Le marégraphe de Marseille et l’élévation du niveau de la Méditerranée

Avec le réchauffement climatique, la fonte de la banquise et des glaciers, on parle beaucoup de la hausse du niveau des océans et de son impact sur les zones littorales. La France possède une référence dans ce domaine : le marégraphe de Marseille donne en permanence des indications précieuses sur l’évolution du niveau de la Mer Méditerranée.

Implanté en face de la villa Valmer, le marégraphe de Marseille appartient à l’État qui en confie la gestion à l’IGN. Le marégraphe a été construit en 1883-84 pour déterminer l’origine des altitudes en France continentale. Malgré son âge, ce n’est pas une pièce de musée. Le marégraphe de Marseille est intégré au réseau mondial GLOSS (Global Sea Level Observing System), composé de plusieurs centaines de marégraphes.

La série temporelle de mesures fournie par le marégraphe de Marseille est très longue. Elle couvre plus de 135 ans, pratiquement sans interruption, avec très peu de changements d’appareils et de modification de l’environnement des mesures. Elle permet d’établir une tendance robuste et fiable de l’élévation du niveau de la Méditerranée à Marseille depuis 1885.

Sous l’effet combiné de la dilatation thermique et de la fonte des glaciers et calottes polaires, le niveau moyen de la Mer Méditerranée a augmenté de 1,4 mm/an au cours du 20ème siècle, avec une forte accélération observée ces 20 derniers années ; jusqu’à 2,8 mm/an sur la période 1993-2018. Ainsi à Marseille le niveau de la mer a augmenté d’environ 20 cm depuis le début du 20ème siècle.

Si les émissions de gaz à effet de serre restent inchangées, la hausse moyenne du niveau de la mer en Méditerranée devrait encore s’accélérer au cours du 21ème siècle. Autour de 2100, le niveau moyen de la mer dans le bassin méditerranéen augmentera vraisemblablement dans une fourchette allant de 37 cm (neutralité carbone en 2050) à 90 cm (échec des engagements de la COP 21) de plus que le niveau observé à la fin du 20ème siècle.

Le littoral de la région Provence Alpes Côte d’Azur déjà fragilisé par l’artificialisation et les activités anthropiques est particulièrement vulnérable aux effets de l’augmentation du niveau de mer. Les conséquences sont multiples : accélération des phénomènes d’érosion littorale, exposition accrue aux vagues de submersion, intrusions salines (en particulier en Camargue), impacts sur la biodiversité marine et littorale. Ces conséquences auront bien sûr des impacts de plus en plus importants sur les infrastructures, le tourisme, la santé publique, la biodiversité, l’accès à l’eau, l’agriculture et l’élevage, notamment en Camargue.

Source : Groupe régional d’experts sur le climat en région Provence-Alpes-Côte d’Azur (GREC-SUD)

La hausse du niveau des océans de plus en plus préoccupante // Ocean rise is more and more a problem

L’élévation du niveau des océans est perçue comme l’une des conséquences les plus dangereuses du réchauffement climatique, avec le risque de rendre inhabitables des centaines de milliers de kilomètres de côtes et de déplacer plus de 100 millions de personnes dans le monde d’ici la fin du siècle.

L’ampleur de cette menace dépend de la hausse du niveau des océans au cours des prochaines décennies. Les estimations exactes de cette hausse restent aléatoires ; elles vont de 30 centimètres à plusieurs mètres. Cette différence est pourtant d’une importance cruciale car, selon les chiffres, elle implique le déplacement de dizaines de millions ou de centaines de millions de personnes.

Une nouvelle étude intitulée « L’élévation du niveau de la mer au 21ème siècle pourrait dépasser les projections du GIEC pour un avenir à fort réchauffement » a été publiée en décembre 2020. Elle explique que si le réchauffement climatique se poursuit au rythme actuel, l’élévation du niveau de la mer dépassera probablement les estimations qui viennent d’être mentionnées.

Depuis la fin des années 1800, le niveau de la mer a augmenté en moyenne d’environ 25 centimètres dans le monde, mais cette hausse varie d’une région à l’autre. Le siècle dernier, le principal facteur responsable de l’élévation du niveau des océans a été leur dilatation thermique.

Aujourd’hui, la fonte des calottes glaciaires, principalement du Groenland et de l’Antarctique, prend une autre proportion. En effet, il y a suffisamment de glace au Groenland et en Antarctique pour provoquer une élévation du niveau de la mer de 63 mètres si cette glace fondait dans sa totalité. Aucun scientifique ne s’attend toutefois à un tel événement au cours de ce siècle, mais on sait qu’une fois que les calottes glaciaires ont atteint un certain niveau de réchauffement, elles deviennent moins stables et moins prévisibles, avec des points de basculement qui entrent en jeu.

