondeur de 17,4 km. L’épicentre était situé à 173 km au sud-est de Vilyuchinsk (25 204 habitants) et à 178 km au sud-sud-est de Petropavlovsk-Kamtchatski (181 216 habitants). Ce séisme n’a généré aucune menace de tsunami. Le risque de victimes et de dégâts était faible.
Ce séisme était une réplique de celui de magnitude M8,8 survenu le 29 juillet 2025, qui avait généré un tsunami dans tout le Pacifique et s’était classé au sixième rang des séismes les plus puissants jamais enregistrés par les instruments. Il a été causé par la rupture d’une grande partie de la zone de subduction des Kouriles et du Kamtchatka, avec un déplacement du sol dans le sud du Kamtchatka. Les données satellitaires et géodésiques indiquent que le sud du Kamtchatka s’est déplacé horizontalement jusqu’à 2 mètres lors de la rupture.
Depuis le séisme du 29 juillet, la région a subi de multiples répliques, dont un puissant événement de magnitude M7,8 le 18 septembre 2025, qui a de nouveau déclenché des alertes tsunami.
La fosse des Kouriles et du Kamtchatka est l’une des zones de subduction les plus actives au monde sur le plan sismique. Parmi les archives historiques, on relève le séisme de M9,0 et le tsunami de 1952, qui ont causé d’importants dégâts et des pertes humaines dans le Pacifique.
Suite à l’événement de magnitude M8,8 du 29 juillet 2025, des voix ont affirmé que cet événement avait déclenché une activité éruptive sur plusieurs volcans du Kamtchatka. Il a été dit que les volcans Shiveluch, Bezymianny, Karymsky et Avachinsky présentaient de nouveaux signes d’activité. Il convient toutefois de noter que la couleur de l’alerte aérienne était déjà Orange pour le Klyuchevskoy et le Sheveluch et Jaune pour le Bezymianny et le Karymsky avant que le séisme de magnitude M8,8 ne frappe la péninsule du Kamtchatka. En réalité, seul le volcan Krasheninnikov (situé à moins de 240 kilomètres de l’épicentre du séisme) est susceptible d’avoir été perturbé par le séisme. De la lave s’est écoulée pour la première fois depuis près de 600 ans. Les autorités locales ont indiqué que la dernière coulée de lave avait été enregistrée en 1463.

Aucune modification significative de l’activité éruptive n’a été observée suite aux différentes répliques.
Source : USGS, KVERT.

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Une éruption s’est produite sur le volcan Kronotsky le 4 octobre 2025, mettant fin à un siècle de sommeil. Il semble que cette éruption explosive soit d’origine phréatique, avec une colonne de cendres atteignant 9,2 km d’altitude. Elle ne semble pas liée à l’activité sismique récente dans la région. La couleur de l’alerte aérienne a été relevée au Rouge. .
Il s’agit de la première éruption du Kronotsky depuis exactement 102 ans. La précédente éruption remonte à février 1923, après une éruption mineure en novembre 1922. Les deux éruptions ont été caractérisées par des phases explosive et effusive.

Crédit photo: KVERT

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A strong earthquake registered by the USGS as M6.1 hit off the east coast of Kamchatka, Russia on October 3, 2025. The agency is reporting a depth of 17.4 km. The epicenter was located 173 km SE of Vilyuchinsk (population 25 204) and 178 km SSE of Petropavlovsk-Kamchatsky (population 181 216). There was no tsunami threat from this earthquake. There was also a low likelihood of casualties and damage.

This quake was another aftershock of the M8.8 event on July 29, 2025 which generated a Pacific-wide tsunami and ranked as the sixth strongest earthquake ever recorded instrumentally. The event ruptured a large portion of the Kuril–Kamchatka subduction zone, with ground displacement across southern Kamchatka. Satellite and geodetic data indicate that southern Kamchatka shifted horizontally by up to 2 meters during the rupture.

Since the July 29 quake, the region has experienced multiple strong aftershocks, including a powerful M7.8 earthquake on September 18, 2025, which again triggered tsunami warnings.

The Kuril–Kamchatka trench is one of the world’s most seismically active subduction zones. Historical records include the 1952 M9.0 Kamchatka earthquake and tsunami, which caused widespread damage and fatalities across the Pacific.

