Sargasses à la Martinique : Que fait l’Etat français ?

En ce moment, tous les projecteurs sont braqués – à juste titre- sur Saint-Vincent-et-les-Grenadines où le volcan de La Soufrière connaît l’une des plus puissantes éruptions de son histoire. Comme je l’ai indiqué à plusieurs reprises, la cendre qui s’accumule partout sur l’île cause de graves problèmes alors que St Vincent est également affectée par la pandémie de Covid-19, ce qui rend la vie encore plus difficile dans les hébergement temporaires .

La Martinique est elle aussi confrontée à des problèmes, même si leur ampleur n’a rien à voir avec ce qui se passe à St Vincent.

Lors de mes visites sur l’île, j’ai eu l’occasion de me rendre compte des désagréments causés par les sargasses, en particulier au moment de leur échouage sur les côtes.

La Martinique a été épargnée par les algues pendant plusieurs mois, mais elles ont de nouveau envahi les côtes, surtout le rivage atlantique au cours des dernières semaines. Le phénomène a pris une ampleur impressionnante dans le sud Atlantique où de nombreuses plages sont impraticables.

Les habitants du littoral, ceux du Marigot par exemple, n’en peuvent plus. Ainsi, une personne a déclaré sur le site Martinique la 1ère : « Il n’y a pas longtemps, on s’est enfermé dans la maison, parce que l’odeur montait vraiment. Le matin au réveil, c’est désagréable. On n’a plus la possibilité de sortir comme on veut. C’est invivable. Quand il y a beaucoup de, pluie, c’est insupportable. On ne peut pas dormir le soir. Ça abîme tout notre matériel, télé, réfrigérateur, voiture.» Des habitants de la Pointe Faula m’avaient tenu des propos identiques et avaient fait état de malaises chez des personnes ayant inhalé l’hydrogène sulfuré (H2S) émis par les algues quand elles se décomposent sur le rivage.

La situation est identique au Robert. Depuis des années, les habitants sont incommodés par les émanations de gaz causées par les sargasses en putréfaction. Ceux qui le pouvaient ont quitté leur domicile, pour s’installer loin du littoral. D’autres ont réaménagé entièrement leur maison.

Pour tenter d’endiguer les échouages, des solutions de fortune ont été imaginées. Un marin pêcheur, a fabriqué des filets à sargasses. Il les a installés à Frégate et au Cap Est.

La ville du Robert utilise le Sargator, un navire collecteur de sargasses, censé collecter près de 40 tonnes d’algues par heure. Une autre machine amphibie permet la collecte des algues plus près du littoral. Mais elle est en panne. Pour éviter l’échouage des sargasses, sur les côtes, la ville a aussi installé plusieurs barrages filtrants. Ces différentes solutions sont parfois efficaces, mais elles restent insuffisantes devant l’ampleur du phénomène. Des solutions existent pour améliorer l’efficacité des machines destinées à l’enlèvement des algues, mais le coût financier reste considérable pour les collectivités.

En plus des sargasses, la Martinique est victime de la brume de sable. Ces deux phénomènes naturels sont liés car la brume de sable accentue le phénomène des sargasses.

Les nuages de sable se forment au-dessus du désert du Sahara. Ils se nourrissent aussi de poussières en suspension venant d’Europe après avoir traversé la Méditerranée.  .
Les particules fines contenues dans la brume de sable contiennent des nutriments issus de l’agriculture intensive. En tombant dans la mer, elles deviennent une denrée précieuse pour les sargasses qui se reproduisent alors à grande vitesse.

S’agissant de la brume de sable, il n’y a pas grand-chose à faire, juste attendre qu’elle se dissipe. Les solutions ne dépendent pas uniquement de la France, mais de la planète toute entière et de sa fâcheuse tendance à polluer à tout va.

Par contre, des solutions pourraient être mises en œuvre pour arrêter, ou au moins ralentir, la prolifération des sargasses. Comme indiqué précédemment, ces mesures ont un coût, mais ce ne devrait pas être aux seules collectivités martiniquaises de payer. Il faudrait que l’Etat français mette lui aussi la main au portefeuille. En 2018, Nicolas Hulot, alors ministre de la Transition Ecologique, avait promis une somme de 13 millions d’euros pour résoudre le problème des sargasses. Qu’en est-il de cette somme ? A quoi a-t-elle servi ?

