Alerte sismique dans les Champs Phlégréens // Seismic alert in the Phlegrean Fields

Un essaim sismique incluant quelque 64 événements a secoué la région des Champs Phlégréens – Campi Flegrei – au petit matin du 26 septembre 2023. Certaines secousses avaient des magnitudes allant jusqu’à M 4,2.
Selon les données publiées par l’Osservatorio Vesuviano de l’INGV, lesséismes ont été enregistrés dans la zone de l’Académie-Solfatara (Pouzzoles) et dans le golfe de Pouzzoles. La zone est sous surveillance constante. Selon les paramètres géophysiques et géochimiques actuels, la dynamique en cours, y compris le soulèvement du sol à raison d’environ 15 mm par mois, ne révèle aucun changement significatif par rapport aux données précédentes.

Carte montrant les événements au cours du dernier essaim sismique (Source : INGV)

La région des Campi Flegrei a une histoire d’activité volcanique et sismique intense. Des épisodes de bradyséisme – épisodes de soulèvement et d’affaissement du sol – accompagnés d’essaims sismiques ont été observés dans le passé et même ces dernières années.
On pense que les essaims sismiques et le soulèvement du sol sont probablement dus à la montée des gaz et à une mise sous pression du système hydrothermal profond. Une autre hypothèse concerne la possible injection de magma dans le sous-sol. Les deux phénomènes sont liés à une chambre magmatique située sous les Champs Phlégréens.

Traces du bradyséisme sur les colonnes du temple dit de Serapis à Pouzzoles (Photo : C. Grandpey)

Même si la probabilité d’une éruption volcanique est considérée comme faible à l’heure actuelle, l’Observatoire reste vigilant. La principale source d’inquiétude est la densité de population dans la région. Si des signes d’éruption apparaissaient, l’évacuation des habitants devrait être très rapide.
La dernière éruption des Campi Flegrei s’est produite du 29 septembre au 6 octobre 1538. Elle a formé le cône de scories du Monte Nuovo. Elle détruisit le village médiéval de Tripergole et fit fuir la population locale.

Cratère du Monte Nuovo (Photo : C. Grandpey)

A proximité de la ville de Pouzzoles, la Solfatara constitue la zone la plus active des Champs Phlégréens. Elle est surveillée comme le lait sur le feu car un réveil de ce volcan causerait des problèmes majeurs. Sa situation au sein d’une zone densément peuplée rendrait l’évacuation de la population très délicate.

Le cratère est situé sur une colline à 190 m d’altitude. Le paysage est lunaire, avec de nombreuses fissures dans le sol d’où s’échappent des fumerolles constituées essentiellement de vapeur d’eau et de gaz comme le CO2. La fumerolle principale, la Bocca Grande, présentait une température de 130-140°C quand je l’ai mesurée dans des années 1990. Aujourd’hui, l’INGV relève environ 90°C. Vous trouverez tous les paramètres concernant la Solfatara en cliquant sur ce lien :

https://www.ov.ingv.it/index.php/monitoraggio-e-infrastrutture/bollettini-tutti/bollett-mensili-cf/anno-2022-2/1064-bollettino-mensile-campi-flegrei-2022-02/file

Attention : la Solfatara est actuellement fermée au public depuis le tragique accident survenu en septembre 2017. Un couple de touristes et leur fils de 11 ans ont trouvé la mort en chutant dans une marmite de boue. Le gosse, âgé de 11 ans, a franchi une barrière de sécurité et a chuté dans une marmite de boue. Les parents ont alors tenté de le secourir mais ont chuté à leur tour dans la cavité. Elle était peu profonde et il est probable que la mort a été causée par les émanations de gaz. Depuis cet accident tragique, les autorités italiennes ont mis en place le sacro-saint principe de précaution, ce qui explique la fermeture du site.

Pour avoir une très bonne vue sur la Solfatara, je conseille d’emprunter la Via Coste d’Agnano qui longe le site et propose un très bon panorama dans sa partie haute. S’y rendre de préférence de le matin quand l’air ambiant, plus humide, permet de distinguer les différents sites fumerolliens. L’air sec de l’après-midi ne permet plus de voir grand-chose.

