Magma et plaques tectoniques dans l’Afar (Éthiopie) // Magma and tectonic plates in the Afar region (Ethiopia)

En Éthiopie, la région Afar se situe au-dessus de la jonction entre trois plaques tectoniques. Des scientifiques ont découvert que du magma en fusion vient frapper la croûte terrestre par en dessous. Dans cette partie du monde, le continent africain se déchire lentement, et finira par former un nouveau bassin océanique. En échantillonnant les signatures chimiques des volcans de cette région, une équipe scientifique de l’Université de Swansea et de l’Université de Southampton, au Royaume-Uni, a essayé d’obtenir davantage d’informations sur ce processus. Les chercheurs ont découvert que le manteau sous l’Afar n’est ni uniforme ni stationnaire ; il vibre, et ces vibrations portent des signatures chimiques distinctes. L’étude, intitulée « Mantle upwelling at Afar triple junction shaped by overriding plate dynamics », a été publiée dans Nature Geoscience.

Carte tectonique du système de rifts de l’Afar (Source : Wikipedia)

La surface de notre planète connaît un processus de renouvellement constant. Les plaques tectoniques qui divisent la croûte terrestre ne sont pas fixes ; elles se déplacent, entrent en collision et glissent même les unes sous les autres. Leurs points de rencontre sont généralement des points chauds de l’évolution géologique, marqués par une activité volcanique intense qui remodèle la surface par en dessous.
L’Afar est le point de rencontre des plaques arabique, nubienne et somalienne. Chacune s’écarte dans sa direction respective, ce qui laisse place à une brèche de plus en plus grande sous le Triangle de l’Afar. À terme, la croûte deviendra si fine à cet endroit que la surface s’abaissera sous le niveau de la mer, créant un nouveau bassin océanique au large de la mer Rouge.
Les scientifiques pensent que la remontée du magma joue un rôle dans ce processus de rupture continentale, mais ils ont du mal à comprendre son fonctionnement. Il est bien sûr impossible de forer pour l’observer de près ; c’est pourquoi ils ont étudié les matériaux déposés à la surface de la Terre depuis le manteau par l’activité volcanique.
Les auteurs de l’étude ont collecté 130 échantillons de roche volcanique provenant de la région de l’Afar et du rift éthiopien, et ont effectué des analyses chimiques. Ils ont utilisé ces analyses, combinées aux données existantes, pour réaliser une modélisation qui leur permettrait de comprendre l’activité sous le Triangle. Les résultats montrent des bandes ou stries chimiques distinctes qui se répètent à travers le système de rift. Elles sont produites par un panache unique et asymétrique de matière, façonné par son environnement au fur et à mesure qu’il s’élève du manteau. L’un des scientifiques a déclaré que « les stries chimiques montrent que le panache se comporte comme les pulsations d’un cœur ». De plus, « ces pulsations semblent se comporter différemment selon l’épaisseur de la plaque et la vitesse à laquelle elle s’éloigne. Dans les rifts à expansion rapide comme la mer Rouge, les pulsations se propagent plus nettement et plus régulièrement, comme le sang dans une artère étroite.»
Si le modèle réalisé par l’équipe scientifique est correct, il montre que les panaches et les remontées mantelliques peuvent être façonnés par la dynamique des plaques tectoniques situées au-dessus. Cette découverte pourrait favoriser les recherches futures sur l’activité qui remodèle continuellement notre planète.

 

Schéma issu de l’étude et montrant comment le panache mantellique est canalisé par les trois rifts

Les chercheurs ont découvert que l’évolution des remontées mantelliques profondes est intimement liée au mouvement des plaques situées au-dessus. Cela a de profondes implications pour l’interprétation du volcanisme de surface, de l’activité sismique et du processus de rupture continentale. Les recherches montrent que les remontées du manteau profond peuvent circuler sous la base des plaques tectoniques et contribuer à concentrer l’activité volcanique là où la plaque est la plus fine. Des recherches ultérieures tenteront de comprendre comment et à quelle vitesse se produit la circulation de la remontée mantellique sous les plaques.
Source : L’étude dans Nature Geoscience.

