A méditer… // Something to ponder about…

Longyearbyen n’est pas la ville la plus connue dans le monde. Avec ses quelque 2000 habitants, elle est la capitale administrative du Svalbard, dans l’archipel du Spitzberg, au nord de la Norvège. Par son isolement et des conditions de vie rendues difficiles par la climat, la ville a des lois un peu particulières. Ainsi, depuis 1950, il est interdit d’y mourir. Les personnes en fin de vie sont envoyées à Oslo, la capitale de la Norvège. Cette mesure est justifiée par les températures extrêmement froides qui règnent – ou régnaient – toute l’année dans cette partie du globe et empêchent la décomposition des corps des personnes décédées. Par ailleurs, Longyearbyen n’accepte pas les nouveaux habitants et personne ne peut y naître, faute d’hôpital. Lorsqu’elles sont enceintes, les femmes sont transférées sur le continent bien avant le terme afin d’accoucher en toute sécurité, avant de revenir sur l’île.

A plusieurs reprises, j’ai mis en garde sur ce blog sur les risques que fera courir la fonte du permafrost – ou pergélisol – dans les prochaines années. Outre les émissions de gaz à effet de serre comme le dioxyde de carbone et le méthane, la fonte du sol gelé peut redonner vie à des microbes et des virus jusque là inconnus. On voit à quel point la pandémie de COVID-19 peut être meurtrière. Rien ne dit que de nouvelles épidémies ne seront pas provoquées par des bactéries jusqu’à présent congelées dans le sol.

Voici une histoire qui fait froid dans le dos.

En septembre 1918, sept jeunes pêcheurs et fermiers norvégiens embarquent à destination du Spitzberg où ils ont l’intention de se faire un peu d’argent dans les mines de charbon. A bord du bateau qui les conduit à leur destination,  ils contractent le virus de la Grippe Espagnole qui a tué plus de 20 millions de personnes au cours de cette même année. Ils décèdent au bout de quelques jours et sont enterrés en catastrophe dans le petit cimetière de Longyearbyen.

En août 1997, en prenant moult précautions, une équipe scientifique exhume les corps et effectue des prélèvements de tissus provenant des poumons, du cerveau, des reins. Les organes sont relativement bien conservés, ce qui suppose que le terrible virus l’est lui aussi ! Les échantillons de tissus prélevés sont envoyés dans quatre laboratoires aux Etats-Unis, au Canada, en Angleterre et en Norvège. Certains virologues critiquent cette opération qui pourrait s’avérer dangereuse. Il ne faudrait pas que le virus s’échappe dans les couloirs d’un laboratoire !

Les travaux en laboratoire ont révélé que le virus responsable de la Grippe Espagnole était né de la combinaison d’une souche humaine (H1), provenant de la grippe saisonnière H1N8, en circulation entre 1900 et 1917, avec des gènes aviaires de type N1. Ainsi naquit, en 1917 ou 1918, une souche H1N1, lointain ancêtre de la variante qui fit trembler le monde en 2009, et

10.000 fois plus virulente. La première vague de Grippe Espagnole, au printemps 1918, fut assez peu meurtrière. La seconde, à l’automne suivant, à la suite d’une probable mutation, s’avéra bien plus agressive, notamment, contre les jeunes adultes âgés de 25 à 29 ans.

Source, Libéraion, Le Figaro, la presse américaine.

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Longyearbyen is not the best known city in the world. With 2,000 inhabitants or so, it is the administrative capital of Svalbard, in the Spitsbergen archipelago, in the north of Norway. By its isolation and living conditions made difficult by the climate, the city has somewhat special laws. Since 1950, it has been forbidden to die there. People at the end of their life are sent to Oslo, the capital of Norway. This measure is justified by the extremely cold temperatures which prevail – or prevailed – throughout the year in this part of the globe and prevent the decomposition of the corpses. In addition, Longyearbyen does not accept new residents and no one can be born there, for lack of a hospital. When pregnant, women are transferred to the mainland well in advance to deliver safely before returning to the island.
I have repeatedly warned on this blog about the risks of melting permafrost in the coming years. In addition to greenhouse gas emissions such as carbon dioxide and methane, the melting of the frozen soil can revive previously unknown microbes and viruses. We can see how deadly the COVID-19 pandemic can be. There is nothing to prove that new epidemics will not be caused by bacteria so far frozen in the ground.
Here is a story that is cold in the back.
In September 1918, seven young Norwegian fishermen and farmers embarked for Spitsbergen where they planned to make some money in the coal mines. On board the boat that took them to their destination, they contracted the Spanish fFu virus which killed more than 20 million people during the same year. They died after a few days and were hastily buried in the small cemetery of Longyearbyen.
In August 1997, taking a lot of precautions, a scientific team exhumed the bodies and took samples of tissues from the lungs, the brain and the kidneys. The organs were relatively well preserved, which means that the terrible virus was too! The tissue samples collected were sent to four laboratories in the United States, Canada, England and Norway. Some virologists criticized this operation, which could prove to be dangerous. The virus should not escape into the corridors of a laboratory!
Lab work has revealed that the virus responsible for the Spanish Flu was born from the combination of a human strain (H1), originating from the seasonal flu H1N8, circulating between 1900 and 1917, with avian genes of the N1 type. Thus was born, in 1917 or 1918, a strain H1N1, a distant ancestor of the variant which made the world tremble in 2009, and
10,000 times more virulent. The first wave of Spanish Flu, in the spring of 1918, was not very deadly. The second wave, the following autumnl, due to a probable transfer, proved to be much more aggressive, in particular, among young adults aged 25 to 29.
Source, Libéraion, Le Figaro, the American press.

