‘Vog’ réunionnais

L’Observatoire Volcanologique du Piton de la Fournaise a publié le 12 mai 2021 des images de la région du volcan recouverte d’une nappe de brouillard d’où émergeait le Dolomieu. Ce phénomène n’est pas exceptionnel sur le volcan où il a déjà été observé à plusieurs reprises. Les Hawaiiens le connaissent bien et ce brouillard volcanique a été baptisé vog, un condensé de volcanic fog. Il était fréquent lors de la dernière éruption du Kilauea. Au moment des intempéries, il provoquait des pluies acides qui posaient des problèmes aux horticulteurs. En effet, le gaz qui forme ce brouillard est majoritairement du dioxyde de soufre qui, même dilué dans l’air, peut aussi provoquer des irritations des muqueuses, de la peau et des voies respiratoires supérieures. Il est donc conseillé aux personnes vulnérables comme les enfants en bas âge, les femmes enceintes ou encore les personnes souffrant de difficultés respiratoires d’éviter la zone où ce brouillard est présent. A la Réunion, il était recommandé d’éviter la Route des Laves car le panache de gaz descendait vers la mer, emporté par une brise de terre.

Source : Réunion la 1ère.

Crédit photo : OVPF

L’éruption de 1783 du Laki (Islande) dans les archives paroissiales

Le 8 juin 1783, une fissure de 27 kilomètres de long déchire le paysage islandais. C’est le point de départ d’une éruption qui durera jusqu’au 7 février 1784. Elle a produit 14,7 kilomètres cubes de lave qui ont recouvert une superficie de 599 kilomètres carrés. La fissure est ponctuée de quelque 140 cratères, évents et de cônes orientés dans une direction SO-NE, celle du rift qui tranche l’Islande dans son ensemble.

Cette lave a menacé de nombreux Islandais, leurs animaux et leurs biens. L’éruption a produit de grandes quantités de gaz et de cendres. Ces dernières, très riches en fluor, ont empoisonné les champs, les prairies et les étangs. 50 % des bovins, 79 % des ovins et 76 % des chevaux ont péri entre 1783 et 1785.

L’éruption a également profondément affecté la vie de la population, avec la famine de la brume, ou Móðuharðindin. Le régime alimentaire islandais de l’époque était principalement basé sur la viande et le poisson, de sorte que les retombées de cette éruption ont été catastrophiques. En 1785, environ 20 % de la population islandaise était morte de faim, de malnutrition ou de maladie.

Cette éruption est remarquable par ses impacts bien au-delà de l’Islande. Les gaz – surtout le dioxyde de soufre (SO2) – ont été transportés en Europe par le jet-stream et le SO2 est apparu sous la forme d’un brouillard sec à odeur de soufre. Les populations en Europe ignoraient qu’une éruption volcanique s’était produite en Islande au même moment et que c’était cet événement qui causait ce brouillard sec inhabituel. Une autre caractéristique de l’été 1783 a été la coloration  rouge sang du ciel au coucher et au lever du soleil.

Par sa durée, le brouillard sec a pu avoir des effets négatifs sur la végétation et la santé humaine en Europe continentale. Plusieurs plantes se sont fanées, les feuilles ont changé de couleur et certains arbres ont perdu leurs feuilles. Le brouillard sec a frappé plus durement les personnes souffrant de problèmes respiratoires ou cardiaques préexistants. Dans plusieurs régions, les gens se sont plaints de douleurs aux yeux.

Différentes explications ont été données par la population pour expliquer le temps inhabituel de 1783. La plus populaire pour justifier la présence du brouillard sec tournait autour des nombreux séismes qui ont semblé se produire tout au long de l’année : En février et mars 1783, une séquence de cinq très forts tremblements de terre a secoué la Sicile et la Calabre, faisant environ 30 000 victimes. D’autres séismes se sont produits pendant l’été. Ainsi, le 6 juillet, un tremblement de terre a secoué une partie de la France et a été ressenti en Franche-Comté, dans le Jura, en Bourgogne et à Genève. Il n’a pas fait beaucoup de dégâts, mais il s’est produit alors que le brouillard sec était encore dense et étendu.

