L’éruption du Toba et son impact sur les populations // Toba eruption and impact on populations

Il y a 74 000 ans, la super éruption du Toba fut l’une des plus grandes catastrophes que la Terre ait connues au cours des 2,5 derniers millions d’années. Le volcan est situé dans ce qui est aujourd’hui l’Indonésie, mais des organismes vivants dans le monde entier ont potentiellement été affectés par l’événement.

La super éruption du Toba a envoyé environ 2 800 km³ de cendres dans la stratosphère, et ouvert un énorme cratère de 100 x 30 kilomètres. Une éruption de cette ampleur est susceptible de bloquer la majeure partie de la lumière du soleil et de provoquer des années de refroidissement climatique. À proximité du volcan, les pluies acides risquent de contaminer les réserves d’eau, et d’épaisses couches de cendres sont susceptibles de recouvrir animaux et végétation.

Caldeira du Toba (Source: NASA)

Les populations humaines vivant à proximité du Toba ont probablement été complètement anéanties. Il est intéressant de savoir à quel degré les populations d’autres régions du globe ont été impactées par un tel événement. Le sujet est toujours l’objet d’investigations scientifiques.
Les scientifiques pensent que la super éruption du Toba a provoqué un refroidissement climatique qui a duré jusqu’à six ans. Ses effets ont probablement entraîné une chute brutale de la population humaine à moins de 10 000 individus sur Terre. Ce scénario est corroboré par des preuves génétiques retrouvées dans les génomes des populations actuelles. L’ADN montre que les humains modernes se sont dispersés dans différentes régions il y a environ 100 000 ans, puis ont connu peu après un « goulot d’étranglement » génétique (bottleneck en anglais), autrement dit un déclin important de la population. Les scientifiques cherchent encore aujourd’hui à savoir si cette apparente réduction de la population humaine est uniquement due à la super éruption du Toba ou si d’autres facteurs ont pu y contribuer
Pour reconstituer ce qui s’est passé il y a 74 000 ans, les scientifiques analysent les téphras émis par l’éruption proprement dite. Ils examinent les couches de téphras à travers le paysage, visuellement et chimiquement. Ainsi, les « cryptotephra », verre volcanique microscopique qui se propage le plus loin, sont importants pour comprendre l’étendue réelle d’une éruption. Comme les cryptotethra sont invisibles à l’œil nu, leur identification peut être très difficile. Les chercheurs séparent soigneusement les minuscules éclats de verre en tamisant la terre et en utilisant un micromanipulateur, un outil capable de prélever et de déplacer des grains microscopiques.
Chaque éruption volcanique possède une composition chimique unique, que les scientifiques peuvent utiliser pour déterminer la provenance d’un échantillon de matière volcanique. Par exemple, les téphra d’une éruption peuvent contenir plus de fer que ceux d’une autre. Grâce à ces connaissances, les scientifiques peuvent commencer à comprendre l’ampleur des éruptions passées et les personnes directement impactées.
Une fois que les chercheurs ont identifié une couche de téphra ou de cryptotéphra, l’étape suivante consiste à examiner attentivement les vestiges archéologiques avant et après cette éruption. Dans certains cas, les populations modifient leur comportement après une éruption, par exemple en utilisant une nouvelle technologie d’outils en pierre ou en adoptant une alimentation différente. Il arrive même que des personnes abandonnent un site, ne laissant aucune trace d’activité humaine après un événement catastrophique.
Compte tenu de l’ampleur et de l’intensité de la super éruption de Toba, il semble presque inévitable que les êtres humains dans le monde entier aient subi d’immenses souffrances. Cependant, la plupart des sites archéologiques révèlent une histoire de résilience.
Dans des pays comme l’Afrique du Sud, les humains ont non seulement survécu à cet événement catastrophique, mais ont prospéré. Sur le site archéologique Pinnacle Point 5-6, des traces de cryptotéphra du Toba montrent que les humains ont occupé le site avant, pendant et après l’éruption. De fait, l’activité humaine s’est intensifiée et de nouvelles innovations technologiques sont apparues peu après, démontrant la capacité d’adaptation de la population.
Le phénomène ne se limite pas à l’Afrique du Sud. Des traces similaires sont également préservées sur le site archéologique Shinfa-Metema 1 en Éthiopie, où des cryptotéphra du Toba étaient présents en couches qui préservent également l’activité humaine. Ici, les humains du passé se sont adaptés aux changements de l’environnement local en suivant les cours d’eau saisonniers et en pêchant dans de petits points d’eau peu profonds présents pendant les longues saisons sèches. À l’époque de la super éruption du Toba, les populations de cette région ont également adopté la technologie de l’arc et des flèches. Cette souplesse d’adaptation comportementale a permis aux populations de survivre aux conditions arides intenses et aux autres effets potentiels de la super éruption du Toba.
Au fil des ans, les archéologues ont obtenu des résultats semblables sur de nombreux autres sites en Indonésie, en Inde et en Chine. À mesure que les preuves s’accumulent, il apparaît que les populations ont pu survivre et rester productives après la méga-éruption du Toba. Cela montre que cette éruption pourrait ne pas avoir été la cause unique du goulot d’étranglement démographique suggéré initialement suite à l’éruption du Toba.
Si l’éruption du Toba ne permet peut-être pas aux scientifiques de comprendre totalement ce qui a entraîné la chute de la population humaine à 10 000 individus, elle nous aide à comprendre la capacité des humains à s’adapter à des événements catastrophiques du passé et ce que cela implique pour notre propre avenir.
Source : The Conversation, space.com, via Yahoo Actualités..