Cimetière de Longyearbyen (Crédit photo: Wikipedia)

Vue de Longyearbyen. Il faut désormais naviguer très loin pour atteindre la glace (Crédit photo: Wikipedia)

La fonte de la glace et du permafrost risque de libérer de nouveaux virus // Melting ice and permafrost may release new viruses

Alors de la planète s’inquiète du nouveau coronavirus apparu il y a quelques jours en Chine, des chercheurs américains et chinois qui travaillent dans les glaces de l’Himalaya ont mis à jour plusieurs virus jusqu’alors inconnus. Ce n’est pas vraiment une surprise. J’ai évoqué à plusieurs reprises sur ce blog ce même risque lié à la fonte du permafrost dans les hautes latitudes. Ainsi, des éleveurs de rennes en Sibérie ont été victimes au cours de l’été 2016 d’une épidémie d’anthrax après avoir consommé une carcasse de renne décongelée. En 2017, des chercheurs ont découvert, dans le permafrost un virus géant vieux de 30.000 ans. Ils étaient parvenus, sous contrôle, à le réactiver pour infecter une amibe unicellulaire. C’est la preuve que les virus peuvent survivre, au moins 30.000 ans.

Les chercheurs américains et chinois se sont rendus au Tibet en 2015. La mission avait pour but de forer les glaciers de l’Himalaya et d’analyser ensuite les carottes pour y rechercher des bactéries et autres virus. Dans une pré-édition de leur étude, on apprend qu’ils ont ainsi mis au jour pas moins de 33 virus dont 28 jusque-là inconnus de la science.

Ces virus ont été découverts dans une glace vieille de 15 000 ans, à une cinquantaine de mètres de profondeur. Pour s’assurer que ces échantillons ne seront pas contaminés par leur exposition à l’air ambiant, les chercheurs ont suivi des protocoles d’échantillonnage très sévères : Travail dans une chambre froide portée à moins 5 °C ; utilisation d’une scie à ruban stérilisée ; lavage des carottes à l’éthanol puis à l’eau stérile.

Les chercheurs n’int pas été vraiment surpris de découvrir des virus jusqu’alors inconnus et qui étaient assez différents d’une carotte à l’autre ; l’une datait de 15.000 ans, l’autre de seulement 520 ans. Ces différences sont probablement révélatrices de conditions climatiques dissemblables au moment de leur dépôt, mais elles fournissent des informations importantes sur la manière dont les virus peuvent prospérer ou non en fonction des conditions environnementales.

Les chercheurs ont profité de cette étude pour attirer l’attention du public sur une problématique nouvelle à laquelle ils se heurtent aujourd’hui : la fonte des glaces, résultat du réchauffement climatique. Selon eux, dans le meilleur des cas, la fonte des glaces nous fera perdre des données microbiennes et virales précieuses qui pourraient nous renseigner sur les régimes climatiques passés de notre planète ainsi que sur l’évolution probable des populations de micro-organismes avec les variations climatiques à venir. Dans le pire des cas, le réchauffement climatique – et la nouvelle exploitation minière de régions auparavant inaccessibles – pourrait être à l’origine d’une libération de nouveaux agents pathogènes dans notre environnement.

Source : Futura Sciences.

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While the world is worried about the new coronavirus that appeared a few days ago in China, American and Chinese researchers working in the ice of the Himalayas have discovered several viruses hitherto unknown. It’s not really a surprise. I have mentioned several times on this blog the risk linked to the melting of permafrost in high latitudes. Reindeer herders in Siberia suffered from an anthrax epidemic in the summer of 2016 after consuming a thawed reindeer carcass. In 2017, researchers discovered a giant 30,000-year-old virus in permafrost. They had managed, under control, to reactivate it to infect a single-celled amoeba. This is proof that viruses can survive, at least 30,000 years.