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In Ethiopia, the Afar region lies above the junction between three tectonic plates, and scientists have discovred that molten magma pounds the planet’s crust from below. In that part of the world,, the continent is slowly being torn asunder in the early formation stages of a new ocean basin. By sampling the chemical signatures of volcanoes around this region, a scientific team from Swansea University and the University of Southampton in the UK hoped to learn more about this wild process. They found that the mantle beneath Afar is not uniform or stationary ; it pulses, and these pulses carry distinct chemical signatures. The study, entitled « Mantle upwelling at Afar triple junction shaped by overriding plate dynamics », was published in Nature Geoscience.

Our planet’s surface is in a constant state of renovation. The tectonic plates into which the planetary crust is divided are not fixed in position, but shift and collide and even slip underneath one another. The places at which they meet are usually hotspots of geological evolution, rampant with volcanic activity that is reshaping the surface from below.

The Afar junction is the point at which the Arabian, Nubian, and Somalian plates meet, each departing in their own directions to leave a widening gap under the Afar Triangle. Eventually, the crust will become so thin here that the surface will drop below sea level, creating a new ocean basin off the Red Sea.

Scientists suspect that mantle upwelling is playing a role in this continental breakup process, but our understanding of how it works is limited. We can’t dig down to have a close look, so the researchers looked at material that has been disgorged onto Earth’s surface from the mantle by way of volcano.

They collected 130 samples of volcanic rock from around the Afar region and the Main Ethiopian Rift, and conducted chemical analyses. They used these analyses combined with existing data to conduct advanced modeling to understand the activity under the Triangle. The results show distinct chemical bands or stripes that repeat across the rift system, delivered by a single, asymmetrical plume of material shaped by its environment and pushing upwards from the mantle. One of the scientists said that « the chemical striping suggests the plume is pulsing, like a heartbeat. » Moreover,

« these pulses appear to behave differently depending on the thickness of the plate, and how fast it’s pulling apart. In faster-spreading rifts like the Red Sea, the pulses travel more efficiently and regularly like a pulse through a narrow artery. »

If the team’s model is correct, it suggests that mantle plumes and upwellings can be shaped by the dynamics of the tectonic plates above them. The finding could be used to inform future research into the activity that is continually remodeling our planet.

The researchers have found that the evolution of deep mantle upwellings is intimately tied to the motion of the plates above. This has profound implications for the interpretation of surface volcanism, earthquake activity, and the process of continental breakup. The research shows that deep mantle upwellings can flow beneath the base of tectonic plates and help to focus volcanic activity to where the tectonic plate is thinnest. Follow-on research includes understanding how and at what rate mantle flow occurs beneath plates.

Source : The study in Nature Geoscience.

https://www.nature.com/articles/s41561-025-01717-0

Eruptions du Mauna Loa (Hawaii) en 1984 et 2022 : beaucoup de points communs // Many similarities

La dernière éruption du Mauna Loa a duré du 27 novembre au 13 décembre 2022. Les scientifiques de l’Observatoire des Volcans d’Hawaii (HVO) ont commencé à analyser cet événement, en particulier en le comparant à l’éruption de 1984.
Malgré le développement de nouvelles techniques de surveillance volcanique, de nombreuses incertitudes ont précédé la dernière éruption et la prévision éruptive précise ne semble pas pour demain. Par exemple, le personnel du HVO n’a pas été en mesure de dire si la hausse d’activité observée à l’automne 2022 allait déboucher sur une éruption. Aujourd’hui, personne ne peut dire si un jour les signaux de surveillance modernes indiqueront qu’une éruption est imminente.
Les 33 éruptions du Mauna Loa observées jusqu’à présent ont démontré certains schémas susceptibles d’être suivis par une nouvelle éruption, mais des changements significatifs ne sauraient être exclus. Toutes les éruptions du passé ont commencé dans la caldeira sommitale, et celle de 2022 a suivi ce schéma, comme le montre cette image thermique:

