Champs Phlégréens (suite)

On peut lire dans la presse locale que, selon les habitants de la Via Antiniana, une route reliant le quartier d’Agnano à Naples et la zone de Pouzzoles, près de la Solfatara et de la zone de Pisciarelli, des cloques seraient apparues sur l’asphalte et la chaussée se serait déformée. La Solfatara et la zone de Pisciarelli enregistrent d’importantes émissions de gaz volcaniques depuis des années.

Selon les premières observations des techniciens de l’Observatoire du Vésuve, les flux de H2S et de CO2 dans cette zone sont très élevés, et des températures anormales du sol ont également été enregistrées à plusieurs endroits.
La situation doit, bien sûr, être surveillée attentivement. Il faut savoir que ces apparitions de poches de chaleur en surface n’ont rien d’exceptionnel dans les zones où circulent des flux hydrothermaux. On l’observe périodiquement à Yellowstone qui présente toutefois un système volcanique différent de celui des Champs Phlégréens.

Comme je l’ai indiqué précédemment, il faudra la conjonction de plusieurs paramètres inquiétants pour que des alertes soient déclenchées au sein de la population. Ce n’est pas le cas actuellement. Lors de ma dernière visite dans la région, la fumerolle de Pisciarelli présentait une température stable de 90-95°C (source : INGV).

Photo: C. Grandpey

La situation volcanique en Campanie (Italie)

Je rentre de la Campanie avec une première escale à Pouzzoles. Je me suis rendu auprès de la Solfatara où l’activité ressemble à celle observée lors de ma dernière visite en avril 2022. Les mesures effectuées par l’INGV confirment la stabilité de la situation.

 Vue de la Solfatara (Photo : C. Grandpey)

Dans son bulletin du 16 septembre 2025 qui couvre la période de mon séjour, l’Institut fait état de 32 secousses sismiques dans les Champs Phlégréens, avec un magnitude maximale de M2.1± 0.3.

A noter qu’à Pouzzoles, surtout dans la vieille ville, certaines maisons portent les stigmates des dernières secousses sismiques, avec fissures sur les murs et effondrement des pignons.

 Photo : C. Grandpey

S’agissant des états d’âme de la population, les personnes que j’ai rencontrées et interrogées à Pouzzoles font peu de cas de la sismicité ressentie ces derniers temps. Les dégâts ont été mineurs. Selon ces habitants, la presse rend compte d’un sentiment d’angoisse qui n’existe pas vraiment au sein de la population. Les gens savent que les séismes sont liés au bradyséisme et ont toujours existé, de même que les mouvements de soulèvement et d’affaissement du sol. Les propriétaires de mon hôtel (sur le site d’un ancien établissement de bains romains) ont 2 puits contrôlés régulièrement par l’INGV. Leur température est très stable à 45°C. Tant que les mesures sur les différents sites (Solfatara, par exemple) ne varieront pas de manière significative, il n’y aura pas lieu de s’inquiéter.

Comme je l’ai indiqué précédemment, la déformation actuelle du sol dans les Champs Phlégréens connaît un tendance au soulèvement. Les données recueillies après l’essaim sismique du 15 au 19 février 2025 montrent une augmentation du soulèvement du sol, avec une valeur moyenne mensuelle d’environ 30 ± 5 mm/mois. Depuis début avril, le soulèvement du sol s’est calmé et atteint une valeur moyenne mensuelle d’environ 15 ± 3 mm/mois. Le soulèvement total est d’environ 33 cm depuis janvier 2024.

Mouvements du sol sur le site de Rione Terra (Pouzzoles du 1er janvier 2024 au 21 septembre 2025 (Source: INGV).

Il est intéressant des se rendre sur le port de Pouzzoles où les bittes d’amarrage des embarcations sont beaucoup plus hautes qu’auparavant.

Photo : C. Grandpey

La température de la fumerolle de Pisciarelli reste stable à 94°C. Celle de la Bocca Grande dans la Solfatara reste stable à 165°C. Cependant, cette dernière température a montré une hausse au cours des dernières années, comme on peut le voir ci-dessous. Mon thermomètre indiquait 140°C dans les années 1990.

 Évolution de la température de la Bocca Grande dans la Solfatara (Source : INGV.)

Comme à l’intérieur de l’agglomération de Pouzzoles, les habitants que j’ai rencontrés autour de la fumerolle de Pisciarelli sourient quand on leur demande s’ils ont peur quand la terre tremble et s’ils redoutent une éruption des Champs Phlégréens. C’est toujours le même refrain : ça dure depuis des siècles et ça durera encore des siècles.