Vue de la Solfatara depuis la Via Coste d’Agnano (Photo : C. Grandpey)

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A seismic swarm including 64 events shook the area of Campi Flegrei – or Phlegrean Fields – on the early morning of September 26th, 2023. Some of the tremors had magnitudes up to M 4.2.

According to data released by INGV’s Vesuvian Observatory, the earthquakes are located in the Accademia-Solfatara area (Pozzuoli) and in the Gulf of Pozzuoli. The area is under constant monitoring. Geophysical and geochemical parameters suggest that the ongoing dynamics, including soil lifting at a speed of around 15 mm per month, show no significant changes compared to previous data.

The Campi Flegrei area has a history of intense volcanic and seismic activity. Episodes of bradyseism – slow ground movement – accompanied by seismic swarms have been observed in the past and even in recent years.

It is believed that seismic swarms and ground uplift are probably due to the rising of gases and increased pressurization of the deep hydrothermal system. Another possibility is the injection of magma into the subsurface. Both phenomena are related to a larger, deep magma chamber beneath the Phlegraean Fields.

While the probability of a volcanic eruption is considered low at this time, the observatory remains vigilant. The main cause of worry is the population density in the area. Should the signs of an eruption appear, the evacuation of the residents should be very fast.

The last eruption in the Campi Flegrei occurred from September 29th to October 6th, 1538 ; it formed the Monte Nuovo cinder cone. It destroyed the medieval village Tripergole and sent fleeing the local population.

Near the town of Pozzuoli, the Solfatara is the most active area of the Phlegrean Fields. It is closely monitored because an awakening of this volcano would cause major problems. Its location in a densely populated area would make the evacuation of the population very difficult.
The crater is located on a hill 190 m above sea level. The landscape is lunar, with numerous cracks in the ground, with fumaroles consisting mainly of water vapor and gases such as CO2. The main fumarole, the Bocca Grande, had a temperature of 130-140°C when I measured it in the 1990s. Today, INGV records around 90°C. You will find all the parameters concerning the Solfatara by clicking on this link:

https://www.ov.ingv.it/index.php/monitoraggio-e-infrastrutture/bollettini-tutti/bollett-mensili-cf/anno-2022-2/1064-bollettino-mensile-campi-flegrei-2022- 02/file

Please note: The Solfatara is currently closed to the public, since the tragic accident in September 2017. A couple of tourists and their 11-year-old son died after falling into a pot of mud. The kid, aged 11, crossed a security barrier and fell into a pot of mud. The parents then tried to rescue him but fell into the cavity. It was shallow and it is likely that the death was caused by the gas fumes. Since this tragic accident, the Italian authorities have implemented the sacrosanct precautionary principle, which explains the closure of the site.

To have a very good view of the Solfatara, I recommend taking the Via Coste d’Agnano which runs along the site and offers a very good panorama in its upper part. It is best to go there in the morning when the more humid ambient air allows you to distinguish the different fumarolic sites. The dry afternoon air no longer allows us to see much.

L’activité bradysismique dans les Champs Phlégréens

Le 18 août 2023, un essaim sismique a été enregistré dans la région italienne des Champs Phlégréens. Les réseaux sociaux ont bien sûr très vite réagi, avec des hypothèses plus ou moins alarmistes. Il est vrai que cette partie de la Campanie est particulièrement surveillée. Une éruption de la Solfatara, par exemple, serait probablement une catastrophe car la région est densément peuplée. Il suffit de se rendre sur place pour s’en rendre compte. Des plans d’évacuation existent au cas où, mais la Campanie n’est pas le Japon et une évacuation se fera forcément dans la douleur.
Mais nous n’en sommes pas encore là.

Le dernier essaim sismique est lié à l’activité bradysismique bien connue dans la région de Pouzzoles. Une promenade à proximité du bord de mer permet d’observer des preuves de cette activité, en particulier au niveau du temple de Serapis, en réalité un ancien marché romain.