Following the M8.8 event on July 29, 2025, voices we heard sayng that the event triggered eruptive activity at several Kamchatka volcanoes They said Shiveluch, Bezymianny, Karymsky, Avachinsky showed reneewed signs of activity. However, it should be noted that the aviation colour code was already Orange for Klyuchevskoy and Sheveluch and Yellow for Bezymianny and Karymsky before the M8.8 earthquake struck off the Kamchatka Peninsula. Actually, Krasheninnikov (located less than 240 kilometers away from the epicenter of the earthquake) was the only volcano that may have been disturbed by the quake. Lava flowed for the first time in nearly 600 years. Local officials said the last lava flow was recorded in 1463.

No significant changes in eruptive activity were observed following the various aftershocks.

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An eruption occurred at Kronotsky volcano on October 4, 2025, ending a century of dormancy. It seems the explosive eruption had a phreatic origin with an ash column reaching 9.2 km above sea level. It does not seem to be linked to the recebt seismic activity in the region. The Aviation Color Code was raised to Red.

This marks the first confirmed eruption of Kronotsky in exactly 102 years. The previous eruptive activity occurred in February 1923, following a smaller event in November 1922. Both eruptions were characterized by explosive and effusive phases.

Source : USGS, KVERT.

La Montagne Pelée s’agite à la Martinique // Unrest at Mount Pelée (Martinique)

Avec 4 925 secousses enregistrées entre le 28 août et le 28 septembre 2025, la Montagne Pelée connaît une activité sismique hors norme.

Photo: C. Grandpey

Dans le détail, l’Observatoire indique qu’entre le 19 septembre 2025 et le 26 septembre 2025 on a enregistré 2203 séismes de type volcano-tectonique. La plupart de ces séismes, de faible énergie, ont été identifiés comme provenant de l’une des zones sismiquement actives bien connues à la Montagne Pelée, situées entre 1,0 et 1,4 km de profondeur sous le sommet du volcan. Cependant, 130 séismes de plus forte énergie ont été localisés plus profondément, entre 2,4 km et 4,3 km de profondeur sous le sommet du volcan.

L’Observatoire explique que la sismicité superficielle de type volcano-tectonique est associée à de la micro-fracturation dans l’édifice volcanique, en lien avec la réactivation globale du volcan observée depuis 2019.

On a aussi enregistré 57 séismes de type hybride superficiel, dont 13 localisés entre 1 km et 2 km de profondeur sous les dômes de la Montagne Pelée. Ces événements de type hybride sont associés à la circulation de fluides pressurisés dans l’édifice volcanique et participent à la micro-fracturation.

Enfin, 5 séismes longue-période (LP) superficiels, de faible énergie, ont été localisés dans la même zone que les séismes de type volcano-tectonique.

Aucun séisme n’a été ressenti par la population. Cependant, l’Observatoire précise que plusieurs séismes volcaniques ont une magnitude qui s’approche de celle de séismes susceptibles d’être ressentis par des randonneurs sur la Montagne Pelée.

Habituellement, la moyenne mensuelle de séismes ne dépasse pas la trentaine. La population de localités comme le Morne-Rouge n’est pas inquiète car les habitants ne ressentent pas les secousses dont une avait récemment une magnitude de M2 avec un hypocentre à 3 kilomètres de profondeur. Pour autant, il n’y pas d’alerte immédiate. Les séismes restent localisés à faible profondeur, entre 1 et 3 km. Les réservoirs magmatiques, eux, se situent à 6-9 km. Il n’y a donc actuellement aucun signe de remontée de magma.

On se trouve un peu dans la même situation que sur les Champs Phlégréens où un seul paramètre attire actuellement l’attention des scientifiques. Pour déclencher une alerte éruption, il faudrait que le gonflement de la montagne, l’apparition de fumerolles et l’évolution de la chimie des gaz se modifient, ce qui n’est pas le cas en ce moment.

Depuis 2020, la montagne Pelée est classée en vigilance Jaune éruption. Déjà en 2019 et 2020, des essaims sismiques avaient été observés (600 à 1 000 secousses par mois), mais le niveau actuel est sans précédent depuis plus d’une décennie. Une douzaine de sismomètres sont disséminés sur la Pelée, et une vingtaine sont répartis sur toute la Martinique. Ils permettent de mesurer en continu magnitudes et profondeurs des secousses.