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74,000 years ago, the Toba supereruption was one of the largest catastrophic events that Earth has seen in the past 2.5 million years. The volcano is located in what is today Indonesia, but living organisms across the entire globe were potentially affected by the event.

The Toba supereruption ejected about 2,800 km³ of volcanic ash into the stratosphere, producing an enormous crater 100 x 30 kilometers. An eruption this size is likely to produce black skies blocking most of the sunlight, potentially causing years of global cooling. Closer to the volcano, acid rain is likely to contaminate water supplies, with thick layers of ash burying animals and vegetation.

Human populations living in close proximity to the Toba volcano were probably completely wiped out. Whether people on other parts of the globe were affected is a question that scientists are still investigating.

The Toba catastrophe hypothesis proposes that the Toba supereruption caused a global cooling event that lasted up to six years. Its effects caused human population sizes to plummet to fewer than 10,000 individual people living on Earth.

This scenario is supported by genetic evidence found in the genomes of people alive today. The DNA suggests that modern humans spread into separate regions around 100,000 years ago and then shortly after that experienced what scientists call a genetic ‘bottleneck’: an event that leads to a large decline in population sizes. Whether this apparent reduction in human population size resulted from the Toba supereruption or some other factor is heavily debated.

To piece together what happened 74,000 years ago, scientists can analyse the tephra ejected from the volcanic eruption itself. They can trace the layers of tephra across the landscape both visually and chemically

Microscopic volcanic glass called ‘cryptotephra’ travels the farthest, making it important for understanding the true extent of an eruption. Because cryptotephra is not visible to the naked eye, it can be really challenging to identify. Researchers carefully separate out the tiny glass shards by sifting through the dirt and using a micromanipulator, a tool that can pick up and move microscopic grains.

Every volcanic eruption has a unique chemistry, which scientists can use to determine which eruption a particular sample of volcanic material originated from. For instance, tephra from one eruption might have more iron in it compared to tephra from another eruption. With this knowledge, scientists can begin to understand how large past eruptions were and who they directly affected.

Once researchers identify a tephra or cryptotephra layer, the next step is to look closely at what is preserved in the archaeological record before and after that eruption. In some cases, people change their behavior after an eruption, such as using a new stone tool technology or eating something different. Sometimes, people even abandon a site, leaving no trace of human activity after a catastrophic event.