Dans le dernier rapport du GIEC sur le changement climatique, les projections d’élévation moyenne du niveau de la mer d’ici la fin du siècle vont de 40 à 60 centimètres, par rapport au niveau moyen de 1986 à 2005. La nouvelle étude parie sur une hausse supérieure et affirme que les projections du GIEC sont probablement trop basses. Le graphique ci-dessous, basé sur le rapport du GIEC, montre les différents facteurs participant à l’élévation du niveau de la mer. Les projections vont jusqu’à la fin du siècle. La contribution de l’Antarctique est indiquée en bleu turquoise.

Un autre article, également publié en décembre dans la revue Nature arrive à une conclusion identique en se basant sur le Groenland. En se référant aux derniers modèles utilisés pour le prochain rapport du GIEC, les auteurs ont constaté que dans un scénario de fort réchauffement, le Groenland pourrait ajouter 7,5 centimètres à l’élévation du niveau de la mer d’ici la fin du siècle, par rapport à l’ancien rapport du GIEC. Cette élévation supplémentaire du niveau de la mer serait due au réchauffement de 1 degré Celsius projeté par les nouveaux modèles climatiques de l’Arctique.

Ce qui préoccupe le plus les auteurs de la première étude, c’est le comportement non linéaire de l’élévation du niveau de la mer. Ces dernières années, la hausse du niveau des océans s’est accélérée. Dans les années 1990, les océans ont connu une hausse d’environ 2 millimètres par an. De 2000 à 2015, la moyenne était de 3,2 millimètres par an. Au cours des dernières années, le rythme s’est accéléré pour atteindre 4,8 millimètres par an. Au rythme actuel, on peut s’attendre à au moins 37 centimètres d’élévation du niveau de la mer d’ici 2100. En plus, comme cela a été le cas au cours des dernières décennies, le rythme d’élévation du niveau de la mer devrait continuer à s’accélérer pendant l’avenir prévisible. Il en ressort que 37 centimètres est une prévision probablement en dessous de la vérité.

Étant donné que la Terre s’est déjà réchauffée de plus d’un degré Celsius depuis la fin des années 1800, nous savons qu’une élévation substantielle du niveau de la mer est déjà en train de se produire, que nous arrêtions ou non le réchauffement climatique. Les scientifiques ne savent pas combien de temps cette hausse prendra, ni à quelle vitesse elle se produira. Toutefois, en extrapolant, les glaciologues expliquent que lorsque nous sommes sortis de la dernière période glaciaire, le niveau de la mer a augmenté à une vitesse pouvant atteindre 37 cm par siècle. Le fait qu’il y ait beaucoup moins de glace sur Terre aujourd’hui qu’il y a 20 000 ans signifie que l’élévation du niveau de la mer par degré Celsius serait probablement moins importante maintenant. Malgré tout, même avec un rythme d’élévation qui serait la moitié du maximum historique, on assisterait à une catastrophe sur notre  planète où vivent des milliards de personnes qui dépendent de la stabilité du niveau des océans.

Source: CBS News.

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Sea-level rise is known to be among the most dangerous consequences of global warming, with the risk of making hundreds of thousands of square kilometres of coastline uninhabitable and potentially displacing over 100 million people worldwide by the end of the century.

The magnitude of this threat depends on how much the oceans will rise in the coming decades. However, exact estimates remain elusive, ranging from 30 centimetres to several metres above current levels. That disparity is of crucial importance because it ranges between tens of millions of people and hundreds of millions forced from their homes

A new study entitled « Twenty-first century sea-level rise could exceed IPCC projections for strong-warming futures » and published in December 2020 warns that if global warming continues at the current pace, sea-level rise will probably surpass these projections.

Since the late 1800s, sea level has risen an average of about 25 centimetres globally, but the amount varies from region to region. Last century the largest contributor to the rise of the oceans was their thermal expansion. But now the melting of ice sheets, mainly from Greenland and Antarctica, constitutes a greater proportion, and that fraction will only grow.

Indeed, there is enough ice locked up in Greenland and Antarctica to cause a sea-level rise of 63 metres if it happens to melt. No scientist is expecting such an event this century, but after a certain level of warming, ice sheets become less stable and less predictable, with potential tipping points coming into play.

In the most recent IPCC report on climate change, the median sea-level rise projections by the end of the century range from 40 to 60 centimetres, as compared to the average sea level from 1986-2005. The new study bets on upper estimate, saying it is likely too low.

The graphic below, based on the IPCC report, shows the various contributors to sea-level rise. It is projected out to the end of the century. Antarctica’s contribution is shown in turquoise blue.