La moitié des dernières éruptions du Mauna Loa sont restées dans la zone sommitale et l’autre moitié a migré vers une zone de faille ou une bouche radiale. Il reste une grande question : si l’éruption migrait hors du sommet, quelle direction prendrait-elle ? Aucune réponse n’est possible tant que l’éruption ne s’est pas déclenchée. Une éruption sur la zone de rift sud-ouest aura un impact sur les infrastructures en quelques heures, alors qu’une éruption sur la zone de rift nord-est mettra des jours, des semaines ou des mois avant d’impacter les infrastructures en aval.

Les zones de rift du Mauna Loa

Tout au long de l’automne 2022, alors que le Mauna Loa montrait de nouveaux signes d’activité, le HVO a travaillé en étroite collaboration avec la Protection Civile pour informer et sensibiliser les habitants de l’île. Les deux organismes ont tenu des réunions publiques, accordé des interviews aux médias, publié des articles «Volcano Watch», diffusé des messages officiels et des publications sur les réseaux sociaux sur les incertitudes et les certitudes d’une éruption du Mauna Loa. (Voir ma note du 25 octobre 2022 à propos de ces réunions publiques).
Les autorités locales ont encouragé les habitants vivant ou travaillant sur les flancs du Mauna Loa à se préparer à l’éventualité d’une éruption. Par précaution, le Parc national des volcans d’Hawaii a fermé les sentiers de randonnée conduisant au Mauna Loa le 5 octobre 2022.

Lorsque l’éruption a commencé, dans la nuit du 27 novembre, les événements se sont déroulés de la même manière qu’en 1984. Des signaux sismiques indiquant une éruption imminente ont été enregistrés moins d’une heure avant chaque éruption. Les deux éruptions se sont produites au milieu de la nuit, sortant les scientifiques et les habitants de leur sommeil.
En 1984 et 2022, la lueur rouge émise par des fontaines de lave dans la caldeira sommitale a été visible depuis de nombreux endroits de l’île. La nouvelle de l’éruption s’est propagée rapidement, en 1984 par le bouche à oreille, en 2022 principalement via les réseaux sociaux.

En 2022, certains habitants près de la zone de rift sud-ouest ont choisi de quitter leur maison au cas où l’éruption migrerait dans cette direction. Heureusement, les éruptions de 1984 et de 2022 ont migré en quelques heures depuis le sommet vers la zone de rift nord-est où il n’y avait aucun danger immédiat pour les personnes ou les biens.

La météo a parfois empêché une bonne observation des deux éruptions. Malgré tout, les progrès technologiques depuis 1984 ont permis au HVO de fournir des images de l’éruption de 2022 quasiment en temps réel. De plus, l’Observatoire a déployé des webcams et une vidéo en direct accessible au public.

En 2022, la technologie moderne a permis à l’Observatoire de partager, en temps quasi réel, des cartes précises des coulées de lave grâce aux images satellitaires et aux survols de l’éruption.

Les modèles des coulées de lave ont utilisé des données morphologiques numériques pour évaluer leur trajectoire et les impacts potentiels. Ces informations ont été partagées lors de points de presse quotidiens en 2022, une stratégie de communication qui a également été utilisée lors de l’éruption de 1984.
Ces observations et d’autres documents ont été présentés lors de la réunion de l’IAVCEI qui se tient tous les quatre ans. En 2023, elle a eu lieu à Rotorua, en Nouvelle-Zélande, où le personnel du HVO a été invité à présenter des rapports sur la dernière éruption. Les présentations ont décrit l’évolution de l’éruption ainsi que le système magmatique. La cartographie et la modélisation des coulées de lave, ainsi que la coordination et la communication entre les agences ont également été développées.
S’agissant des chiffres, l’éruption de 1984 a émis environ 220 millions de mètres cubes de lave qui ont couvert environ 48 kilomètres carrés. L’éruption de 2022 a produit plus de 230 millions de mètres cubes de lave et a couvert une superficie de 36 kilomètres carrés. Le volume et la zone couverte sont proches des valeurs moyennes de toutes les éruptions historiques sur la zone de rift Nord-Est. Bien qu’elle ait été spectaculaire, l’éruption de 2022 a été très classique d’un point de vue scientifique.
Au final, les éruptions de 1984 et de 2022 n’ont pas eu d’impact important sur les infrastructures de la Grande Ile d’Hawaii,
Source : USGS/HVO.

