Oplontis et Stabies dans l’ombre du Vésuve

Quand on parle de l’éruption du Vésuve en l’an 79 de notre ère, on associe inévitablement à cet événement les cités romaines de Pompéi et Herculanum qui ont subi les assauts des nuages de cendres et des nuées ardentes.

Au hit parade du nombre de visiteurs, Pompéi l’emporte haut la main. Il est vrai que la cité romaine recèle des trésors et nous aide à comprendre comment vivaient les Romains au premier siècle de notre ère. L’architecture de Pompéi est particulièrement intéressante avec ses rues rectilignes sur lesquelles subsistent les empreintes des chars romains.

Certaines maisons comme celle des Vettii ou la Villa des Mystères proposent des fresques remarquables, même si beaucoup d’originaux se trouvent au Musée archéologique national de Naples. Comme je le dis au cours de ma conférence sur le volcanisme en Campanie, la visite de Pompéi ne saurait être complète sans celle du musée napolitain.

Même si Pompéi offre des merveilles au visiteur, à titre personnel et en tant que volcanophile, je préfère Herculanum qui montre parfaitement l’épaisseur de matériaux émis par le Vésuve. Le moment le plus émouvant de la visite est la vue sur les hangars à bateaux dans lesquels s’était réfugiés les habitants. Les moulages en résine des squelettes offrent aux visiteurs une image impressionnante de la catastrophe. Aujourd’hui, ces hangars se trouvent à 400 mètres du littoral !

C’est à Herculanum que se trouve la Villa des Papyrus, une résidence ayant probablement appartenu à Pison, beau-père de Jules César et dans laquelle les archéologues ont découvert 1838 rouleaux de papyrus. Aujourd’hui, les techniques les plus élaborées d’imagerie et d’intelligence artificielle sont utilisées pour essayer de les déchiffrer en dépit de leur fragilité.

En regardant le site archéologique d’Herculanum depuis le haut de la falaise qui le domine et en observant la cohabitation entre la cité antique et la ville nouvelle d’Ercolano , avec le Vésuve en toile de fond, je me disais que le monstre attendait probablement son heure pour renouveler son œuvre de destruction…

Beaucoup moins connue que Pompéi ou Herculanum, Oplontis a également été victime des fureurs du Vésuve. Les archéologues y ont mis au jour une superbe villa qui a probablement été occupée par Poppée, seconde épouse de Néron. L’accès au site n’est pas aisé et je dois reconnaître que sans le GPS j’aurais eu beaucoup de difficulté à le trouver. L’infrastructure des lieux ne permettrait pas, non plus, à des autocars de touristes de s’y garer.

D’après la description faite par l’UNESCO, la villa Oplontis présente « les peintures murales les mieux préservées de l’époque romaine ». Contrairement à beaucoup à Pompéi, celles-ci sont authentiques et n’ont pas été transférées au musée de Naples.

Avant l’éruption de 79, la villa trônait au sommet d’une falaise dominant une plage de la baie de Naples. Oplontis appartenait à un chapelet de résidences secondaires construites par de riches citoyens romains, avec les villas San Marco et Ariana à Stabies et la villa des Papyrus à Herculanum. Certains pensent que la villa appartenait à l’intrigante impératrice Poppæa Sabina, ou Poppée, seconde épouse de Néron. Son nom a été découvert sur une amphore lors d’une fouille. C’est pourquoi les archéologues ont baptisé le site Villa di Poppea. On pense que cette demeure n’était pas habitée au moment de l’éruption de 79, mais en reconstruction suite au séisme de l’an 62.

Stabies, en latin Stabiae, l’ancien nom de Castellammare di Stabia, est peu connue de la plupart des gens, éclipsée par la renommée de Pompéi et d’Herculanum. C’était pourtant une ville très importante dans l’ancienne région du Vésuve. Comme à Oplontis, avant l’éruption du volcan, de nombreuses villae étaient construites dans une position panoramique, conçues principalement à des fins résidentielles, avec de grandes pièces d’habitation, des thermes, des portiques et des nymphéas magnifiquement décorés. Seules quelques-unes peuvent actuellement être visitées, comme la villa Arianna ou la villa San Marco, séparée de la villa Arianna par une petite route.