Given the size and intensity of the Toba supereruption, it almost seems inevitable that humans across the globe suffered immensely. However, most archaeological sites tell a story of resilience.

In places such as South Africa, humans not only survived this catastrophic event but thrived. At archaeological site Pinnacle Point 5-6, evidence of cryptotephra from Toba shows that humans occupied the site before, during and after the eruption. In fact, human activity increased and new technological innovations appeared shortly after, demonstrating humans’ adaptability.

This situation was not restricted to South Africa. Similar evidence is also preserved at archaeological site Shinfa-Metema 1 in Ethiopia, where cryptotephra from Toba was present in layers that also preserve human activity. Here, past humans adapted to changes in the local environment by following seasonal rivers and fishing in small, shallow waterholes present during long dry seasons. Around the time of the Toba supereruption, humans in this region also adopted bow-and-arrow technology. This behavioral flexibility allowed people to survive the intense arid conditions and other potential effects of the Toba supereruption.

Through the years, archaeologists have found similar results at many other sites in Indonesia, India and China. As the evidence accumulates, it appears that people were able to survive and continue to be productive after the Toba mega eruption. This suggests that this eruption might not have been the main cause of the population bottleneck originally suggested in the Toba catastrophe hypothesis.

While Toba might not help scientists understand what caused ancient human populations to plummet to 10,000 individuals, it does help us understand how humans have adapted to catastrophic events in the past and what that means for our future.

Source : The Conversation, space.com, via Yakoo News..

Et si une super éruption se produisait aujourd’hui ? // What if a super eruption occurred today ?

Dans la conclusion de ma conférence « Volcans et risques volcaniques », j’explique que ce que je crains le plus aujourd’hui, c’est l’éruption d’un super volcan, autrement dit une éruption qui produirait plus de 1 000 kilomètres cubes de matériaux. Il existe des exemples de telles éruptions dans le passé : Long Valley et Yellowstone aux États-Unis, Taupo en Nouvelle-Zélande ou Toba en Indonésie. Sans aller aussi loin dans le volume de matériaux émis, une éruption comme celle du Tambora en 1815 serait une catastrophe pour notre société moderne.

Image satellite de la région du Toba (Source: NASA)

L’éruption du Tambora en avril 1815 est la plus puissante observée dans l’histoire moderne. Elle a atteint le niveau 7 sur l’indice d’explosivité volcanique (VEI). Les panaches éruptifs ont atteint une altitude de plus de 40 kilomètres. L’éruption a expulsé 100 kilomètres cubes de cendres, de ponces et d’aérosols ainsi que 60 mégatonnes de soufre. Avec les aérosols de SO2 dans l’atmosphère, moins de lumière solaire a atteint la surface de la Terre, et l’année 1816 a été appelée « l’année sans été » car la température moyenne de la planète a diminué de 0,53 °C. L’éruption initiale a tué 10 000 habitants. Les décès régionaux dus à la famine et aux maladies ont totalisé 80 000 personnes. La production agricole a été réduite et la famine a frappé le monde. Une pandémie de choléra a balayé le monde, faisant d’innombrables victimes.

Timbre indonésien commémorant les 200 ans de l’éruption de 1815.