Another paper, also published in December in the journal Nature makes a similar case, focused on the evidence from Greenland. Employing the latest models used to inform the next IPCC report, the authors found that in a high-warming scenario Greenland may contribute an extra 7.5 centimetres to sea-level rise by the end of the century, when compared to the former version of models used by the IPCC. This extra sea-level rise is due to an additional 1 degree Celsius of warming projected by the new climate models in the Arctic.

A big concern of the authors of the first study for our future is the non-linear behaviour of sea-level rise. In recent years the pace of sea-level rise has been accelerating. In the 1990s the oceans rose at about 2 millimetres per year. From 2000 to 2015 the average was 3.2 millimetres per year. But over the past few years the pace has quickened to 4.8 millimetres per year. At the current pace, we can expect at least 37 more centimetres of sea-level rise by the year 2100. But, as has been the case for the past few decades, the pace of sea-level rise is expected to continue to increase for the foreseeable future. So,37 centimetres is extremely unlikely.

Considering that Earth has already warmed more than 1 degree Celsius since the late 1800s, we know that substantial sea-level rise is already baked in, regardless of whether we stop global warming. Scientists just don’t know exactly how long it will take to see the rise or how fast it will occur. But using proxy records, glaciologists can see that as we emerged from the last Ice Age, sea level rose at remarkable rates, as fast as 37 cm per century at times. The fact that there is a lot less ice on Earth today than there was 20,000 years ago means the amount of sea-level rise per degree would likely be less now, and the maximum pace may be tempered as well. But even a pace that is half the historical maximum would still be catastrophic to an Earth with billions of people who depend on stability.

Source: CBS News.

Accélération du niveau des océans au cours des dernières décennies (Source : John Englander)

Accélération de la hausse du niveau des océans // Sea level rise is accelerating

Selon une nouvelle étude récemment publiée dans la revue Proceedings (= Comptes-rendus) de l’Académie Nationale des Sciences, la hausse du niveau des océans s’est accélérée au cours des dernières décennies et n’a pas été progressive comme on avait tendance à la croire. L’étude s’est basée sur 25 ans de données fournies par les satellites de la NASA et de l’Agence Spatiale Européenne. Cette accélération, due principalement à la fonte intense du Groenland et de l’Antarctique, pourrait multiplier par deux la hausse totale du niveau de la mer d’ici à 2100.
Au train où vont les choses, le niveau de la mer augmentera de 65 centimètres d’ici à 2100, ce qui sera largement suffisant pour causer des problèmes importants aux villes côtières. L’un des auteurs de l’étude a déclaré: « Il s’agit certainement d’une estimation en dessous de la vérité ; en effet, notre extrapolation suppose que le niveau de la mer continuera à s’élever dans le futur comme il l’a fait au cours des 25 dernières années, ce qui est fort peu probable. »
Les concentrations de plus en plus importantes de gaz à effet de serre dans l’atmosphère entraînent une augmentation de la température de l’air et de l’eau, avec une hausse du niveau de la mer qui se produit de deux façons. Premièrement, l’eau plus chaude se dilate et cette «expansion thermique» de l’océan a contribué à environ la moitié des 7 centimètres de hausse moyenne du niveau de la mer au cours des 25 dernières années. Deuxièmement, l’eau de fonte de la glace sur Terre se déverse dans l’océan, ce qui contribue également à faire s’élever le niveau de la mer à travers le monde.
Ces hausses du niveau des océans sont évaluées à l’aide de mesures altimétriques satellitaires depuis 1992, notamment par les missions des satellites Topex / Poséidon, Jason-1, Jason-2 et Jason-3, gérées conjointement par plusieurs agences comme la NASA, le CNES, l’EUMETSAT et la NOAA. Le vitesse d’élévation du niveau de la mer depuis l’utilisation de ces satellites est passée d’environ 2,5 millimètres par an dans les années 1990 à environ 3,4 millimètres par an aujourd’hui.
«Les missions d’altimétrie Topex / Poseidon et Jason fournissent en informations l’équivalent d’un réseau mondial de près de 500 000 marégraphes, avec des données précises sur la hauteur de la surface de la mer tous les 10 jours depuis plus de 25 ans. Dans la mesure où l’on possède maintenant près de trois décennies de données, celles concernant la perte de glace terrestre au Groenland et en Antarctique apparaissent désormais dans les estimations mondiales et régionales du niveau moyen de la mer.
Même avec un ensemble de données s’échelonnant sur 25 ans, la détection de l’accélération de la hausse des océans n’est pas chose facile. Des épisodes tels que les éruptions volcaniques peuvent créer une variabilité. Ainsi, l’éruption du Pinatubo en 1991 a entraîné une diminution du niveau moyen de la mer à l’échelle mondiale, juste avant le lancement du satellite Topex / Poséidon. En outre, le niveau global des océans peut fluctuer en raison de phénomènes climatiques tels que El Niño et La Niña, qui influencent la température de l’océan et les régimes de précipitations sur Terre.
Les chercheurs ont utilisé des modèles climatiques pour tenir compte des effets d’éruptions volcaniques, ainsi que d’autres données pour déterminer les effets d’El Niño et La Niña, ce qui leur a permis de découvrir l’accélération de l’élévation du niveau de la mer au cours du dernier quart de siècle. L’équipe scientifique a également utilisé les données fournies par les marégraphes pour corriger les éventuelles erreurs dans les estimations altimétriques.
En plus de sa participation à des missions d’observation directe du niveau de la mer depuis l’espace, la NASA participe à un large éventail de missions et de campagnes sur le terrain et à des recherches qui contribuent à améliorer la compréhension des variations du niveau de la mer. Les campagnes aéroportées permettent d’effectuer des mesures sur les calottes glaciaires et les glaciers, tandis que la modélisation informatique améliore notre compréhension de la réaction de l’Antarctique et du Groenland face au réchauffement climatique.
En 2018, la NASA lancera deux nouvelles missions satellitaires qui seront essentielles pour améliorer les prévisions de variation du niveau de la mer. Un satellite continuera les mesures de la masse des calottes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique, tandis qu’un autre effectuera des observations très précises du niveau des calottes glaciaires et des glaciers.
Source: NASA.