On entre dans la Villa San Marco en descendant un escalier qui conduit à une cour à portique. Une pièce intéressante est le calidarium où l’on pouvait prendre un bain chaud et qui jouxtait le tepidarium puis le frigidarium.

À proximité se trouvent des salles utilisées pour le repos et présentant de belles décorations.

Depuis la terrasse de la villa, la vue sur le Vésuve actuel avec à ses pieds les villes de Torre del Greco e Torre Annunziata se passe de commentaire. Si le monstre se réveille, on aura affaire à une catastrophe de grande ampleur.

La Villa Arianna, ainsi appelée en raison de la peinture de sujets mythologiques trouvée sur le mur du fond du triclinium a été presque entièrement fouillée entre 1757 et 1762. Les décorations témoignent non seulement du haut niveau de vie qui devait y régner, mais aussi du goût extrêmement raffiné d’une clientèle de haut rang. Dans les grandes salles et les halls, les thèmes mythologiques sont principalement représentés par des figures presque grandeur nature inspirées de Dionysos, comme la peinture d’Ariane abandonnée par Thésée sur le mur du fond du triclinium, salle à manger, ainsi nommée en raison de l’utilisation de lits – kline – sur lesquels les invités s’allongeaient pour prendre leurs repas.

La ville moderne de Castellammare di Stabia offre aux visiteurs une longue promenade où la population aime faire la passeggiata en fin de journée avec, en permanence, le Vésuve en toile de fond…

Photos: C. Grandpey

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À noter que mes prochaines conférences sur le volcanisme en Campanie auront lieu le 6 novembre 2025 à Cahors (Lot) et le 30 avril 2026 à Rochefort (Charente-Maritime).

Champs Phlégréens (suite)

On peut lire dans la presse locale que, selon les habitants de la Via Antiniana, une route reliant le quartier d’Agnano à Naples et la zone de Pouzzoles, près de la Solfatara et de la zone de Pisciarelli, des cloques seraient apparues sur l’asphalte et la chaussée se serait déformée. La Solfatara et la zone de Pisciarelli enregistrent d’importantes émissions de gaz volcaniques depuis des années.

Selon les premières observations des techniciens de l’Observatoire du Vésuve, les flux de H2S et de CO2 dans cette zone sont très élevés, et des températures anormales du sol ont également été enregistrées à plusieurs endroits.
La situation doit, bien sûr, être surveillée attentivement. Il faut savoir que ces apparitions de poches de chaleur en surface n’ont rien d’exceptionnel dans les zones où circulent des flux hydrothermaux. On l’observe périodiquement à Yellowstone qui présente toutefois un système volcanique différent de celui des Champs Phlégréens.

Comme je l’ai indiqué précédemment, il faudra la conjonction de plusieurs paramètres inquiétants pour que des alertes soient déclenchées au sein de la population. Ce n’est pas le cas actuellement. Lors de ma dernière visite dans la région, la fumerolle de Pisciarelli présentait une température stable de 90-95°C (source : INGV).

Photo: C. Grandpey

Champs Phlégréens (Italie) : mise au point

Mon reportage sur les Champs Phlégréens diffusé le 24 septembre 2025 sur ce blog n’a, semble-t-il, pas plu à tout le monde. Un chercheur (pardon, un volcanologue, mot dont il se gargarise volontiers) du Laboratoire Magmas et Volcans de Clermont-Ferrand écrit sur le réseau X : « Concernant les Champs Phlégréens, le rassurisme du compte @Kilauea50 montre une déconnexion totale de la réalité scientifique. Les différentes données groupées ne sont pas rassurantes. il ne faut pas non plus paniquer bien évidemment mais continuer le monitoring avec l’aide de volcanologues de qualité. » À noter que ces derniers mots correspondent à ce que j’ai écrit précédemment dans mes notes sur les Campi Flegrei, à savoir qu’une surveillance étroite du site est nécessaire.