The American and Chinese researchers visited Tibet in 2015. The mission aimed to drill the Himalayan glaciers and then analyze the ice cores for bacteria and other viruses. In a pre-edition of their study, we learn that they have detected no less than 33 viruses, including 28 previously unknown to science.
These viruses were discovered in 15,000-year-old ice, some 50 meters deep. To ensure that these samples will not be contaminated by their exposure to ambient air, the researchers followed very strict sampling protocols: Work in a cold room brought to minus 5°C; use of a sterilized band saw; washing the carrots with ethanol and then with sterile water.
The researchers were not really surprised to discover viruses hitherto unknown and which were quite different from one ice core to another; one was 15,000 years old, the other only 520 years old. These differences are probably indicative of dissimilar climatic conditions at the time of their deposition, but they do provide important information about how viruses may or may not thrive depending on environmental conditions.
The researchers took advantage of this study to draw public attention to a new problem they are facing today: the melting of the ice, the result of global warming. According to them, in the best of cases, the melting of the ice will cause us to lose precious microbial and viral data which could inform us about the past climatic regimes of our planet as well as about the probable evolution of the populations of microorganisms with the variations.of future climates. In the worst case, global warming – and new mining in areas previously inaccessible – could be the source of new pathogens in our environment.
Source: Futura Sciences.

Carte montrant les régions arctiques recouvertes par le permafrost (Source: NOAA)

Toundra en Alaska (Photo: C. Grandpey)

Le virus Ebola en République Démocratique du Congo // Ebola virus disease in the Democratic Republic of Congo

Voici une information très importante à l’attention des personnes qui ont l’intention de se rendre en République Démocratique du Congo où se trouve le Nyiragongo qui possède l’un des rares lacs de lave de la planète en ce moment.

Le Nyiragongo se trouve dans la province du Nord-Kivu qui est affectée, ainsi que l’Ituri, par une sévère épidémie de fièvre Ebola qui a tué plus de  1000 personnes depuis le mois d’août 2018. A noter que Kinshasa, la capitale du pays, n’est pas concernée. Par contre, de nombreuses victimes ont été recensées dans les régions de Goma et Nyiragongo.

Le virus se propage par transmission interhumaine, à la suite de contacts directs (peau lésée ou muqueuses) avec du sang, des sécrétions, des organes ou des liquides biologiques de personnes infectées, ou avec des surfaces et des matériaux (par exemple, linge de lit, vêtements) qui ont été contaminés par ce type de liquides.

Le Ministère des Affaires Etrangères diffuse sur son site Internet des consignes de prévention :

https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/conseils-aux-voyageurs/conseils-par-pays-destination/republique-democratique-du-congo/

Au Congo, L’Union des femmes opprimées (UFO) a lancé le mois dernier une campagne de sensibilisation en faveur de trois cents « enfants de la rue » contre le virus Ebola. Plusieurs sites des communes de Goma et de Nyiragongo, ont été ciblés. Cette campagne est justifiée par la vulnérabilité de cette couche sociale dans la ville de Goma et le territoire de Nyiragongo.

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Here is a very important piece of information for those who intend to visit the Democratic Republic of Congo where Nyiragongo is located, with one of the few lava lakes on the planet at the moment.
Nyiragongo is located in the North Kivu province which is affected, as well as Ituri, by a severe epidemic of Ebola virus disease that has killed more than 1000 people since August 2018. Note that Kinshasa, the capital of the country, is not concerned. Many casualties have been reported in the Goma and Nyiragongo areas.
The virus spreads by human-to-human transmission, as a result of direct contact (broken skin or mucous membranes) with blood, secretions, organs or body fluids of infected persons, or with surfaces and materials (eg bed, clothing) that have been contaminated with this type of fluid.
The Ministry of Foreign Affairs publishes prevention guidelines on its website:
https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/conseils-aux-voyageurs/conseils-par-pays-destination/republique-democratique-du-congo/

In Congo, the Union of Oppressed Women (UFO) launched last month an awareness campaign for 300 « street children » against the Ebola virus. Several sites in the communes of Goma and Nyiragongo have been targeted. This campaign is justified by the vulnerability of this social stratum in the city of Goma and the territory of Nyiragongo.