L’Observatoire appelle la population à signaler tout séisme ressenti sur le site franceseisme.fr.

Source : Observatoire volcanologique et sismologique de la Martinique (OVSM).

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With 4,925 earthquakes recorded between August 28 and September 28 2025, Mount Pelée is experiencing exceptional seismic activity.
In detail, the Observatory indicates that between September 19, 2025, and September 26, 2025, 2,203 volcano-tectonic earthquakes were recorded. Most of these low-energy earthquakes were identified as originating from one of the well-known seismically active zones on Mount Pelée, located between 1.0 and 1.4 km deep below the volcano’s summit.
However, 130 higher-energy earthquakes were located deeper, between 2.4 km and 4.3 km deep below the volcano’s summit.

The Observatory explains that the shallow volcano-tectonic seismicity is associated with micro-fracturing in the volcanic edifice, linked to the overall reactivation of the volcano observed since 2019.

57 shallow hybrid earthquakes were also recorded, including 13 located between 1 km and 2 km deep beneath the domes of Mount Pelée. These hybrid events are associated with the circulation of pressurized fluids in the volcanic edifice and contribute to micro-fracturing.

Finally, five shallow, low-energy long-period (LP) earthquakes were located in the same area as the volcano-tectonic earthquakes.
No earthquakes were felt by the public. However, the Observatory specifies that several volcanic earthquakes had a magnitude approaching that of events likely to be felt by hikers on Mount Pelée.

Usually, the monthly average of earthquakes does not exceed 30 events. The population of minicipalities like Morne-Rouge is not worried because they do not feel the tremors, one of which recently had a magnitude of M2 with a hypocenter 3 kilometers deep. However, there is no immediate alert. The earthquakes remain localized at shallow depths, between 1 and 3 km. The magma reservoirs are located 6-9 km down. There is therefore currently no sign of magma ascent.
We are in a similar situation to the Phlegraean Fields, where a single parameter is worrying scientists. To trigger an eruption alert, the inflation of the mountain, the appearance of fumaroles, and the evolution of the gas chemistry would have to change, which is not currently the case.
Since 2020, Mount Pelée has been classified as Yellow Eruption Alert. Seismic swarms had already been observed in 2019 and 2020 (600 to 1,000 tremors per month), but the current level is unprecedented in over a decade. A dozen seismometers are scattered across La Pelée, and around twenty are spread throughout Martinique. They continuously measure the magnitude and depth of tremors.
The Observatory urges the public to report any earthquakes felt on the website franceseisme.fr.
Source: Martinique Volcanological and Seismological Observatory (OVSM).

Les causes de la crise sismique à Santorin (Grèce) // Causes of the seismic crisis in Santorini (Greece)

Étrangement, nous ne sommes pas capables de prédire les séismes ou les éruptions volcaniques, mais nous pouvons expliquer pourquoi et comment ces événements naturels se sont produits. Une nouvelle étude tente d’expliquer la cause de la sismicité qui a déclenché une vague de panique à Santorin début 2025.

Source: NASA

Fin janvier 2025, une importante crise sismique a touché les îles grecques de Santorin, Amorgos et Anafi. Ces îles de la mer Égée ont connu une série d’essaims comprenant plus de 28 000 événements, dont plusieurs d’une magnitude supérieure à M5.0. Les habitants de Santorin craignaient une violente éruption volcanique. Nombre d’entre eux ont décidé de fuir et de se réfugier en lieu sûr. Au bout d’environ un mois, la crise sismique s’est terminée sans dégâts majeurs.

Source : TW/SAM, Google

Aujourd’hui, les scientifiques pensent avoir trouvé le coupable : il semble qu’un dyke magmatique se soit rapidement élevé des profondeurs de la croûte terrestre et ait déclenché l’essaim sismique du mois de janvier. Publiée en septembre 2025 dans la revue Nature, l’étude révèle également un lien surprenant entre Santorin et Kolumbo, un volcan sous-marin situé non loin de l’île et initialement suspecté d’être à l’origine de la crise sismique.