Il ne faudrait pas que ceux qui nous dirigent oublient que la Martinique est un département français, comme les Alpes Maritimes par exemple. Imaginons un instant une prolifération de sargasses devant les plages de Nice ou de Cannes avant la saison estivale; je puis vous assurer que de gros moyens seront mis en œuvre pour les éliminer rapidement. Alors pourquoi par à la Martinique, ou à la Guadeloupe qui est également concernée par ce poison ?

Source: Martinique la 1ère.

Sargasses à la Pointe Faula (Photos: C. Grandpey)

Les sargasses, toujours les sargasses !

Il y a quelques jours, j’expliquais que de vastes bancs de sargasses avaient posé de sérieux problèmes à certains navigateurs du Vendée Globe au moment où ils avançaient à hauteur de l’arc antillais à l’ouest et des îles du Cap Vert à l’est. Ils ont passé des heures à les dégager de l’hydrogénérateur, un appareil permettant de produire de l’électricité sur le bateau. La présence d’aussi vastes nappes de sargasses est largement due au réchauffement des eaux océaniques, autre conséquence du changement climatique.

Sur terre, la presse martiniquaise indique que les sargasses sont en train de faire leur retour, en particulier  le long de la côte atlantique de l’île. Les algues jonchent la baie du Marigot où le maire explique qu’il n’a pas les moyens matériels de les. Les sargasses peuvent devenir très vite nauséabondes et poser des problèmes sanitaires. Une fois échouées, leur décomposition émet de l’hydrogène sulfuré (H2S) qui peut entraîner des vomissements, des vertiges, voire des malaises, en passant par une irritation des yeux et des voies respiratoires. A cela s’ajoute la destruction des appareils électroménagers provoquée par l’acidité des algues.

Le maire du Marigot déplore le manque d’aide de l’État pour lutter contre l’invasion des sargasses. L’enlèvement de ces algues a forcément un impact sur le budget de la ville qui ne dispose d’aucune aide pour les prélever avec des engins.

Il faut maintenant espérer que les sargasses repartiront comme elles sont venues, mais c’est loin d’être gagné !

Bancs de sargasses le long des côtes martiniquaises (Photo : C. Grandpey)

Le point sur les sargasses à la Martinique

Je viens de passer plusieurs jours à la Martinique et, entre mes conférences, je me suis rendu sur la côte atlantique de l’île pour me rendre compte de la situation concernant les sargasses. Au cours d’une première visite en mars 2018, j’avais été particulièrement impressionné par la gêne que ces algues causaient à la population.

Comme je l’ai expliqué à l’époque, les sargasses sont des algues brunes qui dérivent en nappes. Le nom « sargasse » vient de l’espagnol « sargazo » qui signifie « varech. »Elles tirent leur origine de la Mer des Sargasses. Ces énormes amas d’algues brunes sont transportés par les courants marins et certains bancs viennent échouer en Martinique. A noter que cette île – qui est également un département français – il serait bien que les autorités de la métropole ne l’oublient pas! – n’est pas la seule à être touchée. Ses voisines (Guadeloupe, Dominique, Saint Barth…) le sont aussi.

Tant que les sargasses sont dans l’eau ou lorsqu’elles sont sèches, elles ne présentent pas de danger particulier pour la santé. En revanche, c’est quand elles s’échouent sur les plages qu’elles peuvent devenir dangereuses car elles entrent en putréfaction et dégagent de l’hydrogène sulfuré (H2S) et de l’ammoniac (NH3). Comme je l’ai indiqué à l’issue de ma visite à la Martinique en mars 2018, ces gaz peuvent provoquer des maux de tête, des troubles olfactifs ou encore des irritations de la gorge et des yeux. Il est également fait état d’évanouissements. Les gaz émis par la décomposition des algues attaquent les peintures des maisons, sans oublier les matériels électroniques et informatiques.