 Vue de la fumerolle de Pisciarelli (Photo : C. Grandpey)

De son côté, l’INGV ne s’attend pas à des variations significatives de l’activité dans les Champs Phlégréens au cours des prochains mois.

Source : INGV.

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La visite du Vésuve est toujours aussi intéressante, ne serait-ce que par les vues sur la baie de Naples et la conurbation napolitaine qui serait en grand danger si le volcan décidait de se réveiller. Ce n’est heureusement pas la cas pour le moment. Le dernier bulletin de l’INGV sur l’activité du Vésuve au cours du mois d’août 2025 se veut rassurant car aucun élément ne montre une évolution significative à court terme.

Photo: C. Grandpey

D’un point de vue sismique, 80 événements d’une magnitude maximale de M1,5 ± 0,3 ont été enregistrés sur le Vésuve au  mois d’août 2025.

À gauche les événements sismiques des 12 derniers mois ; à droite ceux du mois d’août 2025 (Source : INGV)

Des fumerolles sont visibles à l’intérieur du Gran Cono, mais ces émissions de vapeur blanche ne sont pas annonciatrices d’un phénomène à venir, mais plutôt d’éruptions passées. Comme me l’expliquait un scientifique de l’INGV,  il s’agit d’un phénomène très superficiel. Le sous-sol est encore chaud suite aux dernières éruptions. La température de la fumerolle principale oscille entre 70 et 80°C.

Photo: C. Grandpey

 Quand on regarde les flancs et les abords du Vésuve depuis le sommet ou depuis la Villa San Marco à Stabies, on comprend très vite qu’une éruption aujourd’hui serait une catastrophe de très grande ampleur. La zone actuellement couverte par les plans d’évacuation en cas d’éruption comprend quelque 600 000 personnes, mais cela ne correspond pas à la réalité.  L’histoire du Vésuve nous montre clairement qu’en cas d’éruption plinienne, la zone à risque serait beaucoup plus vaste et engloberait environ 3 millions de personnes. Soyons clairs : aujourd’hui il n’existe aucun plan d’évacuation applicable, et convaincre les Napolitains de fuir dans l’urgence ne sera pas chose facile. Je m’en suis vite rendu comte en discutant avec des habitants de Pompéi, Boscoreale ou Scafati…

 Le Vésuve, Torre Annunziata, Torre del Greco et Stabies vus depuis la Villa San Marco à Stabies (Photo : C. Grandpey)

C’est dans la région de Boscoreale et Boscotrecase que se trouvent les vignobles produisant le fameux Lacryma Christi. Certaines vignes ont été détruites par l’incendie d’août 2025, mais il est toujours possible de visiter plusieurs chais et de déguster leurs breuvages…

Photo: C. Grandpey

Découverte d’une cavité souterraine sous les Champs Phlégréens // Discovery of a subterranean cavity under the Phlegraean Fields

Une équipe internationale de chercheurs dirigée par l’Université de Pise, en collaboration avec l’INGV (Observatoire du Vésuve) et le Centre Helmholtz GFZ de Potsdam, a révélé une cavité située à 3,6 kilomètres de profondeur sous les Champs Phlégréens. L’étude, publiée dans Nature Communications Earth & Environment, ouvre de nouvelles perspectives sur la dynamique des fluides magmatiques et l’évaluation du risque volcanique.

Vue de la Solfatara (Photo : C. Grandpey)

La cavité identifiée pour la première fois relie le réservoir profond responsable du soulèvement du sol aux fumerolles peu profondes de la Solfatara et de Pisciarelli. Selon l’étude, elle présente » une longueur d’environ un kilomètre, environ 650 mètres de large avec une épaisseur moyenne de 35 centimètres et un volume total d’environ 220.000 mètres cubes. Selon les chercheurs, il s’agit davantage d’une fracture élargie que d’une cavité qui est est reliée au réservoir profond responsable du soulèvement du sol (bradyséisme) et aux fumerolles naturelles des zones de la Solfatara et de Pisciarelli. Le contenu n’a pas encore été confirmé, mais il est probable que l’on a affaire à des gaz sous haute pression ou des fluides magmatiques. Selon Giacomo Rapagnani, auteur principal de l’étude et doctorant à Pise, la cavité émet un signal sismique depuis au moins sept ans, à une fréquence constante de 0,114 Hz, tout en conservant des dimensions et une composition stables sur cette période. Cette « résonance » permet de suivre les écoulements de fluides en profondeur et d’identifier des modifications structurelles potentiellement dangereuses.