Des siècles plus tard, la menace d’une éruption similaire reste présente. Les scientifiques affirment qu’une éruption majeure est inévitable, la seule question est de savoir quand elle se produira.
Selon un climatologue de l’Université de Genève, les preuves géologiques indiquent une probabilité de un sur six qu’une éruption volcanique dévastatrice se produise au cours de ce siècle. Cette fois, cependant, les conséquences seraient bien plus graves qu’en 1815. Le monde est désormais beaucoup plus peuplé et aux prises avec une crise climatique qui s’aggrave. Le climatologue a déclaré que l’humanité ne dispose actuellement d’aucun plan spécifique pour faire face à un événement aussi catastrophique.
Les éruptions volcaniques libèrent un mélange de matériaux et de gaz, notamment du dioxyde de carbone (CO2), qui réchauffe la planète. Cependant, la quantité de dioxyde de carbone émise par les volcans est nettement inférieure à celle produite par les activités humaines telles que la combustion de combustibles fossiles. Si le dioxyde de carbone est une préoccupation, les scientifiques se concentrent davantage sur l’impact d’un autre gaz volcanique : le dioxyde de soufre (SO2). Une puissante éruption volcanique peut éjecter du dioxyde de soufre de la basse atmosphère (la troposphère) vers la haute atmosphère (la stratosphère). Dans la stratosphère, le SO2 se transforme en minuscules particules d’aérosol qui renvoient la lumière du soleil dans l’espace, ce qui refroidit la Terre. Ces particules peuvent persister dans l’atmosphère pendant plusieurs années, comme on l’a vu à l’occasion de l’éruption du Pinatubo en 1991.
À l’heure actuelle, une éruption volcanique majeure présenterait des risques importants à court et à long terme. Environ 800 millions de personnes vivent à proximité de volcans actifs et sont confrontées à des conséquences potentiellement dévastatrices, y compris la destruction de villes entières. Par exemple, les Champs Phlégréens près de Naples, en Italie, pourraient constituer une menace grave pour le million d’habitants qui vivent autour du site volcanique.
Même une légère baisse de la température globale d’un degré Celsius peut avoir de graves conséquences régionales. Parmi les impacts, il y aurait des perturbations dans l’agriculture, une augmentation des phénomènes météorologiques extrêmes et des perturbations sociétales à grande échelle. On imagine facilement l’impact qu’aurait une éruption du Yellowstone sur les Grandes Plaines des États Unis, le grenier à blé de ce pays.
Une éruption majeure, similaire à celle du Tambora, pourrait entraîner des pertes économiques de plus de 3,6 billions de dollars au cours de la première année de l’éruption. Contrairement à ce que pensent certains scientifiques, l’effet de refroidissement temporaire d’une éruption volcanique n’atténuerait pas les impacts permanents du réchauffement climatique. La planète finirait par revenir à sa tendance de réchauffement d’avant l’éruption.
Le site de la prochaine éruption majeure reste un mystère ; elle est susceptible de se produire n’importe où sur Terre. Les zones particulièrement exposées comprennent les régions volcaniques actives comme l’Indonésie et le Parc national de Yellowstone aux États-Unis.

Une chose est sûre: l’homme n’est pas en mesure d’empêcher ces méga éruptions. Certes, grâce aux progrès de la technologie, nous sommes mieux armés pour prévoir le déclenchement d’un tel événement. Une nouvelle éruption de la Montagne Pelée (Martinique) sera forcément moins meurtrière, mais la Montagne Pelée n’arrive pas à la cheville du Yellowstone en matière de puissance volcanique.

Prévoir une éruption ne signifie pas être capable d’y faire face. La surveillance de l’activité volcanique est essentielle, mais il faut voir plus loin. Les scientifiques nous expliquent qu’il faudrait planifier une telle catastrophe, mettre en place des plans d’évacuation des populations, ainsi que des protocoles de crise pour garantir un approvisionnement en nourriture et en eau potable. De telles mesures devraient être envisagées à l’échelle mondiale, en coordonnant les efforts entre les États. Quand on voit l’inefficacité des COP pour lutter contre le réchauffement climatique, la partie est loin d’être gagnée en matière de gestion d’une éruption cataclysmale.

Source : Interesting Engineering via Yahoo News.

Yellowstone site de la prochaine super éruption? (Photo: C. Grandpey)

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In the conclusion of my conference « Volcanoes and volcanic hazards », I explain that what I fear most today is the eruption of a supervolcano. This means an eruption that produced more than 1,000cubic kilometers of materials. We have examples of such eruptions in the past : Long Valley and Yellowstone in the United States, Taupo in New Zealand, or Toba in Indonesia. Without going that far, an eruption like Tambora in 1815 would be a disaster for our modern society.