Les touristes qui viennent à la Martinique ne doivent toutefois pas s’affoler car la situation est loin d’être aussi catastrophique qu’il y parait. D’une part, il existe des plages sans sargasses. D’autre part, les arrivages ne sont pas constants et varient d’un jour à l’autre.

Comme d’habitude, la métropole a été lente à réagir devant le problème des sargasses. Actuellement, les algues échouées sont collectées et ensuite transformées en compost. Lors de mon séjour à la mi août 2019, j’ai trouvé que la situation s’était améliorée au Vauclin, à la Pointe Faula en particulier, où elle était catastrophique en mars 2018. Certes, il y a encore des sargasses sur le littoral (voir les photos ci-dessous), mais l’odeur est moins pestilentielle A noter qu’une structure a été installée pour empêcher les sargasses d’envahir trop rapidement le littoral qui est un très agréable site de baignade.

Vues des sargasses à la Pointe Faula:

Structure destinée à freiner les invasions de sargasses:

Photos: C. Grandpey

Kilauea (Hawaii) : Dans le sillage de l’éruption de 2018…// Kilauea (Hawaii): In the wake of the 2018 eruption…

Aujourd’hui, pour la première fois depuis plus de trois décennies, le Kilauea n’est pas en éruption. Au sommet du volcan, l’activité sismique est faible et la majeure partie du Parc National fonctionne normalement. La lave ne coule plus et la pollution atmosphérique causée par le volcan – le célèbre vog – est à son niveau le plus bas depuis le début des années 1980.
Cependant, comme je l’écrivais dans une note précédente, le danger n’a pas totalement disparu de certaines zones à proximité des fissures éruptives de 2018. Bien que la lave ne coule plus, de la chaleur résiduelle et de petites quantités de gaz continuent de s’échapper des fissures au fur et à mesure que la roche encore très chaude en profondeur continue de se refroidir. Lorsque de nouvelles fissures s’ouvrent suite au refroidissement du magma, l’eau de pluie s’infiltre dans les zones de chaleur résiduelle et génère des panaches de vapeur ainsi que de petites quantités de gaz. À l’heure actuelle, les zones situées immédiatement à proximité et à l’ouest de la Highway 130 sont particulièrement affectées par cette chaleur et cette vapeur résiduelles. Ces zones de température élevée peuvent migrer tandis que se poursuivent le refroidissement et le mouvement des eaux souterraines.
Dans les zones où se forme la vapeur, à proximité et en amont des fissures désormais inactives, on enregistre des niveaux légèrement élevés de sulfure d’hydrogène (H2S) et de dioxyde de carbone (CO2). Ces gaz sont le plus souvent libérés par le magma en cours de refroidissement, mais ils sont aussi produits par la décomposition de matières organiques ou, dans le cas du CO2, par la végétation qui se consume lentement.
Ainsi, une partie du H2S et du CO2 est probablement générée par les températures plus élevées qui affectent les plantes dans la Lower East Rift Zone. Il est important de noter que les concentrations actuelles de H2S sont inférieures au seuil minimum de détection des instruments qui est de 0,5 partie par million (ppm). On peut généralement percevoir l’odeur d’œuf pourri du H2S à des concentrations beaucoup plus faibles, allant de 0,0005 à 0,3 ppm.
Sur la base du seuil olfactif, le niveau de nuisance du H2S à Hawaii a été fixé à 0,025 ppm. Les symptômes négatifs de l’exposition au H2S ne surviennent que lorsque les concentrations sont bien supérieures à ce niveau. Selon les services de santé, une exposition prolongée à 2-5 ppm de H2S peut provoquer des maux de tête, une irritation des yeux, des nausées ou des problèmes respiratoires chez certaines personnes asthmatiques. C’est plusieurs fois les concentrations actuellement mesurées près des sources de H2S dans la LERZ.
Les concentrations de dioxyde de carbone dans certaines zones de panaches de vapeur dans la LERZ sont supérieures à la concentration atmosphérique de base qui est de 412 ppm. L’air dans une salle de réunion avec beaucoup de monde peut souvent dépasser 1 000 ppm de CO2. En revanche, les concentrations maximales de CO2 mesurées dans la LERZ sont bien inférieures à ce niveau. Les services de santé ont établi une limite d’exposition au CO2 de 5 000 ppm en moyenne pour une journée de travail de 8 heures.
En se basant sur l’historique d’éruptions précédentes, les températures élevées et les panaches de vapeur devraient persister dans la LERZ pendant de nombreuses années. L’éruption de 1955 dans cette zone continue à générer des phénomènes externes depuis plus de 60 ans. Certaines sources de vapeur sont utilisées comme saunas naturels. Au début des années 1990, une température de 51°C avait été enregistrée dans une ancienne bouche éruptive de 1955, mais aucun gaz volcanique chargé de soufre tel que le H2S n’avait été détecté.
Les éruptions dans la LERZ en 1955 et 2018 montrent certains points communs, mais il est impossible de déterminer exactement où et pendant combien de temps la chaleur persistera et les émissions de vapeur se poursuivront. Quoi qu’il en soit, l’activité de surface liée à l’intrusion magmatique de 2018 va commencer son long et lent déclin.
Source: USGS / HVO.