Coulées de lave 1984 (gauche) et 2022 (droite)

Crédit photo: USGS / HVO

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The 2022 Mauna Loa eruption lasted from November 27th to Devcember 13th. It is now a good time for scientists at the Hawaiian Volcano Observatory (HVO) to reflect on this event, especially in comparison to the 1984 eruption.

Despite the development of new volcano monitoring techniques, there were many uncertainties leading to the recent eruption ansd accurate eruptive prediction is still a long way. For instance, HVO staff were unable to say whether the unrest observed during the autumn of 2022 meant an eruption would certainly occur. Nobody knows when modern monitoring signals will show signs of an imminent eruption.

33 previously observed Mauna Loa eruptions demonstrated certain patterns that a new eruption might follow if it erupted again, but significant changes cannot be excluded. All of the past eruptions began in the summit caldera, and the 2022 event followed this pattern.

Additionally, half of those previous eruptions stayed in the summit and half migrated to a rift zone or radial vent. A big question was : if the eruption migrated out of the summit, where would it go?

The question could not be answereds until the eruption happened. A Southwest Rift Zone eruption could impact infrastructure within hours, whereas a Northeast Rift Zone eruption would take days, weeks or months to impact infrastructure downslope.

Throughout the autumn of 2022, as Mauna Loa became more active, HVO worked closely with the County of Hawai‘i Civil Defense Agency to educate the island residents.  They held community meetings, gave media interviews, published “Volcano Watch” articles, official notices and social media posts about the uncertainties and certainties of a Mauna Loa eruption. (See my post of October 25th, 2022 about these meetings).

Local authorities encouraged residents living or working on the flanks of Mauna Loa to prepare for the possibility of an eruption. And as unrest continued, the Hawai‘i Volcanoes National Park closed Mauna Loa’s backcountry to hikers on October 5th, 2022.

When the eruption began, on the night of November 27th, events unfolded similarly to the 1984 eruption. Seismic signals indicating an impending eruption occurred less than an hour in advance of each eruption. Both eruptions occurred in the middle of the night, waking scientists and residents from their slumber.

In 1984 and 2022, bright glow from fountains within the summit caldera was visible around the island. Word of the eruption spread quickly, in 1984 via the coconut wireless and in 2022 mostly via social media.

In 2022, some residents living near the Southwest Rift Zone chose to self-evacuate in case the eruption migrated there. Fortunately, both the 1984 and 2022 eruptions migrated within hours from the summit to the Northeast Rift Zone, where there was no immediate danger to people or property.

Weather sometimes prevented observatory crews from making observations during both eruptions; however, technological advancements since 1984 allowed HVO to provide remote views of the 2022 eruption in near real-time. Furthermore, the observatory deployed webcams and a livestream video that were available to the public.

Modern technology allowed the observatory to share, in near real time, accurate 2022 flow maps, derived from satellite imagery and overflights.

Lava flow models used digital elevation models to evaluate lava flow paths and potential impacts. This information was shared during daily press briefings in 2022, a communication strategy that was also used during the 1984 eruption.

These observations and others were summarized at the IAVEI scientific assembly meeting that takes place every four years. In 2023, the meeting occurred in Rotorua, New Zealand, where HVO staff were invited to present talks on the recent eruption. Presentations described the buildup to the eruption, the magma system, flow mapping and modeling, and interagency coordination and messaging.

