Descente dans le cratère du Stromboli

Il y a quelques jours, mon ami sicilien Santo Scalia a mis en ligne sur son excellent site web Il  Vulcanico (http://ilvulcanico.it/) une anecdote intitulée Arpad Kirner, l’uomo che scese dentro lo Stromboli in eruzione. Elle raconte comment en 1914 cet ingénieur hongrois s’est aventuré à l’intérieur du cratère du Stromboli, volcan sicilien bien connu, en activité quasi permanente depuis plus de 2000 ans. Pour ceux qui comprennent la langue de Dante, le récit est passionnant.

En le lisant, j’ai une très forte pensée pour mes très chers amis Antonio Nicoloso et François Le Guern qui ont effectué une descente identique dans la Voragine et la Bocca Nuova de l’Etna.

Beaucoup plus modestement, je me suis revu au bord des bouches du Stromboli un jour d’août 1995. C’est l’une des anecdotes intitulée Descente aux enfers que je raconte dans mon livre Volcanecdotes, aujourd’hui épuisé. En voici un extrait :

     L’un [des souvenirs du Stromboli] qui restent ancrés dans ma mémoire se produisit un jour d’août 1995, une époque fantastique où on pouvait librement passer la nuit au sommet du volcan. […] 

Il était exceptionnel de rencontrer quelqu’un sur la Cima à trois heures de l’après-midi. Une fois fait le choix du meilleur nid pour la nuit, je pouvais me livrer totalement à mes observations à caractère scientifique, en particulier à l’étude du comportement du volcan en fonction de la pression atmosphérique. Assis sur le « Pizzo », sur le bord de la falaise, j’ai passé des heures à regarder et écouter le Stromboli, à essayer de comprendre son humeur et l’éventuelle relation explosive entre les différentes bouches. Pendant plusieurs années, j’ai songé aux expériences de Tazieff sur ce terrain, son approche des évents éruptifs, coiffé d’un heaume pour se protéger des bombes. A chaque visite, je contemplais la pente ouest du volcan et le semblant de sentier qui se dirigeait vers le cratère le plus occidental. Je supposais qu’il était le fruit de touristes téméraires et imprudents, mais je n’avais jamais osé l’emprunter, car le comportement du volcan me semblait trop aléatoire pour tenter ce genre d’aventure.

      En ce jour d’août 1995, après deux bonnes heures passées à noter le rythme des explosions, je me rendis compte que le cratère ouest (le numéro trois, comme on l’appelait à l’époque) avait un comportement régulier, et se contentait d’expulser bruyamment un nuage de gaz et de cendres environ toutes les demi-heures, mais sans retombées importantes de matériaux. Son voisin, plus au centre, rugissait de temps en temps, tel un avion à réaction, mais seule une traînée de fumée bleutée sortait de son évent lors de ces moments de colère. Je me dis alors que si je devais un jour aller voir de près la gueule du monstre, ce serait ce jour-là ou jamais.

Il n’y avait personne sur le sommet du volcan et je ne pouvais donc pas faire d’envieux. Le risque serait le mien et le mien seulement. J’attendis que le volcan éructe et envoie dans le ciel son habituel nuage de cendres. J’enfilai mon Goretex et ajustai mon casque pour me protéger des éventuelles projections de lapilli ; je pris mon appareil photo et amorçai la descente vers le cratère ouest. Je ne rencontrai aucune difficulté. C’était même trop facile. Un enfant aurait réussi à effectuer ce court trajet. Au fur et à mesure que j’approchais du gouffre, les bombes en bouse de vache, vieilles de quelques jours seulement,  se faisaient de plus en plus nombreuses, me rappelant qu’il faudrait tout de même être vigilant. L’odeur typique des gaz magmatiques, qui déclenche un picotement dans les narines, me fit frissonner. Je sentais mon cœur battre dans ma poitrine ; d’une part, je vivais un moment probablement unique dans ma vie, mais d’autre part,  j’étais à la merci des caprices du volcan.

     Je m’approchai prudemment de la lèvre du cratère qui était parfaitement dégagé. Une légère brise évacuait les quelques fumerolles qui s’échappaient des parois du puits taillé à l’emporte pièce dans le basalte. Le plancher du cratère n’était pas très profond, peut-être une vingtaine de mètres en dessous de moi. Je m’accroupis puis m’allongeai sur le rebord du gouffre, avec juste la tête au-dessus du vide. Je sentais la chaleur du volcan monter à l’intérieur de moi et une espèce de communion s’établir avec lui, comme si j’avais voulu essayer de l’amadouer. Je vis parfaitement deux bouches qui perçaient le plancher, toutes les deux ourlées d’un collier blanc de minéraux déposés par les gaz. J’en conclus que l’une d’elles était active et émettait le nuage de cendres, tandis que l’autre était, au moins provisoirement, au repos. Alors que je scrutais l’intérieur de ce cratère, son voisin du centre fit entendre un violent rugissement d’une dizaine de secondes qui fit vibrer le sol sous moi. Comme précédemment, seul un ‘cigare’ de fumée bleue accompagna cet événement. J’eus le temps de fixer ce moment sur la pellicule ; il n’était pas inoubliable mais constituerait un souvenir de ma visite. Je fis d’autres photos de l’intérieur du cratère ouest, plus techniques qu’artistiques. Elles permettraient d’étudier l’évolution du comportement des bouches.