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Today, for the first time in over three decades, Kilauea is not erupting. At the summit of the volcano, earthquake activity is low, and most of the National Park is open for business. No lava is flowing anywhere on Kilauea, and volcanic air pollution on the island is the lowest it has been since the early 1980s.

However, as I put it in a previous post, there are lingering dangers in some areas near the 2018 eruptive fissures. Although lava is no longer erupting, residual heat and small amounts of gas continue to escape from ground cracks and vents as subsurface molten rock continues to cool. As small new cracks open in response to magma cooling, groundwater infiltrates areas of remaining heat, releasing steam and small amounts of gases. Currently, areas adjacent to and west of Highway 130 are particularly impacted by this residual heat and steam. These areas of elevated temperature may migrate, as cooling and groundwater movement continue.

In steaming areas near and uprift of the now inactive fissures, slightly elevated levels of hydrogen sulfide (H2S) and carbon dioxide (CO2) gases have been detected. While these gases may be released from cooling magma, they are also generated by decaying organic matter, or, in the case of CO2, from burning or smoldering vegetation.

Thus, some portion of the H2S and CO2 is likely generated from the increased temperatures affecting plants in the area. Importantly, current H2S concentrations are below the minimum detection level of volcanic gas monitoring instruments, which is 0.5 parts per million (ppm). People can usually smell the rotten egg odour of H2S at much lower concentrations, ranging from 0.0005 to 0.3 ppm.

Based on the odour threshold, Hawaii has set a nuisance level for H2S at 0.025 ppm. However, negative symptoms of H2S exposure do not occur until concentrations are well above this level. According to the health services, prolonged exposure to 2-5 ppm H2S may cause headaches, eye irritation, nausea or breathing problems in some asthmatics. This is many times the concentrations currently measured near the LERZ thermal features.

Carbon dioxide concentrations in some LERZ steaming areas are elevated above the background atmospheric concentration of 412 ppm. While the air in a crowded meeting room can frequently exceed 1,000 ppm CO2, maximum concentrations measured in the LERZ are well below this level. Health services have established an exposure limit for CO2 of 5,000 ppm averaged over an 8-hour work day.

Based on the history of previous eruptions, elevated temperatures and steam are likely to persist in the area for many years. The 1955 LERZ eruption produced thermal features that have been active for over 60 years, some of which are used as natural saunas. Even in the early 1990s, a temperature of 51°C was measured in a 1955 vent, but no volcanic sulfur gases such as H2S were detected.

The 1955 and 2018 LERZ eruptions share some similarities, but exactly where and how long heating and steaming will continue for any area is impossible to determine. Eventually, however, lingering surface activity related to the 2018 intrusion will begin its long, slow decline.

Source : USGS / HVO.

Les bouches de vapeur [steam vents] font partie des attractions touristiques du Kilauea (Photos: C. Grandpey)