Ces rapports de séismes ont donné foi à l’idée d’une  «  révolution souterraine  » reliant entre eux les  événements en Islande et en Calabre. On croyait que les volcans du monde entier étaient reliés par des canaux souterrains. On a également rapporté qu’un brouillard sec s’était formé juste avant le premier séisme en Calabre, faisant craindre que ce brouillard sec ne soit qu’un présage pour un grand tremblement de terre à venir.

Un fidèle lecteur de mon blog – que je remercie très sincèrement – vient de me faire parvenir plusieurs pages des archives paroissiales du village de Canet (Aude) où il est fait allusion à cette période tourmentée de 1783 -1784. En voici un extrait :

« Il a paru dans les jours de cette année un phénomène aussi rare qu’inexplicable ; il a excité la curiosité des savants et des plus habiles astronomes dans les villes les mieux instruites ; mais c’est en vain qu’on a cherché à deviner l’énigme. Le temps seul nous l’a appris et jusqu’à ce moment, le peuple a été dans la frayeur sur un événement qui paraissait (…..) des plus grands malheurs ! Voici le fait :

Le soleil, tant à son lever qu’à son coucher parut comme obscurci, la terre était alors couverte comme d’une fumée qui empêchait les personnes de pouvoir se connaître à vingt pas, quelquefois même il était impossible de s’apercevoir. Cet état durait jusque sur les sept heures du matin, le soleil reprenait alors la clarté naturelle et les nuages qui couvraient toute la terre se dissipaient. Vers les cinq heures du soir les mêmes nuages réapparaissaient, le soleil s’obscurcissait et disparaissait ainsi de notre hémisphère. Ce n’était que quelques heures après que le soleil s’était couché que les nuages disparaissaient aussi. Ce phénomène dura jusque vers la fin du mois d’août sans qu’on peut découvrir ce qu’il pouvait nous annoncer. Chacun se livrait à des conjonctures, les uns voulaient que ce fut le pronostic de quelques maladies contagieuses que nous aurions dans le pays, les autres prétendirent que nous aurions quelque fort tremblement de terre. D’autres enfin moins craintifs disaient que c’était la faute du tremblement de terre qui était arrivé il n’y avait pas longtemps à Messine. Ce tremblement fut si fort que toute la ville de Messine à l’exception d’un couvent de Cap(?) fut engloutie et les habitants par conséquent ensevelis dans les ruines. Il y a des maisons de campagne assez près de cette malheureuse ville qui furent transportées à quelques distances de leur sol. Les rivières changèrent de lit et il n’y eut que très peu d’habitants qui à la première secousse arrivèrent à courir dans les champs qui furent sauvés. »

On retrouve dans ces écrits paroissiaux du sud de la France nombre d’événements mentionnés par les historiens qui ont étudié l’époque autour l’éruption islandaise du Laki, en particulier la référence aux séismes qui se sont produits en Calabre et en Sicile.

Du “vog” sur l’île de la Réunion

L’éruption du Piton de la Fournaise est terminée, mais elle a laissé derrière elle une enveloppe de brouillard volcanique que les Hawaiiens ont baptisé « vog », le condensé de « volcanic fog », autrement dit brouillard volcanique. A Hawaii, avant que se termine l’éruption du Kilauea en août 2018, ce brouillard a posé des problèmes aux horticulteurs  car le gaz qu’il véhicule est en grande partie de dioxyde de soufre (SO2). Se mêlant à la pluie, il devient de l’acide sulfurique et donne naissance à des pluies acides qui abîment les récoltes. S’il persiste, le vog peut également devenir un problème pour les personnes souffrant de problèmes respiratoires.