J’ai écrit sur ce blog plusieurs notes relatives à l’activité bradysismique dans les Campi Flegrei :

 

 

 

Pouzzoles : le temple de Serapis au coeur d’une région à forte densité de population (Photo: C. Grandpey)

Essaim sismique dans les Champs Phlégréens (Italie) // Seismic swarm in the Phlegrean Fields (Italy)

Un essaim sismique a été enregistré dans la région des Champs Phlégréens entre l’après-midi et la soirée du 18 août 2023. L’événement a comporté quelque 115 secousses d’une magnitude maximale M 3,6 dont certaines ont été ressenties par la population. La zone des Champs Phlégréens étant connue pour sa dangerosité volcanique, beaucoup d’habitants se sont inquiétés, même si la sismicité n’a pas causé de dégâts. L’Osservatorio Vesuviano rappelle que le bradyséisme est bien connu dans la région et que ces mouvements du sol s’accompagnent souvent d’une intensification de l’activité sismique. Il n’y a donc pas lieu de paniquer.

Le problème avec les Champs Phlégréens, c’est que la zone est densément peuplée. On redoute un réveil du volcan, en particulier de la Solfatara qui est le secteur le plus actif. Il ne fait aucun doute que l’évacuation de la population – qui devra être rapide, comme pour une éruption du Vésuve voisin – se fera dans la douleur.

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A seismic swarm was recorded in the Phlegraean Fields between the afternoon and evening of August 18th, 2023. The event included some 115 tremors with a maximum magnitude of M 3.6, some of which were felt by the population. As the area of the Phlegraean Fields are known for the volcanic hazard, many inhabitants were worried, even though the seismicity did not cause any damage. The Osservatorio Vesuviano recalls that bradyseism is well known in the region and that these ground movements are often accompanied by an intensification of seismic activity. So there is no need to panic.
The problem with the Phlegraean Fields is that the area is densely populated. Everybody fears an awakening of the volcano, in particular of the Solfatara which is the most active sector. There is no doubt that the evacuation of the population – which will have to be rapid, as for an eruption of neighboring Vesuvius – will not be easy.

Les effets du bradyséisme sont parfaitement visibles sur les colonnes du temple dit de Serapis à Pouzzoles

La Solfatara est l’une des zones les plus actives des Champs Phlégréens.

(Photos: C. Grandpey)

« Baie de Naples, la colère des volcans »

Le jeudi 16 mars 2023, la 5 proposait, dans le cadre de ‘Science Grand Format’ un documentaire intitulé « Baie de Naples, la colère des volcans. ».

https://www.france.tv/documentaires/science-sante/2489683-baie-de-naples-la-colere-des-volcans.html

Le film – disponible jusqu’au 23 mars – est intéressant, même s’il comporte quelques erreurs. Après l’avoir visionné, on a parfaitement conscience des dangers qui menacent la région de Naples à forte densité de population. En fait, ce sont les différents volcans qui sommeillent ou sont actifs autour et dans la Mer Tyrrhénienne qui sont examinés dans le film qui dure 1h28mn. J’aimerais revenir sur quelques aspects du volcanisme dans cette vaste région de l’Italie.

S’agissant de la Solfatara, un des sites les plus chauds des Champs Phlégréens, il est dit qu’ « une famille a trouvé la mort en marchant sur ces fonds instables ». En fait, il s’agit d’une imprudence. Le 12 septembre 2017, au cours de la visite du cratère, un gosse de 11 ans a franchi les barrières de sécurité et est tombé dans une bouche active émettant des gaz nocifs à haute température. Ses parents ont voulu le secourir et ont subi le même sort. Ils ont été asphyxiés par les gaz qui s’échappaient de cette bouche. Résultat des courses : le site de la Solfatara est aujourd’hui interdit au public.

Photo: C. Grandpey

Le documentaire a eu raison d’insister sur la menace que font planer les Champs Phlégréens sur la Campanie. Plusieurs centaines de milliers d’habitants peuvent subir le même sort que Pompéi et la marge de manœuvre pour une évacuation est très courte, estimée à quelques dizaines de minutes seulement.

Photo: C. Grandpey

Pas très loin de la Solfatara, on peut voir à Pouzzoles les signes de l’activité bradysismique qui anime la région. Au gré des mouvements de la chambre magmatique, le sol se soulève et s’abaisse. Comme cela est fort bien dit dans le documentaire, on a l’impression que le volcan respire. Ces mouvements du sol sont parfaitement visibles sur les colonnes du temple dit de Serapis (en réalité un ancien marché romain). Il est dommage que le documentaire n’ait pas montré la base des colonnes où l’on peut encore voir les coquillages qui s’y accrochent.