     Je ne sais pas combien de temps je suis resté allongé sur la lèvre de ce cratère. Toute notion de durée avait brutalement disparu. Dix minutes, un quart d’heure ? Je jugeai toutefois que ce moment d’intimité avec le volcan avait assez duré et je décidai de reprendre le chemin de la Cima. Je parcourus une dernière fois du regard l’ensemble des deux cratères qui s’offrait à ma vue et je dévalai rapidement le monticule constellé de bombes ‘fraîches’ qui scintillaient au soleil. Une fois arrivé sur la Cima, je regardai avec une attention toute particulière le lieu de mes observations, envahi à la fois par un sentiment de fierté et de satisfaction. Ma décision avait été la bonne. Le moment avait été bien choisi. En effet, fidèle à son rythme de l’après-midi, le cratère expulsa bientôt un superbe nuage de cendres couleur marron contrastant avec le bleu du ciel, comme  pour me remercier de lui avoir tenu compagnie pendant quelques instants…. 

Photos : C. Grandpey

Il se passe toujours quelque chose en Alaska // There’s always something going on in Alaska

Un Boeing 737-700 d’Alaska Airlines est entré en collision avec un ours brun lors de son atterrissage à Yakutat, dans le sud-est de l’Alaska, le 14 novembre 2020. L’animal a été tué et l’avion a subi quelques dégâts. Aucun passager n’a été blessé. L’avion avait décollé de Cordova et devait ensuite faire escale à Juneau.

Le personnel de l’aéroport s’était assuré que la piste était dégagée une dizaine de minutes avant l’atterrissage du vol 66. Les employés n’ont pas repéré d’animaux sauvages lors de leur mission. Pourtant, quand l’avion a commencé à ralentir après l’atterrissage, les pilotes ont aperçu deux ours en train de traverser la piste.

Le pilote a ressenti un impact sur le côté gauche de l’appareil au moment où les ours passaient sous l’avion. Il s’agissait d’une mère accompagnée de son ourson. L’ourse a été tuée mais son petit, âgé probablement d’environ 2 ans, n’a pas été blessé. Le capot du moteur gauche de l’avion a été endommagé et l’aéronef a été contraint de rester à Yakutat le lendemain. Le personnel de l’aéroport de Yakutat a évacué la carcasse de l’ourse qui devait être récupérée par les responsables du Département de la Faune Sauvage en Alaska.

L’aéroport de Yakutat est partiellement fermé par une clôture. Le personnel suit une formation annuelle sur les dangers de la faune et utilise des pièces pyrotechniques ou des véhicules pour éloigner les animaux de la zone en cas de besoin. Dans le passé, des avions ont percuté des cervidés, des oies, et d’autres animaux communs en Alaska, mais c’est la première fois qu’un ours est concerné. En 1987, un avion d’Alaska Airlines a été retardé à Yakutat après qu’un pygargue à tête blanche a laissé échapper en plein vol un saumon qu’il tenait dans ses serres. Le poisson a heurté la vitre du cockpit peu après le décollage de l’aéroport de Juneau. Les techniciens ont repéré le point d’impact grâce à la graisse et quelques écailles, mais aucun dégât n’a été décelé.

Source: Anchorage Daily News.

Nous sommes à la mi novembre et on remarquera que ces grizzlys n’ont toujours pas commencé à hiberner. Avec le réchauffement climatique, l’entrée en hibernation est souvent retardée de plusieurs semaines et il en va de même de la sortie de la période d’hibernation. C’est un moment où la population doit se montrer prudente. En effet, les ours ont faim et ils sont beaucoup plus agressifs.

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An Alaska Airlines Boeing 737-700 struck a brown bear while landing on November 14th, 2020 in Yakutat, SE Alaska, killing the animal and causing some damage to the plane. No one in the plane was hurt. The plane had departed first from Cordova and was scheduled to stop in Juneau next.

Airport crew members had cleared the runway about 10 minutes before flight 66 was expected to land. They did not see any signs of wildlife during the check, but as the plane began to slow after landing, the pilots spotted two bears crossing the runway.

The pilot felt an impact on the left side after the bears passed under the plane. Tne bears xwere a sow with its cub. The sow was killed but its cub, thought to be roughly 2 years old, was uninjured. The left engine cowl of the plane was damaged and the plane remained in Yakutat the next day. Crew members at the Yakutat Airport cleared the bear carcass from the runway, and officials with the Alaska Department of Fish and Game are expected to collect the remains.

The Yakutat Airport is partially enclosed by a fence and employees undergo annual wildlife hazard training and use pyrotechnics or vehicles to herd animals away from the area when needed. In the past, planes have been reported hitting deer, geese, caribou and other animals in Alaska, but this is the first time a bear has been struck by a plane. In 1987, an Alaska Airlines jet was delayed in Yakutat after a bald eagle dropped a salmon from its talons in midair and the fish hit a cockpit window shortly after takeoff from the Juneau airport. Technicians found a greasy spot with some scales, but no damage.

Source: Anchorage Daily News.

It is mid November and one can notice that these grizzly bears still have not started to hibernate. With global warming, the onset of hibernation is often delayed by several weeks, and so is the exit from the hibernation period. This is a time when people need to be careful. Indeed, bears are hungry and they are much more aggressive.

Scène de vie en Alaska… (Photo : C. Grandpey)