A la Réunion, le vog n’a pas vraiment d’impact sur la vie de l’île. Les météorologues n’enregistrent rien de significatif. De plus, le phénomène ne devrait persister que quelques dizaines d’heures. Pour le moment, le gaz émanant de l’éruption reste piégé sous un couvercle nuageux qui persiste sur toute la zone sud de l’île. Le vog se dispersera avec le retour de la pluie et du vent qui nettoiera l’atmosphère.

Côté circulation, la réouverture totale de la RN2 s’est effectuée dans les deux sens le 27 octobre dans la soirée. Les gendarmes ont toutefois maintenu une surveillance de la route au niveau de la coulée en raison de la forte affluence.

Source de vog à Hawaii (Photo: C. Grandpey)

Les pièges de l’Etna (Sicile / Italie) // The traps of Mount Etna (Sicily / Italy)

L’Etna est un volcan dont l’accès est relativement facile mais qui requiert le plus grande prudence, comme tous les volcans actifs ou, tout simplement, les zones de haute montagne. Il ne faut pas oublier que le volcan culmine à 3340 mètres et la météo à plus de 2000 mètres n’a rien à voir avec celle des plages de la Mer Ionienne. Même au cœur de l’été, il peut faire très froid. A l’époque où je donnais un coup de main aux guides, j’ai vu de jeunes et jolies femmes débarquer des bus en mini jupes et regretter de ne pas s’être couvertes plus chaudement !

S’agissant de la météo, il est prudent de se renseigner avant d’entamer une randonnée sur le volcan. Le temps peut changer extrêmement vite et le brouillard peut s’installer en quelques minutes en réduisant la visibilité qui peut devenir nulle. Il est prudent d’avoir un GPS avec soi. En actionnant la fonction retour, il sera plus facile de retrouver sa trace.

En hiver, le brouillard peut s’accompagner d’une tempête de neige, avec un véritable blizzard qui fait perdre ses repères. Si l’on n’a pas de GPS pour se guider, le chef des guides m’avait indiqué qu’il fallait marcher sans s’arrêter contre le vent qui, le plus souvent vient de l’ouest. Arrivera un moment où l’on atteindra la forêt. La chose à ne pas faire serait de tourner le dos au vent et de se diriger vers la Valle del Bove, avec le risque de chute mortelle le long des parois escarpées de cette dépression.

En hiver, lorsque la neige recouvre l’Etna, il faut avancer avec prudence dans la zone sommitale, en particulier dans les secteurs où les fumerolles chauffent le sol. La chaleur ainsi émise fait fondre la neige par en dessous et si l’on avance sur une telle zone, on peut vite se retrouver au fond d’un trou. Une bonne précaution est de laisser une distance entre les personnes. En cas de problème, il sera plus facile d’intervenir.

En été, c’est la foudre qui représente, à mes yeux, le principal danger. Là encore, il est fortement conseillé de consulter la météo avant d’entreprendre une randonnée. La lave de l’Etna est par endroits riche en fer, ce qui favorise les impacts de foudre. Ils sont très visibles au sommet de la Montagnola. Il y a quelques années, deux jeunes personnes ont été tuées par la foudre du côté du Cratère NE. J’ai raconté cette triste histoire dans mon livre Volcanecdotes, aujourd’hui épuisé.

Outre la météo, l’Etna cache les pièges classiques d’un volcan actif, comme on a pu le constater avec l’explosion phréato-magmatique qui a surpris les personnes qui se trouvaient à proximité du front de coulée il y a quelques jours. Les explosions peuvent se produire au niveau des cratères même quand le volcan semble calme. J’ai pu le constater un jour que je me trouvais au bord de la Voragine qui a fait entendre deux grosses explosions avec des projections de blocs loin derrière la lèvre du cratère. D’où l’importance d’avoir un casque pendant la visite de l’Etna, une précaution que ne semble pas avoir prise les victimes de l’explosion phréato-magmatique. En cas d’explosion, surtout si celle-ci a son siège dans un cratère, il est important de ne pas courir. Le bon réflexe est de lever les yeux pour observer la trajectoire des bombes. Il sera ainsi plus facile de les éviter.