The Tambora eruption in April of 1815 is the largest observed eruption in recorded history. It reached level 7 on the volcanic explosivity index (VEI). Plumes from the eruption eached an altitude of more than 40 kilometers. The eruption expelled 100 cubic kilometers of ash, pumice, and aerosols into the air along with 60 megatons of sulfur. With the SO2 aerosols in the atmosphere,less sunlight reached Earth’s surface, and the year 1816 was called the “year without a summer” because the average global temperature was reduced by 0.53° C. The initial eruption killed 10,000 locals. Regional deaths due to starvation and disease totaled 80,000 people. In agriculture, crop production failed, and famine gripped the world. A cholera pandemic swept across the globe, claiming countless lives.

Centuries later, the threat of another similar eruption looms. Scientists assert that a massive eruption is inevitable, the question is solely when it will occur.

According to a climate expert at the University of Geneva, geological evidence indicates a 1-in-6 probability of a devastating volcanic eruption occurring within this century. This time, however, the consequences would be far more dire than in 1815. The world is now significantly more populated and grappling with the escalating climate crisis. The climatologist stated that humanity currently lacks any specific plan to address such a catastrophic event.

Volcanic eruptions release a mixture of materials, including planet-warming carbon dioxide (CO2). However, the amount of carbon dioxide emitted by volcanoes is significantly less than that produced by human activities such as burning fossil fuels. While carbon dioxide is a concern, scientists are more focused on the impact of another volcanic gas: sulfur dioxide (SO2). A powerful volcanic eruption can eject sulfur dioxide from the lower atmosphere (the troposphere) into the upper atmosphere (the stratosphere). Up in the stratosphere, SO2 turns into tiny aerosol particles that bounce sunlight back out into space, which makes the Earth cooler. These particles can persist in the atmosphere for several years.

In today’s time, a massive volcanic eruption would pose significant immediate and long-term risks. Roughly 800 million people reside within proximity to active volcanoes, facing the potential for devastating consequences, including the destruction of entire cities. For instance, the Phlegraean Fields near Naples, Italy, show signs of activity and could pose a severe threat to the one million inhabitants around the volcanic site.

Even a minor global temperature drop of 1 degree Celsius can have severe regional consequences. These impacts could include disruptions to agriculture, increased extreme weather events, and widespread societal disruption

A major eruption, similar to Tambora, could result in economic losses of over $3.6 trillion in the first year of the eruption. Contrary to what some scientists think, the temporary cooling effect of a volcanic eruption would not mitigate the ongoing impacts of global warming. The planet would eventually return to its pre-eruption warming trend.

The location of the next massive eruption remains uncertain, with the potential for it to occur anywhere on Earth. Areas of particular concern include volcanically active regions like Indonesia and Yellowstone National Park in the US.

One thing is certain: we are not able to prevent these mega eruptions. Of course, thanks to advances in technology, we are better equipped to predict the triggering of such an event. A new eruption of Mount Pelée (Martinique) will necessarily be less deadly, but Mount Pelée does not come close to Yellowstone in terms of volcanic power.

Predicting an eruption does not mean being able to deal with it. Monitoring volcanic activity is essential, but we should look further ahead. Scientists tell us that we should plan for such a disaster, put in place population evacuation plans, as well as crisis protocols to guarantee a supply of food and drinking water. Such measures should be considered on a global scale, by coordinating efforts between States. When we see the ineffectiveness of the COPs in combating global warming, the game is far from won in terms of managing a cataclysmal eruption.

Source : Interesting Engineering via Yahoo News.

Super éruptions et refroidissement de l’atmosphère // Super eruptions and atmosphere cooling

Une nouvelle étude publiée dans le Journal of Climate explique qu’en entravant la lumière du soleil, les particules émises lors d’ une super éruption ne refroidissent probablement pas la température à la surface de la Terre aussi fortement qu’on l’avait estimé précédemment. La super éruption du volcan Toba (Indonésie) il y a environ 74 000 ans a déployé une énergie 1 000 fois plus puissante que l’éruption du mont St. Helens en 1980.