As far as figures are concerned, the 1984 eruption emitted about 220 million cubic meters of lava that covered about 48 square kilometers. The 2022 eruption produced 230 million cubic meters of lava and covered an area of 36 square kilometers. The volume and area covered was close to the average and median values for all historical Northeast Rift Zone eruptions. While it was spectacular to view, the 2022 eruption was ordinary by scientific standards.

Fortunately, both the 1984 and 2022 eruptions have not greatly impacted infrastructure on Hawaii Big Island,

Source : USGS / HVO.

Coulées de lave 1984 (gauche) et 2022 (droite)

Péninsule de Reykjanes : une éruption fissurale de longue durée? // Reykjanes Peninsula : a long-lasting fissure eruption ?

La carte géologique qui accompagnait ma note à propos de la 3ème fracture éruptive sur la Péninsule de Reykjanes montre parfaitement à quel point cette région est fracturée. Elle n’est que le reflet de la position de l’Islande sur la dorsale médio-atlantique et du phénomène d’accrétion généré par l’écartement des plaques tectoniques Eurasienne et Nord-Américaine.. Il n’est donc guère surprenant que le magma parvienne à d’infiltrer dans ces fractures et donne naissance à des éruptions fissurales comme celle qui se déroule en ce moment dans la Geldingadalur. Personne se sait pendant combien de temps la lave va s’écouler à la surface de la péninsule. Certains scientifiques avaient misé sur une éruption de courte durée. D’autres ont évoqué des éruptions beaucoup plus longues dans d’autres régions de l’Islande comme celles du Krafla dans le nord de l’île.

Le Krafla se situe lui aussi sur le rift médio-atlantique, à une dizaine de kilomètres au nord-est du lac Myvatn. La région est très active d’un point de vue volcanique et hydrothermal. Les nombreux panaches de vapeur visibles dans la région proviennent des forages géothermiques qui alimentent la centrale électrique toute proche.

Le Krafla est discret en altitude, ce qui s’explique par ses épanchements de laves basaltiques de type aa et plus rarement pahoehoe.

Le volcan a connu 29 éruptions historiques depuis le 17 mai 1724. La lave s’écoule en général le long d’une fissure orientée nord-sud, de plusieurs dizaines de kilomètres de long, dans une zone d’effondrement ou graben. La chambre magmatique se trouve à  3-7 km seulement sous la zone de la faille Elle est si peu profonde que la lave a jailli d’un forage géothermique profond de 1138 m, le 27 avril 1977.

Le 17 mai 1724, a débuté une éruption appelée  » Les feux de Myvatn  » qui a duré 5 ans jusqu’en 1729, en particulier à partir de Leirhnjúkur. Une longue fissure s’est ouverte le 11 janvier 1725 avec des coulées qui ont atteint Reykjahlíð. Trois fermes ont été détruites, mais l’église, construite sur une petite éminence a été épargnée.

En 1746 une nouvelle éruption a eu lieu au nord de Leirhnjúkur. La lave est sortie d’une fissure de 11 km de long. La surface totale recouverte par cette éruption a été de 35 km².

Plus récemment, de 1975 à 1984, une nouvelle série d’éruptions fissurales et de séismes a été observée dans la caldeira du Krafla, en particulier à Leirhnjúkur. Les coulées ont atteint une longueur de 19 km et une épaisseur maximale de 8 mètres. Pendant cette phase éruptive, on a pu mesurer plusieurs épisodes d’inflation et de déflation du plancher de la caldeira. Certains terrains se sont affaissés de 2 à 3 mètres après l’éruption. On a aussi mesuré un écartement des bords est et ouest de la caldeira de 900 mm pendant les 9 ans du cycle, démontrant ainsi que l’ouverture du rift est un processus discontinu.