Une dernière recommandation : Respecter les décisions des autorités concernant la sécurité. Ne pas s’aventurer dans les zones non autorisées. Ne pas hésiter à louer les services d’un guide si le règlement l’impose.

Aujourd’hui, nous vivons une époque où les exploits extrêmes font la loi, et ceux qui s’aventurent à donner des conseils de prudence passent souvent pour des imbéciles. Heureusement, la Nature est là pour remettre les choses à leur place!

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MISE AU POINT

Les articles et remarques publiés sur ce blog le sont sous la seule responsabilité de Claude Grandpey et n’engagent en rien celle de L’Association Volcanologique Européenne (L.A.V.E.) dont il est Président d’Honneur. Si des personnes ont des commentaires à formuler sur les articles, elles doivent le faire ici, dans la rubrique « Commentaires », par courrier électronique ou par téléphone si elles possèdent mon numéro.

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Mount Etna is a volcano whose access is quite easy, but it requires the utmost caution, like all active volcanoes or, simply, high mountain areas. It should not be forgotten that the volcano culminates at 3340 meters a.s.l. and the weather above 2000 meters has nothing to do with that of the beaches of the Ionian Sea. Even in the summer, it can get very cold. When I worked with the guides, I saw young and pretty women get out of the buses in mini skirts and regret not having covered themselves more warmly!
Regarding the weather, it is prudent to inquire before starting a hike on the volcano. The weather can change extremely quickly. Fog can settle in minutes and reduce visibility that can become zero. It is prudent to carry a GPS. By activating the return function, it will be easier to find one’s track.
In winter, the fog can be accompanied by a snow storm, with a real blizzard that makes you lose your bearings. If you do not have a GPS to guide you, the leader of the guides told me one day  that you should walk without stopping against the wind, which usually comes from the west. There will come a time when you will reach the forest. The thing not to be done would be to turn your back to the wind and to head towards the Valle del Bove, with the risk of a deadly fall along the steep walls of this depression.
In winter, when snow covers Mt Etna, caution must be exercised in the summit zone, particularly in areas where fumaroles are heating the ground. The heat thus emitted melts the snow from below and if one moves forward on such an area, one can quickly find oneself at the bottom of a hole. A good precaution is to leave a distance between people. In case of problems, it will be easier to intervene.
In summer, it is the lightning which represents the main danger. Again, it is advisable to consult the weather before undertaking a hike. The lava on Mt Etna is in places rich in iron, which atracts lightning strikes. They are quite visible at the top of the Montagnola. A few years ago, two young people were killed by lightning near the NE Crater. I narrated this sad story in my book Volcanecdotes, now out of print.
In addition to the weather, Mount Etna conceals the classical traps of an active volcano, as we have seen with the phreato-magmatic explosion that surprised the people who were near a lava front a few days ago. Explosions can occur at the summit craters even when the volcano appears calm. I could see it one day when I was on the edge of the Voragine which triggered two large explosions, with projections of blocks far beyond the crater rim. Hence the importance of wearing a helmet during the visit of Mt Etna, a precaution that does not seem to have been taken the victims of the phreato-magmatic explosion. In the event of an explosion, especially if it has its seat in a crater, it is important not to run. The good reflex is to raise one’s eyes to observe the trajectory of the bombs. This will make it easier to avoid them.
A final recommendation: Respect the authorities’ decisions on safety. Do not venture into unauthorized areas. Do not hesitate to rent the services of a guide if the regulation imposes it.

Today, at a time when extreme feats are the rule, those who dare give pieces of advice about security are often considered as stupid persons. Fortunatley, Nature is here to put things right!

Photos: C. Grandpey