Lac de lave du Nyiragongo (Crédit photo: Wikipedia)

La fonte du permafrost (3ème partie) // Permafrost thawing (Part three)

Lorsque la glace à l’intérieur du permafrost fond, le sol devient instable et peut s’affaisser, provoquant des éboulements de roches, des affaissements et des glissements de terrain, des inondations et l’érosion des côtes. Le sol s’est affaissé de 85 mètres dans certaines parties de la Sibérie. Ce phénomène peut causer des dégâts aux bâtiments, aux routes, aux lignes électriques et autres infrastructures. Cela peut aussi nuire aux écosystèmes naturels. La fonte du permafrost peut affecter la vie végétale à la base de la chaîne alimentaire et potentiellement toutes les créatures qui en dépendent. Les changements dans le paysage peuvent modifier la reproduction et la migration des caribous. De la même façon, à mesure que l’Arctique se réchauffe, les castors se déplacent vers le nord ; leurs barrages inondent de nouvelles zones, créant des zones marécageuses où l’eau plus chaude accélère la fonte du permafrost.
Le dégel du permafrost peut libérer autre chose que le carbone ou le méthane. Sa fonte peut devenir une menace pour la santé humaine. Comme je l’expliquais dans un article de ce blog, en 2016, un jeune garçon est décédé et des dizaines de personnes ont été hospitalisées après avoir contracté l’anthrax dans la péninsule de Yamal en Sibérie. Une carcasse de renne infectée par l’anthrax et qui avait gelé 75 ans auparavant s’est décomposée lors de la fonte du permafrost. Les spores de l’anthrax ont pénétré dans le sol et l’eau, puis dans les réserves de nourriture, infectant ainsi les êtres humains.
Les hommes, les animaux et leurs maladies sont maintenus à l’état de gel dans le permafrost depuis des siècles, mais les bactéries et les virus peuvent survivre dans le sol gelé pendant des centaines de milliers d’années. Les scientifiques ont récemment redonné vie à un virus âgé de 30 000 ans qui infecte les amibes. Des maladies comme la grippe espagnole, la variole ou la peste qui ont été éliminées pourraient réapparaître avec le dégel du permafrost. Au fur et à mesure que l’Arctique se réchauffe, l’exploitation de minéraux ou de métaux précieux pourrait potentiellement nous mettre à nouveau en contact avec ces microbes et virus.
Construire sur du pergélisol est problématique, non seulement parce que le sol est instable, mais aussi parce que la chaleur des bâtiments et des canalisations peut réchauffer le permafrost. Les structures doivent être construites sur des pieux en bois ou sur des socles de gravier épais. Les conduites d’eau et d’égout doivent être placées au dessus du sol. J’ai expliqué qu’en Alaska, certaines routes et les pistes d’atterrissage de la petite ville de Bethel sont équipées de tuyaux remplis de liquide qui évacuent la chaleur du permafrost et que l’hôpital a installé des machines permettant de garder le sol constamment à très basse température, évitant ainsi son affaissement.

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When the ice in permafrost melts, the ground becomes unstable and can slump, causing rock and landslides, floods and coastal erosion. The ground has collapsed 85 metres deep in some parts of Siberia. This phenomenon can damage buildings, roads, power lines and other infrastructure. It can also harm natural ecosystems. It can affect plant life at the base of the food chain and potentially all the creatures that depend on it. Changes in the landscape can alter caribou breeding and migration patterns. And as the Arctic warms, beavers are moving northward. Their dams flood new areas, creating boggy stretches that allow for more warm water to thaw permafrost further.

Thawing permafrost can release more than carbon emissions. It can become a danger to human health. As I explained in a post on this blog, in 2016, a young boy died and dozens were hospitalized after contracting anthrax on the Yamal Peninsula in Siberia. An anthrax-infected reindeer carcass that froze 75 years earlier became exposed when the permafrost thawed. Anthrax spores entered the soil and water, and eventually the food supply, infecting the humans.

People and animals and their diseases have been frozen in the permafrost for hundreds of years, but bacteria and viruses can survive in permafrost for hundreds of thousands of years. Scientists recently revived a 30,000-year-old virus that infects amoebas. Diseases like the Spanish flu, smallpox or the plague that have been wiped out might be frozen in the permafrost. As the Arctic warms, more activity, like mining for rare earth or precious metals, could potentially put us in contact with them again.

Building on permafrost is problematic, not only because the ground is unstable, but because the heat of buildings and pipes themselves can warm permafrost. Structures must be built on wood piles or based on thick gravel pads. Water and sewer pipes must be placed above ground. I explaines that in Alaska, some roads and airport runways in Bethel are outfitted with liquid-filled pipes that transfer heat away from the permafrost, and the hospital has installed machines that keep the ground constantly refrigerated.

La fonte du permafrost affecte les routes et les structures (Photos: C. Grandpey)