Source: Nature

Grâce à de nouveaux instruments et à l’intelligence artificielle, les scientifiques sont désormais en mesure de suivre le mouvement du magma sous la région, ce qui leur permettra de mieux évaluer le risque éruptif la prochaine fois que ces îles connaîtront une nouvelle crise sismique.
On sait que cette partie de la mer Égée a une histoire volcanique explosive. Une méga-éruption en 1560 av. J.-C. a anéanti la civilisation minoenne. De son côté, le volcan Kolumbo, tapi sous l’eau à un peu plus de six kilomètres au nord-est de Santorin, constitue également une menace pour la région. En 1650, une explosion a déclenché d’importants tsunamis et généré une brume de gaz nocif pouvant être mortel.
Santorin et Kolumbo sont tous deux des systèmes volcaniques actifs, susceptibles d’entrer à nouveau en éruption un jour ou l’autre. C’est pourquoi les habitants de Santorin, d’Amorgos et d’Anafi ont craint le pire lorsque la terre a commencé à trembler au début de cette année.
Alors que de nombreux habitants fuyaient Santorin, les scientifiques essayaient de déterminer la cause de la crise sismique. Ils ont été surpris de constater que les séismes s’éloignaient rapidement de Santorin et se propageaient vers l’est, en se concentrant dans une zone de failles à proximité, et non sous des volcans connus. Les scientifiques ne savaient pas s’il s’agissait d’un événement magmatique ou tectonique.

Heureusement, certains de leurs collègues surveillaient déjà Santorin et Kolumbo. MULTI-MAREX, un projet interdisciplinaire germano-grec visant à transformer la région en laboratoire scientifique, était pleinement opérationnel lorsque la forte sismicité a commencé. Des capteurs avaient été déployés à l’intérieur du cratère du Kolumbo où ils ont détecté des signaux sismiques et des variations de pression provenant du fond marin. L’équipe scientifique a également utilisé des satellites équipés de radars capables de suivre les moindres déformations de la région, ainsi que des stations GPS terrestres et des détecteurs de gaz volcaniques. Les chercheurs ont même utilisé une forme d’intelligence artificielle avec des programmes d’apprentissage automatique conçus à partir de décennies de données sismiques. Ces programmes sont capables identifier les moindres séismes et de localiser précisément leur origine dans la croûte terrestre.

De juillet 2024 à janvier 2025, avant la crise sismique, les données ont montré que Santorin s’était légèrement soulevée, avec une hausse des émissions de dioxyde de carbone et d’hydrogène, signe qu’un nouveau magma entrait dans le réservoir magmatique peu profond. Cette situation est souvent passée inaperçue à l’époque. C’est pourtant à ce moment-là que l’essaim sismique a commencé.

De fin janvier à fin février, la sismicité a migré de Santorin vers les eaux au sud de Kolumbo. La source se trouvait à une profondeur de 18 kilomètres et la sismicité a progressé jusqu’à un peu moins de 3 kilomètres de la surface en quelques semaines seulement. Les instruments ont révélé que cette activité sismique était liée à un dyke magmatique d’environ 13 km de long qui remontait vers la surface. Au cours de son ascension, le magma a brisé des kilomètres de roches et a exercé une pression sur une série de failles à proximité, provoquant leur rupture. Au final, l’intrusion magmatique a déclenché une réaction sismique en chaîne, à l’origine des secousses les plus fortes observées sur l’île de Santorin. Simultanément, alors que le dyke s’élevait à travers la croûte, le réservoir magmatique situé sous Santorin et Kolumbo se vidangeait, provoquant l’affaissement des deux volcans.

Source: Nature

L’ascension rapide du dyke faisait craindre que le magma puisse atteindre les fonds marins et provoquer une activité explosive. Heureusement, le dyke a stoppé son ascension, probablement à cause d’une alimentation insuffisante (son volume est estimé à environ 0,31 km³), ce qui a mis fin à la crise sismique.
Cependant, si l’intrusion magmatique a pris fin prématurément cette fois, d’autres pourraient ne pas faire de même. À l’avenir, une meilleures compréhension du système d’alimentation magmatique permettra aux chercheurs de suivre le magma en temps réel et d’alerter les habitants en cas de risque d’éruption.
Source : Nature.