Ce n’est pas la première fois que ce monsieur critique mes propos. Il ne supporte visiblement pas qu’un volcanophile vienne empiéter sur ses plates-bandes et y proférer la moindre critique. Je lui ferai remarquer que le volcanophile en question est sûrement allé plus souvent que lui sur le terrain volcanique et a réalisé des observations dont le résumé est à lire sous l’entête de ce blog.

De toute évidence, ce volcanologue ne lit pas l’italien car la conclusion des différents bulletins de l’INGV (donc « la réalité scientifique ») sur les Campi Flegrei n’ont rien d’alarmant : «  Sulla base dell’attuale quadro dell’attività vulcanica sopra delineato, non si evidenziano elementi tali da suggerire significative evoluzioni a breve termine. »

Lors de mes visites à Pouzzoles et dans les localités environnantes (autour de la fumerolle de Pisciarelli, par exemple), mon but a aussi été de prendre le pouls de la population et il ressort de ces témoignages que les gens n’ont pas peur de la sismicité ambiante. Le sentiment global est que ce phénomène lié au bradyséisme a lieu depuis des lustres et se poursuivra probablement encore longtemps.

Photo: C. Grandpey

J’aurais pu ajouter que la réaction des gens est la même concernant le Vésuve. Parlant italien, j’ai interviewé au hasard plusieurs personnes à Torre del Greco, Torre Annunziata, Castellamare di Stabia et Boscoreale dans des bars, restaurants ou des magasins d’alimentation. Aucune de ces personne n’a montré la moindre peur. Pire, la plupart m’ont dit qu’elles attendraient le dernier moment pour partir s’il y avait un danger. Elles ne font aucune confiance au plan d’évacuation prévu par les autorités.

Photo: C. Grandoey

Pour finir, je voudrais indiquer au volcanologue du LVM de Clermont que je me comporte en terrain volcanique en gardant à l’esprit ce que m’a dit un jour Haroun Tazieff, à savoir que l’observation sur le terrain est essentielle en volcanologie. Dans un courrier, il m’a qualifié de « merveilleux volcanophile ». Alors, ce ne sont pas les critiques de bas étage de ce monsieur qui me feront reculer !

La situation volcanique en Campanie (Italie)

Je rentre de la Campanie avec une première escale à Pouzzoles. Je me suis rendu auprès de la Solfatara où l’activité ressemble à celle observée lors de ma dernière visite en avril 2022. Les mesures effectuées par l’INGV confirment la stabilité de la situation.

 Vue de la Solfatara (Photo : C. Grandpey)

Dans son bulletin du 16 septembre 2025 qui couvre la période de mon séjour, l’Institut fait état de 32 secousses sismiques dans les Champs Phlégréens, avec un magnitude maximale de M2.1± 0.3.

A noter qu’à Pouzzoles, surtout dans la vieille ville, certaines maisons portent les stigmates des dernières secousses sismiques, avec fissures sur les murs et effondrement des pignons.

 Photo : C. Grandpey

S’agissant des états d’âme de la population, les personnes que j’ai rencontrées et interrogées à Pouzzoles font peu de cas de la sismicité ressentie ces derniers temps. Les dégâts ont été mineurs. Selon ces habitants, la presse rend compte d’un sentiment d’angoisse qui n’existe pas vraiment au sein de la population. Les gens savent que les séismes sont liés au bradyséisme et ont toujours existé, de même que les mouvements de soulèvement et d’affaissement du sol. Les propriétaires de mon hôtel (sur le site d’un ancien établissement de bains romains) ont 2 puits contrôlés régulièrement par l’INGV. Leur température est très stable à 45°C. Tant que les mesures sur les différents sites (Solfatara, par exemple) ne varieront pas de manière significative, il n’y aura pas lieu de s’inquiéter.

Comme je l’ai indiqué précédemment, la déformation actuelle du sol dans les Champs Phlégréens connaît un tendance au soulèvement. Les données recueillies après l’essaim sismique du 15 au 19 février 2025 montrent une augmentation du soulèvement du sol, avec une valeur moyenne mensuelle d’environ 30 ± 5 mm/mois. Depuis début avril, le soulèvement du sol s’est calmé et atteint une valeur moyenne mensuelle d’environ 15 ± 3 mm/mois. Le soulèvement total est d’environ 33 cm depuis janvier 2024.