Reste à savoir maintenant comment évoluera l’éruption sur la Péninsule de Reykjanes. Evénement de courte durée ? Ouverture de nouvelles fractures ? Fontaines de lave ? Eruption s’étendant sur plusieurs mois, voire plusieurs années ? Au stade actuel, les volcanologues n’ont malheureusement pas la réponse. Il faudrait peut-être s’adresser au petit peuple des elfes qui ont élu domicile dans certaines fractures et certaines cavernes. ..

Source : L.A.V.E., Guide des Volcans d’Europe (Krafft, De Larouzière).

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The geological map that accompanied my post about the 3rd eruptive fracture on the Reykjanes Peninsula perfectly shows how fractured this region is. It corresponds to Iceland’s position on the mid-Atlantic ridge and the accretion phenomenon generated by the separation of the Eurasian and North American tectonic plates. It is therefore hardly surprising that the magma should manage to creep into these fissures and trigger fissure eruptions like the one happening now in Geldingadalur. No one knows how long the lava will flow over the surface of the peninsula. Some scientists said it would be a short-lived eruption. Others have referred to much longer eruptions in other parts of Iceland such as the Krafla eruption in the north of the island.

Krafla is located on the mid-Atlantic rift too, about ten kilometers northeast of Lake Myvatn. The region is very active from a volcanic and hydrothermal point of view. The many steam plumes that can be seen in the area come from geothermal boreholes that feed the nearby power station.

Krafla is not a high volcano, which is explained by its basaltic lava type aa and more rarely pahoehoe effusions.

The volcano has gone through 29 historical eruptions since May 17th, 1724. Lava generally flows along a north-south oriented fissure, several tens of kilometres long, in a collapse zone called graben by geologists. The magma chamber is only 3-7 km beneath the fault zone.It is so shallow that lava gushed out of a 1,138 m deep geothermal borehole on April 27th, 1977.

On May 17, 1724, began an eruption called « The Myvatn Fires » which lasted 5 years until 1729, starting  from Leirhnjúkur. A long crack opened on January 11th, 1725 with lava flows that reached Reykjahlíð. Three farms were destroyed, but the church, built on a small hill, was spared.

In 1746 a new eruption took place north of Leirhnjúkur. Lava erupted from an 11 km long fissure. The total surface covered by this eruption was 35 km².

More recently, from 1975 to 1984, a new series of fissure eruptions and earthquakes were observed in the Krafla caldera, in particular at Leirhnjúkur. The lava flows reached a length of 19 km and a maximum thickness of 8 metres. During this eruptive phase, several episodes of inflation and deflation of the caldera floor were measured. Some land subsided 2 to 3 meters after the eruption. Scientists also measured a separation of the east and west edges of the caldera by 900 mm during the 9 years of the cycle, thus demonstrating that the opening of the rift is a discontinuous process.

There remains to be seen how the eruption will develop on the Reykjanes Peninsula now. Will it be a short-lived event? Will there be the opening of new fractures? Lava fountains? Will the eruption last several months or several years? At this stage, volcanologists unfortunately do not have the answer. Perhaps they should address the little elven people who have made their home in some fractures and caverns. ..

Source: L.A.V.E., Guide des Volcans d’Europe (Krafft, De Larouzière).

Vue de l’éruption dans la Geldingadalur (Capture image webcam)

Champ de lave du Krafla (Photo : C. Grandpey)

Site de Leirhnjúkur (Photo : C. Grandpey)

Energie hydrothermale dans la région du Krafla (Photo : C. Grandpey)

Les zones de rift du Kilauea (Hawaii) // Kilauea’s rift zones (Hawaii)

De nombreuses éruptions, que ce soit sur le Mauna Loa ou le Kilauea, se produisent dans des zones de rift, autrement dit de fractures à la surface du sol. C’est ce qui s’est passé en 2018 lorsque la lave est sortie dans la zone de rift est (East Rift Zone – ERZ) du Kilauea.
Ce volcan possède deux zones de rift. La zone de rift Est est longue ; elle s’étire sur une cinquantaine de kilomètres sur terre et environ 70 km sous le niveau de la mer. La zone de rift Sud-Ouest, qui est historiquement moins active, mesure environ 35 km de long et seule une petite partie se prolonge dans l’océan.