Photo: C. Grandpey

Le port de Pouzzoles porte, lui aussi, les traces du bradyséisme, avec les anciennes bites d’amarrage qui dominent les nouvelles situées plusieurs mètres plus bas.

Comme son nom l’indique, le bradyséisme s’accompagne de secousses sismiques qu’il ne faut toutefois pas confondre sur les sismomètres avec les vibrations causées par le passage des trains dans la ville. En 1970, Haroun Tazieff s’était régalé…. (voir ma note du 27 avril 2022).

Le double cône du Vésuve domine la Campanie.

Photo: C. Grandpey

Tout le monde redoute une éruption comme celle de 79 qui a détruit Herculanum, Pompéi et Stabies. Le volcan est sous haute surveillance. Le documentaire nous apprend qu’un muographe est installé sur les basses pentes. J’ai expliqué dans plusieurs notes, comme celle du 23 novembre 2021, le principe de fonctionnement de cette nouvelle technologie qui a déjà été utilisée sur la Soufrière de la Guadeloupe et sur le Stromboli. Les images obtenues permettent de mieux connaître l’intérieur de la partie subaérienne d’un tel volcan, mais, malheureusement, ne peuvent guère aider à anticiper son comportement.

Image muonique de la Soufrière de la Guadeloupe (Source: CNRS)

Le documentaire explique fort bien que le volcanisme autour de la Mer Tyrrhénienne est conditionné par le mouvement des plaques tectoniques. On nous montre qu’au moment où la plaque africaine glisse sous la plaque eurasienne, «  une partie du manteau entre en fusion ; on parle alors de subduction ». Il est toutefois bon de préciser que la subduction ne fait pas référence à la fusion du manteau, mais au processus d’enfoncement d’une plaque tectonique sous une autre plaque de densité plus faible, La fusion du manteau en est la conséquence.

Source: Wikipedia

Une séquence du documentaire aborde la volcanisme dans les Iles Eoliennes, avec les sources hydrothermales et leurs bouillonnements au large de Panarea, près du rocher de Basiluzzo (voir ma note du 4 mzrs 2018). J’ai eu plaisir de revoir Francesco Italiano que j’avais rencontré à plusieurs reprises à Vulcano où il m’avait expliqué comment il prélevait les gaz sous la surface de la mer pour le compte de l’Institut des Fluides de Palerme. Déjà dans les années 1990, on parlait des sources hydrothermales de Panarea, mais elles n’étaient pas étudiées comme aujourd’hui. Les anciennes cheminées sont à la fois belles et spectaculaires.

Le documentaire s’attarde longuement sur le risque de tsunami lié à un possible effondrement majeur du versant nord du Stromboli. Les dépôts géologiques montrent qu’un tel événement a eu lieu dans le passé, avec une vague qui a très rapidement atteint la région de Naples.

Un tsunami provoqué par un semblable effondrement a eu lieu en décembre 2002, avec des dégâts sur le rivage de l’île de Stromboli.

 Photo: C. Grandpey

Il faut toutefois ajouter que l’effondrement de la Sciara del Fuoco qui a provoqué ce tsunami s’est produit à la fois au-dessus et au-dessous du niveau de la mer. Le seul effondrement subaérien n’aurait pas suffi à provoquer une telle vague. Depuis 2002, d’autres effondrements spectaculaires de la Sciara del Fuoco ont été observés, sans toutefois provoquer de tsunamis dévastateurs.

Effondrement sur le Stromboli (Source: presse internationale)

Après avoir visionné ce documentaire qui prend parfois des allures de film-catastrophe à l’américaine, on se rend compte de l’importance de la prévision et de la prévention en volcanologie. Ces deux mots n’ont qu’une importance relative sur des volcans effusifs comme le Kilauea ou le Piton de la Fournaise qui ne causent que des dégâts matériels. Il en va tout autrement avec les volcans explosifs comme le Vésuve et les Champs Phlégréens qui retiennent leur colère dans des zones très fortement peuplées. Il faudra réagir très vite si un de ces volcans se réveille. Il faudra aussi convaincre les habitants de partir, ce qui n’est pas gagné. Le documentaire le montre parfaitement !