Image satellite du Lac Toba (Source: NASA)

S’agissant des éruptions les plus puissantes, les chercheurs se demandent depuis longtemps quel niveau de refroidissement causé par ces éruptions, et souvent appelé hiver volcanique, pourrait potentiellement constituer une menace pour l’humanité. Les études déjà effectuées s’accordent pour dire que notre planète subirait un refroidissement, mais elles divergent sur son ampleur. Les estimations varient entre 2 et 8 degrés Celsius.
La nouvelle étude, réalisée par une équipe du Goddard Institute for Space Studies de la NASA et de l’Université Columbia à New York, a utilisé une modélisation informatique de haute technologie pour simuler des super-éruptions comme celle du Toba. Les chercheurs ont alors constaté que le refroidissement post-éruption ne dépasse probablement pas 1,5 degré Celsius, même pour les événements les plus puissants.
Pour mériter le titre de « super éruption », un tel événement doit libérer plus de 1 000 kilomètres cubes de magma, avec un VEI 8, le maximum sur cette échelle. Ces éruptions sont extrêmement puissantes ; heureusement, elles sont rares. La super-éruption la plus récente s’est produite il y a plus de 22 000 ans au niveau du Lac Taupo en Nouvelle-Zélande.

Le Lac Taupo vu depuis l’espace (Source: NASA)

L’événement le plus connu est la super éruption qui a eu pour cadre le cratère de Yellowstone il y a environ 2 millions d’années.

Photo: C. Grandpey

Les auteurs de l’étude ont tenté de comprendre quelle était la cause de la divergence dans les estimations de température fournies par les modélisations. Il faut savoir que « les modélisations sont le principal outil permettant de comprendre les changements climatiques survenus il y a trop longtemps pour laisser des traces de leur impact ». Les scientifiques ont étudié plus particulièrement une variable qui peut être difficile à cerner : la taille des particules microscopiques de soufre injectées à des kilomètres de hauteur dans l’atmosphère.
Dans la stratosphère (entre 10 et 50 kilomètres d’altitude environ), le dioxyde de soufre gazeux émis par des volcans subit des réactions chimiques pour se condenser en particules de sulfate liquide. Ces particules peuvent influencer la température de surface sur Terre de deux manières : en réfléchissant la lumière solaire entrante (ce qui provoque un refroidissement), ou en piégeant l’énergie thermique sortante (ce qui génère une sorte d’effet de serre).
Au fil des années, ce phénomène de refroidissement a également suscité des questions sur la manière dont les humains pourraient inverser le réchauffement climatique, un concept baptisé géo-ingénierie. Il consiste à injecter volontairement des particules d’aérosol dans la stratosphère pour favoriser un effet de refroidissement.
Les chercheurs ont montré dans quelle mesure le diamètre des particules d’aérosol volcanique influençait les températures post-éruption. Plus les particules sont petites et denses, plus leur capacité à bloquer la lumière du soleil est grande. Mais estimer la taille des particules est extrêmement difficile car les super éruptions du passé n’ont pas laissé de traces physiques fiables. Dans l’atmosphère, la taille des particules change à mesure qu’elles coagulent et se condensent. Lorsque les particules retombent sur Terre et sont conservées dans des carottes de glace, elles ne laissent pas de traces physiques claires en raison du mélange et du compactage.
En simulant des super-éruptions sur une gamme de tailles de particules, les chercheurs ont découvert que les super-éruptions sont probablement incapables de modifier la température globale davantage que les plus grandes éruptions des temps modernes. Par exemple, l’éruption du mont Pinatubo aux Philippines en 1991 n’a provoqué qu’une baisse d’environ un demi-degré Celsius de la température sur Terre pendant deux ans.