Les zones de rift sont des zones de faiblesse du volcan qui se forment dès le début de sa formation, probablement en raison de l’étirement de l’édifice au fur et à mesure de sa mise en place. Les zones de rift permettent au magma de migrer plus facilement depuis la région de stockage au sommet. Ce sont les éruptions successives des zones de rift qui mettent en place les flancs du volcan.
Les jeunes volcans hawaïens ont généralement deux ou trois zones de rift, selon qu’ils s’édifient ou non contre un volcan à proximité immédiate. Dans le cas du Kilauea, il n’y a que deux zones de rift, car le volcan s’appuie contre le flanc sud-est du Mauna Loa. Les deux zones de rift du Kilauea sont presque parallèles aux zones de rift du Mauna Loa, ce qui confirme l’appui du Kilauea contre son voisin. Les zones de rift séparent le flanc nord – relativement stable – du flanc sud qui est  plus mobile. Lorsque le magma pénètre dans la zone de rift, le flanc nord reste stable contre le Mauna Loa au nord tandis que le flanc sud du Kilauea est poussé vers le sud pour recevoir le nouveau magma.
À mesure que la pression augmente dans le système d’alimentation magmatique au sommet, des intrusions se produisent souvent dans la zone de rift, comme ce fut le cas en 2018 dans la partie inférieure de la zone de rift est, la Lower East Rift Zone (LERZ). Les intrusions s’accompagnent généralement d’une hausse de la sismicité lorsque le magma fracture le sol le long de son trajet. Les séismes ont leurs hypocentres à des profondeurs d’environ 2 à 4 km sous la surface et les périodes de forte sismicité peuvent durer plusieurs heures, voire plusieurs jours, en fonction de la progression de l’intrusion. En plus de la sismicité, on observe aussi des déformations du sol lors d’une intrusion magmatique dans une zone de rift. L’inflation au-dessus de l’intrusion est mesurée par des tiltmètres et des stations GPS qui révèlent un mouvement à la fois vertical et latéral au fur et à mesure que les stations s’éloignent de la zone de rift en phase d’inflation.
Tandis que le magma s’élève des profondeurs et se fraye un chemin à travers la roche, la fracturation se traduit à la surface du sol par de nombreuses fissures parallèles au-dessus de l’intrusion. Ces fissures continuent de s’élargir sous la pression du magma. Si l’intrusion atteint la surface, une ou plusieurs fissures vont s’ouvrir et laisser échapper la lave. Des rideaux de fontaines de lave et/ou des phénomènes de spatter apparaissent lorsque la lave jaillit des fissures. Lorsqu’une fissure évolue, on passe généralement d’une éruption linéaire à une éruption à partir d’une ou plusieurs bouches. Cela peut entraîner une augmentation de la pression dans le système éruptif, avec intensification des fontaines de lave.
Les fontaines de lave sont provoquées par la formation rapide de bulles de gaz lorsque le magma monte à de faibles profondeurs ; elles éclatent ensuite et projettent la lave sous pression vers la surface. Les bulles se forment parce que la pression à faible profondeur est suffisamment basse pour permettre au gaz dissous dans le magma de s’échapper, un peu comme des bulles qui se forment lorsqu’on ouvre une bouteille d’eau gazeuse. En plus des coulées, les fontaines qui jaillissent des fissures peuvent entraîner des accumulations de projections près de la bouche éruptive, ce qui donne naissance à des formations linéaires ou coniques. Les spatter cones que l’on rencontre souvent le long des zones de rift du Kilauea se forment de préférence lorsque l’activité éruptive persiste.