NB : Un visiteur de mon blog précise que la contribution française à cette étude a été primordiale. Les deux chercheurs les plus impliqués étaient Nikolai Shapiro, Directeur de recherches au CNRS et Florent Brenguier, Physicien des observatoires. Ils sont tous les deux enseignants-chercheurs à l’Institut des Sciences de la Terre de Grenoble. Ce travail a aussi fait l’objet d’un article dans le journal « Le Monde » du samedi 27 septembre 2025.

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Strangely, we are not able to predict earthquakes or volcanic eruptions, but we are able to explain why these natural events occurred. A new study tried to explain the cause of the seismicity that triggered a wave of panic in Santoriny early in 2025.

In late January 2025, a significant seismic crisis affected theGreek islands of Santorini, Amorgos, and Anafi. These Aegean islands experienced a series of swarms including over 28,000 events, among which several had magnitudes above M5.0. Locals on Santorini feared that a violent volcanic eruption might occur. Many local residents decided to flee and go and live in a safet place.

After about a month, the seismic crisis ended without incident. Today, scientists think they have found the culprit : it looks as if a sheet of magma rapidly rose from the depths of the Earth’s crust and triggered the seismic swarm.

Published in September 2025 in the journal Nature, a study also revealed a surprising connection between Santorini and Kolumbo, a submarine volcano not far from the island and which was initially suspected to be the cause of the seismic crisis. .

Thanks to a new instruments and artificial intelligence, scientists now know they can track the movement of magma beneath the region, which allows them to better forecast the likelihood of an eruption the next time these islands begin to shake.

It is well known that this part of the Aegean Sea has an explosive volcanic history.a Mega eruption in 1560 B.C.wiped outa civilization. Kolumbo, hiding underwater just over six kilometers to the northeast, is also a threat to the region. In 1650, an explosion there triggered tall tsunamis and released a deadly haze of noxious gas.

Both Santorini and Kolumbo are active volcanic systems, likely to erupt again someday. This is why the residents of Santorini, Amorgos, and Anafi feared the worst when the earth started to shake earlier this year.

As many of its residents fled Santorini, scientists scrambled to work out what was causing the seismic crisis. Surprisingly, the quakes quickly moved away from Santorini and offshore to the east, clustering within a nearby fault zone and not beneath any known volcanoes.Scientists did not know whether it was magmatic or tectonic. Luckily, scientists were already monitoring Santorini and Kolumbo. In particular, the MULTI-MAREX project, a German-Greek-led interdisciplinary effort to turn the region into a natural scientific laboratory, was fully operating when the quakes began.

Sensors had been deployed within the Kolumbo’s crater and detected seismic signals and pressure changes from the seafloor. The team also used radar-equipped satellites able to track the subtle shifts in the shape of the region, as well as GPS ground stations and volcanic gas detectors. They even deployed a form of artificial intelligence: machine learning programs trained on decades of seismic data. These programs could identify the smallest earthquakes and pinpoint exactly where in the crust they were coming from.

From July 2024 to January 2025, prior to the seismic crisis, the data showed that Santorini uplifted slightly, and more carbon dioxide and hydrogen gas leaked out of its roof, indicating that new magma was filling up its own shallow magma reservoir. This situation went largely unnoticed. Then the seismic swarm began.

From late January to the end of February, the seismicity migrated from Santorini to below the waters south of Kolumbo. They started at a depth of 18 kilometers and rose to just under 3 kilometers below the surface in just a few weeks.

The instruments revealed that a dike of magma was rushing to the surface. As it did so, it smashed through kilometers of brittle rock and put pressure on a series of nearby faults, causing them to rupture. In short, the dike intrusion set off a chain reaction, and this was what generated the stronger shaking experienced on the island.

Simultaneously, as the dike rose through the crust, the magma reservoir below both Santorini and Kolumbo shrank as its own molten rock was escaping. This caused both volcanoes to subside.

The dike’s rapid ascent meant that magma might reach the shallow seafloor and cause some explosive activity. Fortunately, the dike stopped its ascent, and the crisis came to an end. There probably was not enough magma in the dike so that it was unable to reach the surface. Its volume is estimated at approximately 0.31 cubic kilometers.

However, while this intrusion ended prematurely, others might not. And in the future sketching out other aspects of the plumbing system will help researchers track dangerous magma in real time and warn locals.

Source : Nature.