Eruption du Pinatubo en 1991 et nuage d’aérosols (Source: Wikipedia)

La compréhension du refroidissement causé par les super-éruptions nécessite davantage de recherches. Selon les chercheurs de la NASA, la voie à suivre consiste à comparer des modèles de manière exhaustive, ainsi qu’à effectuer davantage d’études en laboratoire, en insistant sur les facteurs déterminant la taille des particules d’aérosols volcaniques. Compte tenu des incertitudes dans ce domaine, le recours à la géo-ingénierie via l’injection d’aérosols dans la stratosphère ne semble pas la meilleure solution.
Source : NASA.

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A new study published in the Journal of Climate. suggests that sunlight-blocking particles from a super eruption would not cool surface temperatures on Earth as severely as previously estimated.

Some 74,000 years ago, the Toba volcano in Indonesia exploded with a force 1,000 times more powerful than the 1980 eruption of Mount St. Helens.

When it comes to the most powerful volcanoes, researchers have long speculated how post-eruption global cooling – sometimes called volcanic winter – could potentially pose a threat to humanity. Previous studies agreed that some planet-wide cooling would occur but diverged on how much. Estimates have ranged from 2 to 8 degrees Celsius.

The new study, by a team from NASA’s Goddard Institute for Space Studies and Columbia University in New York used advanced computer modeling to simulate super-eruptions like the Toba event. They found that post-eruption cooling would probably not exceed 1.5 degrees Celsius for even the most powerful blasts.

To qualify as a super eruption, a volcano must release more than 1,000 cubic kilometers of magma, with a VEI 8, the maximum on the scale. These eruptions are extremely powerful and rare, fortunately. The most recent super-eruption occurred more than 22,000 years ago in New Zealand’s Lake Taupo. The best-known example may be the eruption that blasted Yellowstone Crater about 2 million years ago.

The authors of the study tried to understand what was driving the divergence in model temperature estimates because “models are the main tool for understanding climate shifts that happened too long ago to leave clear records of their severity.” They settled on a variable that can be difficult to pin down: the size of microscopic sulfur particles injected kilometers high into the atmosphere.

In the stratosphere (about 10 to 50 kilometers in altitude), sulfur dioxide gas from volcanoes undergoes chemical reactions to condense into liquid sulfate particles. These particles can influence surface temperature on Earth in two ways: by reflecting incoming sunlight (causing cooling) or by trapping outgoing heat energy (a kind of greenhouse warming effect).

Over the years, this cooling phenomenon has also spurred questions about how humans might turn back global warming – a concept called geoengineering – by intentionally injecting aerosol particles into the stratosphere to promote a cooling effect.

The researchers showed to what extent the diameter of the volcanic aerosol particles influenced post-eruption temperatures. The smaller and denser the particles, the greater their ability to block sunlight. But estimating the size of particles is challenging because previous super eruptions have not left reliable physical evidence. In the atmosphere, the size of the particles changes as they coagulate and condense. Even when particles fall back to Earth and are preserved in ice cores, they don’t leave a clear-cut physical record because of mixing and compaction.

By simulating super-eruptions over a range of particle sizes, the researchers found that super-eruptions may be incapable of altering global temperatures dramatically more than the largest eruptions of modern times. For instance, the 1991 eruption of Mount Pinatubo in the Philippines caused about a half-degree drop in global temperatures for two years.

The mysteries of super-eruption cooling invite more research. The NASA researchers say that he way forward is to conduct a comprehensive comparison of models, as well as more laboratory and model studies on the factors determining volcanic aerosol particle sizes. Given the ongoing uncertainties, geoengineering via stratospheric aerosol injection is a long way from being a viable option.

Source : NASA.

Quand la presse s’amuse à nous faire peur….