Mouvements du sol sur le site de Rione Terra (Pouzzoles du 1er janvier 2024 au 21 septembre 2025 (Source: INGV).

Il est intéressant des se rendre sur le port de Pouzzoles où les bittes d’amarrage des embarcations sont beaucoup plus hautes qu’auparavant.

Photo : C. Grandpey

La température de la fumerolle de Pisciarelli reste stable à 94°C. Celle de la Bocca Grande dans la Solfatara reste stable à 165°C. Cependant, cette dernière température a montré une hausse au cours des dernières années, comme on peut le voir ci-dessous. Mon thermomètre indiquait 140°C dans les années 1990.

 Évolution de la température de la Bocca Grande dans la Solfatara (Source : INGV.)

Comme à l’intérieur de l’agglomération de Pouzzoles, les habitants que j’ai rencontrés autour de la fumerolle de Pisciarelli sourient quand on leur demande s’ils ont peur quand la terre tremble et s’ils redoutent une éruption des Champs Phlégréens. C’est toujours le même refrain : ça dure depuis des siècles et ça durera encore des siècles.

 Vue de la fumerolle de Pisciarelli (Photo : C. Grandpey)

De son côté, l’INGV ne s’attend pas à des variations significatives de l’activité dans les Champs Phlégréens au cours des prochains mois.

Source : INGV.

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La visite du Vésuve est toujours aussi intéressante, ne serait-ce que par les vues sur la baie de Naples et la conurbation napolitaine qui serait en grand danger si le volcan décidait de se réveiller. Ce n’est heureusement pas la cas pour le moment. Le dernier bulletin de l’INGV sur l’activité du Vésuve au cours du mois d’août 2025 se veut rassurant car aucun élément ne montre une évolution significative à court terme.

Photo: C. Grandpey

D’un point de vue sismique, 80 événements d’une magnitude maximale de M1,5 ± 0,3 ont été enregistrés sur le Vésuve au  mois d’août 2025.

À gauche les événements sismiques des 12 derniers mois ; à droite ceux du mois d’août 2025 (Source : INGV)

Des fumerolles sont visibles à l’intérieur du Gran Cono, mais ces émissions de vapeur blanche ne sont pas annonciatrices d’un phénomène à venir, mais plutôt d’éruptions passées. Comme me l’expliquait un scientifique de l’INGV,  il s’agit d’un phénomène très superficiel. Le sous-sol est encore chaud suite aux dernières éruptions. La température de la fumerolle principale oscille entre 70 et 80°C.

Photo: C. Grandpey

 Quand on regarde les flancs et les abords du Vésuve depuis le sommet ou depuis la Villa San Marco à Stabies, on comprend très vite qu’une éruption aujourd’hui serait une catastrophe de très grande ampleur. La zone actuellement couverte par les plans d’évacuation en cas d’éruption comprend quelque 600 000 personnes, mais cela ne correspond pas à la réalité.  L’histoire du Vésuve nous montre clairement qu’en cas d’éruption plinienne, la zone à risque serait beaucoup plus vaste et engloberait environ 3 millions de personnes. Soyons clairs : aujourd’hui il n’existe aucun plan d’évacuation applicable, et convaincre les Napolitains de fuir dans l’urgence ne sera pas chose facile. Je m’en suis vite rendu comte en discutant avec des habitants de Pompéi, Boscoreale ou Scafati…

 Le Vésuve, Torre Annunziata, Torre del Greco et Stabies vus depuis la Villa San Marco à Stabies (Photo : C. Grandpey)

C’est dans la région de Boscoreale et Boscotrecase que se trouvent les vignobles produisant le fameux Lacryma Christi. Certaines vignes ont été détruites par l’incendie d’août 2025, mais il est toujours possible de visiter plusieurs chais et de déguster leurs breuvages…

Photo: C. Grandpey