Fumerolle de Pisciarelli (Photo: C. Grandpey)

L’ensemble des Champs Phlégréens est surveillé par l’INGV. La région connaît une phase de bradyséisme qui a débuté en 2005, avec des soulèvements de terrain atteignant des pics d’environ 3 cm par mois. Depuis 2018, plus de 100 séismes ont été enregistrés : le plus significatif, d’une magnitude de M4,6, s’est produit le 30 juin 2025. Selon les géologues de l’INGV, la sismicité augmente avec l’intensification du soulèvement. Lorsque la déformation s’accélère, la fréquence et la magnitude des séismes augmentent également, et dans certains cas, bien que très rares, ils peuvent atteindre des magnitudes allant jusqu’à M5.0.
Delon une autre étude publiée dans Science Advances, l’activité observée actuellement serait due à une accumulation de pression dans un réservoir hydrothermal sous Pouzzoles, alimenté par des fluides souterrains. Cette découverte confirme l’idée que la remontée du magma n’est pas la seule cause de la sismicité et de la déformation. Les recherches indiquent que la gestion des flux d’eau ou la réduction de la pression hydrostatique du réservoir pourrait constituer une stratégie préventive efficace.
Selon Francesco Grigoli, co-auteur de la dernière étude et professeur à l’Université de Pise, l’intégration de techniques sophistiquées d’analyse sismique et géophysique représente un progrès considérable dans la réduction du risque volcanique.
Source : presse italienne.

 

Sur cette image issue de la dernière étude, le réservoir magmatique profond est représenté en gris, tandis que la «cavité» découverte est représentée en noir. Les points de couleur indiquent les séismes survenus ces dernières années.

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An international team of researchers led by the University of Pisa, in collaboration with INGV (Vesuvius Observatory) and the Helmholtz Centre GFZ in Potsdam, has revealed a hidden cavity 3.6 kilometers deep beneath the Phlegraean Fields. The study, published in Nature Communications Earth & Environment, opens new perspectives on magmatic fluid dynamics and volcanic hazard assessment.
The cavity identified for the first time connects the deep reservoir responsible for the uplift to the shallow fumaroles of Solfatara and Pisciarelli. According to the study, it is about one kilometer long, about 650 meters wide, with an average thickness of 35 centimeters, and a total volume of about 220,000 cubic meters. According to the researchers, it’s more of a widened fracture than a cavity, linked to the deep reservoir responsible for the ground uplift (bradyseism) and to the natural fumaroles of the Solfatara and Pisciarelli areas. The contents have not yet been confirmed, but it is likely high-pressure gases or magmatic fluids. According to Giacomo Rapagnani, lead author of the study and a doctoral student in Pisa, the cavity has been emitting a seismic signal for at least seven years, at a constant frequency of 0.114 Hz, demonstrating stable dimensions and composition over this period. This « resonance » makes it possible to track fluid flows at depth and identify potentially dangerous structural changes.
The entire Phlegraean Fields is monitored by INGV. The region is experiencing a phase of bradyseism that began in 2005, with ground uplifts reaching peaks of approximately 3 cm per month. Since 2018, more than 100 earthquakes have been recorded: the strongest, with a magnitude of M4.6, occurred on June 30, 2025. According to INGV geologists, seismicity increases with the intensification of uplift. When deformation accelerates, the frequency and magnitude of earthquakes also increase, and in some cases, although very rare, they can reach magnitudes of up to M5.0.
Another study published in Science Advances suggests that the activity currently observed could be due to a buildup of pressure in a hydrothermal reservoir beneath Pozzuoli, fed by underground fluids. This discovery supports the idea that rising magma is not the sole cause of seismicity and deformation. Research indicates that managing water flows or reducing reservoir hydrostatic pressure could be an effective preventive strategy.
According to Francesco Grigoli, co-author of the latest study and professor at the University of Pisa, the integration of sophisticated seismic and geophysical analysis techniques represents a significant step forward in reducing volcanic risk..
Source: Italian news media.