L’étude complète se trouve à cette adresse: http://www.pnas.org/content/early/2018/02/06/1717312115

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According to a new study recently published in the journal Proceedings of the National Academy of Sciences, the global sea level rise has been accelerating in recent decades, rather than increasing steadily. The study is based on 25 years of NASA and European satellite data. This acceleration, driven mainly by increased melting in Greenland and Antarctica, has the potential to double the total sea level rise projected by 2100 when compared to projections that assume a constant rate of sea level rise,

If the rate of ocean rise continues to change at this pace, sea level will rise 65 centimetres by 2100, enough to cause significant problems for coastal cities. One of the researchers said: « This is almost certainly a conservative estimate. Our extrapolation assumes that sea level continues to change in the future as it has over the last 25 years. Given the large changes we are seeing in the ice sheets today, that’s not likely. »

Rising concentrations of greenhouse gases in Earth’s atmosphere increase the temperature of air and water, which causes sea level to rise in two ways. First, warmer water expands, and this « thermal expansion » of the ocean has contributed about half of the 7 centimetres of global mean sea level rise we have seen over the last 25 years. Second, melting land ice flows into the ocean, also increasing sea level across the globe.

These increases were measured using satellite altimeter measurements since 1992, including the Topex/Poseidon, Jason-1, Jason-2 and Jason-3 satellite missions, which have been jointly managed by multiple agencies, including NASA, CNES, EUMETSAT, and NOAA. The rate of sea level rise in the satellite era has risen from about 2.5 millimetres per year in the 1990s to about 3.4 millimetres per year today.

« The Topex/Poseidon/Jason altimetry missions have been essentially providing the equivalent of a global network of nearly half a million accurate tide gauges, providing sea surface height information every 10 days for over 25 years. As this climate data record approaches three decades, the fingerprints of Greenland and Antarctic land-based ice loss are now being revealed in the global and regional mean sea level estimates.

Even with a 25-year data record, detecting acceleration is challenging. Episodes like volcanic eruptions can create variability: the eruption of Mount Pinatubo in 1991 decreased global mean sea level just before the Topex/Poseidon satellite launch, for example. In addition, global sea level can fluctuate due to climate patterns such as El Niños and La Niñas which influence ocean temperature and global precipitation patterns.

The researchers used climate models to account for the volcanic effects and other datasets to determine the El Niño/La Niña effects, ultimately uncovering the underlying rate and acceleration of sea level rise over the last quarter century. The team also used tide gauge data to assess potential errors in the altimeter estimate.

In addition to NASA’s involvement in missions that make direct sea level observations from space, the agency’s Earth science work includes a wide-ranging portfolio of missions, field campaigns and research that contributes to improved understanding of how global sea level is changing. Airborne campaigns gather measurements of ice sheets and glaciers, while computer modelling research improves our understanding of how Antarctica and Greenland will respond in a warming climate.

In 2018, NASA will launch two new satellite missions that will be critical to improving future sea level projections. One satellite will continue measurements of the mass of the Greenland and Antarctic ice sheets; the other satellite will make highly accurate observations of the elevation of ice sheets and glaciers.

Source: NASA.

The complete study can be found at this address : http://www.pnas.org/content/early/2018/02/06/1717312115

Graphique montrant les dernières prévisions de hausse des océans jusqu’en 2100 (Source : University of Colorado-Boulder)