Le glacier des Bossons est l’un de mes préférés dans les Alpes car il porte une lourde charge affective. C’est en août 1956, alors que je n’étais qu’un petit garçon de 8 ans que je l’ai découvert en compagnie de mes parents. A l’époque, quand on arrivait à Chamonix, l’énorme masse de glace surplombait la vallée et je me disais qu’il allait probablement s’effondrer. Il m’impressionnait vraiment, tout comme l’Arve qui bouillonnait à travers la ville. Sorti de ma campagne creusoise, je n’en menais pas large devant ces forces de la nature !
Au fil des années, je me suis rendu de nombreuses fois à Chamonix et j’ai vu le Glacier des Bossons reculer et remonter dans la montagne. Mes photos montrent que sa fonte s’est accélérée au milieu des années 1970.
Dans les années 2000, j’ai emprunté le télésiège qui permet d’accéder au Chalet des Bossons d’où l’on a – ou plutôt on avait – une première belle vue sur le front du glacier. Une halte au Chalet permet de se refaire une santé et de visiter une petite exposition où des panneaux racontent l’histoire du glacier. Dans une note publiée le 15 septembre 2018, j’ai évoqué les catastrophes aériennes survenues en 1950 et 1966 sur le Mont Blanc. Des décennies plus tard, le glacier fait réapparaître des objets ayant appartenu à des passagers ainsi que des morceaux de carlingue.
C’est ce que confirme un petit reportage diffusé le 10 novembre sur le site web de la radio France Info :
La séquence nous rappelle que le Glacier des Bossons recule de plus en plus sous les coups de boutoir du réchauffement climatique. Alors qu’il leur fallait autrefois quelques minutes pour atteindre la glace, les randonneurs doivent désormais effectuer deux heures de marche pour la rejoindre. Après le Chalet des Bossons, le sentier s’élève rapidement et conduit au Chalet des Pyramides. Il ne s’agit pas d’une référence à l’Egypte mais aux séracs spectaculaires qui ornent la surface du glacier. Le sentier s’élève ensuite encore davantage et permet d’atteindre un site baptisé La Jonction. En effet, il y a encore quelques années, on pouvait y admirer le mariage du Glacier des Bossons avec son voisin de Taconnaz. Aujourd’hui, le mariage est devenu divorce et la jonction n’existe plus. On a devant soi une étendue rocheuse qui porte les marques du rabotage effectué par la glace.
Le changement climatique permet aujourd’hui de voir le glacier sous un autre angle, avec des découvertes parfois inattendues. C’est ainsi que des cavernes se creusent dans sa partie frontale où se créent de nouveaux lacs.
Il faut se faire une raison : au train où vont les choses le Glacier des Bossons ne sera plus qu’un souvenir dans quelques décennies, voire quelques années, tout comme la vénérable Mer de Glace sur laquelle on a déposé un linceul blanc pour protéger la grotte que l’on atteignait très facilement quand j’avais 8 ans. Aujourd’hui, il faut emprunter une télécabine et descendre ensuite un escalier de plusieurs centaines de marches. Un bien triste spectacle…
Cette photo confirme que la Jonction entre les Bossons (à gauche) et le Taconnaz (à droite) n’existe plus :
Voici le front du glacier en septembre 2020, dominé par l’Aiguille du Midi :
On peut encore admirer de belles « pyramides » à la surface du glacier :
Cette roue du « Malabar Princess » a été récupérée le 4 août 1987 à hauteur du Chalet des Bossons. Il a fallu 36 ans pour que le glacier accepte de la rendre :
Photos : C. Grandpey