Champs Phlégréens (Italie) : nouvelle méthode de surveillance thermique depuis l’espace // Campi Flegrei (Italy) : new method of thermal monitoring from space

Une étude menée par des chercheurs de l’INGV propose l’utilisation des  données thermiques fournies par la Station spatiale internationale (ISS) pour alerter sur la sismicité dans les Champs Phlégréens.
Les Champs Phlégréens sont l’une des zones volcaniques les plus actives au monde et, ces dernières années, leur sismicité a considérablement augmenté. L’étude de l’INGV a été publiée dans la revue Remote Sensing Letters. Elle est intitulée « Un nouvel algorithme de surveillance thermique utilisant les séries temporelles ECOSTRESS : le cas des Champs Phlégréens, à Naples, en Italie ». L’étude décrit une méthode d’analyse des images thermiques prises par l’ISS capable de détecter les variations de température significatives précédant les séismes les plus intenses dans cette région.
La méthode utilise les données collectées par ECOSTRESS, un capteur du Jet Propulsion Laboratory (JPL) de la NASA installé à bord de l’ISS. Cet outil estime la température de surface avec une haute résolution spatiale d’environ 70 m au cours de passages fréquents au-dessus de la même zone pendant environ trois jours.
Les scientifiques ont généré deux séries historiques de températures extraites d’images thermiques de deux zones de la Solfatare entre 2021 et 2024. La différence de température entre les deux zones a été analysée avec deux méthodes statistiques distinctes, permettant de comparer les anomalies détectées aux principaux événements sismiques enregistrés dans la zone.

Vues de la Solfatara (Photos: C. Grandpey)

Un chercheur de l’INGV et co-auteur de l’étude a déclaré : « Nous avons détecté des variations de température anormales dans la Solfatare ayant précédé certains séismes de plus grande intensité, avec une anticipation allant de quelques jours à quelques semaines.» Par exemple, le 17 mai 2024, une augmentation de température de 5°C a précédé de trois jours un séisme de magnitude M4,4. S’agissant de l’événement de magnitude M4,2 du 27 septembre 2023, l’augmentation de température observée le 21 septembre a dépassé 7°C. La deuxième méthode statistique a également mis en évidence des anomalies de température pour ces deux événements apparus respectivement le 12 avril 2024 et le 6 septembre 2023. De plus, la valeur moyenne de l’écart de température a augmenté ces dernières années, en parallèle avec la hausse d’autres signaux déjà observés dans la région, tels que l’élévation du sol provoquée par le bradyséisme et les émissions de dioxyde de carbone.
Les anomalies de température mises en évidence par deux analyses statistiques différentes conforte les chercheurs dans l’idée qu’il existe un lien possible entre la fluctuation de la température de surface et l’activité sismique de la région.
L’étude complète peut être consultée en cliquant sur ce lien :
https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/2150704X.2025.2459213

À mon avis, cette étude est intéressante dans la mesure où la technique utilisée permettrait d’anticiper les séismesdans les Champs Phlégréens. Cependant, elle ne donne aucune indication sur la magnitude des séismes prévus et n’indique donc pas aux autorités compétentes si des mesures doivent être prises pour assurer la sécurité de la population.

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A study conducted by researchers at INGV suggests the use of thermal data from the International Space Station in seismic alerting of the Phlegraean area

The Campi Flegrei are one of the most active volcanic areas in the world and, in recent years, their seismicity has increased significantly. The INGV study was published in the magazine Remote Sensing Letters. It is entitled “A novel algorithm for thermal monitoring using ECOSTRESS time series : the case of Campi Flegrei, Naples, Italy”. It describes a method of analysis of thermal images taken by the International Space Station (ISS) capable of detecting significant temperature variations that precede the most intense earthquakes in the Phlegraean area.

The method uses the data collected by the tool ECOSTRESS, a NASA-Jet Propulsion Laboratory (JPL) sensor installed on the ISS, which estimates surface temperature with a high spatial resolution of about 70 m and frequent passes over the same area around three days.

Scientists have generated two historical temperature series extracted from thermal images of two areas of the Solfatara between 2021 and 2024. The temperature difference between the two areas was analyzed with two distinct statistical methods, allowing the detected anomalies to be compared with the main seismic events recorded in the area.

An INGV researcher and first author of the article said : « We have detected anomalous temperature variations in the Solfatara emission zone that preceded some earthquakes of greater intensity, with an advance ranging from a few days to a few weeks. » For example, on May 17, 2024, a temperature increase of 5°C anticipated an M4.4 earthquake by three days. For the M4.2 event on September 27, 2023, the temperature increase observed on September 21 exceeded 7°C. The second statistical method also highlighted temperature anomalies for these two events that appeared on April 12, 2024 and September 6, 2023, respectively. Furthermore, the average value of the temperature difference has increased in recent years, consistently with the increase in other signals already observed in the area, such as ground rise with bradyseism and carbon dioxide emissions.

The temperature anomalies highlighted through two different statistical analyses make researchers more confident about the possible link between the surface temperature fluctuation and the seismic activity of the area.

The whole study can be found by clicking on this link :

https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/2150704X.2025.2459213