Quand l’éruption se termine, le magma de l’intrusion qui n’a pas atteint la surface redescend à l’intérieur de la zone de rift où il peut demeurer en fusion pendant des décennies. C’est ainsi qu’une lave de composition chimique semblable à celle de l’éruption de 1955 a été émise au cours de la première semaine de l’éruption de 2018 dans la Lower East Rift Zone, ce qui laisse supposer que la lave sortie des premières fissures était un magma résiduel de l’éruption de 1955.

Cela montre que les zones de rift jouent un rôle essentiel dans l’acheminement du magma dans l’édifice volcanique, mais elles peuvent aussi stocker du magma susceptible d’alimenter de futures éruptions.
Source: USGS / HVO.

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Many eruptions on both Mauna Loa and Kilauea occur alon rift zones . This is what happened in 2018 when lava eruped along Kilauea’s East Rift Zone.

Kilauea has two rift zones. The East Rift Zone is longer, with about 50 kilometres on land, plus approximately 70 kilometres below sea level. The Southwest Rift Zone, which is historically less active, is about 35 kilometres long with only a small portion underwater.

Rift zones are areas of weakness in the volcano which form early in its lifetime, likely due to spreading of the volcano as it settles. Volcanic rift zones provide the easiest pathways for magma to travel underground from the summit storage region, with successive eruptions from the rift zones building up the volcano’s flanks.

The youngest Hawaiian volcanoes typically have two or three rift zones depending on whether they are built up against a neighbouring volcano. In the case of Kilauea, there are only two rift zones because the volcano is buttressed against the southeastern slope of Mauna Loa. Kilauea’s two rift zones are nearly parallel to Mauna Loa’s rift zones reflecting this buttressing and the rift zones separate the relatively stable northern flank from the more mobile southern flank of the volcano. When magma intrudes into the rift, the northern flank remains stable against Mauna Loa to the north, and Kilauea’s southern flank is forced southward to accommodate the additional magma.

As pressure builds within the summit magma plumbing system, rift zone intrusions, like the 2018 intrusion into the lower East Rift Zone (LERZ), can occur. Intrusions are typically accompanied by increasing numbers of earthquakes as the magma fractures the ground along its path. The earthquakes are concentrated at depths of about 2 to 4 kilometres below the ground surface, and periods of increased seismicity can last several hours to days as the intrusion progresses. In addition to seismicity, ground deformation also occurs during a rift zone intrusion. Inflation above the intrusion is measured by tilt and GPS stations showing upward and outward motion as the stations move away from the swelling rift zone.

As the magma ascends and forces its way through the rock, fracturing is mirrored on the ground surface with many parallel cracks above the intrusion. These cracks continue to widen as the rift is forced open. If the intrusion reaches the surface, one or more fissures will open and erupt lava. Long curtains of lava fountains or spatter form as the lava erupts through cracks in the ground. As a fissure evolves, it typically transitions from erupting along a line to focusing at a single or several vents. This in turn can cause increased pressurization within the erupting system resulting in higher lava fountains.

Lava fountains are driven by the rapid formation of gas bubbles as magma rises to shallow depths, which then burst to create the pressurized lava at the surface. The bubbles form because pressure at shallow depths is low enough for the gas dissolved within the magma to escape, like bubbles forming when you open a carbonated drink. Beside lava flows, fissure fountains can produce spatter build-up adjacent to the vent in linear or conical formations. Spatter cones which are common along Kilauea’s rift zones, are likely to build when eruptive activity persists.

When an eruption ends, the intrusion’s un-erupted magma drains back into the rift zone where it can remain molten for decades. In fact, lava with a chemical composition similar to the 1955 eruption was produced during the first week of the 2018 LERZ eruption, suggesting that the early fissures were supplied by stored magma. This illustrates that rift zones are not only essential for the transportation of magma within the volcano, but are also storing magma that could feed future eruptions.

Source : USGS / HVO.

Zone de rift Est du Kilauea

Zone de rift Sud-Ouest du Kilauea

(Photos: C. Grandpey)