Après la COVID-19 et le réchauffement climatique, voici l’éruption susceptible de nous anéantir! On peut lire sur le site Futura Sciences un article dont le titre a de quoi donner des frissons: « Il y a une chance sur six pour qu’une éruption majeure se produise d’ici 100 ans, et nous sommes loin d’être prêts ! »

C’est vrai que la Terre n’est pas à l’abri d’une éruption de grande ampleur qui affecterait notre planète tout entière, mais affirmer qu’il existe une chance sur six qu’une telle catastrophe se produise est aller un peu vite en besogne. A l’heure où nous ne sommes pas fichus de prévoir une éruption à court – voire très court – terme, il est bien évident que nous sommes totalement incapables de faire une telle affirmation.

Il est toutefois indéniable que le risque existe. Il suffit de se pencher sur le passé de la Terre pour s’en rendre compte. Certaines éruptions ont atteint l’indice d’explosivité (VEI) 8, le maximum. Parmi les plus violentes figurent celles du Yellowstone il y a 640.000 ans, ou celle du Taupo il y a 26.500 ans, sans oublier celle du Toba (Indonésie) il y a quelque 74 000 ans. Plus près de nous, l’éruption du Tambora (Indonésie) en 1815 aurait causé la mort de 100.000 personnes et aurait influencé le climat terrestre de manière globale, impactant l’agriculture et causant une série de famines. Elle a été dotée d’un VEI 7.

La dernière éruption du Hunga Tonga-Hunga Ha’apai début 2022, celles du mont St Helens en 1980, ou encore celle du Pinatubo en 1991 – aussi puissantes soient elles – ne supportent pas la comparaison avec les super éruptions que je viens de mentionner. Pourtant, la récente éruption du Hunga Tonga a été catégorisée parmi les plus puissantes de la période moderne. Son indice d’explosivité volcanique (VEI) est évalué entre 5 et 6, sur l’échelle de 8 niveaux.

Sommes-nous prêts à endurer de telles catastrophes? La question est intéressante. Nous avons plus ou moins réussi à faire face à la pandémie de COVID-19. Nous devons aussi faire face au réchauffement climatique qui est en train de devenir une réelle menace, peut-être encore plus forte qu’une éruption volcanique majeure. Des chercheurs mettent en garde sur notre grande vulnérabilité face à ce type d’événements. Des scientifiques de l’Université de Cambridge estiment que, si une éruption de VEI 7 ou 8 avait lieu aujourd’hui, les répercussions sur l’humanité seraient réellement catastrophiques car nos systèmes économiques et nos modes de vie ont considérablement évolué. C’est un fait que nous n’avons que peu d’idée du risque que représente une éruption d’une telle puissance.

Il est utile de rappeler que le risque induit par une super éruption est bien réel et que la menace plane. On sait d’ores et déjà que la cendre d’une éruption du Yellowstone, portée par les vents dominants, anéantirait l’agriculture dans le Corn Belt, le grenier à céréales des Etats Unis, sans parler des conséquences pour l’Europe.

Certains chercheurs expliquent que les archives glaciaires permettent d’estimer la fréquence des éruptions volcaniques majeures. D’après eux, il y aurait ainsi une chance sur six qu’une explosion de magnitude 7 se produise dans les 100 prochaines années. Affirmer cela, c’est vraiment parler pour ne rien dire car nous n’en savons rien! Il n’est pas du tout évident que les super éruptions répondent à un cycle. Pour preuve, il se dit que le Yellowstone est en retard dans son rythme éruptif. De toute façon, il y a de fortes chances pour que ceux qui font de telles affirmations ne soient plus de ce monde quand la catastrophe se produira et on ne pourra donc pas les accuser de s’être trompés!

Dans la dernière partie de l’article de Futura Sciences, on peut lire que le risque d’une catastrophe volcanique majeure serait plusieurs centaines de fois plus important que le risque d’une collision avec un astéroïde de 1 km de diamètre et que nous serions mieux préparés à ce deuxième type de catastrophe. Pas si sûr! Là encore, il s’agit d’une affirmation gratuite car nous n’en savons rien.

Source: Futura Sciences.

Yellowstone, Taupo, Toba, Tambora : des super éruptions ont secoué la Terre (Photos: C. Grandpey, Wikipedia)